Sur le même sujet :
– Premier rapport de l’Onu sur Daesh, 9 février 2016.
– Rapport de Renseignement russe sur l’aide actuelle turque à Daesh, 10 février 2016.
– Rapport de Renseignement russe sur le trafic d’antiquités de Daesh, 8 mars 2016.
– Rapport de Renseignement russe sur les livraisons d’armes et de munitions de la Turquie vers le territoire syrien tenu par Daesh, 18 mars 2016.
– Rapport de Renseignement russe sur l’approvisionnement de l’État islamique d’Iraq et du Levant en composantes destinées à la fabrication d’engins explosifs improvisés, 17 mai 2016.
– Deuxième rapport de l’Onu sur Daesh, 31 mai 2016.
– Troisième rapport de l’Onu sur Daesh, 30 septembre 2016.
– Quatrième rapport de l’Onu sur Daesh, 2 février 2017.
Cinquième rapport du Secrétaire général sur la menace que représente l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour aider les États Membres à contrer cette menace
I. Introduction
1. Par sa résolution 2253 (2015), le Conseil de sécurité a affirmé sa détermination à faire front à la menace que représente pour la paix et la sécurité internationales l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) et les autres personnes et groupes qui y sont associés, et a déclaré qu’il fallait empêcher le groupe d’avoir accès à des fonds et de planifier et faciliter des attaques. Au paragraphe 97, le Conseil m’a prié de lui présenter un rapport stratégique initial et de le tenir ensuite régulièrement informé tous les quatre mois.
2. Le présent rapport, le cinquième du genre (voir S/2016/92, S/2016/501, S/2016/830 et /2017/97), a été préparé par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT) et par l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée en application des résolutions 1526 (2004) et 2253 du Conseil de sécurité concernant l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech), Al-Qaida et les Taliban les personnes et entités qui leur sont associés du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) concernant l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés, et en étroite collaboration avec l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme et d’autres acteurs concernés du système des Nations Unies et des organisations internationales.
3. La résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité, adoptée lors d’une réunion tenue au niveau des ministres des finances, a renforcé le cadre international de la lutte contre le financement du terrorisme en demandant aux États Membres de prendre des mesures fermes et énergiques afin d’endiguer les flux de fonds et autres actifs et ressources économiques à destination de l’EIIL. Le présent rapport porte principalement sur les sources actuelles de financement du terrorisme et l’évolution des méthodes de financement, les mesures mises en place par les États Membres pour priver l’EIIL et ses affiliés de fonds et démanteler les réseaux terroristes, et les efforts déployés par l’ONU et ses partenaires pour renforcer les capacités des États dans ce domaine. Il examine également les mesures et initiatives, notamment les stratégies de poursuites et de réinsertion, mises en œuvre pour contrer la menace que représentent les combattants terroristes étrangers (voir résolution 2178 (2014) du Conseil) qui retournent dans leurs États d’origine ou dans d’autres États après avoir quitté les zones de conflit.
II. Évolution de la menace depuis janvier 2016 (S/2016/92)
A. Noyau de l’EIIL en Iraq et en République arabe syrienne
4. Depuis janvier 2016, l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) subit une pression militaire constante et essuie des revers en République arabe syrienne et en Iraq. Le groupe continue néanmoins de résister, notamment à Mossoul (Iraq), et conserve son emprise sur Raqqa (République arabe syrienne). La complexité de la situation militaire l’a conduit à réorganiser sa structure militaire et à déléguer la prise de décisions aux commandants locaux (voir S/2017/35, par. 16). Réagissant aux revers qu’il subit dans la zone de conflit, le groupe continue de faciliter et d’encourager une série d’attaques, hors de la zone. La mort d’Abou Mohamed Al Adnani (QDi.325) et la perte de la ville de Manbej (République arabe syrienne), qui servait de quartier général pour la propagande et la planification des attaques extérieures, ont contraint le groupe à se réorganiser (S/2017/35, par. 18). Depuis sa création, l’EIIL utilise des engins explosifs improvisés. Cela étant, malgré la pression militaire constante à laquelle il est soumis, il a réussi à développer les capacités nécessaires pour assembler de tels engins à l’échelle industrielle et utiliser un nombre considérable de drones disponibles dans le commerce pour mener diverses opérations, notamment de propagande, de reconnaissance, de tir direct ou indirect et d’attaques aériennes .
5. Le nombre de combattants de l’EIIL a considérablement diminué ces 16 derniers mois et se situe actuellement entre 12 000 et 20 000 combattants (S/2017/35, par. 14). Parallèlement, le flux de combattants terroristes étrangers depuis de nombreuses régions vers l’Iraq et la République arabe syrienne a ralenti. Toutefois, les rapatriés et les combattants qui quittent les zones de conflit pour se réinstaller dans d’autres régions font désormais peser une menace considérable sur la sécurité internationale (S/2017/35, par. 3).
6. La menace que représente l’EIIL a été aggravée par l’utilisation ingénieuse que le groupe fait de l’Internet et des médias sociaux pour faire passer des messages à un large public international. Depuis 2014, l’EIIL utilise ses publications en ligne pour toucher des combattants terroristes étrangers potentiels et les médias sociaux et inciter les gens à rejoindre ses rangs. Il cible également des compétences précises et adapte son message aux différents groupes linguistiques en se servant de combattants terroristes étrangers principalement installés en Syrie et en Iraq pour entrer en contact avec des personnes dans leurs pays d’origine, dans leur propre langue. Une fois le dialogue établi, les recruteurs et agents de l’EIIL transfèrent rapidement leurs communications vers de multiples applications cryptées, ce qui complique les efforts déployés dans les pays d’origine pour surveiller ces contacts et mener des enquêtes à ce sujet . Ces 16 derniers mois, la propagande a diminué d’ampleur, dans un contexte où l’EIIL, qui jusqu’à présent s’évertuait à diffuser avant tout le message d’un État en cours d’édification, tente désormais de mettre l’accent sur les succès qu’il remporte lors de ses engagements militaires (S/2017/35, par. 17). Malgré cette baisse dans la production de messages, la propagande se poursuivra dans une large mesure, tant que les messages seront repris et relayés par les partisans du groupe à l’extérieur des zones de conflit.
B. Le financement de l’EIIL
7. L’EIIL est à un moment charnière de son financement. Depuis mon dernier rapport (S/2016/92), le groupe subit un revers de fortune. S’il est vrai que, ces 16 derniers mois, sa situation financière ne cesse de se dégrader, il ne continue pas moins d’être pour l’essentiel tributaire des deux mêmes sources de revenu, hydrocarbures et extorsion/levée d’« impôts », sur lesquelles il s’appuie depuis qu’il a proclamé le prétendu « califat ». L’EIIL continue de gérer plusieurs dizaines de millions de dollars de recettes par mois .
8. L’EIIL tirant ses revenus de l’exploitation de territoires, ses sources de revenus continueront de diminuer à mesure que le groupe continuera de perdre du terrain, en particulier des villes. Jusqu’à présent, il ne semble avoir trouvé de nouvelles sources qui pourraient compenser la diminution continue de ces deux principaux flux de revenus. Toutefois, le groupe n’est pas obligé de compenser les pertes importantes qu’il subit : plus il perdra de localités et verra ses forces se réduire, plus les coûts qu’il devra supporter seront moindres. Ainsi, il pourrait bien être en mesure de maintenir la capacité financière qu’il a encore ou qu’il pourrait acquérir.
