Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs, les ministres,
Mesdames, Messieurs les journalistes,
C’est donc la quatrième conférence de presse que je tiens, aujourd’hui, depuis mon élection. C’était un engagement que j’avais pris et qui consistait à rendre compte régulièrement, devant vous, donc devant les Français, de l’action que je mène.
Quelle est la situation en cette rentrée ?
Le monde affronte une crise particulièrement grave ou plutôt des crises qui se conjuguent, se renforcent les unes les autres. L’Europe est une nouvelle fois devant des choix cruciaux, au moment même où je m’exprime. Et la France s’interroge, dans un climat de défiance lourd, sur son avenir.
C’est à ces questions que je veux répondre aujourd’hui, en indiquant là où je veux conduire la France, avec le gouvernement de Manuel VALLS, et en livrant la conception que j’ai de mon devoir jusqu’à la fin de mon mandat.
Mon premier devoir, c’est d’assurer la sécurité de la France. J’en ai la responsabilité. Or, le monde, je le disais, est menacé. Menacé gravement par un terrorisme qui a changé de dimension. Un terrorisme qui n’a jamais disposé d’autant de moyens : financiers, militaires, humains. Un terrorisme qui prétend non plus simplement contester les Etats mais prendre leur place. Un terrorisme qui s’en prend à la population, bien sûr, la plus fragile, et quelle que soit sa religion.
Ce sont ces groupes que nous avons combattus, et d’ailleurs victorieusement, au Mali. D’autres agissent au Nigéria, en Lybie, en Somalie, mais c’est en Irak et en Syrie, que le danger est le plus grand. Le mouvement terroriste, que l’on appelle Daech, a prospéré dans le chaos syrien et, disons-le, aussi parce que la communauté internationale est restée inerte.
Je me souviens aussi des paroles que j’avais prononcées – c’était il y a un an – après que le régime de Bachar Al-ASSAD ait utilisé des armes chimiques. Les armes chimiques ne sont plus là, mais le terrorisme, lui, s’est engouffré dans la brèche. Il occupe de larges parties du territoire et maintenant en Irak.
Il massacre, toutes celles, tous ceux, qui lui résistent. Il chasse les minorités, notamment chrétiennes. Il commet des atrocités sur les civils, décapite des journalistes, crucifie même ses opposants, enlève des femmes. Voilà le mouvement auquel nous faisons face.
Les réfugiés se comptent par centaines de milliers, par millions même. Je n’oublie pas qu’il y a 200 000 victimes du conflit syrien. 200 000 ! Et beaucoup d’autres cherchent à fuir, comme ils peuvent, et essaient de traverser la mer Méditerranée au péril de leur vie.
Ce groupe terroriste, « Daech », attire, en plus, des combattants du monde entier. En France, près de 1 000 Français ou résidents en France ont rejoint ce groupe en Syrie et en Irak. Des jeunes endoctrinés, embrigadés, souvent même mineurs, risquent leur vie - 36 sont morts – et peuvent revenir avec les pires projets dans la tête. Chacun a en mémoire ce qui s’est produit au musée Juif de Bruxelles avec ces assassinats. Ce n’est pas seulement l’Irak qui est menacé, pas seulement le Moyen-Orient, c’est l’Europe, c’est le monde !
Je reviens d’Irak et notamment au Kurdistan irakien. Le Président BARZANI m’a dit qu’il avait retrouvé un char qui était occupé par des assaillants terroristes. Il m’en a donné la nationalité. Il y avait un Allemand, un Tchèque, un Russe et un Libyen. Voilà ce qu’est aujourd’hui ce mouvement : un mouvement qui vient de partout et qui veut conquérir des territoires.
La France a donc pris ses responsabilités. Au cours du mois d’août, j’ai autorisé la livraison d’armes aux Irakiens. Laurent FABIUS s’est rendu sur place pour que ces combattants, courageux, puissent endiguer le terrorisme. Vendredi, avec le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense, je me suis rendu en Irak pour y rencontrer les nouvelles Autorités légitimes. Elles m’ont demandé une seule chose, en plus de l’aide humanitaire et de l’aide matérielle que nous avions déjà fournies… Une seule chose : l’appui de la France pour des opérations de protection aérienne. Je leur ai indiqué, alors, ma disponibilité.
