Mesdames et Messieurs,
Une grande journée d’entretiens s’est déroulée aujourd’hui, qui clôture la visite de travail de la délégation américaine à Moscou. Nous avons commencé par un entretien au Ministère des Affaires étrangères et avons continué ici, au Kremlin, avec le Président russe Vladimir Poutine.
Ce matin, cet après-midi comme dans la soirée, nos discussions ont été concrètes et substantielles. Nous nous sommes concentrés sur le processus de paix syrien en lien avec l’intensification de la lutte contre le terrorisme. Daech, le Front al-Nosra et d’autres organisations terroristes sont une menace commune pour nous tous, pour toute l’humanité. Nous avons réaffirmé aujourd’hui notre détermination à éradiquer ce fléau.
Nous avons confirmé les accords conclus entre les militaires russes et américains, ainsi que ceux qui s’appliquent à la coalition antiterroriste menée par les USA. Concrètement, nous avons convenu des démarches à suivre pour rendre notre travail parallèle plus coordonné et efficace.
Nous avons évoqué de manière très détaillée la situation actuelle du processus de paix syrien et réaffirmé les ententes trouvées lors des récentes réunions de Vienne, qui s’appuient sur le Communiqué de Genève du 30 juin 2012. Nous nous sommes entendus pour continuer de travailler sur une liste commune des organisations terroristes, et soutenir la contribution de l’Onu à la formation d’une délégation d’opposition représentative prête aux négociations avec la délégation du Gouvernement syrien sur une base constructive dans le cadre des principes affirmés par les membres du Groupe international de soutien à la Syrie.
Nous avons convenu de poursuivre le travail sur le problème terroriste et l’organisation des négociations entre le Gouvernement syrien et l’opposition. Dans le même temps, à l’étape actuelle, nous avons jugé utile de réaffirmer les accords conclus à Vienne le 30 octobre et le 14 novembre 2015 sous la forme d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. A cet effet nous soutenons l’idée de réunir de nouveau le Groupe international de soutien à la Syrie au niveau ministériel le 18 décembre (ce vendredi) à New York. Nous espérons qu’à l’issue de ces pourparlers, avec l’accord de tous ses membres, nous pourrons soumettre au Conseil de sécurité des Nations unies un projet de résolution confirmant tous les principes de base des déclarations de Vienne du 30 octobre et du 14 novembre. Voilà pour la partie syrienne de nos entretiens d’aujourd’hui.
Nous avons également échangé nos vues sur le règlement de la crise en Ukraine. La Russie et les États-Unis, faisant suite aux accords conclus entre le Président russe Vladimir Poutine et son homologue américain, confirment leur soutien aux Accords de Minsk, aux négociations au "format Normandie", et utiliseront leurs capacités pour que les Accords de Minsk soient intégralement remplis. Il existe une idée concrète quant à sa promotion le plus efficacement possible. Nous comptons rester en contact avec nos collègues américains.
Question : Que pensez-vous de la nouvelle coalition antiterroriste qui vient d’être annoncée par l’Arabie saoudite ? Y a-t-il un progrès en ce qui concerne la liste des organisations terroristes et des organisations représentant l’opposition syrienne ?
Sergueï Lavrov : Tout comme vous, nous avons appris aujourd’hui dans les médias la création d’une coalition par l’Arabie saoudite. Nous attendons d’avoir de plus amples informations de la part des initiateurs de ce processus. Nous voudrions également en savoir davantage sur ce qui a été évoqué hier à Paris. Le Secrétaire d’État états-unien John Kerry nous a en effet parlé d’un entretien entre certains pays réunis dans la capitale française pour échanger des points de vue sur la situation en Syrie et les tâches de tous ceux qui souhaitent la fin du conflit.
Nous considérons, par principe, que tout le monde doit apporter sa contribution à la lutte antiterroriste, au progrès du processus de paix. Mais nous préférons le faire dans le format collectif qui s’est constitué à Vienne et inclut tous les acteurs clés qui influencent d’une manière ou d’une autre les différents acteurs qui combattent en Syrie, au format qui a été approuvé au Conseil de sécurité des Nations unies par une résolution adoptée récemment. Ce processus, coordonné par la Jordanie, inclut également la préparation d’une liste des organisations terroristes. Nos collègues jordaniens ont déjà rassemblé les informations, demandées à tous les membres du Groupe international de soutien à la Syrie (GISS), sur les groupes que chaque pays considère comme terroristes. Les Jordaniens envoient actuellement cette information dans les capitales de tous les membres du GISS. Ce travail se poursuit. Il est clair dès à présent que Daech et le Front al-Nosra sont reconnus à l’unanimité comme des organisations terroristes avec lesquelles on ne peut pas négocier et qui ne seront pas inclues dans le cessez-le-feu quand commencera le processus de paix et que les conditions seront réunies pour ce cessez-le-feu. Plusieurs autres organisations sont reconnues comme terroristes par la majorité des membres du groupe de Vienne. Pendant notre prochaine réunion, il faudra continuer la mise au point du reste de la liste. J’espère qu’elle se tiendra ce vendredi à New York.