9. Dans mon premier rapport, j’ai indiqué que l’EIIL avait tiré jusqu’à 500 millions de dollars de recettes du pétrole et de ses produits dérivés en 2015 (voir S/2016/92, par. 17). Au moment de l’établissement de mon précédent rapport, selon une estimation de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq, ces recettes avaient diminué de moitié environ (voir S/2017/97, par. 6), principalement en raison des opérations militaires prenant pour cible les infrastructures pétrolières. L’EIIL a tenté de compenser la baisse des recettes pétrolières par une augmentation de la charge d’« impôt » qu’il fait peser sur la population encore sous son contrôle (voir S/2016/629, par. 14), et poursuit ses efforts dans ce sens . Toutefois, les recettes qu’il peut extraire d’une économie de guerre ne sont pas illimitées et, dans mes précédents rapports, j’ai appelé l’attention sur les effets d’une diminution continue des ressources financières de l’EIIL, notamment les baisses considérables des salaires des combattants et les retards dans leur versement, la corruption interne et le vol, et la diminution des services déjà réduits que le groupe fournit (voir S/2016/501, par. 9, S/2016/830, par. 4 et 5, et S/2017/97, par. 5 et 6). L’EIIL a continué d’être confronté à des crises de trésorerie et il consacre les fonds qu’il lui reste à l’achat d’armes . En outre, certains combattants de l’EIIL ont dû recourir à de petits boulots pour compenser les baisses, les retards ou l’absence de salaire .
10. Outre les ressources susmentionnées, l’EIIL tire des recettes de la contrebande d’antiquités , de produits agricoles, de la vente d’électricité, de l’exploitation de ressources minérales telles que le phosphate et l’acide sulfurique, de dons extérieurs, d’enlèvements contre rançon et de la traite des êtres humains (voir S/2017/35, note 16) .
11. En outre, mon Représentant spécial chargé de la question des violences sexuelles commises en période de conflit a réuni soigneusement des preuves attestant la vente, le don et la traite de femmes et d’enfants entre combattants, qui constituent un volet important de la stratégie de recrutement (voir S/2016/1090).
12. Malgré les revers financiers qu’il a subis, le noyau de l’EIIL aurait, selon plusieurs États Membres, continué de financer ses affiliés, dont beaucoup ont peu de sources internes de revenus et dépendent de ce fait du groupe. Toutefois, de plus en plus, il aurait commencé à demander à ses affiliés de de devenir plus autonomes et de développer plus activement leurs propres sources de revenus .
13. Compte tenu de cette évolution, la communauté internationale devra désormais faire porter son action sur la lutte contre le financement de l’« EIIL 2.0 ». Le groupe devrait continuer de recourir à l’extorsion et aux activités criminelles pour se financer même s’il ne contrôle plus de territoire, mode opératoire qu’il avait déjà utilisé lorsqu’il avait pour nom « Al-Qaida en Iraq » (QDe.115) . Les États Membres ont indiqué que l’EIIL pourrait se tourner vers les enlèvements contre rançon, d’autant que des journalistes et des travailleurs humanitaires retournaient dans les régions libérées. Il pourrait recourir de plus en plus aux dons externes pour accroître son financement . Fait plus important encore, selon les États Membres, l’EIIL préparerait peut-être l’avenir en procédant, dans la zone de conflit mais également dans toute la région, à des investissements qui pourraient lui servir de source de financement lorsque les autres ressources se tariraient. Un autre État membre, indiquant que l’EIIL aurait transféré des fonds dans des zones où il ne comptait aucun affilié, a estimé que cette démarche s’inscrivait dans un projet d’avenir mûrement réfléchi.
14. Les sociétés de services financiers, notamment les bureaux de change, restent un des moyens privilégiés de l’EIIL et de ses soutiens pour déplacer des fonds d’un pays à l’autre . Des bureaux de change en Iraq et en République arabe syrienne ont été utilisés pour le compte de l’EIIL , mais le problème va bien au-delà de ces deux pays, comme le montrent les récentes arrestations qui ont eu lieu dans toute la région . L’EIIL fait également appel, dans une large mesure, aux convoyeurs de fonds pour transférer des liquidités. Parfois, le transfert de fonds fait intervenir à différentes étapes tant des convoyeurs professionnels que des sociétés de services financiers .
15. L’accès des combattants terroristes étrangers à leurs comptes bancaires dans leur pays d’origine, même après qu’ils ont gagné la zone de conflit, demeure un problème, les combattants ou les facilitateurs retirant des espèces à l’aide de cartes bancaires près de la zone de conflit pour les remettre à l’EIIL (voir S/2017/35 par. 11 et 12 ; S/2017/97, par. 8). Si le recours aux bitcoins par des agents de l’EIIL n’est pas encore répandu, quelques cas d’utilisation de ce système de paiement par des soutiens du groupe ont été signalés .
16. Enfin, comme je l’ai indiqué précédemment (voir S/2016/501, par. 9), l’action des États Membres et les limites de l’« économie de guerre » ont restreint les liquidités disponibles dans les zones de conflit. Dans leur réflexion sur les mesures à adopter pour lutter contre le financement de l’« EIIL 2.0 », les États Membres devront avant tout faire en sorte que les fonds destinés à la reconstruction et à la stabilisation puissent parvenir aux zones libérées, y compris en rétablissant les structures financières internationales, tout en évitant que les éléments résiduels de l’EILL détournent ces structures à leur profit et exploitent ces nouvelles sources de liquidités, notamment par l’extorsion et la création de sociétés écrans.
III. Évolution de la menace que représente l’EIIL pour le monde
17. En septembre 2014, l’EIIL déclarait avoir l’intention de frapper les États-Unis d’Amérique et l’Europe . Depuis, l’organisation a mené toute une série d’attaques en usant de moyens qui dépendaient de sa capacité à mettre ses menaces à exécution directement à partir des zones de conflit. Les attentats multiples perpétrés à Paris et à Bruxelles en novembre 2015 et mars 2016, qui ont fait l’objet d’une préparation minutieuse, ont été planifiés et facilités par des membres du noyau du groupe spécialement envoyés en Europe. Depuis ces événements, les États Membres de l’Organisation des Nations Unies qui sont en Europe et la Turquie ont mis en place différentes mesures visant à limiter les déplacements des combattants terroristes étrangers vers les zones de conflit (voir S/2017/35, par. 8) et il est ainsi devenu de plus en plus difficile pour l’EIIL d’organiser ce type d’attaques.
18. Néanmoins, par sa propagande et sa stratégie de commuication, l’EIIL a encouragé ses partisans qui se trouvaient sur le sol européen à perpétrer des attentats dans leur pays de résidence, mettant au jour des méthodes et des modèles d’engins explosifs improvisés élaborés. De multiples attaques ont ainsi été organisées, notamment en Allemagne, en Belgique, en Fédération de Russie, en France, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, en Suède et en Turquie. Dans certains cas, les auteurs de ces attaques étaient des combattants de retour dans leur pays et dans d’autres, des individus ne s’étant jamais rendus dans les zones de conflit.
19. Bien que perpétrées la plupart du temps avec des moyens rudimentaires, ces attaques font de nombreuses victimes, comme ce fut le cas à Nice, à Berlin, à Londres, à Stockholm, à Saint-Pétersbourg et à Manchester, pour la dernière en date qui a ensuite été revendiquée publiquement par le groupe dans un communiqué diffusé via les médias sociaux le 23 mai 2017. Si ces attaques sont souvent présentées de prime abord comme étant le fait d’« acteurs isolés », les enquêtes révèlent par la suite que ceux-ci ont bénéficié du soutien, notamment financier, d’intermédiaires (voir S/2017/35, par. 7) et que, dans un certain nombre de cas, ils étaient en contact direct avec des agents de l’EIIL, grâce à des réseaux de communications en ligne cryptés, tant avant que pendant les attaques . Les services de police de la plupart des pays européens sont par ailleurs parvenus à détecter des projets d’attaques et à les déjouer, y compris dans des pays qui n’étaient jusqu’alors pas considérés comme des cibles prioritaires de l’EIIL . Bien que plusieurs États membres de l’Union européenne estiment que seul un petit nombre des combattants toujours présents dans les zones de conflit rentreront dans leur pays d’origine (voir S/2071/35, par. 10), le retour de ces individus représenterait une grave menace, ceux-ci étant devenus des combattants aguerris.