Lundi s’est tenue, à Paris, à l’initiative de la France et de l’Irak, une conférence internationale. Elle a fourni un cadre politique pour le soutien à l’Irak dans tous les domaines. Je les ai évoqués : humanitaire, sécuritaire, sanitaire mais aussi militaire. La menace a été également identifiée par le Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Ce matin, j’ai réuni le conseil de Défense et j’ai décidé de répondre à la demande des Autorités irakiennes pour accorder le soutien aérien. Notre but est de contribuer à la paix et à la sécurité en Irak en affaiblissant les terroristes. Je le dis, aussi nettement que j’affirme la nécessité de ce soutien et de cet appui aérien, nous n’irons pas au-delà : il n’y aura pas de troupes au sol et nous n’interviendrons qu’en Irak.
Conformément à la Constitution, le Parlement sera informé dès les premières opérations engagées, c’est à dire vite. Le Premier ministre réunira les Présidents des groupes parlementaires du Sénat et de l’assemblée nationale dès la semaine prochaine. Un débat pourra avoir lieu au sein des assemblées.
Voilà la décision que j’ai prise. Elle est fondée sur l’enjeu de notre propre sécurité. Elle suppose également que nous puissions lutter, ici en France, contre le terrorisme. A l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur – aujourd’hui retenu car il est auprès des victimes des intempéries dans l’Hérault tout au long de ces dernières heures – a fait adopter le projet de loi à la quasi-unanimité pour lutter contre les filières terroristes et pour faire en sorte que les jeunes ne puissent pas être embrigadés sur des lieux de combats où ils n’ont pas leur place.
J’ai entendu l’appel des parents, de ces mères, de ces pères, qui voyaient des jeunes filles, des toutes jeunes filles, partir sans savoir où elles allaient pour se retrouver sur un champ de bataille, quelque fois exploitées dans les pires conditions. Alors, nous devons agir dans le respect des libertés. Agir pour notre sécurité.
Le monde fait face à un autre fléau, très différent par sa nature, qui peut se révéler aussi désastreux si l’on songe aux nombre de victimes : plus de 2 500 au moment où je parle. Il s’agit de l’épidémie EBOLA. Là aussi, la France doit prendre ses responsabilités. Par solidarité à l’égard de l’Afrique – c’est bien le moins à l’égard de pays touchés qui sont des pays amis – mais aussi pour notre propre sécurité sanitaire. La solidarité, c’est souvent la meilleure façon d’assurer sa propre sécurité. Cela vaut pour l’ordre extérieur et cela vaut aussi pour l’ordre intérieur. Chacun doit avoir ce principe à l’esprit.
Cette épidémie frappe des populations vulnérables. Il y a des pays, trois notamment, qui sont désormais coupés et isolés. Ils ne peuvent plus avoir le moindre contact avec l’extérieur.
L’Organisation mondiale de la santé fait bien son travail. Médecins sans frontières remplit une tache remarquable. Une soignante française de cette organisation vient d’être touchée par la maladie. Elle est en voie de rapatriement, elle sera hospitalisée dans les meilleures conditions, ici à Paris. Je veux saluer tous ceux qui prennent ces risques pour que nous n’ayons pas de risque.
Mais, là encore, il faut une mobilisation internationale. L’Europe a dégagé 140 millions d’euros, c’est bien. La France y a également contribué. Les Etats-Unis sont intervenus massivement au Libéria en envoyant 3 000 personnes.
La France donc va également agir. Pas seulement par une aide financière – c’est déjà fait à la Guinée l’un des pays les plus concernés. Médecins sans frontières a déjà déployé des unités de soins. Je viens donc de décider d’installer, dans les jours qui viennent, un hôpital militaire en Guinée forestière, là où se situe le foyer principal de l’épidémie. Je demande au ministre de la Défense de coordonner cette action et d’associer les médecins militaires et la protection civile avec des moyens aériens, parce qu’ils sont indispensables. Là encore, il s’agit de sauver des vies et de protéger les nôtres.
