Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de participer à la sixième conférence de presse depuis le début de mon mandat, en présence du Premier ministre et des membres du gouvernement.
En cette rentrée, il y a des images, il y a des événements, il y a des situations qui frappent à la porte de nos consciences.
Il y a d’abord l’héroïsme de passagers d’un train d’Amsterdam à Paris qui maîtrisent un terroriste prêt à tout ; il y a le patrimoine de l’Humanité qui est détruit à Palmyre ; il y a des réfugiés par milliers sur les routes d’Europe ; il y a un enfant sans vie, le visage posé sur le sable d’une plage turque, enfant martyre, symbole des 3 000 naufragés qui ont trouvé la mort au bout de leur chemin depuis le début de l’année.
Alors, face à ce qui peut faire naître de l’émotion, de la compassion, mais aussi de l’inquiétude, il nous revient et il me revient, de répondre à l’urgence et surtout de faire des choix, ceux qui compteront le moment venu pour le jugement de l’Histoire. Mais des choix qui doivent également dessiner notre avenir.
Le premier de ces choix, c’est de faire face à l’afflux des réfugiés, des déplacés avec humanité et responsabilité. Depuis le début de l’année, 350 000 personnes ont franchi la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. C’est beaucoup, c’est trois fois plus que l’année dernière. C’est une crise, elle est dramatique, elle est grave, elle peut être maitrisée et elle le sera.
C’est le devoir de la France. Le droit d’asile fait partie intégrante de son âme, de sa chair. C’est l’histoire qui appelle cette responsabilité et cette humanité, l’histoire marquée par des générations d’exilés ou de réfugiés qui sont venus au cours des décennies passées faire France avec nous.
Le droit d’asile, c’est aussi un principe fondamental de nos institutions. Il est inscrit dans le préambule de la Constitution : « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la Liberté a droit d’asile sur le territoire de la République ».
Ce principe a même été intégré dans la Constitution lorsqu’il s’est agi de savoir si Schengen était compatible avec nos lois. Ce principe est rappelé dans les règles qui fondent l’Union européenne. C’est pourquoi face à ces drames, face à cette situation, j’ai proposé avec la chancelière Angela MERKEL, un mécanisme permanent et obligatoire d’accueil des réfugiés pour répartir l’effort entre tous les pays européens. Le mot important est « obligatoire » parce que c’est ce qui fait la différence avec ce qui s’est fait ou plutôt ce qui ne s’est pas fait ces derniers mois.
La France est disposée à prendre sa part. La Commission européenne propose —ou va proposer— de répartir 120 000 réfugiés sur les deux prochaines années. Ce qui représentera pour la France 24 000 personnes. Nous le ferons. Nous le ferons parce que c’est le principe sur lequel, je considère, la France est engagée. Nous le ferons parce que c’est la proposition que nous avons nous-mêmes, établi et que nous souhaitons faire adopter par l’ensemble des européens.
De nombreux maires, des collectivités, des associations, les cultes et puis aussi des particuliers se sont mobilisés pour d’ores et déjà, assurer cet asile. Je salue ces initiatives. Elles doivent être coordonnées, organisées de manière digne et sérieuse. Pour y parvenir le ministre de l’Intérieur réunira les maires concernés samedi prochain et le Premier ministre aura à mettre en œuvre l’ensemble des politiques qui découlent de ces choix.
Si la France fait son devoir, la réponse est européenne, la réponse est globale. La condition pour agir efficacement est la mise en place de contrôles aux frontières de l’Union —en Italie, en Grèce, en Hongrie— avec des centres d’identification et d’enregistrement pour accueillir, mais aussi pour établir la distinction entre ceux qui relèvent du droit d’asile et ceux qui doivent être raccompagnés de façon digne. C’est la condition pour que les frontières extérieures de l’Europe puissent être protégées, c’est la condition aussi pour accueillir avec humanité les réfugiés.
Mais, regardons la réalité en face. Il y a 4 millions de déplacés dans des camps en Turquie, en Jordanie, au Liban et des centaines de milliers dans la Corne de l’Afrique. Si nous voulons éviter l’exode de ces populations, l’enjeu est de fournir une aide humanitaire massive aux pays, aux grandes associations, au Haut-Commissariat pour les réfugiés pour que ces personnes restent au plus près des pays qu’ils ont fui.
Nous devons aussi agir avec les pays d’origine et de transit, mettre en place là aussi, des centres qui peuvent accueillir ceux qui veulent fuir pour d’autres raisons - notamment économiques - et élaborer une véritable politique de codéveloppement. Ce sera l’objet du Sommet de la Valette le 11 novembre prochain, la France y fera des propositions.
Mais il faut sans doute élever encore le niveau de la responsabilité. Il faut savoir que la question des réfugiés, des déplacés est d’abord une question qui concerne, qui touche les pays du Sud et non pas comme on le croit —ou on le fait croire— les pays du Nord. Cette question des déplacés, des réfugiés, touche bien sûr l’Afrique, le Moyen-Orient compte tenu des guerres et des crises, elle touche aussi d’autres continents y compris l’Asie. Alors nous ferons la proposition d’une conférence internationale pour les réfugiés et nous sommes prêts à l’accueillir, à Paris.
Mais je reviens sur ce que nous avons à faire en Europe. La France et l’Allemagne depuis plusieurs semaines avec les ministres de l’Intérieur et les ministres des Affaires étrangères, préparent ce plan global. Il sera donc soumis au Conseil des ministres de l’Intérieur, le 14 septembre prochain. Je veux que ces orientations, si elles n’ont pas reçu l’accueil qui a permis de convaincre tous les pays avec des règles simples mais efficaces, que le Conseil européen soit saisi.
Sur ces conclusions, ces orientations, ces propositions, le gouvernement organisera un débat au Parlement sur le sujet des réfugiés dans les jours qui viennent.
Nous connaissons les causes de ces malheurs, de ces horreurs auxquelles nous voulons répondre par l’honneur et l’action. Ces causes, ce sont le terrorisme, la guerre. Nous devons donc parallèlement —et c’est le choix que j’ai fait— lutter contre les terroristes, ici en France et sur les lieux mêmes où il est installé.
En France, le plan Vigipirate a été porté à son niveau le plus élevé. La Loi Renseignement a été votée. La surveillance des moyens de transport a été renforcée. La lutte contre l’endoctrinement intensifiée. Et là aussi, je dois la vérité aux Français : des tentatives d’attentat sont empêchées, déjouées, dissuadées, mais le risque existe toujours, tant que le fondamentalisme, le djihadisme entretiendront la haine.
Le terrorisme ne vient pas de nulle part. Il a ses origines, son idéologie, ses organisations. La plus monstrueuse, Daech est en Irak et en Syrie. C’est Daech qui fait fuir par les massacres qu’il commet des milliers de familles. Daech a considérablement développé son emprise depuis près de deux ans et c’est depuis la Syrie —nous en avons la preuve— que sont organisées des attaques contre plusieurs pays et notamment le nôtre.
Ma responsabilité est d’assurer que nous puissions être informés au mieux, des menaces qui pèsent sur notre propre pays, pour y faire face. C’est pourquoi j’ai demandé au ministre de la Défense que dès demain, puissent être menés des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie. Ils permettront d’envisager des frappes contre Daech en préservant notre autonomie de décision et d’action. Le Parlement sera informé de cette opération au titre de l’article 35 de la Constitution.
Faire des choix, c’est aussi ce que le monde aura à faire en décembre prochain pour aboutir à un accord sur le climat. Le constat maintenant ne fait plus débat, les bonnes intentions —et tant mieux— sont là. Les déclarations ont été faites, mais nous sommes encore loin d’un accord contraignant et de financements à la hauteur de l’enjeu.
Il reste moins de trois mois pour aboutir. La France —parce qu’elle reçoit cette conférence, parce qu’elle est engagée— veut accélérer. Avec Laurent FABIUS, nous avons décidé de faire de l’Assemblée générale des Nations unies, un rendez-vous majeur pour la préparation de la Conférence sur le climat, et là aussi, nous tiendrons un discours de vérité. Un sursaut est nécessaire et nous devons une fois encore, entraîner le monde.
La France, pour entraîner, influencer, convaincre, agir, et dans tous les domaines de la vie internationale, doit être forte. Forte moralement, c’était le cas le 11 janvier quand des millions de Français ont su conjurer la peur et manifester pour la liberté. C’est ce même message qui doit être porté aujourd’hui : la France doit avancer, sa vocation n’est pas le repli, son destin n’est pas de s’abriter derrière des lignes Maginot, elles n’ont jamais arrêté qui que ce soit. Son honneur n’est pas d’abandonner ses valeurs, de renoncer à l’idée même qui l’anime au nom d’une identité figée.
Face au monde, ce n’est pas la sortie de l’euro, la fin de Schengen, l’abandon de la politique agricole commune, qui nous permettront de retrouver croissance, puissance, prospérité, souveraineté. Ce chemin-là, c’est la régression, c’est le déclin. C’est en étant elle-même que la France réussira, à condition qu’elle ait le courage de faire des choix, de les assumer et de les faire partager.
La France doit donc être forte économiquement et socialement. D’abord, pour diminuer le chômage. C’est le sens des décisions qui ont été prises depuis trois ans, des réformes qui ont été engagées et de nouvelles qui vont être menées jusqu’à la fin de mon mandat. Le Pacte de responsabilité, avec les allègements de charges et de prélèvements, va se poursuivre en 2016. Son évaluation sera faite comme il avait été prévu, avec les partenaires sociaux. Je considère que la stabilité et le respect de la parole donnée sont les conditions de la confiance. Cela vaut pour nous, cela vaut aussi pour les entreprises. De même, la politique de baisse des impôts, qui a été initiée en 2014, amplifiée cette année, sera poursuivie en 2016. Plus de 2 milliards d’euros y seront consacrés et 8 millions de foyers seront concernés.
Mais il ne peut pas être question de s’arrêter-là. Il y a eu la loi Activité Croissance. J’ai demandé au ministre de l’Economie de préparer une loi sur les opportunités économiques, provoquées par les innovations —notamment numériques, pas seulement— qui peuvent être un risque —et nous devons y veiller— mais aussi une chance considérable pour de nombreux secteurs économiques. Les partenaires sociaux devront se saisir de ce sujet. La Conférence sociale aura aussi pour objet d’organiser les droits des salariés tout au long de leur vie professionnelle, et c’est tout l’enjeu de cette grande réforme du compte personnel d’activité.
Réformer, c’est aussi rendre lisible le code du travail, parce que c’est ce qui protège, parce que aussi, c’est ce qui permet de créer de l’emploi. Nous donnerons toute la place nécessaire à la négociation collective et aux accords d’entreprises, pour permettre justement qu’il y ait une meilleure adaptation du droit du travail à la réalité des entreprises. C’est la suite qui sera donnée au rapport Combrexelle, qui sera remis le 9 septembre au Premier ministre, et ensuite, soumis à consultation, et une loi sera présentée.
De nombreux chantiers nous attendent —je ne les ai pas tous cités, nous y reviendrons— : agriculture, santé, vieillissement, numérique et ce qu’il peut permettre, et aussi les libertés qui doivent être préservées, la justice qui doit continuer à être modernisée et renforcée.
Tout commande de faire des choix. Faire des choix pour répondre à l’urgence, chaque fois que c’est nécessaire. Faire des choix pour préparer l’avenir. Faire des choix pour protéger les Français, pour faire avancer le pays, pour réussir et pour réunir. Faire des choix pour la France, nous sommes à sa tête. Faire des choix pour l’Europe, pour la mettre chaque fois qu’elle est sollicitée dans la bonne direction et nous l’avons fait ces derniers mois. Des choix pour le monde, parce que le monde est forcément à un moment ou à un autre présent ici, s’il n’est pas maîtrisé, s’il n’est pas régulé, s’il n’est pas dominé. Faire des choix, c’est ce que je fais avec le gouvernement de Manuel VALLS, c’est ce que je ferai jusqu’au bout de mon mandat sans calcul ni répit.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Je vous propose maintenant de passer aux questions.