20. En Afrique du Nord, des groupes affiliés à l’EIIL affichent leur résilience et font peser une menace sérieuse. D’après un État Membre, l’objectif de l’EIIL est d’asseoir sa présence dans la région, en réaction à la pression constante qu’elle subit en Iraq et dans la République arabe syrienne. Bien qu’il ait perdu une partie importante du territoire qu’il contrôlait en Libye et s’en trouve affaibli, la menace qu’il représente, tant dans pays que dans les pays voisins, subsiste. Comme l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions l’indique dans son dix-neuvième rapport, les actes terroristes comme l’attentat-suicide perpétré à Benghazi le 18 décembre 2016, lors duquel plusieurs soldats ont trouvé la mort, montrent que le groupe conserve ses capacités opérationnelles (voir S/2017/35, par. 36). Des États Membres ont indiqué que les dirigeants de l’EIIL en Libye s’étaient réinstallés dans les régions du sud et du sud-ouest du pays. Les combattants, eux, ont disséminés à travers le pays et dans la région, proliférant ainsi la menace. Selon un État Membre, Abu Bakr al-Baghdadi aurait appelé les partisans et les sympathisants du groupe à se rendre en Libye plutôt qu’en République arabe syrienne ou en Iraq.
21. Dans plusieurs régions d’Algérie, le groupe terroriste Soldats du califat en terre d’Algérie (QDe.151), qui est affilié à l’EIIL, est soumis à une pression constante de la part des forces de sécurité . Depuis sa création, en 2014, par une faction dissidente de l’organisation terroriste Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) (QDe.014), ce groupe a revendiqué plusieurs attentats. D’après un État Membre, il aurait des contacts directs et coordonnerait ses opérations avec les dirigeants de l’EIIL en République arabe syrienne et en Iraq.
22. En Afrique de l’Ouest, l’expansion de l’EIIL est actuellement contestée par des groupes affiliés à Al-Qaida. Les organisations Al-Qaida au Maghreb islamique (QDe.014), Ansar Eddine (QDe.135) et Al-Mourabitoun (QDe.141) prédominent toujours dans la région, en particulier depuis qu’elles annoncent s’être unies sous la bannière du nouveau Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Néanmoins, un groupe dissident d’Al Mourabitoun, l’État islamique dans le Grand Sahara, dirigé par Adnan Abu al-Walid al-Sahrawi, a été reconnu par le noyau de l’EIIL à l’automne 2016 . Depuis lors, ce groupe a commis plusieurs attentats. Il a notamment revendiqué deux attaques perpétrées au Burkina Faso, contre un bureau de douane à Markoye en septembre 2016 et contre des forces de sécurité stationnées à Intangom le 12 octobre 2016 (voir S/2017/35, par. 43). Selon des informations, il serait également responsable des attaques survenues récemment au Niger .
23. Au Nigéria, une faction de Boko Haram (QDe.138) a prêté allégeance à Al-Baghdadi et proclamé la « Province ouest-africaine de l’État islamique » . Dès sa création en 2015, cette faction a revendiqué plusieurs attentats-suicides perpétrés au Nigéria et engagé des confrontations meurtrières avec les forces de sécurité. Le 29 avril 2017, elle a annoncé, dans un communiqué, avoir tué 15 soldats dans le nord-est du pays . Des États Membres ont signalé que le trafic, en particulier d’armes et de matériels connexes, s’était intensifié et que l’EIIL avait accru ses capacités de recrutement dans la région. Ils ont également souligné que ce groupe terroriste était en mesure d’attirer d’anciens combattants d’Afrique de l’Ouest qui revenaient d’Iraq ou de la République arabe syrienne. Selon un État Membre, plusieurs combattants de la faction dissidente d’Al-Mourabitoun fidèle à l’EIIL se seraient rendus à Syrte, en Libye, pour s’entretenir avec des membres de l’EIIL avant de rentrer au Mali.
24. En ce qui concerne l’Afrique de l’Est, de nouveaux groupes affiliés à l’EIIL, qui opèrent dans le Puntland et dans certaines parties du sud de la Somalie, ajoutent à la menace terroriste que pose le groupe des Chabab (SOe.001), organisation ayant prêté allégeance à Al-Qaida. En effet, des États Membres ont souligné que, même si ces groupes ont leurs bases en Somalie, ils représentent également une menace pour les États voisins, où ils cherchent à recruter des combattants, à établir de nouvelles bases et à organiser des attaques.
25. En 2015, lorsqu’il a tenté de s’établir en Somalie, l’EIIL s’est heurté à la résistance des Chabab. Ces derniers ont alors exécuté plus de 30 dirigeants et sympathisants du groupe (voir S/2017/35, par. 49), ce qui a poussé ses membres à opérer dans des cellules clandestines pour éviter d’être détectés. Par ailleurs, les mesures adoptées par les États Membres ont permis de démanteler un réseau de facilitateurs et de recruteurs de l’EIIL, et contribué à ralentir, voire à limiter l’expansion du groupe en Somalie. À la fin de 2016, les opérations de communication de l’EIIL étant devenues plus ouvertes et agressives, ses membres ont décidé de s’exprimer publiquement . Le 8 février 2017, l’EIIL a revendiqué une attaque menée contre un hôtel de Boosaaso , le centre économique du Puntland.
26. Selon plusieurs États Membres, l’EIIL compte renforcer sa présence en Somalie en prenant le contrôle des réseaux des Chabab et en attirant davantage de combattants, notamment ceux qui ne peuvent se rendre dans les zones de conflit et ceux qui en reviennent pour se réinstaller en République arabe syrienne, en Iraq et en Libye. L’EIIL en Somalie est tributaire de fonds externes, principalement de ceux qu’elle reçoit de sympathisants hors de la Somalie et du groupe lui ayant prêté allégeance au Yémen .
27. N’ayant pas réussi à tirer parti de ses premiers succès au Yémen, et comptant moins de 500 combattants provenant de différentes régions (voir S/2017/35, par. 32), l’EIIL au Yémen continue de lancer, sur plusieurs fronts, de vastes offensives meurtrières contre les forces gouvernementales et les houthistes . Cependant, ses combattants risquent toujours de se scinder en plusieurs sous-groupes, notamment parce qu’il ne jouit toujours pas auprès des tribus locales de l’adhésion qui lui aurait permis trouver un refuge au sein de la communauté yéménite . Le noyau de l’EIIL continue néanmoins de financer les activités de l’EIIL au Yémen et essaie également d’accroître son influence en déployant des cellules individuelles dans l’ensemble de la péninsule arabique et en menant des attaques . Il a toutefois appelé ses sympathisants dans la région à rester dans leur pays pour y organiser des attentats terroristes .
28. En 2016, l’EIIL en Afghanistan a tenté de s’installer dans plusieurs régions. Néanmoins, il a vu sa force de frappe gravement diminuée par les opérations militaires menées par le Gouvernement afghan et les forces internationales avec l’appui aérien de la coalition internationale . Actuellement, le groupe n’est sensiblement présent que dans trois districts de la province de Nangarhar, située le long de la frontière avec le Pakistan. Le nombre estimé de combattants de l’EIIL en Afghanistan varie selon les sources, allant de 2 000 à 4 000, mais ce chiffre aurait diminué en raison des opérations menées récemment par les forces afghanes et les forces internationales. L’EIIL en Afghanistan reste bien équipé et dispose encore de fonds, dont une partie provient du noyau de l’EIIL .
