Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Élus, les Parlementaires,
Monsieur le Chef d’État-major des armées,
Monsieur le Chef d’État-major de l’armée de l’air,
Mesdames et Messieurs.
Je suis sur la base aérienne d’Istres, une base de l’armée de l’air. Vous m’accueillez aujourd’hui et je tiens à rendre hommage en cette circonstance aux pilotes, navigateurs, mécaniciens qui ont payé de leur vie, ont été durement touchés dans leur chair, il y a moins d’un mois, lors de ce terrible accident survenu en Espagne, à Albacete.
Une fois encore, nos armées ont payé un lourd tribut pour la sécurité de notre pays. Je tiens une fois encore, à rendre hommage aux personnels militaires qui se dévouent pour l’indépendance de la France.
C’est le sens même de ma visite ici.
L’armée de l’air démontre tous les jours, sa capacité à assurer la protection du territoire national contre d’éventuelles attaques venues du ciel. L’armée de l’air est également capable de déployer des moyens puissants, loin de la métropole, pour des opérations extérieures. C’est une des réponses que nous apportons, à notre place, dans la limite de nos engagements, à la lutte contre le terrorisme. L’armée de l’air peut frapper des cibles hostiles, comme elle le fait en Irak ou au Sahel. L’armée de l’air enfin, contribue à la mise en oeuvre de la dissuasion nucléaire, et c’est l’objet du discours que je veux prononcer, aujourd’hui, devant vous.
J’appartiens à une génération qui a eu la chance inestimable de ne pas avoir connu la guerre sur le sol de son pays. Mon père, mon grand-père avaient connu la guerre, les guerres. Né au début des années 50, j’ai eu cette formidable chance, en effet, d’être épargné par ces conflits. Mais, en même temps, ce qui s’est passé à l’est de l’Europe, depuis un an, nous rappelle que la paix ne doit jamais être considérée comme acquise.
De la même manière, la course aux armements a repris dans de nombreuses régions du monde, avec une augmentation importante, rapide même, des dépenses militaires et des arsenaux, dans un contexte de montée des tensions. Il y a des États qui investissent dans des technologies, qui peuvent être de nature à fragiliser les équilibres stratégiques que nous connaissons. Plusieurs développent même, des logiques d’influence, de menaces, dans leur environnement proche, terrestre ou maritime.
Aussi, et c’est particulièrement grave de le constater, la possibilité de conflit étatique, nous concernant directement ou indirectement, ne peut pas être écartée. Dans le domaine du nucléaire militaire, de nouvelles puissances sont apparues ces vingt dernières années. D’autres cherchent à émerger, et les États qui avaient été, jusqu’à présent, dotés d’arme nucléaire et qui professaient l’urgence de leur désarmement, ont même accru leur capacité avec le développement de nouvelles composantes nucléaires ou la poursuite de production de matière fissile pour les armes.
En parallèle, des arsenaux tactiques se renforcent, qui laissent craindre un abaissement du seuil d’emploi de l’arme nucléaire. Dans ce contexte, que doit faire la France ? Appeler toujours à l’organisation d’un monde plus sûr ; c’est ce que fait notre diplomatie. Mais la France doit être lucide. Elle sait qu’il ne suffit pas de proclamer le désarmement nucléaire immédiat et total, il faut que la réalité des actes de chacun soit cohérente avec les discours.
La France a donc décidé de lutter contre une des menaces les plus graves qui pèse sur la stabilité du monde, la prolifération des armes de destruction massive.
Tout accroissement du nombre d’États possédant l’arme nucléaire est un risque majeur pour la paix ; dans les régions concernées d’abord, mais aussi pour la sécurité internationale.
C’est le sens de la position que nous avons adoptée depuis déjà plusieurs mois pour ne pas dire plusieurs années, dans les négociations avec l’Iran. Si je voulais résumer ce qu’est notre attente par rapport à cette négociation, c’est très simple : oui au nucléaire civil, non à l’arme nucléaire. Le problème est que pour l’instant l’Iran ne nous a pas encore démontré qu’il voulait renoncer à la bombe. Mais dès qu’il le fera, l’accord sera conclu.
De son côté, la Corée du Nord a réalisé un troisième essai nucléaire il y a deux ans. C’est aussi inacceptable qu’inquiétant.
Mais il n’y a pas que la prolifération nucléaire, il y a aussi la prolifération chimique, biologique et des vecteurs qui sont associés.