JOURNALISTE : Bonjour Monsieur le Président de la République. Je souhaiterais vous amener à préciser et à expliquer ce que vous venez de nous dire sur la Syrie. La France va-t-elle s’engager militairement en Syrie, comme elle le fait depuis un an en Irak ? Au-delà des vols de reconnaissance que vous venez d’annoncer, des frappes seront-elles effectuées contre les centres de Daech en Syrie ? Excluez-vous tout envoi de troupes sur le terrain, comme le réclament certains qui font valoir que seuls des soldats sur le sol peuvent dénouer les choses et conduire cette crise de façon décisive à son terme ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : La France, face au terrorisme a toujours pris ses responsabilités. Nous l’avons montré lorsqu’il s’est agi d’intervenir au Mali, nous l’avons montré aussi plus largement au Sahel, y compris pour lutter contre un mouvement terroriste, Boko Haram, qui continue hélas, de frapper plusieurs pays de la région et bien sûr toujours les populations civiles. Nous l’avons montré dans d’autres circonstances et pour éviter un bain de sang en Centrafrique, même si cela n’avait pas de lien avec le terrorisme. Mais c’était notre devoir. Et puis lorsqu’il s’est agi, à un moment, d’envisager des frappes en Syrie, parce qu’il y avait eu l’utilisation des armes chimiques, la France était prête. Quand il a fallu, notamment pour l’Irak, constituer une coalition, et faire en sorte que les Irakiens puissent retrouver leur souveraineté, nous l’avons fait, nous sommes partie prenante de cette coalition. Aujourd’hui, en Syrie, ce que nous voulons connaître, savoir, c’est ce qui se prépare contre nous, et ce qui se fait contre la population syrienne.
Aussi, ai-je décidé qu’il y aurait, dès demain, des vols de reconnaissance, en lien avec la coalition, parce que c’est la condition pour que nous puissions disposer de la capacité d’intervenir sous cette forme. Et puis, ensuite, selon les informations que nous recueillerons, les renseignements que nous aurons collectés, la reconnaissance que nous aurons pu faire, nous serons prêts à faire des frappes. Certains nous disent, pris par je ne sais quel empressement, que maintenant, il faudrait intervenir au sol en Syrie.
Les mêmes d’ailleurs qui étaient hostiles dans d’autres conditions à toute intervention où que ce soit. Mais laissons cela. La question est posée.
Je considère qu’il serait inconséquent et irréaliste d’envoyer des troupes françaises en Syrie au sol. Irréaliste, parce que nous serions les seuls ; inconséquent, parce que ce serait transformer une opération en force d’occupation. Donc, nous ne ferons pas d’intervention au sol, pas plus d’ailleurs que nous n’en faisons en Irak.
C’est un principe qui n’est pas un principe posé, parce que nous refuserions ce type d’intervention —nous l’avons fait au Mali— mais parce que là, en Irak, c’est aux Irakiens de mener ces opérations, et en Syrie, c’est aux Syriens qui sont dans la rébellion, et aussi aux pays voisins, aux forces régionales, de prendre cette responsabilité. La France, en revanche, travaille pour que des solutions politiques soient trouvées. Car l’issue est politique en Syrie.
Donc, nous considérons que nous devons parler avec tous les pays qui peuvent favoriser cette issue et cette transition. Je pense aux pays du Golfe, je pense aussi à la Russie, à l’Iran, en plus des pays qui sont d’ores et déjà membres de la coalition. Sur la transition d’ailleurs —c’est pour nous un point essentiel, et c’est ce qui justifie d’ailleurs notre réserve par rapport à une action qui ne serait pas maîtrisée en Syrie— rien ne doit être fait qui puisse consolider ou maintenir Bachar EL-ASSAD.
Le départ de Bachar EL-ASSAD est, à un moment ou à un autre, posé dans la transition, et c’est ce que nous devons faire pour qu’il puisse y avoir le rassemblement des Syriens, sur une base démocratique, pour trouver un avenir à ce pays martyr.
JOURNALISTE : Bonjour Monsieur le Président.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Bonjour.
JOURNALISTE : La France accueillera 24 000 réfugiés dans les deux prochaines années, avez-vous annoncé. Au-delà des initiatives, que vous avez saluées dans votre propos, pensez-vous que la population française, dans son ensemble, soit prête à faire cet effort en quelque sorte, à accueillir tous ces hommes et ces femmes ? Un sondage montrait ce week-end que 55 % des personnes interrogées étaient défavorables à l’extension de cet accueil, à ce que la France imite l’Allemagne, finalement. Et que répondez-vous aussi à l’argument, celui du Président hongrois Viktor ORBAN notamment, qui explique qu’accueillir plus de réfugiés, c’est en quelque sorte leur donner un encouragement à venir toujours plus nombreux ? Vous avez parlé d’un chiffre de 120 000 sur deux ans, mais n’êtes-vous pas conscient qu’ils seront sans doute beaucoup plus que 120 000 à être candidats à venir en Europe ? Merci Monsieur le Président.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : D’abord, vous parlez des Français, c’est un grand peuple, lui-même forgé à travers des générations et des générations d’hommes et de femmes, parfois venus de très loin. La France est un peuple qui a toujours été capable, dans son histoire, lorsque l’essentiel a été en jeu, d’accueillir les martyrisés, les proscrits, les déplacés. Et la France a son honneur face à l’horreur, d’être à la hauteur. Il s’agit aussi de rassurer les Français en même temps que de répondre à ce mouvement qui s’est amplifié, avec des images qui ont fait le tour du monde et des esprits.
Il y a aussi des inquiétudes qu’il me revient de dissiper. Il ne s’agit pas d’organiser n’importe quel accueil, n’importe où et n’importe comment. D’abord, parce que ce ne serait pas digne pour les personnes concernées, ensuite, parce que cela ne serait pas possible. Alors, ce que j’ai proposé avec la Chancelière MERKEL, c’est que, par rapport à ceux qui sont là, qui sont déjà arrivés, et qui relèvent du droit d’asile, et uniquement pour ceux-là, il y aura ce mécanisme de répartition.
Ensuite, il faut qu’il y ait ces centres d’enregistrement qui permettent justement, ce contrôle aux frontières, par rapport à d’autres personnes qui se présentent, et qui viendraient pour d’autres objectifs —que l’on peut comprendre, mais que l’on ne peut pas recevoir. Dans ces centres, il y aura à la fois l’inscription, l’identification des personnes qui sont des réfugiés et qui relèvent du droit d’asile et qu’il conviendra de répartir entre tous les pays européens, selon les critères qui ont été posés, et puis, il y aura des raccompagnements qui devront se faire pour les autres.
Et c’est parce que nous avons cette capacité, ou parce que nous aurons cette capacité, de pouvoir faire la distinction, de pouvoir répondre à ce devoir, et en même temps ne pas accorder de droits à ceux qui ne peuvent pas y prétendre, que nous pourrons maîtriser.
Enfin, il y a ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée, car si nous n’agissons pas pour qu’il y ait des centres —il en existe déjà bon nombre, j’ai parlé des camps de réfugiés— qui puissent retenir, accueillir ces populations au plus près de leur pays d’origine, alors nous serons face, non plus à une crise de déplacés, mais à une crise humanitaire gigantesque, car là, ce ne sera plus sur quelques milliers, mais sur des centaines de milliers. D’où l’engagement que nous devons prendre par rapport aux pays qui ont déjà accueilli ces réfugiés, ou qui ont vocation à le faire. Et je pense aussi aux pays transits qui doivent, là aussi, être aidés pour retenir et pour aussi raccompagner, et cela sera tout l’enjeu de la politique européenne avec les pays africains.
Vous me parlez aussi des sondages, est-ce que vous pensez que sur une question comme celle-là —d’ailleurs cela vaut pour d’autres—, c’est sur les sondages qu’il faudrait déterminer les choix - sondages d’ailleurs contradictoires, sondages quotidiens, sondages avec des questions qui entraînent souvent des réponses évidentes ? Non. Il y a des moments, et notamment dans cette responsabilité, où il faut prendre des décisions en fonction de l’intérêt majeur du pays, en fonction de ce que nous nous représentons comme idée de la France, en fonction aussi du droit des personnes, de ce qui pour nous est une question, pas simplement de conscience ou d’émotion, mais une question de responsabilité. Voilà ce qui me détermine avec le gouvernement.
Après, il y a des pays qui voudraient faire des critères ethniques, qui voudraient accueillir certains et pas d’autres, au nom de religions. Il y a des pays qui voudraient bâtir des murs, et ne pas prendre un seul réfugié, mais qu’est-ce que ces pays auraient pensé il y a 30 ans, si au moment de la chute du mur de Berlin nous avions dit : « non, pas tout de suite, pas comme ça, ne venez pas, prenez votre temps, restez là où vous êtes. » Non, nous leur avons dit « venez, vous êtes des Européens, vous allez bâtir avec nous l’Union que nous voulons, nous sommes dans le même ensemble, avec les mêmes principes, avec les droits de l’Homme ». Voilà encore une fois le discours qu’il convient de tenir.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, je ne doute pas un seul instant que mes confrères reviendront sur le sujet que vous venez d’aborder sur la Syrie, mais il y a un autre sujet, dont vous n’avez pas parlé jusqu’à présent, et sur lequel vous avez joué, avec la Chancelière allemande Angela MERKEL, un rôle central. Je veux parler bien sûr de l’Ukraine. Alors il se trouve que le Président ukrainien, Petro POROCHENKO, vient de dire, pour la première fois, que le cessez-le-feu était enfin respecté en Ukraine. S’agit-il là, pour vous, d’une opportunité de rencontrer enfin le Président POUTINE, à quatre, pour essayer de parvenir à un cessez-le-feu durable dans ce pays ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : A Minsk, au mois de janvier, nous avons, à quatre - le Président ukrainien, le Président russe, madame MERKEL et moi-même - bâti ce que l’on a appelé « les accords de Minsk. » Il y a eu des retards, il y a eu encore des morts, mais le processus a avancé. Il y a eu des progrès, ces dernières semaines, d’abord parce que le cessez-le-feu a été presque respecté, même s’il y a encore des victimes, parce que le retrait des armes lourdes a été poursuivi. Il y a eu des progrès parce que le Parlement de Kiev a voté une loi constitutionnelle —vous en avez vu aussi les conditions, avec des protestations de groupes d’extrême droite. Et puis il y a des élections qui sont maintenant envisagées pour la fin de l’année.
Alors, avec la Chancelière, avec le Président POROCHENKO, nous nous sommes vus, c’était à la fin du mois d’août, puis nous avons eu une conversation avec le Président POUTINE, au téléphone, la Chancelière et moi-même. Les ministres des Affaires étrangères vont pouvoir se parler dans les prochains jours, et je proposerai qu’une réunion en « format Normandie » puisse se tenir à Paris, avant l’Assemblée générale des Nations unies, pour que nous puissions évaluer le processus, là où il en est, et le conduire jusqu’à son terme. Parce que vous savez que les accords de Minsk étaient prévus jusqu’à la fin de l’année, il faudra donc que nous puissions aller jusqu’au bout des engagements, sur les élections, sur la loi d’autonomie de décentralisation pour les régions de l’Est de l’Ukraine, et, si ce processus aboutit, alors je plaiderai pour la levée des sanctions, parce que c’était la condition, aussi, qui avait été posée.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, il y a une critique que l’on entend ici ou là, c’est finalement dire que la France a pris du retard sur le dossier des migrants, qu’elle s’est finalement ralliée sur le tard à la position d’Angela MERKEL, notamment sur les quotas, un mot que vous ne prononcez pas depuis ce matin. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous avez évolué, est-ce que c’est pour des raisons de politique intérieure ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : La France n’est pas dans la même situation que l’Allemagne, c’est un fait. L’Allemagne, je ne sais pas si les chiffres seront confirmés, pense qu’elle aura 800 000 personnes qui viendront, ou sont déjà là, depuis le début de l’année. En France, si je ne m’attache qu’au droit d’asile, et donc aux personnes qui peuvent en faire la demande, le chiffre est pratiquement stable. Nous pensons, compte tenu de ce qui vient de se produire, que nous n’aurons que 60 000 demandeurs d’asile dans l’année 2015. La France pourrait donc considérer qu’elle est concernée, mais qu’elle peut rester dans cette situation, mais ce serait une pure illusion, comment imaginer que les personnes ne se déplaceraient pas ? Certes, nous avons affaire à des personnes qui viennent parfois sur le territoire français et qui veulent aller au Royaume-Uni, c’est tout le problème de Calais.