29. Ces derniers mois, le noyau de l’EIIL a demandé aux combattants d’accroître leur influence dans le nord de l’Afghanistan, mais en dépit des efforts de recrutement déployés dans cette région ces trois dernières années, ils n’ont pas réussi à y constituer une force de combat viable . Toutefois, ces activités de recrutement inquiètent les pays voisins du nord de l’Afghanistan. Selon les États Membres, les attaques perpétrées par l’EIIL en Afghanistan au Pakistan semblent dans certains cas avoir été « sous-traitées » à d’autres groupes, notamment Lashkar e Jhangvi (LJ) (QDe.096), qui était le premier à revendiquer l’attaque lancée en octobre 2016 contre l’école de police de Quetta, et Jamaat-oul Ahrar, faction dissidente du groupe Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) (QDe.132), qui, le 16 février 2017, a mené une attaque contre le sanctuaire soufi dédié à Lal Chahbaz Qalandar, au sud du Pakistan. Dans les deux cas, les attaques ont par la suite été revendiquées par l’EIIL.
30. La menace posée par l’EIIL en Asie du Sud-Est s’est amplifiée, l’organisation s’intéressant de plus en plus à la région et y diffusé ses messages de propagande (voir S/2017/35, par. 59). La montée en puissance de l’EIIL a eu des effets multiples : plusieurs groupes déjà présents dans la région ont trouvé un nouveau souffle, de nouveaux groupes se sont constitués, certains groupes déjà établis se sont scindés et d’autres ont changé de nom pour prêter allégeance à l’EIIL . L’attaque perpétrée à Jakarta le 14 janvier 2016 a marqué un tournant dans la région, car elle a été perpétrée par des militants du groupe Jamaah Ansharut Daulah, qui avaient reçu des fonds d’un indonésien combattant dans les rangs de l’EIIL en Syrie . Bien que les forces de sécurité aient réussi à déjouer de nombreux attentats, d’autres attaques ont pu être menées par des combattants affiliés à l’EIIL aux Philippines, en Malaisie et en Indonésie (voir S/2017/35, par. 60).
31. Un vieux dirigeant du Groupe Abu Sayyaf (QDe.001), Isnilon Totoni Hapilon (QDi.204), a été sacré « émir » de l’EIIL aux Philippines (voir S/2017/35, par. 59). Le sud du pays risque de devenir une plaque tournante de combattants terroristes originaires de la région et d’ailleurs . En Indonésie, la mort d’Abu Wardah, également connu sous le nom de Santoso, en 2016 a fait reculer la menace que représentaient les Moujahidin d’Indonésie orientale (QDe.150), mais, dans l’ensemble, le risque d’attaques demeure. Celles-ci pourraient être organisées en particulier par des sympathisants de l’EIIL et des groupes tels que le Jamaah Ansharut Daulah, dirigé par Aman Abdurrahman, un religieux extrémiste actuellement incarcéré, et des centaines d’agents du groupe Jemaa Islamiya qui ont été ou devraient être libérés de prison (voir S/2017/35, par. 60 ; S/2016/629, par. 50 ; S/2016/830, par. 22).
32. Les combattants terroristes étrangers originaires d’Asie du Sud-Est établis en République arabe syrienne ou en Iraq qui financent et appuient l’organisation d’attentats dans leur pays d’origine constituent une nouvelle source d’aggravation de la menance dans la région. Ceux qui ont regagné leur pays inquiètent beaucoup les États Membres, parce qu’ils risquent de venir grossir les rangs des factions locales et d’en accroître les capacités militaires. Les combattants qui ne sont pas originaires d’un pays d’Asie du Sud-Est mais s’y sont « relocalisés » après avoir quitté l’Iraq ou la République arabe syrienne inquiètent également les autorités, celles-ci étant généralement incapables de les identifier (voir S/2017/35, par. 60, 62 et 63).
IV. Point sur les mesures prises face à l’évolution de la menace
33. L’Organisation des Nations Unies, ses États Membres et les organisations internationales, régionales et sous-régionales continuent de renforcer les outils existants et d’en mettre au point de nouveaux pour faire face à l’évolution rapide de la menace que représente l’EIIL, et notamment au risque que constitue le retour des combattants terroristes étrangers. Au cours des derniers mois, le Conseil de sécurité a adopté des résolutions sur la protection des infrastructures critiques contre les attaques terroristes [S/RES/2341 (2017)] ; la destruction du patrimoine culturel et le pillage et la contrebande de biens culturels, ainsi que le commerce illicite et le trafic de ces biens par des groupes terroristes ou en période de conflit armé [S/RES/2347 (2017)] ; la menace terroriste qui pèse sur la région du bassin du lac Tchad [S/RES/2349 (2017)]. Dans sa résolution 2341 (2017), le Conseil a demandé aux États d’envisager d’élaborer des stratégies de réduction des risques posés par les attaques terroristes au regard des infrastructures critiques, ou d’améliorer celles qu’ils ont déjà adoptées. Dans sa résolution 2347 (2017), il a prié les États de prendre les mesures voulues pour empêcher et combattre le commerce illicite et le trafic des biens culturels et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse qui ont été enlevés en période de conflit armé, notamment par des groupes terroristes, en frappant par exemple d’interdiction le commerce transnational de ces objets illicites. Dans sa résolution 2349 (2017), il a demandé que soient mises en œuvre une série de mesures visant à renforcer la sécurité, la protection des civils et les droits de l’homme dans le bassin du lac Tchad, notamment : en s’attaquant aux conditions qui peuvent constituer un terrain favorable au terrorisme ; en veillant à ce que les auteurs d’actes de violence en soient tenus responsables et comparaissent devant la justice ; en élaborant et en mettant en œuvre des stratégies de désarmement, démobilisation, réintégration et réadaptation.
A. Financement du terrorisme : effets de la résolutiono 2253 (2015)
1. Criminalisation du financement du terrorisme
34. Dans mon deuxième rapport établi en application de la résolution 2253 du Conseil de sécurité (S/2016/501), j’ai fait remarquer que bien que les États Membres aient continué de progresser considérablement dans la mise en œuvre des dispositions des résolutions du Conseil relatives à la lutte contre le financement du terrorisme, ils avaient toujours des difficultés à cet égard. Il convient de rappeler que, par sa résolution 2253 (2015), le Conseil a élargi le champ d’application de l’infraction que constitue le financement du terrorisme. En conséquence, le Groupe d’action financière (GAFI) a révisé en octobre 2016 la note interprétative de sa Recommandation sur la criminalisation du financement du terrorisme pour y intégrer le financement des voyages de combattants terroristes étrangers. Il a également révisé le glossaire relatif à ses Recommandations pour y ajouter la formule « fonds et autres biens » ainsi que la notion de ressources économiques (telles que le pétrole et les éléments connexes), conformément aux résolutions 2161 (2014), 2199 (2015) et 2253 (2015). Selon les informations recueillies par la DECT auprès de plusieurs homologues régionaux du GAFI depuis décembre 2015, 20 États d’Europe et du Caucase ont entrepris d’introduire des mesures juridiques destinées spécialement à renforcer leurs systèmes respectifs de lutte contre le financement du terrorisme. Quatre États d’Asie centrale ont promulgué des lois visant à durcir la législation et la réglementation régissant les produits du financement du terrorisme. Plus de la moitié des États d’Afrique de l’Ouest, y compris quatre États de l’Union monétaire ouest africaine (UMOA), ont révisé leur législation relative au financement du terrorisme, mais un seul a criminalisé le financement des voyages de combattants terroristes étrangers, et un autre a incorporé une disposition à ce sujet dans sa législation antiterroriste. Quatre États des Caraïbes, trois États d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe et trois États de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont adopté des lois supplémentaires sur le financement du terrorisme.