En Syrie, c’était à l’été 2013, un tabou fondamental de notre système de sécurité collective a été brisé, puisque le régime de Bachar Al-Assad a employé des armes chimiques contre sa propre population. Il a fallu la menace de recourir à la force, pour que soit engagée la destruction des stocks, usines et armes chimiques, déclarés par le régime de Bachar Al-Assad.
Ce processus est aujourd’hui terminé. Mais je ne suis pas pour autant complètement rassuré, car il reste des zones d’ombre et il est hautement probable que des bombes contenant du chlore aient été larguées, il y a moins d’un an sur des villages syriens.
Prolifération ; menace globale sur le monde. Prolifération ; forcément menace sur la France.
Certes, la France ne se sent pas directement agressée, elle n’a pas d’ennemi déclaré, mais nous avons vu, je le rappelais, au cours des douze derniers mois, la crise ukrainienne, la montée en puissance de Daesh, l’attaque informatique d’une ampleur inégalée contre SONY ; des surprises donc, voire des ruptures sont possibles. Et la réapparition d’une menace étatique majeure pour notre pays, ne peut être exclue.
Alors en tant que chef de l’État, j’ai le devoir impératif de prendre ces menaces en compte, car rien ne doit atteindre notre indépendance. Le contexte international n’autorise aucune faiblesse. Et c’est pourquoi, le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde.
Je vous l’ai dit, c’est ma responsabilité en tant que président de la République, en tant que chef des armées. En la matière, comme l’avait dit le président François Mitterrand, le chef de l’État est le premier citoyen en France à avoir son mot à dire et à décider.
La dissuasion nucléaire vise à protéger notre pays de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne, et quelle qu’en soit la forme. J’ajoute que pour la France, l’arme nucléaire n’est pas destinée à remporter un avantage quelconque dans un conflit. En raison des effets dévastateurs de l’arme nucléaire, elle n’a pas sa place dans le cadre d’une stratégie offensive, elle n’est conçue que dans une stratégie défensive.
La dissuasion, c’est aussi ce qui nous permet de préserver notre liberté d’action et de décision en toute circonstance, parce que c’est elle qui me permet d’écarter toute menace de chantage d’origine étatique qui viserait à nous paralyser.
La France est l’un des rares pays au monde dont l’influence et la responsabilité se situent justement à l’échelle planétaire ; parce que la France peut exercer ses responsabilités ; parce que chacun sait que lorsque la France parle, elle peut passer à l’acte. Les forces de dissuasion permettent de garantir que les engagements internationaux de la France seront toujours honorés, même si l’emploi de l’arme nucléaire n’est concevable que dans des circonstances extrêmes de légitime défense.
Nos forces nucléaires doivent être capables d’infliger des dommages absolument inacceptables pour l’adversaire sur ses centres de pouvoir, c’est-à-dire, sur ses centres névralgiques, politiques, économiques et militaires.
C’est la responsabilité suprême du président de la République d’apprécier en permanence la nature de nos intérêts vitaux et les atteintes qui pourraient y être portées.
L’intégrité de notre territoire, la sauvegarde de notre population constituent le coeur de nos intérêts vitaux. Quels que soient les moyens employés par l’adversaire étatique nous devons préserver la capacité de notre nation à vivre. Tel est le sens de la dissuasion nucléaire.
Néanmoins, je ne peux exclure qu’un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux. C’est pourquoi je veux rappeler ici, que la France peut, en dernier ressort, marquer sa volonté à défendre nos intérêts vitaux par un avertissement de nature nucléaire ayant pour objectif le rétablissement de la dissuasion.
La définition de nos intérêts vitaux ne saurait être limitée à la seule échelle nationale, parce que la France ne conçoit pas sa stratégie de défense de manière isolée, même dans le domaine nucléaire. Nous avons affirmé à de nombreuses reprises, avec le Royaume-Uni, avec lequel nous avons une coopération sans équivalent, cette conception. Nous participons au projet européen, nous avons construit avec nos partenaires une communauté de destin, l’existence d’une dissuasion nucléaire française apporte une contribution forte et essentielle à l’Europe. La France a en plus, avec ses partenaires européens, une solidarité de fait et de coeur. Qui pourrait donc croire qu’une agression, qui mettrait en cause la survie de l’Europe, n’aurait aucune conséquence ?
C’est pourquoi notre dissuasion va de pair avec le renforcement constant de l’Europe de la Défense. Mais notre dissuasion nous appartient en propre ; c’est nous qui décidons, c’est nous qui apprécions nos intérêts vitaux.