Je pourrais, mais je ne veux pas être trop long dans cette introduction, évoquer d’autres tragédies, d’autres conflits : Gaza et ce qui s’y est produit pendant des jours et des jours ; la Libye et ce qui peut s’y produire avec ce chaos, avec ce risque d’éclatement… Je pourrais évoquer le Nigeria avec ces jeunes filles enlevées mais aussi des villes conquises au Nord par Boko Haram.
La France, sur tous ces sujets, est à l’initiative. Elle cherche, à chaque fois, à régler autant qu’il est possible les situations humanitaires. Elle l’a fait également en Centrafrique, dans un moment terrible qui pouvait conduire à un véritable génocide. Pour la Palestine, pour le conflit israélo-palestinien, nous serons aussi à l’initiative et je rencontrerai Mahmoud ABBAS demain.
Mais les risques et les tensions ne sont pas loin de l’Europe. Les tensions sont à côté de l’Europe, aux frontières de l’Union, en Ukraine, où des principes essentiels ont été mis en cause : l’intégrité territoriale d’un pays, le principe d’intangibilité des frontières… Ce conflit a fait 2 600 morts, des centaines de milliers de déplacés, comme un retour de « Guerre froide ».
La France – avec l’Allemagne et je veux souligner combien ce partenariat a été précieux – a tenté depuis le 6 juin, c’était le 70ème anniversaire du Débarquement, une médiation. Nous avons toujours montré que nous étions prêts et nous avons toujours essayé de tenir les deux bouts. Nous n’y sommes pas parvenus.
Reconnaissons-le, pendant tout un temps, l’Europe a été conduite encore récemment à prendre des sanctions. Mais elle a dit clairement que ces sanctions seraient levées, si le processus de règlement de la crise était engagé et appliqué et le cessez-le-feu respecté. Ces sanctions coutent à la Russie. Ces sanctions coutent à l’Europe. Cette politique coûte à la croissance.
Pour les Mistrals qui devaient être livrés à la fin du mois d’octobre, j’ai dit que, dans les circonstances actuelles, ce n’était pas possible. Mais si le cessez-le-feu est respecté, si le processus de règlement est achevé, alors ils pourront être livrés et le contrat exécuté. Mais nous n’en sommes pas là.
Il est dans l’intérêt de tous, et de la Russie notamment, qu’une solution soit trouvée. Nous sommes prêts – la France, l’Allemagne – à la chercher et même à l’organiser, à travers ce qu’on appelle, pour reprendre le souvenir de ce qui s’est fait le 6 juin, le « format Normandie ». Je pense que c’est l’intérêt de l’Europe et je pense que c’est l’intérêt de la Russie. Parce que la Russie peut être, doit être, un partenaire de l’Europe.
L’Europe, justement, est devant des choix cruciaux. D’abord, tout ce qui vient de se produire à côté d’elle (sur le continent), loin d’elle (au Moyen Orient, en Afrique) rappelle que l’Europe doit avoir une défense. Elle ne peut pas s’en remettre à d’autres – ou alors elle n’est plus un continent qui pèse. Elle ne peut pas non plus confier sa protection ou son autorité a quelques pays de l’Europe, la France notamment, pour que ces pays-là – la France – fassent le travail à sa place, avec une générosité accordée sur le plan politique et plus chichement distribuée sur le plan financier…
Je pense qu’une étape doit être franchie pour que les efforts soient coordonnés et le fardeau partagé ; pour qu’il y ait une véritable industrie européenne de défense. C’est la condition pour l’autonomie de l’Europe dans le cadre de ces alliances.
L’Europe doit être une protection. Elle ne l’est pas aujourd’hui. En tout cas elle n’est pas ressentie comme telle, ni par rapport aux excès de la mondialisation, ni par rapport aux mouvements de population venant de l’extérieur. Elle n’est pas davantage regardée comme une protection par rapport au respect des règles sociales, environnementales, ou même par rapport aux atteintes au principe de l’exception culturelle.