Pourquoi j’ai refusé le terme « quotas » quand il a été prononcé ? Parce qu’il créait une ambiguïté qui laissait penser qu’une fois que les quotas avaient été distribués, si je puis dire, nous n’aurions plus rien à faire, alors que le droit d’asile est un droit fondamental. Alors aurait-on dit, au-delà d’un certain nombre, vous n’avez pas la possibilité de venir et de réclamer une protection ? Ce n’était pas la France. Et, d’ailleurs, c’est le mécanisme que nous avons proposé, de répartition, le seul changement qui a été opéré, et je l’ai dit tout à l’heure, est le caractère obligatoire.
Au mois de juin, lors du Conseil européen, il fallait répartir, si je puis dire, 40 000 personnes. Ce Conseil européen à 28, nous y avons passé aussi une bonne partie de la nuit —j’en ai l’habitude— et tout le débat a porté sur le volontariat. Des pays disaient « nous sommes d’accord, peut-être, de le faire, mais c’est à nous d’en décider. » C’est ce qui a été finalement admis : chaque pays devait s’engager. Sur les 40 000 personnes qui avaient été proposées, pour les prochains mois, et qui avaient déjà été identifiées et devaient donc être relocalisées, 35 000 seulement ont trouvé une réponse. La France a fait ce qu’elle avait à faire.
Alors, on ne peut pas en rester là, dès lors qu’il y a plus de réfugiés et que le système du volontariat, visiblement, ne connaît pas la réponse attendue. Cela sera donc un mécanisme obligatoire et permanent, c’est-à-dire sur plusieurs années. Et pour que ce soit efficace, pour que des pays puissent être rassurés, il faut que nous ayons une maîtrise du processus. Et c’est ce que nous proposons, avec les centres d’enregistrement, avec la politique par rapport aux lieux où sont les réfugiés aujourd’hui. Je n’oublie pas que nous faisons aussi - la France avec les pays européens, mais la France notamment - un travail essentiel qui est d’aller en mer Méditerranée pour recueillir les personnes qui pourraient, hélas, y perdre la vie. Et d’ailleurs, dès aujourd’hui, un bateau supplémentaire français est en Méditerranée pour faire ce travail.
Ce qui me conduit à prendre cette décision avec la Chancelière, c’est un principe de solidarité, y compris avec la Chancelière, qui m’a d’ailleurs fait savoir que par rapport aux Hongrois enfin plus exactement aux exilés qui étaient venus de Hongrie, et qui affluent aujourd’hui en Allemagne, j’ai dit à la Chancelière que j’étais prêt, avec la France, à en accueillir plusieurs centaines, un millier, parce que je considère qu’on ne pouvait pas laisser l’Allemagne seule, assumer cette solidarité et cette responsabilité, et ces personnes viendront au cours des prochaines semaines.
Il y a donc ce que l’on doit faire sur une base volontaire, mais il y a ce qui doit être fait sur une base obligatoire, voilà pourquoi c’est un mécanisme nouveau qui doit être maintenant adopté par les pays européens. Et une politique d’ensemble : s’il n’y a pas cette politique d’ensemble ce mécanisme ne tiendra pas, il explosera, et ce sera, à ce moment-là, un afflux considérable, et sans doute la fin de Schengen, le retour aux frontières nationales. Pense-t-on que l’on pourra, avec les frontières nationales, faire la réponse qui est attendue ? Non. Nous avons besoin de l’Europe et l’Europe a besoin de solidarité et de responsabilité, c’est-à-dire d’organisation. L’Europe ce n’est pas simplement un espace, l’Europe c’est des politiques, l’Europe c’est des moyens, l’Europe c’est également des gardes-frontières qui doivent être présents, voilà ce qu’est l’Europe.
JOURNALISTE : Bonjour Monsieur le Président. Pour compléter les questions de mes confrères sur la Syrie, qu’entendez-vous par neutraliser Bachar EL-ASSAD, un terme que vous avez utilisé par le passé, doit-il partir immédiatement ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Bachar EL-ASSAD, est-ce que je dois le rappeler, est celui qui est responsable de la situation en Syrie. C’est lui, lorsqu’il y a eu des manifestations, qui a tiré sur son peuple, c’est lui qui a bombardé des populations civiles, c’est lui qui a utilisé des armes chimiques, c’est lui qui a refusé toute discussion avec ses opposants, quand ils n’étaient pas enfermés ou tués. Alors depuis 3 ans, cette question de Bachar EL-ASSAD, de ce qu’il peut faire dans un cadre de transition politique, est posée, et nous l’avons toujours dit, la solution ne peut pas passer par le maintien de Bachar EL-ASSAD à la tête de la Syrie. Donc, la transition politique, à un moment ou à un autre, c’est le départ de Bachar EL-ASSAD et la constitution d’un gouvernement d’union très large, sans, bien sûr, les groupes terroristes.
Et c’est la position que nous voulons faire partager, et notamment aux Russes, aux Iraniens, puisque les Iraniens sont revenus dans le jeu diplomatique, notamment après l’accord sur le nucléaire qui a été passé. Avec le Président POUTINE - la question m’a été posée - je ne parle pas que de l’Ukraine, je parle de ces sujets-là aussi, et depuis longtemps, nous disons « il faut trouver une solution ». C’était l’esprit de Genève, deux conférences ont eu lieu, et aujourd’hui c’est encore plus urgent. Il faut trouver une solution et elle ne passe pas par Bachar EL-ASSAD.
Et quand j’entends, d’ailleurs, certains qui disent « c’est le moins pire », quand ils ne disent pas que c’est le meilleur —c’est toujours la même histoire avec certains, toujours pour les dictateurs, ce qui devrait quand même faire réfléchir, y compris pour notre pays— quand j’entends qu’ils disent qu’on peut faire avec Bachar EL-ASSAD, mais comment voulez-vous qu’un Syrien qui a vu sa famille massacrée, et parfois dans des conditions épouvantables, puisse accepter de revenir à la table avec Bachar EL-ASSAD ? Donc, une solution doit être, avec le régime, avec l’Etat syrien sûrement, mais à terme, Bachar EL-ASSAD doit partir.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, vous avez annoncé tout à l’heure, et c’est une décision évidemment lourde, que la France allait s’engager d’abord dans des vols de reconnaissance en Syrie, puis probablement dans une campagne de bombardements. Quelle est la perspective militaire, à quelle échéance peut-on imaginer que la France, ou que vous aurez décidé que cette opération militaire, aura atteint son but ? Est-ce que les moyens qui vont être développés, déployés en Syrie, seront pris sur ceux qui sont déjà mis en œuvre aujourd’hui en Irak ? Et puis, jusqu’à présent vous disiez, et c’était la raison pour laquelle la France n’intervenait pas militairement en Syrie, que c’était, que cela aurait été aider objectivement Bachar. Est-ce que cet argument aujourd’hui est tombé, qu’il n’existe plus du fait de la pression des événements, ou pour une autre raison ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Ce sont des vols de reconnaissance, et donc de renseignements, parce que nous voulons savoir où sont les centres d’entraînements, où sont les centres de décisions, quelle est la situation exacte sur le terrain syrien. C’est d’autant plus important que, comme vous l’avez dit, il ne peut pas être question pour nous, par notre action, de favoriser Bachar EL-ASSAD. Il se trouve que sur une grande partie du territoire syrien, son régime n’a plus d’effectivité, nous allons le vérifier, nous pensons aussi aux populations civiles, qui ne doivent pas être victimes de nos propres décisions. Donc, pour toutes ces raisons, les vols de reconnaissance vont être effectués et, ensuite j’aurai, avec les autorités militaires et le gouvernement, à prendre des décisions. Sur aussi les moyens que nous allons utiliser, ce sont ceux de l’opération Chammal, c’est-à-dire l’opération qui est menée en Irak, et ces moyens suffisent pour faire les vols de reconnaissance et même, pour aller plus loin.
Pour ajouter sur le plan budgétaire, pour ceux qui s’en inquiéteraient, cela ne fera pas davantage appel à des ressources supplémentaires, je dois rappeler qu’il y a eu 200 frappes qui ont eu lieu en Irak avec nos avions.
JOURNALISTE : Les russes ont annoncé un renforcement militaire pour aider le régime syrien et pour lutter contre Daech tout comme vous. Est-ce que la coalition va entrer en guerre contre les Russes en Syrie d’abord ? Deuxièmement, une question subsidiaire sur le Liban : le Liban est au bord du gouffre avec plus d’un million de réfugiés et une crise politique terrible, vous nous aviez dit en été que peut-être vous envisagiez de visiter le Liban, est-ce que cela tient, se précise, et qu’est-ce que vous pouvez faire pour le Liban avec les Iraniens ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Sur la Syrie, j’y reviens, la Russie est un allié du régime, cela ne veut pas dire que la Russie soit un soutien indéfectible à Bachar EL-ASSAD. Nous aurons là-dessus des discussions. Ce que veut la Russie, c’est trouver aussi une solution.
Ensuite sur le Liban, les conséquences de ce qui se produit en Syrie sont majeures : plus d’un million de personnes, c’est-à-dire qu’on pense qu’il y a aujourd’hui un résident au Liban sur trois qui est un réfugié ou un déplacé. Ce pays vit aussi une crise politique. Le Président de la République n’a pas été encore élu, le Parlement a des difficultés pour tenir ses sessions, donc nous devons être aux côtés des Libanais et c’est aussi la raison pour laquelle il y aura lors de l’Assemblée générale des Nations unies, une conférence internationale pour le soutien au Liban. Pour ce qui nous concerne, après cette conférence et dans les conditions qui permettront de rendre ce déplacement utile, j’irai au Liban, à la fois pour aller dans un camp de réfugiés - ou voir où sont les réfugiés pour que nous puissions justement aider à ce qu’ils puissent y rester, tout près du lieu où ils vivaient il y a quelques mois - et également pour rencontrer l’ensemble des autorités politiques.
JOURNALISTE : Une question par rapport à l’Union européenne et le Royaume-Uni : selon un sondage ce week-end, une majorité des Britanniques voteraient pour sortir de l’Union européenne, est-ce que la France est prête à négocier avec le gouvernement britannique ? Est-ce que l’Union européenne, enfin les Britanniques devraient rester à tout prix dans l’Union européenne et quel est l’impact de la crise migratoire sur ces négociations ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Il y a donc aussi des sondages au Royaume-Uni, mais ils vont varier, forcément, d’ailleurs ils ont déjà changé en quelques semaines. Ce qui compte c’est là encore, les positions politiques, les choix qui doivent être faits.
La France souhaite que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. D’ailleurs comment comprendre que ce pays ami, ce pays qui fut notre allié, ce pays qui joue un rôle sur le plan international puisse être hors de l’Union européenne ? Ce ne serait d’ailleurs pas son intérêt sur le plan économique, quand on sait combien un certain nombre de services financiers vivent de l’Union européenne.
Le Premier ministre CAMERON souhaite qu’il y ait une discussion, je vais d’ailleurs me rendre à la fin du mois de septembre au Royaume-Uni pour échanger et je lui préciserai exactement ce que je vais vous dire ; c’est-à-dire que l’on peut discuter sur ce que doit faire l’Europe, ce qu’elle ne doit pas faire, c’est-à-dire simplifier un certain nombre de ses décisions, oui très bien. On peut également souhaiter qu’il y ait des pays qui soient dans la zone euro et d’autres qui n’y soient pas, sans que les uns et les autres ne se gênent, très bien. On peut faire en sorte que les parlements nationaux aient davantage de rôles, nous n’y sommes pas du tout hostiles. En revanche, si la discussion porte sur les principes essentiels de l’Union européenne, la libre circulation, la capacité de décider ensemble, alors là nous ne voulons pas de modification des Traités.