Je veux également préciser ce qui est notre relation avec de nombreux États qui, parties au Traité de non-prolifération, demandent des garanties contre le recours ou la menace de recours aux armes nucléaires. C’est une aspiration légitime. La France a fait une déclaration unilatérale, qui n’enlève rien à son droit à la légitime défense, et le Conseil de sécurité en a pris acte en 1995. La France a confirmé ses engagements au titre de la mise en oeuvre des zones exemptes d’armes nucléaires dans plusieurs régions du monde. C’était nécessaire.
Aujourd’hui, je réaffirme solennellement que la France n’utilisera pas d’armes nucléaires contre les États non dotés de l’arme nucléaire, qui sont parties au Traité de non-prolifération et qui respectent leurs obligations internationales de non-prolifération des armes de destruction massive.
Je veux également préciser notre relation avec l’Alliance Atlantique. L’Alliance Atlantique a une vocation nucléaire et les forces stratégiques indépendantes, comme la France et le Royaume-Uni en disposent, ont un rôle spécifique à jouer et contribuent à la dissuasion globale.
Ce constat, fait par tous, n’implique pas de changement de posture de notre pays. La France ne participe pas aux mécanismes de planification nucléaire de l’OTAN et la France ne participera pas à ces mécanismes. Ce principe demeurera. En revanche, la France souhaite contribuer à la définition de la politique nucléaire de l’Alliance. À cet égard, tous les pays membres de l’OTAN doivent faire preuve de constance et de détermination dans cet engagement.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais dire sur les fondements même de notre politique de dissuasion.
Je veux maintenant en arriver aux forces qui permettent de la mettre en mouvement et en ordre. Il y a maintenant plus de cinquante ans, en application d’un décret du président de la République, créant les forces aériennes stratégiques, un Mirage IV prenait pour la première fois l’alerte avec une bombe nucléaire. Depuis cet acte décisif, pas un jour, pas une heure, sans que la permanence de la dissuasion nucléaire n’ait été assurée par nos forces. Je tiens ici à rendre hommage aux militaires et aux civils qui garantissent la crédibilité de notre dissuasion et ainsi, la sécurité de nos compatriotes.
Par définition, la dissuasion s’exerce en permanence. Que serait une dissuasion par intermittence ? En cinquante ans, c’est vrai, le monde a profondément changé et nos forces aussi. Pour assurer cette permanence, il fallait que nous les adaptions continument, en capacité comme en volume, à l’évolution des menaces qui pouvaient viser notre nation.
La France a ainsi fait le choix - c’était en 1996 - de supprimer une de ses composantes, la composante sol/sol, en fermant le plateau d’Albion et en démantelant les missiles de courte portée. Nous avons conservé deux composantes, l’une aéroportée, l’autre océanique. Cela ne nous a pas empêchés de réduire le volume de nos forces, pour les maintenir à un niveau de stricte suffisance. C’est ce principe de stricte suffisance qui fonde aussi l’organisation de notre force de dissuasion.
Alors, il y a des voix qui s’élèvent régulièrement pour s’interroger sur le maintien de ces deux composantes, pour contester le programme de simulation pour les essais ou la nécessité de la permanence en mer des SNLE, de nos sous-marins. Ces débats sont légitimes dans une société démocratique, et je ne veux pas les écarter de la main, mais il faut aussi que nous soyons capables de justifier nos choix et donc, de revisiter régulièrement les nécessités de la dissuasion.
Pour ce qui me concerne, je me détermine à partir du seul enjeu qui vaille : la sécurité ultime de la France. J’ai donc décidé de maintenir une composante océanique et, une composante aéroportée. Aucune n’est dédiée à l’atteinte d’un objectif qui lui serait propre. Toutes deux concourent à l’ensemble des missions de la dissuasion et c’est leur complémentarité qui permet au chef de l’État de disposer, à tout moment, de la gamme d’options nécessaires et suffisantes et de ne jamais être tributaire d’un seul type de moyens.
Je m’explique. La composante océanique, par la permanence à la mer de nos sous-marins, leur invulnérabilité, la portée des missiles, constitue un élément clé de la manoeuvre dissuasive, puisqu’un agresseur potentiel, tenté d’exercer un chantage contre la France, doit avoir la certitude qu’une capacité de riposte sera toujours opérationnelle et qu’il ne pourra, ni la détecter, ni la détruire. C’est l’intérêt, l’utilité de la composante océanique.
