À la suite de la réforme initiée par Jean Picq, le Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN) a recentré ses activités sur sa fonction d’expertise, permettant au Premier ministre d’arbitrer en matière de défense entre les différents départements ministériels. Les autres activités du SGDN, comme la gestion de l’IHEDN ou le contrôle des embargos, ont été abandonnées en même temps que sa prétention à élaborer la politique de défense.

Le SGDN n’est pas un service de renseignement à part entière puisqu’il est dépourvu de capacité de collecte d’information en milieu fermé. Mais il peut opérer toutes les tâches d’analyse des enquêtes réalisées par les services spécialisés et des sources ouvertes, et élaborer toutes les synthèses utiles, à la demande du Premier ministre. En l’absence de direction centrale spécialisée, il joue aussi un rôle clef en matière d’intelligence industrielle et technologique.

Dans la pratique, et compte tenu de la haute technicité des questions de défense, il semble que le Premier ministre, après avoir rendu ses arbitrages sur la foi des expertises du SGDN, s’en remette au SGDN pour superviser la mise en œuvre de sa politique.

Les observateurs ne peuvent qu’être frappés du décalage entre la remarquable qualité des travaux du SGDN, son degré exceptionnel d’information et sa faculté d’anticipation d’une part, et, d’autre part, la pesanteur des départements ministériels concernés en général et des armées en particulier, ainsi que du retard intellectuel en cette matière des citoyens en général et de la classe dirigeante en particulier. Dès lors, il paraît indispensable, dans l’intérêt de la démocratie, que, hormis les documents relevant du " secret Défense ", les expertises du SGDN fassent l’objet de publications accessibles au public en général et aux parlementaires en particulier.

Le SGDN est dirigé par Isabelle Renouard, assistée du contre-amiral Jean Moulin (SGDN-adjoint), du capitaine Olivier Emmanuelli (aide de camp) et de Gérard Kauffmann (chargé de mission, contrôleur des Armées).

L’administration générale du SGDN est dirigée par Jean-Louis Stum (commissaire général de brigade aérienne).

Le SGDN est partagé entre ses locaux des Invalides (51, boulevard de Latour-Maubourg à Paris), et du 18, rue du Docteur-Zammenof à Issy-les-Moulineaux.

LE COMITE INTERMINISTERIEL DU RENSEIGNEMENT (CIR)

Il se réunit deux fois l’an, sous la présidence du Premier ministre (Lionel Jospin), assisté de son conseiller pour la sécurité (Louis Gautier). Il comprend le chef du cabinet militaire (général de brigade Louis Le Miere), le conseiller diplomatique (Jean-Maurice Ripert), le directeur de cabinet du président de la République (Bertrand Landrieu), le directeur général de la Police nationale (Claude Guéant), le directeur général de la DGSE (Jacques Dewatre), le secrétaire général de Défense nationale (Isabelle Renouard).

Le CIR décide de la répartition des fonds secrets alloués par le Premier ministre aux sept services de renseignement compétents en matière de défense et définit les objectifs nationaux de renseignement.

Les sept services compétents sont :

• au ministère de la Défense :

 la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) chargée du renseignement extérieur stratégique et des opérations clandestines ;

 la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) chargée des études stratégiques à long terme ;

 la Délégation générale pour l’armement (DGA) chargée du renseignement technologique ;

 la Délégation générale aux études (DGE) chargée des études prospectives ;

 la Direction du renseignement militaire (DRM), qui regroupe l’ex-CERM et les 2e Bureaux des trois armées, est chargée du renseignement militaire stratégique auprès du Chef d’État-major des Armées.

• au ministère de l’Intérieur :

 la Direction de la surveillance du territoire (DST).

• au ministère des Finances :

 la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).

[On notera que c’est la DNRED qui se charge, de manière fort insuffisante, de la lutte contre la pénétration de l’appareil d’État par les mafias. De même, on notera qu’en l’absence de direction du renseignement économique, cette attribution revient au pôle 4 du SGDN. Enfin, la Direction de la Protection et de la sécurité de la défense (DPSD), n’est pas représentée au CIR, car son activité se limite au contre-espionnage en milieu militaire.]

LE CONTRE DE TRANSMISSIONS GOUVERNEMENTALES (CTG)

Le CTG traite environ 4 000 messages sécurisés par jour. Il reste sous l’autorité du secrétaire général de la Défense nationale bien que ses personnels (180 personnes) soient désormais transférés au ministère de la Défense.

Le budget 1998 ne prévoit, pour le CTG, que 7,8 millions de francs en crédits de paiement (contre 14 demandés) et 8 millions de francs en autorisations de programme (contre 21 millions demandés).