Alors si le projet européen se dilue… C’est une risque : la voie est ouverte, on la voit empruntée par les égoïstes, les populistes, les séparatistes. Voilà ce qui se produit en ce moment : cette conjugaison de forces centrifuges qui ont fini par perdre ce qu’était l’enjeu européen, pour d’abord se replier dans le cadre national, puis ensuite dans le cadre régional ; se faire plus petit pour soi-disant être plus fort… Le contraire même de ce qu’a été l’idée européenne !
Alors, après un demi-siècle de construction de l’Europe, nous rentrons – en tout cas, c’est un danger – dans un processus de déconstruction, pas simplement de l’Union européenne, mais des Etats eux-mêmes et de la solidarité intérieure comme extérieure. Tous les scrutins qui se sont produits, et notamment les élections au Parlement européen, ne sonnent plus comme des avertissements, mais comme des tocsins, y compris les élections régionales ici et ailleurs. Qui peut dire encore ce que sera le résultat du référendum en Ecosse, qui peut décider de l’avenir du Royaume-Uni, mais aussi de celui de l’Europe ?
Alors, le danger n’est plus, comme en 2012 lorsque je suis arrivé aux responsabilités, de voir la zone Euro se disloquer. Grâce aux décisions du Conseil européen, de la Banque centrale européenne, cette crise a été maitrisée. La monnaie unique a été préservée, les taux d’intérêt sont redescendus à un niveau historiquement bas.
Non, le danger, c’est l’enlisement des économies européennes dans la stagnation. C’est-à-dire un scénario de fin de croissance, l’austérité budgétaire se conjuguant avec un niveau élevé de l’Euro et la faible inflation s’ajoutant à la faible croissance. Est-ce que c’est cela l’horizon que nous voulons pour les générations, d’abord la nôtre et les suivantes ?
C’est pourquoi je place, depuis deux ans, l’enjeu de la réorientation de l’Europe pour que le retour nécessaire aux équilibres budgétaires s’adosse à une véritable politique de croissance et d’emploi. Nous commençons à être entendus. La Banque centrale européenne a pris des initiatives, il y a déjà eu des effets sensibles : baisse des taux d’intérêt ; niveau de l’Euro qui est revenu à une parité plus convenable et qui a permis, en fait, de gagner de la compétitivité pour l’Europe ; et puis, un financement supplémentaire donné à l’économie.
Oui, nous commençons à être entendus. Le nouveau Président de la Commission européenne a présenté un plan d’investissements de 300 milliards d’euros. Nous verrons bien ce qu’ils seront. Mais cela peut être un facteur positif pour la demande. Alors, le sommet de la zone Euro – que j’ai demandé et qui se tiendra le 24 octobre prochain – permettra à la France de faire valoir, une nouvelle fois, sa position. Nous ne serons pas seuls à l’exprimer.
Elle est simple cette position : l’Europe ne peut pas vivre durablement avec une croissance ralentie, quand il y a tant de chômage et tant de jeunes désemparés. L’Europe ne peut pas avoir pour objectif l’inflation zéro avec la croissance zéro… Horizon zéro ! Il ne s’agit donc pas de revenir sur les règles qui ont été fixées et que nous avons acceptées, pour réduire les déficits. Il s’agit d’utiliser toutes les flexibilités prévues par les traités pour les adapter aux objectifs de croissance et de création d’emplois.
La France ne demande pas un traitement à part en disant : « parce que nous sommes un grand pays, nous devons nous exonérer d’un certain nombre de nos disciplines. » Non. La France parle dans l’intérêt de l’Europe. La France va faire 50 milliards d’économies. Et ce n’est pas si facile ! Cela a été voté par le Parlement. Mais la France ne fera pas davantage parce que ce serait mettre en cause la croissance. De la même manière, la France ne va pas lever des impôts supplémentaires qui risqueraient de casser la reprise et surtout de désespérer les contribuables qui n’en peuvent plus. D’où les mesures que nous nous préparons à prendre.