La composante aéroportée assure également la permanence de la dissuasion avec les forces aériennes stratégique. À leur côté, la force aéronavale nucléaire, mise en oeuvre depuis le porte-avions Charles-de-Gaulle, offre d’autres modes d’actions. La composante aéroportée donne, en cas de crise majeure, une visibilité à notre détermination à nous défendre, évitant ainsi un engrenage vers des solutions extrêmes. Voilà l’intérêt des deux composantes, si je puis dire une qui ne se voit pas et une autre qui se voit.
Il convient aussi de maintenir les capacités et la crédibilité de ces deux composantes. Ce qui suppose de traduire dans les faits, c’est-à-dire dans les armes, les évolutions technologiques dans le domaine de la défense aérienne, de la défense antimissiles, de la détection sous-marine.
La loi de programmation militaire est justement celle qui nous permet de poursuivre l’adaptation des SNLE, nos sous-marins, aux M51, qui nous permet de mettre en service la tête nucléaire océanique à partir de 2016, de lancer les études de conception du SNLE de troisième génération et de remplacer, d’ici à 2018, les derniers Mirage 2000N par des Rafale emportant le missile ASMPA. Par ailleurs, la loi de programmation militaire a engagé le renouvellement de la flotte des avions ravitailleurs : 12 avions Phénix ont été commandés et les deux premiers seront livrés à partir de 2018.
Cette loi de programmation a donc veillé à préparer, à adapter, à traduire les engagements que j’avais pris pour assurer la fiabilité et la sûreté de notre force de dissuasion. Car, ma responsabilité, est d’anticiper mais aussi, de préparer l’avenir plus lointain qui sera le renouvellement de nos composantes. Ce qui fait le sens de l’action pour le chef de l’État, ce n’est pas simplement de préparer éventuellement à affronter des menaces pour aujourd’hui, c’est de faire en sorte que notre pays, bien après même que le président ne sera plus en exercice, celui-là, un autre y sera, pour qu’il y ait cette continuité, cette chaine qui ne peut pas être interrompue dans l’adaptation de nos forces pour la dissuasion.
J’ai donc fait en sorte aussi, s’agissant de la composante océanique, de lancer des adaptations futures du missile M51, pour permettre que le tonnage des futurs sous-marins reste très proche de celui nos Triomphant. Des études ont été également réalisées pour explorer ce que pourra être le successeur de l’ASMPA. Les technologies les plus exigeantes seront mises en oeuvre pour, en particulier, être encore plus efficaces dans les domaines de la vitesse des matériaux et de la furtivité.
J’ai parallèlement, donné instruction au Commissariat à l’énergie atomique de préparer, à l’échéance de leur fin de vie, l’évolution nécessaire des têtes nucléaires. Et puis, il y a ce qui doit être fait pour renouveler les armes, sans effectuer d’essais nucléaires. C’est donc le programme de simulation qui est en pleine conformité avec le traité d’interdiction complète des essais nucléaires.
Mais là encore, je veux rappeler solennellement les engagements. La France ne produit pas et ne produira pas de nouveaux types d’armes nucléaires. Je voudrais donc saluer l’extraordinaire défi scientifique et technique que représente ce programme de simulation. La direction des applications militaires du CEA respecte toutes les échéances de ce projet, tout en maitrisant la dépense.
L’année 2014 a ainsi vu les premières expériences au laser mégajoule dans l’installation EPURE. Là encore, pour ce programme de simulation, essentiel pour préparer l’avenir, nous menons une collaboration stratégique avec le Royaume-Uni. Nous nous sommes engagés à coopérer pour une durée d’au moins cinquante ans, en partageant deux installations de simulation, l’une en France, l’autre au Royaume-Uni. Nous pourrons bientôt inaugurer les premières réalisations, moins de cinq ans après la signature du traité de Lancaster House, ce qui permet, une fois encore, de saluer tous les efforts qui ont pu être accomplis.
Alors, j’entends dire aussi que le budget de la dissuasion nucléaire aurait été épargné des efforts d’économies demandés à nos armées, comme s’il était souhaitable d’entretenir je ne sais quelle compétition au sein de notre défense. Comme si faire en sorte que nous puissions préserver la force de dissuasion serait contradictoire avec les autres missions confiées à nos armées. Je tiens donc à répondre à ces éventuelles interrogations.