Ensuite, en ce qui concerne la question des réfugiés, c’est vrai que le Royaume-Uni n’est pas dans la zone Schengen, et a donc déjà un certain nombre de capacités différentes de l’Europe, mais cela ne la dispense pas —le Premier ministre CAMERON l’a d’ailleurs dit— aussi d’un effort de solidarité. Et c’est le sens des actions qui nous menons entre les deux gouvernements pour régler autant qu’il est possible la question de Calais. Car, à Calais, ce sont des personnes qui viennent non pas pour avoir l’asile en France, mais pour aller au Royaume-Uni. Chacun doit le comprendre. On ne peut pas demander une solidarité lorsqu’il y a un problème et s’exonérer de ses devoirs quand il y a des solutions.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, le sommet sur le climat se tient à Paris dans trois mois, vous l’avez dit tout à l’heure, on est loin d’un accord contraignant. L’objectif de la COP21, c’est de maintenir à 2° le réchauffement climatique. D’après ce que l’on sait des engagements des Etats, on est loin du compte. Pensez-vous que cet objectif est toujours atteignable et si tel n’était pas le cas, le sommet sur le climat devrait-il être considéré comme un échec ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Les risques sont là, c’est-à-dire que ceux qui pensaient que ce serait un parcours tout à fait tracé, conduisant jusqu’à Paris, avec des lauriers qui nous étaient déjà adressés, des accords qui étaient signés et d’un seul coup, le climat qui allait être changé, je dois les décevoir, cela ne va pas se passer comme ça. Et il y a même des risques d’échec : oui, toutes les contributions ne sont pas arrivées, nous en avons à peine 60.
Les déclarations parfois tout à fait fracassantes ne sont pas toujours sonnantes et trébuchantes, c’est-à-dire que les financements ne viennent pas à l’appui de ces prises de conscience. Et c’est sur la question du financement que tout va se jouer, et c’est à ce propos qu’avec le ministre des Affaires étrangères, nous travaillons, parce que c’est la clé.
Bien sûr qu’il y a l’accord contraignant, il y a les contributions, il y a tout ce qui peut mobiliser l’ensemble des acteurs économiques, locaux, grandes organisations non gouvernementales, oui, mais il n’y aura pas d’accord et notamment parce que des pays s’y refuseront, des pays émergents, on les connait, des pays du Sud, et on les comprend, s’il n’y a pas d’engagement ferme sur les financements.
Qu’est-ce que demandent les pays ? Ils demandent que le financement soit mesurable, soit prévisible, soit vérifiable, soit transparent et avec un mécanisme de révision au cours du temps. C’est là-dessus que nous travaillons, parce que nous devons arriver à 100 milliards de dollars en 2020. 100 milliards de dollars, c’était déjà le chiffre à Copenhague, nous n’avons tenu compte de l’inflation. Il n’y en a plus vous me direz, mais quand même. Donc pourquoi certains pays penseraient que nous serions capables d’arriver à ce résultat alors que nous n’avons pas avancé depuis Copenhague.
Donc il y a trois mois, à peine trois mois, il y a un sujet qui va s’imposer, le financement et c’est là-dessus que la France va maintenant mener son offensive. Elle va commencer, si je puis dire au niveau le plus élevé à l’Assemblée générale des Nations unies, elle va se poursuivre à Lima, une conférence au mois d’octobre va s’y tenir parce que c’est encore Lima qui a cette responsabilité, au Pérou, puisque c’était le pays qui a organisé la dernière Conférence sur le climat et ensuite nous devons arriver à un préaccord. Il faut qu’il y ait un préaccord sur cette question du financement pour que les chefs d’Etat et de gouvernements reviennent à Paris en ayant la certitude que l’on va pouvoir conclure.
Mais si l’on ne concluait pas —j’ai évoqué la situation des réfugiés, des déplacés— si il n’y avait aucune mesure qui était prise, substantielle, pour assurer cette transition, cette adaptation, mais alors ce n’est pas des centaines de milliers de réfugiés dans les 20, 30 prochaines années, que nous aurions à traiter, ce serait des millions. Ceux que l’on appelle les naufragés du climat, les déplacés, ceux qui suivent des zones désertiques, des pays qui vont être inondés pour un certain nombre de pays insulaires, des villes qui ne pourront plus être bâties, cela va être une suite de catastrophes. Je ne dis pas cela pour noircir encore le tableau, mais parce que nous sommes dans cette situation. Et il se trouve que c’est la France et que je suis dans cette responsabilité, alors je ferai tout pour que nous puissions avoir un accord sur le climat au mois de décembre. Et la France devra également en matière de financement montrer l’exemple et c’est pour cela que nous avons engagé de grandes réformes sur la politique de développement.
JOURNALISTE : Vous avez annoncé une baisse d’impôts, vous nous en avez précisé le montant, en 2016. Quoi qu’il arrive, avez-vous dit, il faut faire des choix, nous avez-vous dit aussi. Alors, comment financer cette baisse d’impôts alors que la croissance est pour le moins fragile ? Et puis, question subsidiaire, dans la foulée de votre mea culpa sur la TVA sociale, est-ce que vous auriez aussi des regrets sur votre suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Alors, la croissance d’abord, reprend. Pas suffisamment, mais nous aurons sûrement un peu plus de 1 % de croissance cette année. Ce n’est pas encore suffisant pour faire baisser le chômage. Or, c’est notre volonté, c’est notre objectif, c’est aussi notre devoir. La croissance pourra être de 1,5 % l’année prochaine. C’est l’objectif que nous allons fixer, il est raisonnable. Nous pourrons éventuellement faire plus, mais je dois faire en sorte que nos prévisions correspondent à ce que peut être l’estimation de la réalité, sans la forcer.
C’est à travers ces chiffres-là que nous devons présenter le projet de budget pour 2016. Les arbitrages sont en train de se faire autour du Premier ministre, pour les dépenses, c’est fait, pour les recettes, nous y sommes. Et j’ai demandé qu’il puisse y avoir, après ce que nous avons déjà fait en 2014 —une baisse d’impôts d’un peu plus d’un milliard— après ce que nous avons fait en 2015 —une baisse d’impôts sur le revenu de trois milliards et demi concernant neuf millions de contribuables— nous puissions faire deux milliards, un peu plus de deux milliards même de baisse d’impôts en 2016.
Et notamment en faisant en sorte qu’il puisse y avoir des Français qui sont au-dessus, dans la première tranche de l’impôt sur le revenu, qui puissent en avoir le bénéfice. Ce sera financé par des économies, car il ne peut pas être question d’augmenter des taxes pour faire baisser des impôts, il ne peut pas être question d’augmenter le déficit. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans ce processus de baisse du déficit : 3,8 % de la richesse nationale en 2015, 3,3 % en 2016, c’est le chiffre que nous fixerons, parce que c’est ma responsabilité aussi pour qu’en 2017, nous soyons en dessous de 3 %.
Et ce qui me permet de revenir, puisque je parle de la fin du quinquennat, au début. C’est vrai que cela aurait été plus facile pour partir de ne pas avoir à solliciter les Français. Mon prédécesseur, la majorité précédente, avait fait voter une augmentation de la TVA de 1,6 point, cela veut dire, passée de 19,6, c’était son taux pour les produits les plus courants, à 21,2, ça nous permettait d’avoir plus de dix milliards, onze milliards exactement, de recettes. Le problème, c’est que cela avait été voté, mais n’était pas appliqué. C’était à nous de le faire.
Alors, j’aurais pu dire : puisque cela a été voté, ce n’est pas appliqué, nous allons le faire, et cela nous dispensera de demander des sollicitations supplémentaires aux Français. Je ne l’ai pas voulu parce que c’était l’engagement que j’avais pris dans la campagne, et parce que ce n’était pas juste, parce que la TVA, ce n’est pas juste, en tout cas, quand elle est portée à ce niveau, puisque nous avons aussi augmenté de 0,4 seulement la TVA.
Mais il est vrai qu’il y avait un effort à faire pour redresser nos comptes publics, pour améliorer la compétitivité, pour retrouver de la croissance, parce qu’on héritait d’une situation très difficile. Et si je dois avoir un regret, c’est peut-être de ne pas encore l’avoir assez dit aux Français, mais je pensais que tout avait été suffisamment clair dans la campagne, nous aurions pu être encore plus clairs après.
Mais aujourd’hui, ce que j’ai à faire, c’est de permettre à ces Français qui avaient été sollicités d’avoir maintenant une baisse d’impôts. Vous avez évoqué les taxations sur les heures supplémentaires : la plupart des Français qui vont avoir ou qui ont déjà eu les baisses d’impôts, ce sont souvent ceux qui faisaient des heures supplémentaires, et c’est ainsi qu’il leur sera restitué, parce que c’est mieux de faire une baisse d’impôts sur le revenu que d’avoir un système qui crée une distorsion entre les heures supplémentaires et les heures normales pour les fiscaliser.
Voilà ce que nous allons faire pendant trois ans, avec des ampleurs différentes : nous allons baisser l’impôt sur le revenu. Certains me disent : mais il faudrait peut-être baisser d’autres impôts. A chaque fois que l’on prend un impôt, ce n’est jamais le bon, d’ailleurs qu’on l’augmente ou qu’on le baisse, mais enfin, pour ceux qui ne paient plus d’impôt sur le revenu ou qui paient moins d’impôt sur le revenu, c’est plutôt une bonne nouvelle. Et donc je veux aussi préparer la suivante.
Mais, si l’on devait baisser les cotisations sociales pour les salariés, nous avions voulu le faire, le Conseil constitutionnel a considéré que ce n’était pas possible, en tout cas, pour les salariés qui étaient dans des niveaux de rémunérations proches du Smic. Nous pourrions prendre la CSG, mais ce serait répartir sur énormément de contribuables, d’ailleurs, sans distinction de revenus. Alors j’ai préféré, avec le gouvernement de Manuel VALLS, faire que ce soit avec les baisses d’impôts sur le revenu. C’est fait et ça sera fait.
JOURNALISTE : Bonjour Monsieur le Président. Une question concernant la réforme du droit du travail, que vous avez brièvement évoquée dans votre propos introductif. La réforme du droit du travail, cela génère forcément des inquiétudes avec cette crainte d’un amoindrissement de la protection des salariés. Pouvez-vous, Monsieur le Président, préciser votre pensée, nous donner les contours les plus précis possibles que vous souhaitez pour cette réforme du droit du travail ? Et puis, tracez-vous des lignes rouges qu’il ne faudra pas franchir, le temps de travail, le CDI, la baisse des salaires au sein d’une entreprise constituent-ils des totems auxquels on ne peut pas toucher ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Ce ne sont pas des totems, ce sont des tabous en l’occurrence, parce que dire à des salariés : « il n’y a plus de Smic, il n’y a plus de contrat de travail, il n’y a plus de durée légale du travail », enfin, ce serait l’abandon de ce qui fait justement le compromis sur lequel les salariés et les entrepreneurs vivent aujourd’hui. Alors qu’est-ce que nous pouvons faire ? Nous pouvons faire en sorte, une fois que des garanties ont été posées, contrat de travail, durée légale de travail, salaires payés au minimum le Smic, d’ouvrir des négociations pour adapter, pour ouvrir de nouveaux droits ou donner davantage de souplesse. Et c’est ce que nous allons proposer.
Le rapport Combrexelle, je n’en connais que les principes, mais il va être remis au Premier ministre, il va nous servir justement de base pour aller dans cette direction. Quelle est l’idée ? Celle qu’une fois que l’on a fixé les garanties essentielles, il puisse y avoir dans les entreprises, dans ce qu’on appelle les branches professionnelles, des négociations, où entrepreneurs et salariés vont trouver les voies d’application qui permettront d’avoir un code du travail qui n’est pas un ensemble de dispositions faites pour toutes les entreprises de manière indifférenciée, mais d’avoir justement ce qui leur permet de mieux protéger, d’assouplir, de libérer des initiatives, de mieux organiser le travail, y compris le temps de travail, et d’avoir des formules qui peuvent, à chaque fois, favoriser l’emploi et l’amélioration de la situation de l’entreprise. C’est ça l’enjeu.