35. Les efforts déployés par le Conseil de sécurité, le GAFI et les homologues régionaux du GAFI pour appliquer les dispositions du Conseil ont permis de renforcer les cadres de lutte contre le financement du terrorisme. Depuis décembre 2015, le Fonds monétaire international (FMI) a apporté une assistance en la matière à 37 États, dont 13 font partie de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et d’un projet centré sur la région. En avril 2017, la Banque mondiale a mis en place à l’intention de plusieurs États du Moyen-Orient et d’Afrique de l’Est un programme de formation à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, qui a notamment pour but de renforcer la capacité d’enquêter sur les infractions de financement du terrorisme et de faire aboutir les poursuites intentées contre leurs auteurs, d’améliorer la coopération régionale en la matière et de former des formateurs. En 2016, dans le cadre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a lancé une initiative de renforcement des capacités visant à permettre aux États d’Afrique de l’Ouest, en particulier aux États du Sahel, de détecter les infractions de financement du terrorisme et de recueillir et exploiter des renseignements financiers grâce auxquels ils pourront enquêter sur ces infractions et en poursuivre les auteurs. Cependant, les lois sont d’une utilité limitée si elles ne sont pas effectivement appliquées. À l’échelle mondiale, peu d’affaires de financement du terrorisme donnent lieu à des poursuites judiciaires. Dans beaucoup de cas, les individus et entités sont poursuivis pour d’autres chefs d’accusation, notamment pour provocation publique à commettre une infraction terroriste.
2. Mesures de gel des avoirs d’individus ou d’entités finançant
des organisations terroristes ou des terroristes
36. Depuis l’adoption de la résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité relative à l’inscription sur la Liste de tout individu ou entité associé à l’EIIL, 11 individus ont été inscrits, dont 8 en tant que commanditaires ou intermédiaires financiers. Dans son dix-neuvième rapport (S/2017/35), l’Équipe de surveillance a recommandé que plus d’efforts soient faits pour encourager les États à proposer l’inscription d’institutions financières qui effectuent en toute connaissance de cause des transactions financières pour le compte de l’EIIL. Selon la DECT, un grand nombre d’États ont mis à jour leurs mécanismes nationaux pour se conformer aux prescriptions des résolutions du Conseil relatives au gel des avoirs, notamment à celles de la résolution 1373 (2001). Ainsi, six États de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont revu leurs exigences en la matière.
37. Dans certaines régions, notamment en Afrique de l’Ouest, les dispositifs juridiques et opérationnels mis en place par les États pour appliquer les dispositions des résolutions 1267 (1999) et 1373 (2001) laissent encore à désirer. Des fournisseurs d’assistance ont lancé des initiatives visant à encourager les États à proposer l’inscription d’entités et d’individus sur la Liste et à coopérer en la matière. En novembre 2016, le Groupe Eurasie de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (EAG) a adopté des directives pour la coopération entre ses États membres dans le domaine de la mise en œuvre de mécanismes de gel des avoirs des terroristes. En avril 2016, la DECT a mis en place une base de données d’autorités chargées de donner suite aux demandes de gel des avoirs émanant de tiers, qui centralise actuellement des informations sur 85 États. En septembre 2016, la GAFI a publié un manuel conçu pour renforcer la mise en œuvre des mécanismes de gel des avoirs mis au point au titre de la résolution 1373 (2001).
3. Intégration accrue des renseignements financiers dans les activités
de lutte contre le terrorisme
38. Dans sa résolution 2253 (2015), le Conseil de sécurité engage les États Membres à établir des liens avec les institutions financières et le secteur privé et à mettre en commun les informations sur les risques de financement du terrorisme. À cet égard, il est essentiel de protéger le système financier international contre les fraudes et de doter les acteurs du serveur privé d’outils leur permettant de contrôler les transactions, détecter toute activité inhabituelle et éviter que des fonds ne soient mis à la disposition d’individus ou d’entités associés à l’EIIL. L’application de telles mesures revêtira une importance accrue à mesure que les zones libérées rétabliront leurs relations avec les institutions financières internationales. Dans mon deuxième rapport établi en application de la résolution 2253, j’ai noté le fait que des plateformes de partage d’informations relatives au financement du terrorisme avaient été expérimentées. Je me félicite de constater que ces plateformes ont été adoptées par un nombre croissant d’États, notamment dans la région de l’Asie et du Pacifique, et j’invite les États Membres à envisager d’établir des liens entre ces plateformes.
39. Les États continuent de renforcer les liens entre leurs cellules de renseignement financier (CRF) respectives et les entités déclarantes. Grâce au dialogue qu’elle maintient avec les États Membres, la DECT a pu recenser plusieurs bonnes pratiques dans ce domaine. Un État européen a récemment adopté une législation autorisant sa CRF à communiquer aux entités déclarantes, avant de procéder à un signalement d’opération suspecte, les noms d’individus et entités considérés comme susceptibles de contribuer au financement du terrorisme. La collecte de renseignements financiers est essentielle pour déterminer les modes de financement des combattants terroristes étrangers, surveiller des individus, détecter d’éventuels réseaux terroristes et identifier des complices et partisans de l’EIIL. Europol héberge le réseau informatique décentralisé FIU.net, qui relie les 28 CRF des membres de l’Union européenne et facilite le partage de signalements d’opération suspecte. L’ONUDC dispense des modules de formation et des cours sur les perturbations financières à l’intention des enquêteurs chargés de la lutte contre le financement du terrorisme en Afghanistan, au Mali, en Somalie et dans d’autres États d’Afrique du Nord, d’Asie centrale et de la région de l’océan Indien.
40. Les renseignements financiers sont pris en compte de manière plus systématique dans les activités de lutte contre le terrorisme. Dans un État d’Asie, la CRF et l’agence nationale de lutte contre le terrorisme ont récemment signé un mémorandum d’accord pour rendre officiel leur partenariat dans ce domaine. La CRF d’un État européen a rejoint il y a peu une équipe spéciale conjointe chargée d’enquêter sur des menaces particulières, telles que la fraude aux prestations sociales commise par des ressortissants terroristes qui ont combattu à l’étranger ou s’apprêtent à le faire. En ce qui concerne les autres dispositifs d’échange de renseignements, il convient de mentionner la création de centres dédiés au partage et à l’analyse d’informations par tous les organismes financiers, mais aussi par les services d’immigration et les autorités douanières, en vue d’établir des profils financiers de combattants terroristes étrangers et de mettre au jour leurs modes de financement, dans l’intérêt du secteur privé. Le Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord a créé à l’intention des CRF, des forces de l’ordre et des services de sécurité et de renseignement un forum opérationnel d’experts sur le financement du terrorisme dans le but de partager des informations sur les risques, les méthodes et les tendances en la matière et de mettre en commun des données d’expérience et des compétences relatives à la détection, la prévention et la perturbation du financement du terrorisme.