Nos amis allemands ont parfaitement raison de nous rappeler, à chaque occasion, de faire des réformes. Nous en avons faites. Souvent, ils nous disent : « Faites les réformes que le Chancelier SCHRÖDER, un social-démocrate, avait engagées en son temps. » C’est une bonne référence, mais pas forcément traduisible dans toutes ses dimensions. Ce n’est pas le même système social… Et que l’on ne nous demande pas de faire en cinq ans – nous n’en sommes pour l’instant qu’à deux ans et demi – de faire en cinq ans ce que nos amis allemands ont réalisé en plus de dix ans, dans un environnement économique bien plus favorable, et sans aucune contrainte de déficit public. Nous sommes très forts, les Français, mais nous ne pouvons pas quand même faire deux fois mieux que les Allemands et deux fois plus vite !
Nous devons donc faire les réformes : être plus compétitifs, savoir engager un véritable dialogue social – ce que nous avons fait –, être capables de changer un certain nombre de règles (tout en préservant notre modèle social) et en même temps d’adapter la trajectoire de nos déficits.
L’Europe a besoin de la France, parce que nous sommes la deuxième économie de l’Europe. Nous avons des champions industriels. D’ailleurs, parfois certains viennent essayer de les acheter ! Nous avons un haut niveau de productivité, nous avons une démographie dynamique. Alors, la France, cela compte ! La France est prête à de nouvelles initiatives, non pas pour détricoter les traités, mais pour aller plus loin, avec l’Allemagne, dans des politiques intégrées comme la transition énergétique, le numérique et les infrastructures. Nous y sommes prêts.
Avec l’Allemagne – Manuel VALLS va se rendre bientôt en Allemagne, avec une partie du gouvernement – nous sommes prêts à dire que nous sommes favorables à une Europe à plusieurs vitesses, où le couple franco-allemand doit être le moteur de cette intégration, notamment sur cette question de la transition énergétique.
Je veux en venir à la France parce que c’est aussi l’essentiel.
Il y a un peu plus de deux ans, je suis arrivé aux responsabilités du pays, en pleine crise de la zone Euro, avec une croissance nulle, une compétitivité effondrée, des déficits partout et un Etat « en faillite ». Ce n’est pas moi qui l’ai dit… Ce constat, je ne l’ai pas inventé, il a été établi par la Cour des comptes, par le rapport GALLOIS et par tous les instituts.
Alors, aurais-je dû dire plus fort, plus vite (au risque d’ailleurs d’apparaitre me défausser) qu’en réalité il n’y avait plus rien à faire, tant la situation était dégradée ? Ou alors d’infliger au pays une purge ? Cette question n’a plus d’intérêt. Ce qui compte, c’est ce qui a été fait – et beaucoup a été fait avec le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT – et ce qui va se faire et est déjà fait avec le gouvernement de Manuel VALLS.
Mon seul objectif, je dis bien le seul, c’est que la France retrouve toutes ses forces pour aller de l’avant, pour prendre toute sa place dans la mondialisation et pour que les Français – oui, les Français, qui souffrent, qui s’inquiètent, qui se battent, qui entreprennent, qui luttent, et qui parfois attendent des résultats qui ne viennent pas – pour que les Français vivent mieux à la fin de mon quinquennat.
C’est pourquoi j’ai fait des choix. Ces choix, je les ai revendiqués. Ils sont cohérents avec ce que j’avais dit dans la campagne. Ces choix sont en même temps conformes à ce que je vis à la tête de mon pays et où je dois agir.
Quels sont-ils ces choix ?
C’est le choix de la compétitivité, parce qu’on ne peut rien construire, rien, sans qu’il y ait des entreprises solides, sans excellences industrielle et agricole, sans services performants. Soutenir les entreprises, c’est soutenir ceux qui y travaillent. C’est un choix irrévocable.
C’est le sens du pacte de responsabilité. Je ne m’attache aux mots. Le pacte de responsabilité et de solidarité, c’est un cadre pour que dans les trois ans qui viennent, chacun sache ce qu’il a à faire, ce sur quoi il peut compter, de manière à ce que des engagements soient pris et tenus. Cela vaut pour tous les signataires, notamment pour la partie patronale. Parce que le dialogue social, cela suppose qu’il y ait négociations et donc qu’il y ait des engagements mutuels.