Le contexte budgétaire est contraignant pour toutes les dépenses, y compris pour les dépenses militaires, dans les dépenses militaires, pour toutes les armes. Nous avons néanmoins, dans la loi de programmation, sanctuarisé les crédits qui sont nécessaires, aussi bien pour la force de dissuasion que pour les armements conventionnels. Ceux qui sont chargés de gérer cette dépense liée à la dissuasion ont été amenés à faire des efforts de réalisme, comme les autres, mais sans jamais transiger sur la crédibilité, l’autonomie, la fiabilité, dès lors qu’il s’agit, à travers la force de dissuasion, de la survie et de la souveraineté de la France.
J’ajoute un autre argument. La dissuasion nucléaire est complémentaire de nos moyens conventionnels et elle exerce un effet d’entrainement sur l’ensemble de notre appareil de défense. Ainsi, certains moyens qui concourent à la dissuasion sont directement utilisés pour nos opérations conventionnelles ou classiques. Je pense aux satellites de renseignement, aux avions de chasse, aux avions ravitailleurs, aux sous-marins nucléaires d’attaque, aux frégates anti-sous-marine, aux chasseurs de mines.
Je veux donner une autre illustration. Les chasseurs des forces aériennes stratégiques ont des capacités que l’on dit duales. Ils ont réalisé, ces avions, environ le quart des frappes effectuées lors des opérations en Libye et au Sahel. Ces mêmes avions à la capacité duale interviennent aujourd’hui en Afrique et en Irak et contribuent tous les jours à l’alerte de défense aérienne.
Enfin, la dissuasion stimule nos efforts de recherche et de développement et contribue à l’excellence et à la compétitivité de notre industrie. C’est parce qu’il y a eu ces recherches qu’il y a eu des innovations. C’est parce que nous avons été capables d’être au plus haut niveau sur le plan de la dissuasion nucléaire, que nous avons pu diffuser, dans l’industrie, des savoir-faire, des technologiques incomparables qui ont été au service de l’économie et donc de l’emploi.
Mais on ne peut pas justifier simplement par la volonté de stimuler l’économie ou de créer des emplois des dépenses militaires. Les dépenses militaires doivent avoir un fondement par rapport à l’enjeu même qu’elles représentent, c’est-à-dire la sécurité de la France, la défense de nos intérêts, la promotion même de nos valeurs, ce qui fait que nous sommes la France.
Ce n’est pas une charge comme les autres, la défense, la sécurité ! Ce n’est pas simplement un investissement, même si ça peut avoir ce caractère ! C’est ce qui nous permet d’être libres.
Dans un monde dangereux - et il l’est - la France n’entend pas baisser la garde. Mais en même temps qu’elle est prête à se défendre, elle ne veut pas pour autant renoncer à l’objectif même du désarmement, y compris du désarmement nucléaire. La France, c’est une puissance de paix, et c’est pourquoi elle se défend, pour la paix ! La France est ce qu’on appelle un État doté au sens du traité de non-prolifération nucléaire, c’est-à-dire qui nous reconnaît comme un État disposant d’armes nucléaires. Et cette situation nous confère des responsabilités particulières. Je partage donc l’objectif, à terme, de l’élimination totale des armes nucléaires, mais j’ajoute : quand le contexte stratégique le permettra. La France continuera d’agir sans relâche dans cette direction. Elle le fera avec constance, avec transparence, avec vérité, j’allais dire avec sagesse et en bonne intelligence avec les alliés.
Le désarmement nucléaire ne peut pas être une incantation ou même une invitation ! Il doit être démontré et d’abord par l’État qui le proclame. La France a été exemplaire, en application du principe de stricte suffisance. Elle a donc réduit, ces dernières années, de moitié le nombre total de ses armes. De moitié ! Elle a diminué d’un tiers la composante nucléaire aéroportée. Elle a renoncé au missile sol-sol. Nous n’avons pas parlé du désarmement ; nous l’avons fait jusqu’au point nécessaire. La France a été exemplaire en termes d’irréversibilité. Elle ne s’est pas contentée d’arrêter les essais nucléaires, mais elle a aussi arrêté la production d’uranium et de plutonium pour les armes nucléaires. Elle a entièrement démantelé les installations correspondantes, faisant désormais reposer la dissuasion sur un stock limité de matière nucléaires. La France a été exemplaire quant au volume de son stock d’armes, c’est-à-dire 300. Pourquoi 300 ? Parce que cela correspond à l’évaluation que nous faisons du contexte stratégique.
Si les niveaux des autres arsenaux, notamment russes et américains, devaient un jour descendre à quelques centaines, la France en tirerait des conséquences, comme elle l’a toujours fait. Mais nous en sommes loin encore aujourd’hui.