4. Levée et transfert de fonds
41. Les sociétés qui fournissent des services financiers, notamment ceux qui reposent sur des systèmes informels de transfert de fonds (par exemple le système hawala), sont vulnérables aux fraudes. Étant donné que des fonds continuent d’être transférés depuis des territoires contrôlés par l’EIIL vers des groupes affiliés ou des banques situées dans des lieux plus sûrs, il demeure essentiel, dans le cadre de toute stratégie efficace de lutte contre le financement du terrorisme, de surveiller de près les activités des expéditeurs de fonds informels et les transports transfrontières d’espèces et d’autres effets au porteur négociables. Depuis décembre 2015, trois États d’Europe de l’Est et du Caucase et trois États d’Asie centrale ont pris des initiatives concrètes pour renforcer les mesures relatives aux expéditeurs et aux passeurs de fonds. En Afrique de l’Ouest, le risque que les services d’expéditeurs et de passeurs de fonds soient utilisés à des fins de financement du terrorisme reste important. Bien qu’il existe des systèmes de déclaration des espèces dans la plupart des pays de la région, en particulier pour les flux sortants, d’importantes quantités de liquidités illicites circulent toujours, notamment sur les itinéraires de trafic du Sahel. La DECT a détecté un risque similaire en Afrique de l’Est.
42. Les transports transfrontières d’espèces et d’autres effets au porteur négociables constituent également un risque non négligeable dans tous les États d’Asie du Sud-Est. Le Groupe consultatif sur les renseignements financiers de la région a lancé une étude approfondie des mouvements transfrontières d’espèces pour permettre de mieux les surveiller et les entraver aux principaux postes frontière. Il procédera également à une évaluation des renseignements à l’échelle régionale pour mieux comprendre les méthodes de transport transfrontière et leur utilisation à des fins de financement du terrorisme. Il convient de multiplier ces procédures, surtout dans les régions où les transactions sont couramment effectuées en espèces. L’ONUDC dispense des cours de formation sur l’utilisation abusive des systèmes d’envoi de fonds par les criminels et les terroristes en Afghanistan et dans les pays voisins, ainsi que dans la région de l’océan Indien.
43. Bien que peu d’informations soient disponibles sur l’utilisation par les terroristes de nouvelles technologies, telles que les monnaies virtuelles et les réseaux sociaux à des fins de financement de leurs activités, les États, les organisations internationales et régionales et les acteurs du secteur privé adoptent des lois, des cadres réglementaires et des directives pour se prémunir contre ce risque. Les technologies conçues pour faciliter les transferts internationaux rapides et bon marché sont rarement soumises à des contrôles réglementaires ou à des obligations de diligence raisonnable. Certains États ont interdit l’utilisation du bitcoin et d’autres monnaies virtuelles, tandis que d’autres modifient leurs cadres juridiques de sorte que les entreprises qui proposent de tels systèmes doivent se conformer aux réglementations relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. La Commission européenne envisage actuellement d’étendre le champ d’application de sa directive anti-blanchiment à toutes les plateformes d’échange de monnaies virtuelles pour que ces entités soient tenues d’effectuer des contrôles systématiques de leur clientèle.
44. Les réseaux sociaux permettent aux organisations terroristes et aux terroristes de promouvoir leur cause, de recruter des partisans et de lever des fonds, mais aussi de créer et de partager des contenus sur des sites Web et des applications pour appareil mobile. Depuis décembre 2016, la DECT collabore avec des partenaires, notamment des acteurs du secteur privé, pour déceler des failles dans l’administration des réseaux sociaux et définir des mesures préventives. En étroite collaboration avec la DECT, le Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et le Groupe Asie/Pacifique sur le blanchiment de l’argent ont lancé un projet visant à mieux comprendre comment les réseaux sociaux sont exploités, ou peuvent l’être, à des fins de financement du terrorisme. Le Forum de l’Union européenne sur l’Internet de la Commission européenne, qui repose sur la coopération volontaire entre les professionnels de l’Internet et les États membres de l’Union européenne, doit permettre de restreindre l’accès aux contenus terroristes en ligne et de donner une plus grande visibilité aux contre-discours.
45. Comme souligné dans l’étude sur la mise en œuvre au niveau mondial (2016) menée par la DECT, les organisations terroristes et leurs partisans continuent d’exploiter les organisations à but non lucratif, notamment pour détourner des fonds, faire un usage abusif des programmes de ces organisations et mener des activités illégales sous leur couvert. Cependant, l’interprétation erronée et l’utilisation à mauvais escient des règles internationales relatives aux organisations à but non lucratif (notamment des recommandations du GAFI en la matière) ont conduit dans certains cas à une réglementation excessive des organisations de la société civile pouvant porter atteinte à la protection des droits de l’homme. En juin 2016, le GAFI a révisé ses recommandations et sa note interprétative concernant les organisations à but non lucratif. Dans le cadre de leur évaluation nationale des risques pour ce qui est de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, plusieurs États ont engagé d’étroites consultations avec le secteur non lucratif. Il convient d’encourager ces initiatives.
46. Comme je l’ai signalé précédemment, l’EIIL pourrait se tourner de plus en plus vers l’enlèvement contre rançon à mesure que d’autres sources de revenus se tariront. À cet égard, le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme a lancé un projet de renforcement des capacités sur le thème des bonnes pratiques internationales visant à combattre et à prévenir l’enlèvement contre rançon, afin de mieux aider les États et les organisations non gouvernementales en Afrique du Nord-Est et de l’Ouest à libérer les otages sains et saufs sans payer de rançon ou faire d’autres concessions aux terroristes. Dans le cadre de l’Initiative d’assistance intégrée pour la lutte antiterroriste (Initiative I-ACT), dispositif régional de renforcement des capacités, le Centre met au point une formation sur l’enlèvement contre rançon à l’intention d’experts compétents du Groupe de cinq pays du Sahel.
B. Retour de combattants terroristes étrangers
47. Face à l’augmentation du nombre de combattants terroristes étrangers qui retournent dans leur État d’origine ou de résidence, un certain nombre d’États ont récemment modifié leur législation pour autoriser les autorités à déchoir de leur nationalité les combattants terroristes étrangers présumés ou annuler leurs documents de voyage lorsqu’ils se trouvent à l’étranger. Au moins 10 États dans plusieurs régions, dont l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie-Pacifique, ont modifié leur législation pour permettre à leurs autorités de déchoir de leur nationalité les individus ayant fait allégeance à un groupe armé non étatique répertorié, mesure pouvant intervenir avant ou après leur départ. Une telle mesure peut parfois être appliquée sans condamnation pénale et sans l’entremise d’un juge. La plupart de ces État n’autorisent l’application de cette mesure que lorsqu’elle ne crée pas d’apatride (par exemple en cas de double nationalité). Dans plusieurs États, la déchéance est possible par retrait de la naturalisation. Dans certains cas, en revanche, la législation ne prévoit pas de garanties claires contre l’apatridie.
48. En l’absence de motifs juridiques suffisants et de preuves admissibles, les États de transit souhaitant arrêter, poursuivre ou extrader les combattants terroristes étrangers présumés qui se trouvent sur leur territoire sont aux prises avec de nombreuses difficultés. Dans certaines régions, notamment l’Union européenne, des initiatives ont été prises pour incriminer les voyages entrepris à des fins terroristes, mais les États ayant érigé en infraction autonome le fait de se rendre dans certaines zones répertoriées sont très peu nombreux. Il demeure difficile de rassembler et de produire des preuves suffisantes pour prouver l’intention des combattants terroristes étrangers. Il est donc possible que ces personnes, arrêtées en transit, demeurent libres de poursuivre leur trajet.
49. Plus un combattant terroriste étranger reste longtemps dans une zone de conflit, plus il est susceptible de commettre un acte de terrorisme ou une autre infraction grave, de se rallier à un mouvement extrémiste violent, de gagner en expérience et en savoir-faire et d’étendre son réseau. Les combattants qui demeurent dans l’État de destination peuvent aussi vivre un affrontement militaire direct entre des États étrangers et des entités terroristes. En outre, les réseaux qu’ils tissent dans l’État de destination peuvent ensuite les aider à retourner dans leur pays ou à s’installer ailleurs en leur fournissant de faux documents de voyage et des conseils sur les itinéraires de voyage fractionnés à emprunter. Afin de répondre à ces menaces par des solutions globales et durables, les États doivent accompagner les mesures administratives de restriction des déplacements d’une action conduite en coopération avec d’autres États en vue d’amener les terroristes à rendre compte de leurs actes devant la justice.