Alors, une fois que la consultation des partenaires sociaux aura été faite, nous allons proposer un projet de loi qui permettra ces ouvertures de négociation, nous allons le faire vite, c’est-à-dire dans les prochains mois, pour qu’il puisse y avoir cette nouvelle donne qui puisse ouvrir des négociations. Car, ce que veulent finalement les citoyens, les salariés, les chefs d’entreprise, c’est pouvoir décider. Il faut donc que ces accords puissent aussi être respectueux d’un principe qui est l’accord majoritaire, pour qu’il n’y ait pas de pression qui puisse être faite du côté des employeurs au détriment des salariés, donc qu’il puisse y avoir cette négociation.
Vous savez que le dialogue social, c’est ce que j’ai toujours considéré comme essentiel pour faire avancer le progrès dans notre pays. Nous allons ouvrir, ouvrir largement, le champ du dialogue social, et faites-moi confiance, au terme de ce processus, ce que l’on appelle le code du travail, ne sera pas un nombre de pages, ça sera finalement bien adapté la situation des entreprises, en protégeant les salariés.
JOURNALISTE : Monsieur le Président. Depuis avril 2014, vous avez, à maintes reprises, lié une éventuelle candidature à la présidentielle de 2017 aux résultats sur le front du chômage. Cet été, vous parliez même d’une baisse longue et crédible, suffisamment longue pour être crédible, pourriez-vous nous en préciser l’ampleur, le volume, la temporalité exacte, et puis, y aurait-il éventuellement d’autres critères de choix, d’autres paramètres de décision, qui guideront celle-ci ? Pouvez-vous nous dire lesquels si c’est le cas ? Et enfin, vous abordez le dernier tiers de votre quinquennat. Sur la temporalité, pouvez-vous nous dire quand vous envisagez de prendre votre décision d’être candidat ou de ne pas être candidat, et selon les hypothèses, quand nous en serons informés ? Merci Monsieur le Président.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Pas aujourd’hui, pour la dernière question. Pour le reste, je me suis engagé sur la diminution du chômage, mais parce que c’était l’enjeu de la campagne de 2012. Mon prédécesseur, Nicolas SARKOZY avait connu, sans doute que la crise expliquait aussi cette explosion, un million de chômeurs supplémentaires, ce n’est sans doute pas pour rien dans le résultat de 2012. Là aussi, il y a une crise qui s’est poursuivie. Il n’empêche, ce que les Français demandent, ce sont des résultats. Ce n’est pas simplement des excuses, elles n’ont pas ici à être présentées, donc lorsque j’ai dit, c’était il y a plus d’un an, que c’était effectivement, s’il y aurait ou il y avait une baisse du chômage, que je devrais imaginer me présenter aux Français, c’était une évidence, je dirais presque une évidence morale.
Est-ce qu’il y a d’autres précisions à donner ? J’ai dit : il fallait que ce soit sur une période suffisamment significative pour que ce soit crédible, si c’est sur un mois, ça ne sera pas regardé comme étant l’élément déterminant, surtout quand on connaît la fluctuation des statistiques. Donc ça sera sur une période plus longue. Est-ce que maintenant, il faut ajouter d’autres critères ? Eh bien écoutez, pour l’instant, ce que je veux, c’est que la France réussisse. La situation de 2017 sera celle que l’on aura construite. Et ce que j’ai voulu vous faire comprendre, c’est ce qui m’intéressait aujourd’hui : pas mon sort personnel, pas des conditions que je devais me poser à moi-même, mais faire des choix pour que la France puisse être digne d’elle-même, être capable de réussir, de convaincre au plan européen et international.
Et je vais faire ces choix quels que soient les risques, quelles que soient les conséquences, parce que j’estime que ce sont des choix qui aujourd’hui sont à la hauteur des enjeux et des défis que nous avons en face de nous. Je ne vais pas me fier à ce qui pourrait être un mouvement d’opinion ou à la faveur dont des partis pourraient être bénéficiaires parce qu’ils recueilleraient la peur. Je ne vais pas les suivre, je ne vais pas aller vers ce qui serait la facilité, pour moi, l’indignité.
Il y a des moments où il faut être capable non seulement de fixer un cap, mais de le tenir. Un cap qui n’est pas qu’un cap économique, un cap de réformes, un cap pour renforcer la France —c’est mon objectif—, un cap qui est aussi un cap moral, parce que l’on sera jugé. On est toujours jugé : ceux qui gouvernent, mais aussi le peuple, à certains moments d’histoire, et on est jugé par ses enfants et ses petits-enfants, j’ai évoqué le climat, j’ai évoqué les réfugiés, je peux évoquer aussi ce que l’on fait pour l’économie, pour la modernisation, pour la justice, pour les libertés. On est toujours jugé.
Nous-mêmes, nous avons jugé nos parents, nos grands-parents par rapport à d’autres situations qu’ils avaient pu rencontrer : la guerre, la décolonisation. Alors, faisons en sorte, pour ceux qui dirigent le pays à un moment, cinq ans, en tout cas c’est mon cas, d’être à la hauteur des choix que nous avons à faire.
JOURNALISTE : Bonjour Monsieur le Président. Dans quelques semaines, vont se tenir des élections régionales, quelle sera, selon vous, votre part de responsabilité dans les résultats de ces élections, stricto sensu ? Ce n’est pas l’enjeu de l’élection, mais est-ce que ce n’est pas aussi, est-ce que ce n’est pas même d’abord sur votre action que les Français vont se prononcer à cette occasion ? Et si vous le permettez, je verse au dossier un commentaire qui nous ramène au soir des précédentes élections régionales, qui avaient vu le triomphe de la gauche, c’est un vote de défiance à l’égard du Président de la République, c’est ce que vous aviez dit ce soir-là.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Vous savez, j’ai connu des élections régionales victorieuses, au moins deux, dans mon existence de dirigeant politique : 2004, un triomphe, avec des personnalités symboles, un triomphe qui ne nous a pas empêchés de perdre l’élection présidentielle, même avec une candidate courageuse. En 2010, il y a eu des élections régionales également couronnées de succès, qui venaient après des élections municipales que nous avions remportées en 2008, et là aussi, ça a été un moment important, mais cela ne pouvait pas non plus préjuger du résultat de l’élection présidentielle.
Parce que les élections locales ont toujours une dimension nationale, bien sûr, mais elles restent des élections à enjeu territorial. Elles ont cette double facette. Les Français, de toute façon, ont rendez-vous en 2017 avec les candidats à l’élection présidentielle, c’est là qu’ils feront le choix. Ce que je leur demande pour l’élection régionale, c’est de faire la meilleure décision pour leur région. Nous avons fait une réforme territoriale avec treize grandes régions, nous avons donné des compétences, nous avons clarifié les financements, les régions peuvent agir, et les régions peuvent non seulement déterminer ce que peuvent être leurs compétences qu’on connaît : lycées, action économique, mais l’image même de leur territoire.
Et si une région est dirigée par une majorité qui prend des décisions qui enferment la région, qui confisquent ses pouvoirs, qui excluent un certain nombre de catégories ou de citoyens, alors, il y a des risques très sérieux pour cette région. Donc les électeurs auront le choix pour déterminer ce que va être leur avenir dans leur territoire, et ce que je leur demande, c’est d’y réfléchir. La politique du gouvernement doit forcément être présente, c’est une élection politique. Le gouvernement d’ailleurs aura aussi à s’engager pour expliquer ses choix, mais le rendez-vous national, c’est l’élection présidentielle.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, je voudrais revenir sur le débat fiscal. 47 % des Français seulement paient l’impôt sur le revenu, or, neuf Français sur dix paient la CSG dès le premier euro gagné. Ma question, elle est double : est-ce que vous ne craignez pas en annonçant simplement une baisse de l’impôt sur le revenu, de dégrader le rapport entre les Français et l’impôt, donc le rapport à la chose publique ? Et est-ce que vous ne craignez pas d’entretenir une inégalité, ce qui avait été d’ailleurs votre thème central lorsque vous étiez candidat ? Est-ce que, en d’autres termes, ces propositions qui figurent dans un ensemble que Jean-Marc AYRAULT vient de présenter, de formuler, est-ce que vous allez enterrer un certain nombre de dispositions et vous contenter d’un prélèvement à la source, et pourquoi ne pas profiter du prélèvement à la source au contraire pour réformer davantage ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Les réformes fiscales sont un processus, et il ne se fait pas en un soir ou même en cinq ans. Il est engagé et se poursuivra. Le prélèvement à la source permettra d’avoir des évolutions de notre système fiscal par une intégration entre ce qu’on appelle la CSG et l’impôt sur le revenu, puisque cela sera la même base avec des modes de prélèvements qui peuvent être comparables, et c’est là qu’il pourrait y avoir des choix pour faire en sorte de mettre davantage de cohérence et de justice dans notre système de prélèvements. Et notamment pour les plus bas revenus, ceux qui parfois ne paient pas l’impôt sur le revenu mais paient la TVA, la CSG, CRDS, l’impôt qui avait été créé en 1995, et puis également la taxe d’habitation. Donc nous devrons regarder ce que nous pouvons faire dans ce cadre-là.
J’ai voulu, à travers le prélèvement à la source et déjà des baisses d’impôts sur le revenu, répondre à une anomalie. Celle qu’une bonne partie des classes moyennes paient tous les impôts, y compris l’impôt sur le revenu. Et quand vous dites que certains français ne vont plus payer l’impôt sur le revenu, ils ne le vivent pas comme un désastre ou comme une malédiction. Parce que rentrer dans l’impôt sur le revenu, c’est aussi avoir des conséquences y compris sur un certain nombre d’autres prélèvements.
Donc il me paraissait plus juste de faire sortir de l’impôt sur le revenu un certain nombre de contribuables, précisément ceux qui y étaient rentrés depuis 2010, puisqu’on va revenir à des chiffres qui seront inférieurs à ceux de 2010 en termes de nombre de contribuables, de nombre de foyers fiscaux soumis à l’impôt sur le revenu. Donc il me paraissait juste de leur restituer, de leur redonner ce qu’ils avaient finalement acquitté pour faire face à la réduction des déficits publics.
Et si j’avais modulé la Contribution sociale généralisée, qui aurait payé ? Les classes moyennes et je le refusais car elles ont déjà été sollicitées. Donc pour moi, il était très important que ce soit vers les classes moyennes que la baisse des prélèvements puisse —pour cette étape, dans ce quinquennat— être d’abord la cible.
Ensuite, il y aura une réforme plus large avec le prélèvement à la source. Depuis combien de temps le débat sur le prélèvement à la source existe-t-il ? Nous avons décidé de l’engager et en 2017, il y aura les bases qui permettront d’avoir le prélèvement à la source et des choix fiscaux correspondants.
JOURNALISTE : Bonjour Monsieur le Président.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Bonjour.
JOURNALISTE : Vous reconnaissez plusieurs regrets sur la TVA, sur l’état de la société quand vous êtes arrivé au pouvoir. Pourquoi est-ce que vous faites ce mea culpa maintenant, est-ce que c’est une façon de renouer le lien avec les Français, lien perdu comme le montrent plusieurs sondages qui vous éliminent dès le 1er tour en 2017 ? Et question peut-être complémentaire : est-ce que comme Barack OBAMA, vous êtes prêt à participer à une émission de téléréalité type aventure ou survie ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Je ne savais pas qu’il y avait des émissions comme celle-là, j’ai l’impression de participer à cette émission depuis 2012 et je vous remercie d’en être l’animatrice.
Mais je ne crois pas que ce soit par des battements de coulpe que l’on arrive à convaincre. Il peut y avoir —je l’ai exprimé— des solutions qui n’ont pas été choisies parce qu’il y avait les engagements et je devais les rappeler. Mais pour le reste, c’est en agissant que je pourrai convaincre.