2 millions seront affectés en priorité à la sécurisation de la ligne téléphonique entre l’Élysée et le Kremlin, prévue par un accord franco-russe de mai 1994 et qui n’a toujours pas été réalisée. 2 autres millions seront affectés au renouvellement de l’équipement informatique des liaisons chiffrées des attachés de Défense en poste dans les ambassades de France à l’étranger. En effet, le matériel actuel ne résiste plus aux nouvelles technologies d’interception et de déchiffrement dont disposent notamment les États-Unis. Est également considéré comme prioritaire le renouvellement du matériel assurant les liaisons téléphoniques entre le président de la République et le Premier ministre lors de leurs déplacements à l’étranger. En effet, le matériel actuel n’appartient pas à la génération des réseaux téléphoniques numériques mais commutés analogiques !

Les crédits 1998 ne permettront pas de créer un centre de " back-up ", c’est-à-dire de disposer d’un matériel en double permettant de prendre le relais en cas de panne ou de catastrophe.

LE PROGRAMME CIVIL DE DEFENSE (PCD)

C’est à hauteur de 11,9 millions de francs, sur le crédit du Programme civil de défense (PCD), que sera financé l’achèvement du Réseau InterMinistériel de BAse uniformément Durci (RIMBAUD). Ce réseau, doté d’équipements chiffrants, relie progressivement, depuis mars 1997, les hautes autorités nationales, les responsables administratifs et les responsables d’organismes ou de points sensibles d’importance vitale. Il est notamment protégé contre les impulsions électromagnétiques nucléaires.

C’est toujours sur les crédits du PCD, cette fois à hauteur de 4,4 millions de francs, que sera financé le Programme civil de lutte contre le terrorisme. Il faudrait équiper 1 200 sapeurs-pompiers, 2 000 policiers et gendarmes, et 60 SAMU pour faire face au terrorisme, notamment en matière de contamination chimique, biologique et nucléaire. Les crédits 1998 seront gérés par le ministère de l’Intérieur et ne permettront d’équiper que quelques sapeurs-pompiers, quatre équipes de déminage, le RAID, et le laboratoire central de la préfecture de police de Paris.

À la suite de la réduction de son budget, le SGDN s’est retiré du programme Démeter qui revient au ministère de l’Économie. Démeter vise, à l’intention des préfets, à regrouper sur un support unique un ensemble d’informations numériques et cartographiques concernant les ressources de chaque région (eau, grande distribution, filières agro-alimentaires, énergie transports, industrie, santé, informatique, circulation monétaire). Lancé en 1990, ce programme a déjà coûté 27 millions de francs mais n’a permis d’équiper que douze sites (Amiens, Limoges, Lille, Lyon, Marseille, Orléans, Paris-Bercy, Poitiers, Toulouse, etc.). La réalisation de Démeter emploie une vingtaine de correspondants régionaux, chargés de la collecte des données, et devrait nécessiter encore un investissement d’environ 30 millions de francs, répartis sur trois à cinq ans, sous réserve d’autorisation par la CNIL de l’interconnexion de diverses bases de données.

L’ORGANIGRAMME DU SGDN

Le nouvel organigramme du SGDN fait apparaître cinq pôles de compétences supervisant treize cellules et observatoires.

Secrétariat général

Secrétariat des conseils de Défense (16 fonctionnaires)

Secrétariat permanent du Comité interministériel du Renseignement (7 fonctionnaires)

Administration générale (47 fonctionnaires + 28 gendarmes)

Pôle 1

Défense et nation

Pôle 2

Affaires internationales et stratégiques

Pôle 3

Affaires juridiques et européennes

Pôle 4

Économie et défense

Pôle 5

Technologies et transferts sensibles

Cellule de protection du " secret Défense "

Cellule Intérêts nationaux fondamentaux

Cellule Affaires juridiques

Cellule Affaires industrielles de la défense

Cellule Exportation des matériels de guerre

Cellule Continuité de l’action gouvernemen-tale

Cellule Affaires économiques et financières de la défense

Cellule Sécurité des systèmes d’information

Observatoire Nation et défense

Observatoire des risques et menaces

Observatoire de la réglementation européenne

Observatoire de la compétitivité et de la sécurité économique

Observatoire de la prolifération nucléaire et des technologies sensibles

LES CINQ POLES DU SGDN

1- Le pôle Défense et nation

Directeur : Jean-Michel Roulet, 22 fonctionnaires.

Il assure la coordination interministérielle dans le domaine de la sécurité et de la continuité des moyens d’action du gouvernement, de la politique nationale de défense civile, de la conduite des programmes interministériels qui y concourent et de la protection des points et réseaux sensibles.