50. Les mesures administratives de restriction des déplacements ont parfois fait l’objet d’un usage abusif, suscitant des préoccupations en matière de protection et de promotion du droit international des droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit international des réfugiés. Ces usages abusifs peuvent affaiblir les stratégies globales visant à prévenir et à réprimer l’extrémisme violent qui conduit au terrorisme. Étant donné que le droit international des droits de l’homme prévoit des protections contre le refoulement, ces mesures ne peuvent être appliquées lorsque l’individu concerné risquerait d’être persécuté dans le pays où il est renvoyé de force.
51. Lorsqu’ils appliquent des mesures administratives de ce type, les États devraient s’abstenir de restreindre indûment les déplacements des agents humanitaires ainsi que ceux des représentants d’États étrangers et d’organisations internationales et régionales dans l’exercice de leurs fonctions. Sachant qu’il est urgent de fournir davantage d’orientations pratiques et opérationnelles dans ce domaine, comme le réclament les agents de la justice pénale, l’ONUDC s’emploie à mettre au point un programme d’assistance technique visant à former des praticiens de la justice pénale de l’Europe du Sud-Est sur la poursuite en justice des combattants terroristes étrangers. En outre, dans le cadre du Projet de communication aéroportuaire, l’ONUDC met au point un programme de formation visant à fournir aux agents des services de répression de première ligne les aptitudes et les connaissances voulues pour repérer et empêcher les déplacements des combattants terroristes étrangers dans les aéroports internationaux. Quant au Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, il met en œuvre un projet relatif aux renseignements préalables concernant les voyageurs, qui vise à endiguer le flux de ces combattants. Pendant la période à l’examen, le Centre a tenu des consultations avec la Bosnie-Herzégovine aux fins du renforcement des capacités de ce pays en la matière.
52. Dans le bassin du lac Tchad, les succès militaires obtenus par la Force multinationale mixte et les forces nationales ont abouti à la reddition d’un nombre considérable de combattants. Les pays du bassin sont face à plusieurs difficultés, notamment pour ce qui est des mesures à prendre concernant les combattants capturés au cours des opérations militaires et des déplacements d’individus et de groupes, qui passent les frontières ou vont vers les camps de déplacés et de réfugiés ou en viennent. Quelle que soit la raison pour laquelle ces personnes se retrouvent sous leur juridiction et quel que soit l’endroit où elles sont établies, les États sont légalement tenus d’envisager d’engager des poursuites en bonne et due forme, de traduire en justice les auteurs de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ou du droit international humanitaire et d’infractions de terrorisme, et d’appliquer des critères cohérents à l’appréciation de ces affaires. Conformément à la résolution 2349 (2017), les États doivent aussi mettre au point un ensemble complet de mesures concernant les personnes associées à un groupe terroriste, y compris, s’il y a lieu, des programmes aux fins du désarmement, de la démobilisation, de la réintégration et de la réadaptation, dans le respect des normes internationales.
53. L’ONU continue de soutenir les efforts consentis au niveau national et régional pour relever ces défis complexes et interdépendants. Comme indiqué dans les précédents rapports établis en application de la résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité, le Bureau de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme a mis au point, en étroite collaboration avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et l’Équipe de surveillance, un plan de renforcement des capacités afin d’endiguer le flux de combattants terroristes étrangers, comme le prévoit la déclaration de la Présidente du Conseil de sécurité publiée sous la cote S/PRST/2015/11. Ce plan est en train d’être actualisé pour mieux tenir compte de la menace croissante que pose le retour de combattants terroristes étrangers.
54. Concernant le Nigéria, l’action qui est menée au niveau national et régional continuera de faire fond sur les consultations techniques de haut niveau tenues en décembre 2016 à la demande du Bureau du Conseiller national pour les questions de sécurité et de s’inscrire dans le cadre du programme actuellement en place entre l’Union européenne, le Nigéria, l’ONUDC et la Direction exécutive contre le terrorisme, qui vise à aider le pays à recourir davantage à des mesures de justice pénale fondées sur l’état de droit pour lutter contre le terrorisme et qui est financé par l’Union européenne. En juin 2017, la Direction exécutive et l’ONUDC organiseront ensemble un atelier interinstitutions visant à aider le Nigéria à renforcer ses capacités s’agissant des stratégies à appliquer en matière de poursuites, de la hiérarchisation des affaires et du recensement des liens qu’il doit y avoir entre les différents organismes pour assurer l’efficacité des enquêtes sur les individus associés à Boko Haram et des poursuites à leur encontre. La Direction exécutive et l’ONUDC prendront aussi la tête des efforts qui devraient aboutir au lancement d’une initiative régionale visant à aider les États du bassin du lac Tchad à mettre au point des stratégies nationales de poursuites, de réadaptation et de réintégration et au renforcement de la coopération régionale.
55. L’ONUDC continue de dispenser aux agents de la justice pénale de la plupart des régions du monde des formations en matière d’enquêtes, de poursuites et de jugements concernant les infractions liées au terrorisme, conformément à la résolution 2178 (2014), en mettant l’accent sur la question des enfants recrutés par des terroristes et des groupes extrémistes violents, en particulier l’EIIL et Boko Haram.
56. Le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, apportant son concours à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, aide ce pays à mettre au point une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme, portant également sur la prévention de l’extrémisme violent. En février 2017, le Centre avait dispensé des cours sur la lutte contre le terrorisme et les droits de l’homme à 50 agents des services de répression maliens. L’ONUDC, avec le soutien du Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, a organisé en janvier et en février 2017 deux ateliers visant à renforcer les capacités des procureurs maliens du Pôle judiciaire spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et de la Brigade d’investigation spécialisée, qui a été établie récemment. Au niveau régional, les entités de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme mettent la dernière main aux avant-projets soumis dans le cadre de l’Initiative d’assistance intégrée pour la lutte antiterroriste pour les pays du G-5 Sahel, se déroulant sous la houlette du Centre de lutte contre le terrorisme ; il s’agit d’un programme de renforcement des capacités au niveau régional visant à combattre le terrorisme et à prévenir l’extrémisme violent, auquel tous les organismes des Nations Unies sont associés et dont le mandat est défini dans la résolution 2195 (2014) du Conseil de sécurité et la déclaration de la Présidente du Conseil de sécurité publiée sous la cote S/PRST/2015/24. En mai, l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme et le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme ont déployé une petite équipe à Dakar et à Nouakchott pour tenir des consultations avec le secrétariat permanent du G-5 et les bureaux régionaux des partenaires d’exécution de l’ONU, dans le but de parachever ce plan-cadre régional avant le lancement de l’Initiative dans quelques mois.
57. Les activités de l’ONU au Sahel évolueront en fonction de la menace que représenteront encore le terrorisme, l’extrémisme violent, la criminalité transnationale organisée et les trafics transfrontières. Je rappelle qu’il est nécessaire de renforcer les partenariats entre les organismes des Nations Unies et les acteurs régionaux et, en particulier, de soutenir l’action menée par les pays du G-5 Sahel pour lutter contre le terrorisme et les trafics. Les organismes des Nations Unies ont décidé de poursuivre leurs activités dans la région à l’issue d’un examen indépendant de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.