Et pour le reste, sur des exercices de réalité, la réalité est suffisamment cruelle, suffisamment lourde, suffisamment exigeante pour que l’on n’y ajoute pas sa propre exhibition.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, vous avez annoncé 2 milliards d’impôts en moins pour les Français, récemment 3 milliards d’aides aux agriculteurs. Alors la question se pose : où allez-vous trouver les recettes, est-ce que vous allez faire des efforts dans certains secteurs, dans certains ministères, est-ce que vous êtes pour une augmentation de la redevance TV, comme le souhaite la nouvelle présidente de France Télévisions ? Et petite question supplémentaire, il me semble que vous n’avez pas été très précis sur les 35 h : est-ce un tabou, d’ici la fin de votre quinquennat n’y aura-t-il pas une réforme sur le temps de travail, resterons-nous à 35 h ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : C’est ce que l’on appelle une question « fourre-tout », pardonnez-moi l’expression. La durée légale de travail ne changera pas, c’est la durée légale de travail.
Ensuite, qu’il y ait des négociations pour l’application de cette durée légale dans les entreprises, c’est déjà possible, beaucoup d’entreprises d’ailleurs s’y sont engagées et elles pourront encore davantage le faire avec la réforme que nous allons proposer. Mais cela se fait dans le cadre des lois qui valent pour tous et les garanties fondamentales.
Ensuite, vous dites 2 milliards pour les baisses d’impôts, 3 milliards pour les agriculteurs. Non et je crois qu’il faut avoir là aussi le langage de la vérité et il a été prononcé ce langage. 3 milliards ce sont des prêts que les agriculteurs pourraient obtenir, ce sont des investissements qui pourraient se faire pour restructurer leurs exploitations ; et c’est une mobilisation d’un certain nombre de crédits qui ne sont pas budgétaires, certains peuvent l’être mais à des niveaux qui n’ont aucune comparaison avec les 3 milliards ; c’est ce que nous avons voulu faire pour les agriculteurs —puisque vous m’interrogez compte tenu de leur situation— mais ce n’est pas la situation des agriculteurs seuls qui nous détermine, c’est l’avenir même de l’espace rural. Ce sont de nombreuses professions qui sont engagées, qui sont concernées. C’est la capacité aussi pour un pays comme le nôtre de garder ses territoires, de préserver son alimentation, de pouvoir exporter un certain nombre de notre art de vivre, de nos produits. Donc ce que l’on fait pour les agriculteurs, c’est bien sûr pour répondre à des productions qui sont extrêmement menacées aujourd’hui, frappées. Et c’est la raison pour laquelle, Stéphane LE FOLL est au Conseil des ministres de l’Agriculture pour obtenir qu’il puisse y avoir des prix du lait, du porc qui puissent permettre aux agriculteurs de vivre décemment.
Mais ce que nous faisons aussi, c’est pour l’ensemble du pays, pour les agriculteurs et pour le pays. C’est pour cela que l’argent que nous pouvons y mettre, ce n’est pas pour répondre à une revendication, c’est pour investir, c’est pour préparer l’avenir. Et il y aura des conséquences budgétaires, mais à un niveau bien plus faible. Ces dépenses sont déjà inscrites dans le budget et les économies ont été trouvées.
Bien sûr que cela se fera au détriment d’autres actions, si nous voulons ne pas augmenter le déficit, même le réduire puisque j’ai évoqué le chiffre de 3,3 % par rapport à la richesse nationale. Si nous voulons permettre qu’il n’y ait pas de prélèvements qui s’ajoutent à ceux qui ont déjà été faits, nous voulons les baisser, il faut faire des économies.
Au sujet de la redevance télévisée, j’ai entendu la présidente de France Télévisions, madame ERNOTTE, dire qu’elle voulait un service public audiovisuel fort et je la comprends, nous en avons besoin dans le cadre du pluralisme, dans le cadre aussi d’un certain nombre de principes que porte le service public audiovisuel. Elle a des initiatives, elles lui appartiennent : la chaîne d’information peut être aussi un moyen pour le service public d’exister, y compris sur le numérique. Il y a justement le numérique qui est un grand enjeu, il faut des financements.
Mais la redevance télévisée ne peut pas être la variable d’ajustement, c’est-à-dire que là aussi, il faut maîtriser l’appel à la contribution. Il faut que le service public puisse être financé, la redevance a son rôle mais pas seulement. Et c’est pourquoi des solutions et des réflexions sont engagées, les arbitrages viendront à la fin du mois. Il y a l’idée d’élargir l’assiette de la redevance aux objets connectés, je n’y suis pas favorable. Il peut y avoir d’autres pistes et c’est à partir de la nécessité de financer le service public, ne pas en appeler à la redevance de manière exagérée que nous aurons à fixer nos décisions.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, bonjour. Vous disiez « les sondages ne font pas une élection », c’est vrai mais quand ils disent tous la même chose, ça peut avoir du sens. Et ce qu’ils disent aujourd’hui tous les sondages, c’est que vous êtes en grande difficulté pour 2017. Or à gauche en ce moment, dans votre propre famille politique, germe à nouveau l’idée d’une primaire à gauche. Est-ce que pour vous, c’est une solution qui peut être utile pour la gauche, vous êtes le fruit vous-même d’une primaire ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Le fruit, n’exagérez pas.
JOURNALISTE : Certains sont déjà candidats à gauche : Benoît HAMON est prêt à l’être si une primaire avait lieu, est-ce que ce n’est pas un moyen de se relégitimer tout simplement, d’éviter une candidature concurrente chez les écologistes, ce n’est pas le moment pour vous mais sur le principe même, utile pour la gauche, utile pour vous la primaire ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Je vous remercie pour la patience avec laquelle vous me posez ces questions régulièrement —d’ailleurs depuis que j’ai été élu— et l’affection que vous me portez, la bienveillance pour me conduire à prendre des décisions. Mais je vais vous répondre : aujourd’hui ce n’est pas ma préoccupation, ce n’est pas ma priorité de savoir comment, de savoir quand, de savoir avec qui.
Ma seule préoccupation, ma seule priorité, mon seul devoir c’est d’agir. Après il y aura, lorsque l’échéance sera proche, des décisions à prendre. J’en ai donné les conditions et les partis ont aussi vocation à proposer des procédures. Et je suis Président de la République et je n’ai pas aujourd’hui à me mettre dans des procédures qui ne sont même pas introduites par les partis politiques. Mais je veux vous dire aussi que ce n’est pas une obsession comme vous pouvez l’imaginer peut-être, il y a d’autres exemples qui vous conduisent à le penser mais ce n’est pas une obsession. Il se trouve que je suis Président de la République depuis un peu plus de 3 ans, qu’il me reste un peu moins de 2 ans et que je veux que pendant toute cette période, soient posés des actes, des décisions qui soient prises.
Et j’ai une préoccupation plus que d’autres par rapport aux Français qui m’ont fait confiance, et même à ceux qui ne m’ont pas fait confiance et qui ne me font toujours pas confiance, c’est de pouvoir les servir. Et je pense à ces familles qui s’interrogent parce que c’est leur seule question par rapport à l’emploi de leurs enfants, je pense à ces familles qui peuvent avoir comme obsession —et c’est la seule qui à mon avis est compréhensible— l’éducation de leurs enfants pour qu’on puisse donner toutes leurs chances. Je pense à ces personnes qui sont à un âge avancé de la vie, qui se posent la question de savoir si elles pourront accéder à la retraite, la retraite qui a été garantie, qui veulent savoir si elles pourront être soignées dignement, c’est-à-dire le plus souvent gratuitement parce que c’est ainsi que nous avons voulu préserver les droits de nos compatriotes.
Oui, c’est ça qui doit être jusqu’au bout ma volonté et en même temps, je dois faire plus que garantir. Je dois faire avancer le pays, le mettre dans le mouvement, lui permettre d’avoir davantage d’opportunités et de chances. C’est pour cela que l’on va faire des réformes, des réformes qui n’ont jamais été faites, car oui, il y a des réformes qui n’ont jamais été faites. La baisse du coût du travail telle que cela avait été conçu, à 40 milliards, n’a jamais été faite, elle ne s’est jamais mise en place. Dommage d’ailleurs parce que nous n’aurions pas eu à le faire. Des réformes sur le Code du travail, ce que je viens d’évoquer, qui n’ont jamais été évoquées. Il y a d’autres réformes qui ont été faites, celles-là ne l’a pas été et cela fait des années qu’on en parle. La transition énergétique, jamais elle n’avait été menée avec cette obstination pour atteindre nos résultats et pour être exemplaires, nous l’avons fait.
Nous allons continuer sur les opportunités économiques, sur les secteurs, sur le numérique, pour que jusqu’au dernier jour je puisse me dire quelle que soit la décision que j’aurai à prendre : j’ai fait ce que j’avais à faire. Et plus j’en ferai moins j’en aurai à imaginer comme regrets ou comme propositions.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, Éric Hacquemand du Parisien. Il y a quelques jours, la semaine dernière je crois, vous vous êtes rendu dans une école maternelle dans l’Aisne à l’occasion de la rentrée scolaire. Et vous avez fait ce déplacement sur le thème du vivre ensemble, le vivre ensemble c’est la lutte contre les discriminations. Un grand projet de loi est annoncé pour la fin de l’année, on n’en connaît pas trop les contours ni les modalités. Qu’est-ce que vous voulez faire avec ce projet de loi, est-ce que c’est le retour du CV anonyme en matière d’emploi, est-ce que c’est le retour du récépissé dans la lutte contre le faciès dans la police nationale, en matière de logement qu’en est-il, est-ce que vous pourriez préciser ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Oui, je confirme qu’il y aura un projet de loi sur la lutte contre les discriminations et, d’une manière générale, pour l’égalité. Cela vient assez logiquement après ce qui s’est produit le 11 janvier, cette espèce de volonté collective de vivre ensemble qui s’est exprimée et que nous devons poursuivre, d’ailleurs de multiples façons : le service civique, la réserve citoyenne, tout ce qui, on le voit encore aujourd’hui, peut être la liberté de donner aux citoyens de faire eux-mêmes et de prendre leurs responsabilités. Mais pour vivre ensemble, il faut que nous soyons dans une société où l’on se respecte au-delà de nos origines, au-delà de nos couleurs de peau ou au-delà de nos quartiers. Et pour cela, il faut être vigilant car il y a des discriminations, des inégalités qui sont fondées sur d’autres critères que la seule compétence, le seul savoir, le seul talent.
Nous allons avoir cette loi parce qu’elle a été préparée par le Parlement, il y a eu déjà de nombreux travaux, de réflexions. Nous pourrons ainsi faire que la discrimination ne soit pas simplement par rapport au travail —c’est déjà beaucoup quand on regarde les taux de chômage des jeunes, on s’aperçoit que ce n’est pas forcément des mêmes quartiers qu’il y a les mêmes taux— mais également dans les moyens de transport, dans les lieux de loisirs, dans tout ce qui fait la vie quotidienne. Il y a trop d’exemples où des jeunes ou des moins jeunes sont victimes et c’est intolérable. On le voit à travers des incidents qui peuvent survenir dans des grandes manifestations culturelles ou sportives, et nous ne pouvons pas le tolérer parce que nous sommes la France.
Quelle forme cela prendra ? Des actions collectives, elles sont déjà introduites et elles vont l’être, l’action de groupe qui pourra donc agir au nom des individus. Sur le certificat pour les contrôles, vous savez ce que nous avons préféré, c’est-à-dire plutôt une déontologie, que ce soit les agents qui sont chargés de ça qui doivent eux-mêmes avoir le respect de ceux qu’ils contrôlent. Nous devons faire en sorte d’encore améliorer ce dispositif, que celui qui est contrôlé ne le vive pas comme si c’était une suspicion mais comme une protection. Et puis également en ce qui concerne le certificat anonyme, nous avons considéré que ce n’était pas une bonne idée, et que cela se retournait même contre ceux qui étaient supposés en être les bénéficiaires. Donc le CV anonyme n’a pas été retenu.