Ce choix n’est pas facile. Il n’est pas facile devant les Français, alors qu’il y a tant de besoins insatisfaits. Ce choix n’est pas facile devant la majorité, qui aurait voulu que nous puissions distribuer davantage. Même si j’avais prévenu : deux ans et demi de redressement, deux ans et demi pour redistribuer... Reportez-vous à un très bon discours, celui du Bourget, cela y figure en toutes lettres ! Mais ces choix ne sont pas faciles, parce que ce qu’on consacre financièrement du côté des entreprises, forcément, on ne le met pas du côté des ménages.
C’est pourquoi j’ai veillé, avec le Premier ministre, à ce qu’il y ait aussi – et la majorité y a contribué – des choix qui puissent être faits du côté des ménages.
J’ai fait le choix aussi de maîtriser la dépense publique. Un plan exceptionnel – je l’ai rappelé – de 50 milliards d’euros ! Le niveau de la dépense de l’Etat – je ne pense qu’à la dépense de l’Etat – est exactement le même depuis trois ans, malgré l’inflation qui est faible, je le conçois. Il y a donc eu ces efforts. Aucun gouvernement, je dis bien aucun, ne les avaient réalisés précédemment. J’ai fait ce choix. Là aussi, j’aurais pu faire un autre qui nous aurait conduits à plus de déficit, plus de dette, plus d’emprunt !
J’ai fait le choix aussi de la justice sociale. L’accès à la santé a été, non seulement préservé, mais même favorisé. Les soins sont mieux remboursés. Les charges liées au vieillissement – un texte est en cours de discussion – sont mieux prises en compte. Les familles modestes, notamment monoparentales ont davantage été soutenues. Les salariés qui avaient travaillé longtemps ont pu partir à 60 ans parce que c’était la condition de la cohésion sociale.
Dois-je continuer ?
J’ai fait le choix de la jeunesse, c’était ma priorité. Cela l’est toujours pour l’Education nationale avec les moyens humains, c’est-à-dire ces enseignants qui permettent à nos enfants d’avoir l’espoir d’une vie meilleure. Je pense que l’éducation doit garder les mêmes valeurs, mais s’ouvrir profondément aux nouvelles technologies. C’est la raison pour laquelle le numérique va être généralisé. Le plan numérique va être, dès 2016, mis en œuvre dès le collège. Je considère que c’est à la fois une chance pour les enfants, une chance aussi pour les enseignants d’utiliser ces matériels. Une chance aussi d’avoir un contenu éducatif à travers le numérique, une chance pour l’économie d’avoir ces emplois qui soient préparés dès l’école.
Mais je ne vais pas m’attarder simplement sur l’éducation et l’école. Il y a aussi tout ce que nous devons faire par rapport aux décrocheurs, par rapport à ceux qui sont dans la plus grande difficulté. Il y a ce que nous allons faire, dans un autre domaine, avec les lycées professionnels, avec l’apprentissage, pour que nous puissions aller vers les métiers – pas les métiers d’hier, les métiers de demain.
Enfin, il y a un grand enjeu qui est celui de l’engagement. J’ai parlé des crises qui se produisent partout ailleurs… Il y a ce que nous pouvons faire ici dans notre propre pays. Le service militaire a été supprimé, il ne sera pas rétabli ! Mais le service civique est une grande idée. Nous devons l’élargir autant qu’il est possible, faire qu’il soit beaucoup plus accessible, qu’il y ait plus de missions, qu’il y ait plus de jeunes qui puissent y trouver leur plein accomplissement. Que cela donne aussi des droits, en particulier pour passer son permis de conduire ou avoir d’autres moyens d’accéder à la vie professionnelle. Je demande qu’il y ait là-dessus de la part du gouvernement un grand engagement pour le service civique.
J’ai fait le choix aussi de l’innovation et de la transformation : 34 plans industriels et surtout la loi sur la transition énergétique qui va être la grande affaire, la grande cause nationale, la grande cause internationale ! Nous allons changer une façon de faire de l’industrie, du bâtiment, des transports… Nous allons révolutionner un certain nombre de modes de vie. En même temps, nous allons être exemplaires parce que, dans un an, nous accueillons la Conférence sur le climat. Cela doit être l’occasion pour la France, pour l’Europe, de réussir ce que d’autres n’ont pas pu obtenir, c’est-à-dire un accord.