Nous continuerons aussi de travailler sur la contribution de l’Onu à la formation de la délégation d’opposition qui négociera avec le Gouvernement syrien. Les documents de Vienne attestent que tous les membres du GISS sont invités à aider l’Onu à former cette délégation. La récente réunion organisée à Riyad a contribué à ce travail. Tous les groupes d’opposition n’y étaient pas représentés mais c’était l’une des étapes de ce travail coordonné par l’Onu, qui a synthétisé les résultats des réunions organisées cette année entre les opposants à Moscou, au Caire, à Astana et très récemment à Damas où s’est réunie l’opposition "interne", à Hassaké où se sont réunis les rebelles kurdes. Toutes ces informations seront regroupées et analysées par l’Onu. Le représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, soumettra ses recommandations pour former une délégation de l’opposition qui soit représentative et englobe tout le spectre des opposants prêts à des négociations constructives avec le Gouvernement syrien sur la base du Communiqué de Genève.
Je voudrais souligner l’importance primordiale du principe selon lequel seul le peuple syrien peut décider du sort de son pays. Ce principe est fixé dans le Communiqué de Genève de 2012 et clairement confirmé dans les documents de Vienne adoptés cet automne.
Au sujet du besoin d’actions collectives communes, menées dans le cadre de formats inclusifs, je voudrais souligner un autre point : nous ne nous sommes pas rencontrés aujourd’hui dans le dos d’autres membres du GISS, mais en tant que coprésidents de ce Groupe et en toute transparence. Nous avons convenu d’avancer l’initiative pour adopter une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui fixerait toutes les ententes de Vienne dans un format inclusif avec la participation de tous les membres du GISS. Je pense que cette approche, basée sur le travail collectif et les actions communes, peut être fructueuse.
Question (adressée au Secrétaire d’État américain John Kerry) : Avec le Ministre Sergueï Lavrov, vous avez évoqué la nécessité de trouver ensemble des points de convergence. Avez-vous réussi à avancer sur les questions clés qui suscitent le plus de divergences, notamment sur les listes des terroristes et de l’opposition ? Je sais que vous avez l’intention aujourd’hui de mettre de côté tous les différends concernant le Président syrien Bachar al-Assad. La semaine dernière l’opposition était d’avis qu’il devait partir au début du processus de paix. Est-ce que cela permettra au moins d’entamer les négociations sur cette base ?
Sergueï Lavrov (répond après le Secrétaire d’État américain John Kerry) : Je voudrais soutenir les propos de John Kerry. Le mandat pour former une délégation de l’opposition et aider à l’élaboration d’une plateforme pour les négociations avec le Gouvernement syrien a été délivré au représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu pour la Syrie Staffan de Mistura. La réunion qui s’est tenue en Arabie saoudite contribue au travail de l’Onu. Ce travail s’appuie sur le Communiqué de Genève et les deux documents de Vienne où, je le répète, il est clairement écrit que seul le peuple syrien déterminera le sort de son pays au cours des négociations entre le Gouvernement syrien et tout le spectre de l’opposition sur la base d’une entente mutuelle.
Question : Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Onu affirme que la crise humanitaire dans le nord de la Syrie s’aggrave à cause de l’intensification des bombardements russes. Que pouvez-vous répondre ?
Sergueï Lavrov : Si je comprends bien, vous parlez d’un récent rapport affirmant que l’opération russe en Syrie ferait davantage souffrir la population civile. Ces affirmations ne se référent à aucun fait. Nous avons demandé ces détails au Secrétariat de l’Onu. Il n’a pas pu nous les fournir. Après cela nous avons demandé au Secrétariat de l’Onu d’être plus minutieux à l’avenir dans ses déclarations et de fournir des appréciations appuyées sur des informations exactes en indiquant la source. Nous n’avons pas entendu d’autres accusations contre nous depuis.
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