JOURNALISTE : Bonjour Monsieur le Président. Vous avez confessé dans un livre de ma consœur Françoise FRESSOZ que vous aviez fait le pari que la gauche était devenue mature. Vous avez ajouté que ce pari a été déçu et cet espoir n’a pas été tenu. Est-ce que selon vous cela veut dire que la gauche traverse une crise d’immaturité et si oui comment la soigner de cette étrange maladie ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Vous le faites tous les jours dans votre journal, pourquoi ? Parce que la gauche, je n’en suis pas chargé, je ne suis pas un dirigeant de parti, je suis le chef de l’Etat. Ce que j’ai voulu, c’est convaincre la gauche qu’elle devait gouverner, qu’elle pouvait gouverner, qu’elle savait gouverner. Donc, elle doit se mettre dans la situation de prendre des décisions parfois qu’elle n’avait pas prévu parce qu’il y a des événements qui surgissent, parce que quand on affronte le terrorisme, quand on affronte les réfugiés, quand on affronte aussi des crises économiques, des crises européennes, on n’avait pas forcément tout prévu, donc on doit réagir avec ses valeurs, avec ses principes, mais aussi en faisant en sorte de prendre des décisions et des responsabilités.
Il y a toujours, et pas simplement à gauche ceux qui veulent se mettre de côté, qui considèrent qu’on n’en fait jamais assez, qui préfèrent une bonne manifestation plutôt qu’une élection. Et puis même dans les élections, parfois ne pas assumer l’idée de l’union. Moi, je vais vous donner une recette qui vaut pour d’ailleurs toutes les familles politiques : la dispersion, c’est la disparition, c’est aussi simple que cela.
Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui en Europe, et je ne parle pas de la France seulement ? Il y a la montée de mouvements populistes - quelquefois ils sont même au pouvoir - qui veulent s’enfermer dans leurs propres frontières, dans leur propre idéologie, et qui même sont maintenant atteints par ce que j’appelle le principe de pureté : on veut être dans l’entre-soi. Il y en a même qui disent qu’il faut être dans la même religion, ici en Europe. Alors quand on est devant ce risque, quand on est devant cette confrontation qui ne va pas cesser compte tenu de la gravité des problèmes que l’on rencontre, compte tenu de ce qu’est aujourd’hui le monde, si on ne prend pas pleinement, à bras le corps la responsabilité d’affronter ceux qui veulent diviser, séparer, ségréger, exclure, alors on pourra avoir sa conscience, on n’aura à aucun moment pris sa responsabilité et si j’ai un conseil à donner, c’est qu’il peut y avoir de la diversité, heureusement qu’il y en a, du pluralisme à droite, à gauche, cela ne manque pas, mais il y a des moments où le rassemblement doit se faire autour de l’essentiel.
Et cela va bien au-delà des frontières politiques sur cette question des réfugiés, sur cette question de la lutte contre le terrorisme, sur cette question même de l’avenir de notre économie. Il y a un moment où il peut y avoir des décisions qui puissent être partagées. On parle beaucoup de l’Allemagne en ce moment, avec l’accueil qui est fait aux réfugiés —il y a sans doute le poids de l’histoire, je pense à la réunification. Il y a aussi —certains le disent, ce n’est pas forcément la bonne approche— les intérêts, parce qu’il y a aujourd’hui une démographie qui est déclinante, mais qu’est-ce qui fait qu’il y a cette unité ? C’est parce que aussi, les forces politiques en présence, parfois dans la coalition, parfois en dehors de la coalition, sont là et elles tiennent bon, elles ne font pas de surenchère. C’est pourquoi il y a une responsabilité qui n’est pas simplement celle du pouvoir, qui est celle de l’ensemble des familles politiques. Et face à des menaces, face à des risques, face à des dérives, il y a un moment où il faut savoir choisir son camp.
Moi, mon camp, c’est le camp de la France. La France telle qu’elle a toujours été, parfois elle a pu connaitre elle aussi des défaillances, mais la France, quand elle est à la hauteur de la France, elle gagne toujours à la fin.
JOURNALISTE : Vous avez annoncé 11 milliards de baisses des dotations de l’Etat aux collectivités locales, mais souvent dans notre pays ce sont les villes qui construisent, les villes qui investissent, et elles sont aujourd’hui très très inquiètes, qu’est-ce que vous leur répondez ? Et autre question annexe, vous avez annoncez en même temps que vous attendiez l’évaluation du pacte de responsabilité et que vous ne changerez rien, est-ce que vous pouvez expliquer ça ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Le pacte de responsabilité va jusqu’en 2017, et donc l’évaluation peut se faire dès la fin de l’année 2015, début de l’année 2016 permettant de faire des choix pour la suite. Mais pour l’année 2016, parce que je veux de la stabilité, je veux de la confiance, je veux des règles qui ne changent pas en fonction des circonstances, il y a l’application de ce qui avait été promis et voté et décidé. Pour ce qui concerne les économies à faire puisque nous avons été amenés à en engager des économies, l’Etat a fait son devoir, il a baissé le niveau de sa dépense, et pour beaucoup de ministères, cela a été une réorganisation, une réforme de l’Etat parce que cela n’a pas été fait de manière aveugle et parce qu’il y a une mobilisation, une modernisation, on l’a encore vu pour un certain nombre de ministères, notamment le ministère des Affaires étrangères, mais on pourrait en citer d’autres, où cette réforme s’est faite.
La Sécurité sociale, madame Marisol TOURAINE a mené des politiques particulièrement justes et courageuses : réduire, moduler un certain nombre de prestations selon les revenus, et en même temps améliorer un certain nombre d’autres parce que justement il y avait, notamment pour le grand vieillissement nécessité à faire davantage ou pour les familles monoparentales. Mais aussi pour la santé, être capable de ne pas prendre en compte un certain nombre de médicaments qui n’ont pas d’indication thérapeutique tout à fait décisive et en revanche garantir le remboursement, améliorer le remboursement. Donc on est capable de faire des économies et en même temps de faire de la justice, de faire du progrès. Et en plus les nouvelles technologies nous aident d’une certaine façon à être plus efficace.
La simplification aussi, l’abandon d’un certain nombre de normes, mais je reviens aux collectivités locales, moi-même j’ai été élu, maire, président de Conseil général à l’époque. Nous avons à faire des économies partout dans les grandes villes aussi, tout en les faisant avec un certain échéancier, une certaine prudence aussi, mais on a dit 11 milliards : 11 milliards sur trois ans et les collectivités locales ne pourraient pas s’adapter ?
Certains avaient été beaucoup plus lourds dans leurs annonces, c’était le cas de la majorité précédente où ils parlaient de plusieurs dizaines de milliards qui devaient être économisés sur les collectivités locales. Ce sont les mêmes d’ailleurs qui seront bientôt dans la rue pour dire qu’il faut maintenir ces dotations qu’ils voulaient supprimer hier. Donc nous devons demander à chaque collectivité notamment celles qui sont les plus riches, parce qu’il y a aussi des collectivités qui sont plus riches que d’autres, pour le milieu rural c’est très difficile, donc nous allons maintenir les dotations dans le milieu rural, nous allons faire une réforme de ce que l’on appelle la dotation globale de fonctionnement entre les collectivités pour que les plus prospères puissent aider les autres, et nous allons faire en sorte aussi que ces communes qui sont dans les quartiers difficiles puissent avoir le maintien voire l’amélioration même de leur dotation.
Voilà cela s’appelle la justice. On demande la justice fiscale, il y a aussi la justice territoriale, elle sera menée —le Premier ministre l’a annoncé, et je le confirme ici— il y aura un milliard de plus pour les collectivités locales qui investissent car cela a été pour nous le critère, en disant qu’il y a des dépenses de fonctionnement sûrement —les Français ont suffisamment d’exemples à l’esprit sans que je les énonce ici— à revoir, mais il faut préserver l’investissement parce que l’investissement, ce sont les bâtiments, les travaux publics et donc un milliard vont être décidés en faveur des collectivités locales avec des critères justement qui tiendront compte des travaux publics, de l’investissement dans la transition énergétique et tout ce qui permettra justement d’améliorer la vie de nos concitoyens.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, bonjour. Dans l’ouvrage de ma consœur Françoise FRESSOZ, déjà évoqué, vous sembliez donc exprimer quelques regrets notamment sur la non-instauration de la TVA sociale, si j’ai bien compris vous n’envisagez pas de l’instaurer d’ici la fin de votre quinquennat.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Vous avez bien compris.
JOURNALISTE : Mais je voulais savoir si vous aviez d’autres regrets, d’autres choses que vous ne referiez pas de la même façon, par exemple au début d’un deuxième mandat, ou est-ce que c’est le préliminaire d’une sorte d’inventaire, de droit d’inventaire, que vous feriez sur votre propre quinquennat, qui finalement vous distinguerez de votre prédécesseur ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Je ne suis pas pour une distinction sur tous les sujets, je ne me détermine pas par rapport à ce qu’ont pu faire mes prédécesseurs. Quand on me pose une question, j’y réponds, mais quand on m’en pose plusieurs sur le même sujet, je n’y réponds plus, parce que j’ai déjà tout dit.
On m’a demandé s’il aurait été plus facile de faire l’application d’une mesure décidée par mon prédécesseur ? Oui, cela aurait été plus facile, ce n’est pas ce que j’ai fait. Est-ce que tout a été bien fait dans le quinquennat ? On verra à la fin parce que c’est la cohérence qui doit en être le fruit, c’est cette cohérence-là qui compte, et on la voit à la fin. Est-ce que tout ce que nous avons fait, modifié, réformé, dans notre pays, donne un paysage, donne un tableau ? Est-ce que le pays va se sentir plus fort ? Pour l’instant il n’en n’a pas encore conscience, donc je dois lui dire, je dois lui démontrer, et je dois surtout le faire. Ce qui va compter c’est de savoir si le pays est plus fort, s’il a plus de capacités ? Donc je dois libérer toutes ces capacités, jusqu’au bout. Et je ne vais pas me regarder. Le côté miroir, « qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce que j’ai bien fait, qu’est-ce que je vais faire, qu’est-ce que pensent les autres », se comparer même, généralement c’est rassurant, mais quand même, je ne vais pas faire cela, je n’ai pas de temps à perdre dans cette démarche esthétique —et encore, cela dépend des goûts. Donc faire en sorte que ce soit sur les actes plutôt que simplement sur les mots, les paroles, les livres, pardon, que vous écrivez, et que je ne lis pas.
JOURNALISTE : Vous avez beaucoup parlé de choix pendant cette conférence de presse, je voudrais vous parler d’un choix qui a été fait dans la nuit du 28 au 29 août sur l’autoroute A1 où on a laissé en plein retours de vacances, 60 personnes, en conflit avec la justice, bloquer la circulation pendant toute une nuit, pour finir, obtenir satisfaction. Est-ce que ce jour-là les services de l’Etat ont fait le bon choix ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Je ne vais pas reprendre l’historique, mais vous le connaissez, l’historique, avec un drame, avec un gendarme mort, avec des familles qui se sont déchirées, dans une aire de gens du voyage, et qui étaient encore armés, et avec un individu qui voulait venir aux obsèques, dont on ne savait pas ce qu’il pouvait faire, et en plus ce n’est pas l’Etat qui peut décider, c’est la justice. Ce n’est pas madame TAUBIRA qui peut décider, c’est le juge d’application des peines. Alors, est-ce qu’il fallait envoyer les forces de l’ordre faire en sorte que ces gens-là soient mis de côté, avec des risques très sérieux pour leur propre vie ? Alors, cela a perturbé la circulation, et c’est très dommageable, et notamment par rapport à tous ceux qui revenaient de vacances, et de ce point de vue là j’en suis profondément désolé, mais le maintien de l’ordre et la sécurité c’est pour moi l’essentiel, et je ne veux jamais mettre en difficulté nos agents, je sais ce qu’ils font dans cette période, je sais le sacrifice qui a été le leur, le nombre de policiers, de gendarmes, de militaires, qui payent de leur vie le service de la France.