J’ai fait le choix de la République, enfin. Depuis que je suis élu, ici, Président de la République, la justice est indépendante, la presse est indépendante. Nous le voyons tous les jours. En tout cas moi ! Les principes d’égalité sont partout respectés : égalité entre les femmes et les hommes (une loi a été votée, mais cela ne suffit pas une loi ! Il y aura donc encore beaucoup à faire), égalité dans l’accès à tout ce qui fait la dignité humaine (je parle notamment pour les personnes handicapées). Et puis, le « mariage pour tous » !
La République, c’est aussi sa modernisation. On en parlait depuis tant d’années ! Le non cumul des mandats, la réforme territoriale va pouvoir, enfin, trouver sa place : moins de régions, mais des régions plus fortes, des départements qui pourront être, selon les populations, selon les territoires, des intercommunalités renforcées.
Et puis, dans la République, il y a de la transparence, de l’exemplarité. Il faut du temps pour que ces réformes se traduisent et surtout contribuent à changer les mentalités. Une affaire récente est là pour nous montrer l’efficacité de ces règles. Il n’y a pas davantage d’élus indélicats que par le passé – il y en a toujours eu, hélas, ce qui veut dire que tous les autres sont honnêtes – mais il y a aujourd’hui davantage de procédures qui permettent de les découvrir et donc de les sanctionner. Chacun doit en prendre conscience.
Les choses sont en train de changer. En cette rentrée, je veux que la Haute autorité qui nous a révélés ce qui s’est produit pour ce secrétaire d’Etat qui n’était pas digne de le rester et pas digne de rester non plus à l’Assemblée nationale, parce qu’il ne payait pas ses impôts. C’est la Haute autorité qui nous a permis de le savoir. Cette Haute autorité va rendre des rapports dans les prochaines semaines. S’il y a des situations, elles seront dénoncées, connues. Cette Haute autorité, si elle veut renforcer ses moyens, nous fera des propositions. Nous en tiendrons le plus grand compte.
Mais j’ai, là aussi, conscience que les dégâts sont lourds, que notre société est devenue défiante. Défiante à l’égard de tous les pouvoirs, défiante à l’égard même de l’avenir, minée par le chômage, l’incertitude, le doute, les inégalités, le sentiment d’abandon, de relégation des territoires… Les uns se sentent abandonnés parce que trop loin de tout ; les autres parce que trop près de tout, de l’insécurité, des violences, de la pollution.
Alors c’est l’avenir de la République qui est en cause quand il y a ce sentiment où l’appartenance n’est plus commune. On se réfugie soit dans l’isolement – combien de nos concitoyens ne voient plus personne, n’entendent plus personne, cherchent encore une parole, un échange ? Soit dans le communautarisme en pensant que c’est là qu’on peut avoir son identité ? Non.
C’est pourquoi je veux que notre politique mette l’égalité, la justice, l’exemplarité au cœur de son action. C’est ce que j’appelle le courage dans les réformes, c’est ce qui correspond à nos valeurs et aux exigences de la période.
Les résultats tardent à venir, je le sais, je le vois. Ils viendront. Ils viendront, si nous nous mobilisons tous. Je ne demande pas que les Français fassent le travail à la place du gouvernement… Le gouvernement doit faire tout ce qu’il peut et je fais à ma place tout ce que je dois. J’ai conscience que cette ligne que j’ai fixée, que cette ligne que j’ai tracée, que le cap que j’ai montré nous permettra d’avoir des résultats, j’espère avant 2017. Mais ce qui compte, dans la vie politique pour le moins, c’est de faire son devoir. Et quelquefois on sert l’avenir plutôt que le présent.
Je veux aussi insister sur les alternatives. Il y en a toujours, il n’y a jamais qu’une politique, c’est faux ! J’en vois d’autres qui peuvent nous faire concurrence.