Il semble qu’à l’occasion de la conception du plan " Vigipirate "le pôle Défense et nation ait également développé, sous l’influence de l’OTAN, des études dite de " cohésion sociale ", relatives à " l’ennemi intérieur ", c’est-à-dire au contrôle des populations musulmanes, aussi bien françaises d’origine immigrée qu’étrangères.

En 1997, le pôle Défense et nation a ouvert en mode protégé le réseau Rimbaud. Il a animé les travaux interministériels sur la lutte contre le terrorisme nucléaire en vue de la conception du plan " Piratome ". Il a procédé à l’inspection de 43 points sensibles et à l’habilitation " secret défense "de 3 700 personnes. Il a participé aux réunions de coordination des services de renseignements de l’OTAN et de l’UEO. Il a également animé des réunions interministérielles sur l’abandon de la conscription, sujet sur lequel il a brillé par son impréparation.

En 1998, ce pôle devrait concevoir les plans connexes de " Vigipirate " : " Piratox "(lutte contre les attentats chimiques et biologiques), " Piratemer "(lutte contre la piraterie maritime), " Piratair "(lutte contre la piraterie aérienne), et " Piratome "(lutte contre le terrorisme nucléaire) déjà cité.

2- Le pôle Affaires internationales et stratégiques

Directeur : Béatrice Quincy (conseiller des affaires étrangères), 11 fonctionnaires.

Il coordonne, au niveau interministériel, la veille stratégique et évalue les risques et menaces en matière de défense et de sécurité extérieure. Dans la pratique, ce pôle effectue la synthèse des informations recueillies par le Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères et par la Délégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense.

En 1997, ce pôle a participé à la préparation des conseils de défense, des comités interministériels de renseignement, et de la réflexion sur l’évolution des structures en charge de l’intelligence économique. En outre, il suit les négociations sur la réforme de l’OTAN.

3- Le pôle Affaires juridiques et européennes

Directeur : Emmanuel Glaser (maître des requêtes au Conseil d’État), 3 fonctionnaires.

Il assiste, sur le plan juridique, les autres pôles quant à l’évolution des réglementations internationales, et participe à l’élaboration des textes législatifs et réglementaires.

En 1997, ce pôle a suivi la convention sur l’interdiction des armes chimiques et le traité sur l’interdiction des mines anti-personnel. Il a assuré la lente évolution de la réglementation en matière de cryptologie des télécommunications. Enfin il a assuré, sur le plan européen, une veille sur la sécurité des systèmes d’information et la politique d’armement.

4- Le pôle Économie et défense

Directeur : Jean-Luc de Boissieu (administrateur civil hors classe), 4 fonctionnaires.

Il coordonne, au niveau interministériel, les industries de défense, la programmation militaire et la coopération européenne en matière d’armement. Il a également en charge le secrétariat du Comité pour la compétititvité et la sécurité économique (CCSE). Cette instance consultative, chargée de l’intelligence économique, dispose d’un groupe de pilotage composé des directeurs centraux des neuf ministères concernés. Le Comité proprement dit se compose non pas de fonctionnaires mais de sept personnalités réunies sous la présidence du Premier ministre, ou par délégation sous celle du ministre des Finances : Henri Martre, Bernard Ésambert, Jean Gandois, Gérard Trémège, Jean-Luc Lagardère, André Lévy-Lang, Luc Montagnier. Le CCSE, créé en avril 1995, a été traversé, en 1996 et 1997, par des affrontements opposant ceux qui voudraient en faire un instrument d’intelligence économique à ceux qui entendent l’utiliser pour mettre en œuvre une politique économique.

Quoi qu’il en soit, le pôle Économie et défense s’efforce de responsabiliser les préfets et les chambres de commerce en matière d’intelligence économique.

5- Le pôle Technologies et transferts sensibles

Directeur : Michel Ferrier (ingénieur général de l’armement), 19 fonctionnaires.

Il veille sur toutes les questions relatives à l’exportation de matériels de guerre ou de technologies sensibles.

En outre, ce pôle exerce la tutelle du Service central de la sécurité des systèmes d’information (SCSSI), laquelle a absorbé l’ex-DISSI en 1996. Ce service est dirigé par le général Jean-Louis Desvigne et Mireille Campana. Ce service supervise la participation française aux négociations internationales sur les nouvelles technologies de communication et tente de préserver un contrôle national des logiciels et des canaux.

En 1997, le pôle Technologies et transferts sensibles a assuré le secrétariat de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) et mis en œuvre le système européen de contrôle des exportations à double usage. Il a suivi les négociations internationales sur la prolifération des armes de destruction massive et conduit une étude sur le devenir des matières nucléaires dans la perspective de la réduction des armements.