Je veux encore aller plus loin dans la transparence, que ce soit sur notre doctrine, c’est ce que je fais aujourd’hui, devant vous, donc devant le monde entier ; transparence aussi sur nos arsenaux et sur nos efforts concrets de désarmement. C’est la raison pour laquelle je ne crains pas d’informer que la France dispose de trois lots de 16 missiles portés par sous-marins, et de 54 vecteurs ASMP1. Et je souhaite que tous les États disposant de l’arme nucléaire fasse le même effort de vérité, celui que je fais devant vous, pour toutes les catégories d’armes de leur arsenal nucléaire.
Dans ce même esprit de transparence, de vérité, la France proposera très prochainement la visite des nouveaux sites qui n’accueillent plus d’armes nucléaires ; le plateau d’Albion, où les silos qui abritaient la composante sol-sol sont complètement démantelés, la base de Luxeuil dont les dépôts de stockage d’armes sont maintenant vides, et là aussi je souhaite que ce geste inspire l’attitude d’autres puissances nucléaires, avec des visites auxquelles nos experts pourront agréablement se rendre.
Il est également important de déclarer un moratoire sur la production des matières fissiles pour les armes, et de démanteler les installations de production de ces matières, ainsi que les sites d’essai nucléaire. Toute chose, là aussi, que la France invite une nouvelle fois tous les pays disposant de l’arme nucléaire à faire eux aussi.
Enfin l’outil diplomatique de la France, la politique étrangère de la France, restent pleinement mobilisés en faveur du désarmement et c’est particulièrement vrai à quelques semaines de la conférence d’examen du traité de non-prolifération. Notre première priorité, dans le cadre de cette discussion, demeure l’entrée en vigueur au plus tôt du traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Je le dis d’autant plus aisément que la France a fait la démonstration que la renonciation complète, irréversible aux essais nucléaires était compatible avec le maintien d’une dissuasion crédible. Et ce message doit être porté auprès de tous nos partenaires.
Notre seconde priorité, c’est l’arrêt définitif de production de matières fissiles pour les armes. Cela fait des années qu’on en parle, mais la négociation n’a pas pu encore démarrer, faute d’accord des principaux États concernés. Et c’est pourquoi j’appelle aujourd’hui tous les pays dotés de l’arme nucléaire à engager sans attendre cette discussion sur l’arrêt total de la production de matières fissiles. Et la France proposera dans les semaines à venir un projet de traité ambitieux, réaliste et vérifiable, sur ces questions.
Je tenais à venir ici à Istres pour faire cet exercice de vérité, de transparence, et en même temps, de reconnaissance de ce qu’est la force de dissuasion pour notre pays. Pour réaffirmer l’enjeu fondamental qu’elle représente, cette dissuasion nucléaire, pour la sécurité de la France. Elle n’est pas toute la politique de défense. Elle est complémentaire de ce que nous avons à poursuivre dans tous les domaines pour assurer la protection de notre territoire, pour mener des opérations extérieures, pour assurer la promotion de ce que nous représentons, et également pour lutter contre le terrorisme, où qu’il se situe.
La crédibilité de la force de dissuasion réclame une rigueur et un professionnalisme, j’allais dire hors du commun, et c’est ce dont vous faites preuve, parce que vous avez poussé jusqu’à la perfection, dans les entraînements spécifiques que vous effectuez, cette exigence de haute qualité, de savoir-faire et de maniement des technologies les plus sensibles. Et c’est la raison pour laquelle devant vous, je veux vous exprimer toute la confiance de notre pays. C’est toute notre nation qui sait ce qu’elle vous doit, qui sait ce qu’elle doit à la Force de dissuasion, qui témoigne ainsi, de sa reconnaissance. Car ce que vous faites, ce que la Force de dissuasion permet, c’est d’assurer à une nation, à la France, à votre pays, ce qu’il y a de plus cher, de plus précieux, de plus essentiel, c’est-à-dire son indépendance. Et il n’y a pas d’indépendance s’il n’y a pas de liberté pour choisir son destin. La force de dissuasion, c’est ce qui nous permet d’avoir la capacité de vivre libres et de pouvoir, partout dans le monde, porter notre message, sans rien craindre, sans rien redouter, parce que nous sommes sûrs de la capacité que nous avons à nous défendre.
Indépendance, liberté, capacité à faire prévaloir nos valeurs, voilà pourquoi nous devons chaque jour, assurer la permanence de la dissuasion nucléaire et être capables, à chaque instant, d’en améliorer encore l’organisation, le fonctionnement et les armes.
Vive la République et Vive la France.
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