La première, c’est sortir de la zone Euro, fermer les frontières, chasser tout ce qui est étranger. C’est un choix, il est proposé, ce n’est pas le nôtre. Quand je dis « le nôtre », celui de la France, celui de ses valeurs, celui de l’Europe…
Deuxième proposition alternative, casser le modèle social. J’entends 100 milliards, 150 milliards d’économies, de baisses de dépenses… On ne nous dit pas lesquelles mais on peut supposer : la fin des 35 heures – cela a été proposé – la retraite à 65 ans, le droit du travail abandonné, le CDI supprimé… Qu’est-ce que cela voudrait dire, même s’il me paraît peu probable que cette politique puisse être un moment mise en œuvre ? Mais cela signifierait des inégalités accrues, de la précarité, du chômage, une croissance étouffée.
Il y a une autre politique aussi – il y a toujours d’autres politiques, je ne vais pas ici en faire la promotion – de dire : « mais finalement, il faudrait fuir dans les déficits, dans la dette ». Mais pour combien de temps ? Cela a été tenté. Je rappelle qu’en 2009, il y avait 7% de déficit par rapport à la richesse nationale. Est-ce qu’on se portait mieux ? C’était la crise et la récession. Alors on peut finir dans les dettes, être rattrapé par les contraintes financières… Très peu pour moi !
Je veux terminer. Je suis au milieu de mon mandat, mon but n’est pas d’attendre en espérant que la conjoncture viendra enfin produire les résultats qui sont attendus. Mon devoir – avec le gouvernement qui a toute ma confiance, avec le Premier ministre Manuel VALLS – c’est d’agir pour que toutes les réformes utiles soient menées – je dis bien toutes les réformes utiles – pour faire réussir la France.
Si nos institutions donnent de la durée, cinq ans, c’est parce que ceux qui les ont conçues et ceux qui les ont pratiquées tout au long de ces dernières années, savaient pertinemment qu’elles permettaient de tenir bon contre les vents et les marées – je connais ! – et de faire ce que l’intérêt du pays exige.
Mesdames et Messieurs, je crois en la France. Quand je vois le regard que l’on porte sur elle partout où je me déplace, partout où le gouvernement se rend ; quand je vois quel est l’intérêt que l’on porte à nos entreprises, grandes mais même aussi petites qui se battent ; quand je vois comment est appréciée la technologie et la recherche française, les créations, la culture, les fabrications de produits mais également nos biens alimentaires, les paysages, le patrimoine…, peu de pays ont autant d’excellence !
Je ne veux pas faire de comparaison, je ne veux pas me fâcher, mais je pense que nous avons énormément d’atouts. Les handicaps, nous les connaissons, mais parlons de nos atouts, parlons de nos forces, parlons de ce qui nous fait fierté, de ce qui nous rend dans l’espérance.
Mon seul souci, c’est de mettre la France en avant. La majorité de l’Assemblée nationale a donné sa confiance au gouvernement. Le gouvernement n’y était pas contraint mais c’était une clarification nécessaire. Cette majorité peut être plus large… Rien n’empêche de poursuivre le débat, de l’enrichir, d’améliorer ce qui est proposé, mais dans le cadre qui est fixé, dans la ligne qui est tracée. Parce que sinon il n’y a plus rien de compréhensible, plus rien qui permette aux Français de comprendre là où nous allons. Tous les concours sont les bienvenus, y compris les propositions de l’opposition. Pas seulement les critiques, je les connais déjà, même si chacun se souvient que ceux qui les émettent ont gouverné pendant 10 ans.
Pour ce qui me concerne, je n’ai pas d’autre enjeu, d’autre ambition, d’autre volonté que de servir mon pays, de lui assurer sa sécurité (ce que je viens de décider), de lui garantir son avenir (ce que le gouvernement fait à travers sa politique), de préserver notre rang, l’influence, le rayonnement de la France (ce que nous devons toujours avoir à l’esprit), et enfin de rassembler les Français, de façon à ce que chaque citoyen – quels que soient son parcours, son origine sociale, son lieu de vie, sa situation – puisse être considéré et respecté.
Tel est, en cette rentrée, ma tâche. Elle consiste aussi à répondre à vos questions.
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