Ensuite, il y a d’autres manifestations - ce n’est pas la première, quelquefois beaucoup plus importantes. A Paris, il y a eu une manifestation agricole, avec des tracteurs. J’allais l’interdire, dire « les tracteurs n’ont pas le droit de venir à Paris parce que ça peut perturber » ? Je sentais bien la colère aussi de ces agriculteurs, qui n’en peuvent plus, qui étaient venus de loin, de Bretagne parfois, avec leur véhicule, de travail, parce qu’ils exprimaient quoi ? Ils exprimaient une volonté de vivre, et d’être traités dignement. Alors cela a pu entraîner des perturbations, des mesures étaient de toute façon préparées par le gouvernement et auraient été annoncées au-delà même de cette manifestation, mais c’est un droit la manifestation, et nous allons continuer à agir pour ces agriculteurs, comme je vous l’ai dit, parce que ce n’est pas simplement une profession qui est en cause, c’est toute la France qui doit se sentir solidaire, elle s’est sentie solidaire, ce qui explique d’ailleurs qu’il n’y a pas eu de protestation, même s’il y avait eu de la gêne.
Voilà, nous sommes dans un pays où nous devons assurer l’Etat de droit, assurer la sécurité, et en même temps comprendre qu’il peut y avoir des moments où il y a des perturbations qui existent et, même si elles créent des difficultés elles doivent être comprises.
JOURNALISTE : Bonjour Monsieur le Président. Vous venez d’évoquer l’égalité. Lors de votre passage en Guadeloupe vous avez confié à l’ancien ministre des Outre-mer Victorin LUREL une mission sur l’égalité réelle, or, vous le savez, les causes de cette inégalité est structurelle, l’Union européenne l’a reconnu, alors je souhaiterais que vous précisiez votre objectif et ce qu’il y a lieu de transformer, comment et quand ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Oui, je me suis engagé pour que l’égalité soit réelle partout en France et notamment dans les Outre-mer. C’est vrai qu’on a mis la parité, ce que l’on appelle la parité, c’est-à-dire pour les prestations, pour les salaires, il y a une forme maintenant de justice qui a été rendue, mais il y a encore un chômage beaucoup plus élevé dans les Outre-mer, il y a des modes de transport qui sont forcément plus compliqués pour les Outre-mer, il y a des risques de pollution qui aggravent aujourd’hui la situation dans les Outre-mer, mais il y a aussi des atouts considérables dans les Outre-mer et notamment par rapport aux énergies renouvelables, par rapport à la biodiversité, par rapport à un certain nombre d’industries et d’artisanat, et de tourisme. Donc, ce que nous voulons faire c’est, à travers une loi, qui sera, je l’espère, une loi de tous, faire en sorte que nous puissions, sur 10 ans ou 15 ans, faire un grand plan pour l’égalité dans tous les territoires d’Outre-mer.
Je n’ai plus beaucoup de temps à vous réserver, donc quelques questions, je vais répondre brièvement. Allez-y.
JOURNALISTE : Le Premier ministre finlandais a indiqué qu’il allait recevoir chez lui, dans sa maison secondaire, des réfugiés, il donne ainsi l’exemple à l’ensemble des chefs d’Etat européens. Est-ce que vous-même, à titre personnel, vous seriez prêt à accueillir des réfugiés chez vous ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Si je puis dire, je n’ai pas de résidence secondaire aujourd’hui disponible, mais je comprends ce geste, et puis il peut être démultiplié, mais, franchement, ce que l’on attend du chef de l’Etat, des ministres, vous pensez que c’est simplement de dire ce que l’on peut faire à titre personnel, ça c’est une affaire de choix, personnel, individuel. Ce que l’on attend, c’est de prendre des décisions pour tous et de faire en sorte que tous ceux qui veulent accueillir puissent le faire, mais cela sera organisé, coordonné, et cela passera essentiellement par les communes parce que ce sont les maires, on en parlait, les élus, qui pourront —le ministre de l’Intérieur y travaille— avec les préfets, pouvoir coordonner ces efforts. Mais c’est bien qu’il y ait ces initiatives.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, vous vous étiez engagé en 2012 à réformer les institutions et notamment à introduire la proportionnelle à l’Assemblée, est-ce que finalement aujourd’hui vous jugez que la crise démocratique n’est telle en France qu’elle nécessite une réforme de la représentativité des institutions, ou bien est-ce que vous envisagez toujours, d’ici la fin du quinquennat, d’introduire la proportionnelle ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Je pense que la crise démocratique ne répond pas simplement à une obligation de changer un scrutin, il peut y avoir des justifications pour changer les règles d’un scrutin, mais ce n’est pas ainsi que l’on pourra être à la hauteur de la crise démocratique. Par ailleurs, il y a des réformes qui vont être engagées, sur le plan institutionnel, et je considère que la procédure législative est tout à fait nécessaire à corriger, à améliorer, à simplifier, et à rendre plus rapide - les présidents des deux Assemblées y travaillent, le gouvernement sera bientôt saisi d’un projet, et nous travaillerons pour qu’il puisse y avoir une évolution. Moi je considère que pour beaucoup de Français, ce qui est insupportable, ce n’est pas de savoir simplement comment l’Assemblée est constituée, comment le Sénat est élu, c’est de savoir – ce peut être une question légitime – si l’on peut prendre des décisions rapidement et aussi avec la sagesse nécessaire pour la délibération collective. C’est aussi d’associer beaucoup plus les Français à l’élaboration de la loi et des textes en général.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, vous insistez depuis longtemps sur l’importance de la COP21, qui aura lieu à la fin de l’année à Paris. Au moment d’aborder cet événement les écologistes ne sont toujours pas revenus au gouvernement, à qui la faute et est-ce que la porte leur est toujours ouverte ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : La réponse est oui, et la ligne est connue. Le gouvernement fait ses choix, et tous ceux qui veulent travailler dans cette équipe sont bienvenus à partir des règles qui viennent d’être posées.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, allez-vous réunir le Congrès à Versailles sur la refonte des langues régionales, et allez-vous l’ouvrir au Conseil Supérieur de la Magistrature, dans ces cas-là est-ce que vous espérez avoir cette majorité, l’avez-vous aujourd’hui ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Nous le verrons, mais je suis effectivement favorable à ce que deux réformes constitutionnelles puissent être votées, ce qui suppose des majorités larges, la première réforme sur les langues régionales, c’est un texte qui depuis 20 ans n’a pas été encore ratifié parce qu’il n’a pas été regardé comme pouvant être conforme à la Constitution, donc je veux tenir la parole de la France qui a été exprimée il y a déjà plus de 20 ans. Et, deuxième sujet, le Conseil Supérieur de la Magistrature, oui, je pense que, d’ailleurs dans l’intérêt du pays tout entier, de ce qu’on pense être la garantie d’une justice indépendante, il est tout à faire nécessaire d’avoir cette évolution et je ne comprendrais pas, d’ailleurs, qu’elle ne soit pas partagée par tous.
Est-ce que l’on peut introduire un troisième sujet ? J’ai évoqué la procédure législative, il peut y avoir, de ce point de vue là, une simple réforme du règlement intérieur, s’il faut aller plus loin j’y suis, pour ma part, favorable.
JOURNALISTE : Monsieur le Président, bonjour. Depuis votre élection quatre ministres, ministres délégués ou secrétaires d’Etat, se sont succédés à la politique de la ville, il y a quelques jours madame EL KHOMRI a été nommée au ministère du Travail, est-ce que ce n’est pas regrettable, finalement, qu’il n’y ait pas aujourd’hui un ministre de plein exercice pour ces problématiques-là particulièrement, alors qu’on aborde, ce sera dans quelques semaines, la date anniversaire des émeutes de 2005 et que votre Premier ministre, Manuel VALLS, a parlé il y a quelques mois d’apartheid social et territorial ? Merci.
LE PREDISENT DE LA REPUBLIQUE : Il y a un ministre de plein exercice de la Ville, qui est monsieur KANNER, et ce ministre en est chargé depuis déjà plus d’1 an, et il travaillait, jusqu’à récemment avec madame EL KHOMRI devenue ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social, et je pense que c’est un bon signal justement, qu’une ministre, qui jusque-là était chargée de la ville, puisse être aussi, maintenant, chargée de la politique de l’emploi, et notamment dans ces quartiers difficiles ou dans ces espaces ruraux fragiles. C’était son rôle, et avec notamment un projet qui va maintenant être abouti, d’Agence de développement économique pour ces espaces. Et finalement il n’y avait pas plus belle confirmation de cette priorité, de plus beau symbole que de faire la nomination qui a été faite, de madame EL KHOMRI, pour signaler notre volonté.
Je vais prendre deux autres questions et après ce sera terminé.
JOURNALISTE : On a vu avec les manifestations des agriculteurs qui dénoncent le dumping social de leurs homologues allemands et espagnols, on a vu des travailleurs détachés intervenir de plus en plus en France, y compris sur des rassemblements de partis politiques. Alors est-ce que l’Europe, ça fonctionne encore ou, au contraire, ça crée une concurrence qui devient insupportable pour beaucoup de Français ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : L’Europe ce sont des règles. La règle c’est la liberté de circulation, ce qui explique qu’il puisse y avoir des travailleurs détachés en toute légalité. Ce qui me permet d’ajouter que les pays qui mettent en cause la liberté de circulation aujourd’hui sont précisément ceux qui envoient des travailleurs détachés en France ou en Allemagne. Je leur demande d’y réfléchir car si on remet en cause un certain nombre de principes, les travailleurs détachés ne pourront plus être reçus comme ils le sont.
Après, il y a des travailleurs qui sont faussement détachés et qui sont en fait en dehors du droit. Et nous avons fait voter une loi dans le cadre du dialogue social justement, la loi Macron, pour faire en sorte que les employeurs qui se livrent à l’abus de travailleurs détachés puissent être plus sévèrement surveillés et sanctionnés.
C’est la dernière question, dépêchez-vous.
JOURNALISTE : Merci monsieur le Président. Quand vous avez parlé de la Conférence sur le climat, selon vous quel sera le rôle que la Chine puisse jouer pour les problèmes de climat ? Et qu’est-ce que vous pensez de l’économie et de la finance de la Chine actuelle ? Merci.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Alors d’abord, il y a un ralentissement de la croissance chinoise. C’était déjà vrai en 2014 et cela semble se confirmer en 2015, mais à des niveaux qui restent significatifs et élevés, plus de 7 %. Il y a des soubresauts boursiers mais il faut rappeler que les marchés financiers chinois avaient beaucoup augmenté au niveau de leur valeur. Donc si j’ai un message à faire passer, c’est qu’il peut y avoir des ajustements, il peut y avoir effectivement des conjonctures, et cela vaut pour un certain nombre de pays comme la Chine ou des pays émergents. Mais pour ce qui concerne la Chine, j’ai toute confiance dans la capacité des autorités chinoises à mettre l’économie dans un sentier de croissance de long terme, même s’il peut y avoir des ralentissements.
Mais comme il y a ces mouvements de conjoncture, il est très important qu’en Europe —aux Etats-Unis aussi, qui sont aujourd’hui dans une dynamique positive— on fasse davantage de croissance, et c’est tout ce qui a trait au plan JUNCKER, aux investissements et à la politique monétaire de la Banque centrale.
Sur le deuxième sujet, la Chine : c’était dans cette pièce même que le Premier ministre chinois a annoncé la contribution de ce grand pays pour la Conférence sur le climat à Paris. La Chine va être un acteur majeur pour emmener aussi, non seulement l’un des pays les plus peuplés mais aussi l’un des pays les plus pollués, pour faire en sorte que d’autres pays puissent suivre l’exemple chinois. Et je me rendrai en Chine au début du mois de novembre pour lancer avec le Président Xi JINPING un appel, pour que nous puissions réussir la Conférence sur le climat.
La Conférence sur le climat, ce n’est pas simplement les pays développés, c’est les pays émergents, les pays en développement, c’est pourquoi l’apport de la Chine est majeur.
Je vous remercie beaucoup d’avoir posé cette dernière question, et je vous dis à la prochaine conférence de presse pour d’autres questions qui peuvent parfois ressembler à celles d’aujourd’hui. Merci.
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