58. L’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice a mis en place des initiatives visant à incorporer dans les systèmes de justice pour mineurs des mécanismes adaptés à la situation des enfants faisant partie des combattants terroristes étrangers. Il apporte également son concours à la mise en place, dans les centres correctionnels en Indonésie, de programmes de réadaptation et de réintégration inspirés des meilleures pratiques internationales. INTERPOL continue d’aider les États à améliorer l’action des services chargés de l’application des lois, au moyen, entre autres, de groupes de travail sur la question des combattants qui sont de retour dans leur pays et des liens qu’ils peuvent avoir avec les groupes militants locaux. Enfin, le Centre d’excellence du Réseau de sensibilisation à la radicalisation, qui relève de la Commission européenne, est en train de mettre au point un manuel sur les interventions, l’objectif étant d’aider les États Membres à faire face au retour des combattants.
59. Le 24 mai 2017, le Groupe Eurasie de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et le Centre antiterroriste des États membres de la Communauté d’États indépendants organiseront, en coopération avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, un atelier régional sur les mesures permettant de repérer les combattants terroristes qui sont de retour après un séjour à l’étranger, notamment leur profil financier, et sur le recours aux dispositifs de gel des avoirs. Dans le cadre des travaux qu’il mène sur la question, INTERPOL met actuellement au point, en coopération avec des États du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, d’Asie du Sud-Est et d’Asie centrale, une initiative pionnière visant à faire figurer les informations financières pertinentes dans le profil de certains combattants terroristes étrangers, notamment ceux qui retournent dans leur pays.
V. Observations
60. Depuis mon premier rapport sur la question (S/2016/92), plusieurs facteurs ont exacerbé les difficultés avec lesquelles les États sont aux prises s’agissant de combattre la menace que représente l’EIIL. Après les revers militaires et financiers que ce groupe a subis, les combattants terroristes étrangers sont de plus en plus nombreux à quitter le champ de bataille pour rentrer dans leur État d’origine ou de résidence, voire s’installer dans un autre État, y compris dans des zones de conflit. Ces individus sont d’autant plus dangereux que l’EIIL cherche à renforcer le rôle des personnes qui lui sont associées par des suggestions, des conseils, voire des ordres, les incitant à lancer des attaques contre des cibles civiles. Afin de s’attaquer à ces questions, les États devraient non seulement évaluer les itinéraires empruntés par les combattants terroristes étrangers pour rejoindre l’EIIL, mais aussi surveiller davantage les itinéraires de sortie. Le contrôle des déplacements combattants terroristes étrangers devrait s’accompagner de mesures destinées à faire en sorte que ceux-ci soient traduits en justice. Les États rencontrent toujours de nombreuses difficultés lorsqu’ils cherchent à obtenir des informations auprès des services du renseignement et à en tirer des éléments de preuve recevables à l’encontre des individus soupçonnés d’être des combattants terroristes qui reviennent de l’étranger. Les mesures de renforcement de la coopération et des capacités en la matière, assorties d’interventions supplémentaires visant par exemple à améliorer la collecte, la préservation et l’échange des données et des preuves dans des zones de conflit ou des sites d’attaques, revêtent une importance particulière.
61. Il importe de surveiller, dans le respect des obligations relatives aux droits de l’homme, comment les outils informatiques et les moyens de communication sont utilisés à des fins terroristes, afin de trouver de nouvelles manières efficaces de prévenir et réprimer la diffusion de messages et les levées de fonds à des fins terroristes.
62. Je tiens à rappeler l’intérêt qu’il y a à mettre en place des stratégies visant à poursuivre les combattants terroristes étrangers qui retournent dans leur pays de départ, ainsi qu’à les réadapter et à les réintégrer, comme le préconise la résolution 2178 (2014). Ces stratégies peuvent être incorporées dans des interventions du système pénal, à différentes étapes de la procédure, y compris en dehors du milieu carcéral, et peuvent faciliter l’adoption de démarches proportionnées, individualisées, durables et respectueuses de droits de l’homme. Elles peuvent aussi servir à prévenir la commission d’infractions graves et à lutter contre le recrutement dans les prisons en s’intégrant à des stratégies globales de lutte contre l’extrémisme violent.
63. Il pourrait aussi être utile de mettre au point et d’appliquer des stratégies ciblant des catégories précises de combattants qui sont retournés dans leur pays. Le fait que l’EIIL continue de recruter des femmes et que des enfants participent aux combats demeure un grave sujet de préoccupation. Il est urgent d’observer plus attentivement les facteurs contribuant au recrutement ainsi qu’à l’exploitation et aux violences que subissent les membres vulnérables de la société, en particulier les enfants, afin de comprendre quelles sont les principales mesures à prendre, de faire en sorte que ces populations soient protégées comme il se doit et bénéficient d’une prise en charge adéquate, notamment lorsqu’elles sont victimes de la traite, et de mettre au point des stratégies de réintégration adaptées aux besoins qui leur sont propres.
64. Tout en cherchant à se prémunir de la menace que représente l’EIIL, y compris les combattants terroristes étrangers et ceux qui retournent dans leur pays, il faudrait aussi assurer une protection suffisante aux réfugiés fuyant les zones de conflit. On peut craindre que l’augmentation du flux de migrants, qui découle en partie de la présence de l’EIIL dans les zones de conflit, ait eu un effet négatif sur le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile face aux persécutions. Les mesures prises par les États pour contrôler le déplacement des combattants, notamment la déchéance de nationalité des suspects, le refoulement des migrants à la frontière, l’extradition, l’expulsion et la déportation au mépris des procédures, soulèvent de graves questions concernant le respect des droits de l’homme, et risquent de pousser ces combattants à se tourner vers d’autres États. Certaines mesures ont parfois créé des conditions propices à la traite de personnes et au trafic de migrants. On pourrait encourager les mesures visant à faire en sorte que les demandeurs d’asile et les réfugiés soient véritablement et correctement enregistrés et que leur dossier soit examiné en bonne et due forme, que les États qui ont refusé l’entrée sur leur territoire à des demandeurs d’asile ou réfugiés communiquent systématiquement les informations y relatives et que des informations soient échangées aux niveaux national et international. Sachant que l’EIIL appelle toujours davantage ses combattants et ses sympathisants à perpétrer des attaques dans les États où ils résident, il est particulièrement important d’assurer la protection des infrastructures critiques, en coopération étroite avec les entités du secteur privées concernées et dans le respect de la résolution 2341 (2017) du Conseil.
65. À mesure qu’il continuera de perdre du territoire et que ses sources de financement se tariront, l’EIIL cherchera peut-être encore de nouvelles manières de diversifier ses sources de financement, par exemple le trafic de marchandises, de biens culturels et archéologiques, de drogues et d’espèces sauvages ou la traite de personnes. Je recommande à nouveau aux États de recourir davantage aux outils de coopération prévus dans les instruments juridiques internationaux de lutte contre le terrorisme, mais aussi dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (2001) et les protocoles y afférents, la Convention des Nations Unies contre la corruption (2004) et les conventions pertinentes sur la lutte contre le trafic de drogues. La récente adoption d’un accord de coopération judiciaire et l’amélioration de l’échange d’informations sur le terrorisme et la criminalité organisée entre le Tchad, le Niger et le Mali est une évolution bienvenue. Comme l’a souligné le Conseil dans sa résolution 2331 (2016), il faudrait prêter attention aux cas dans lesquels la traite d’êtres humains finance le terrorisme.
66. Les États Membres, avec l’appui des organisations internationales et régionales, ont progressé dans le renforcement de leurs mécanismes internes de coordination et de mise en commun de l’information. Il est particulièrement important à cet égard de comprendre les risques et la vulnérabilité que présentent certains secteurs face au financement du terrorisme, notamment les organisations à but non lucratif et les organismes de virement. Il faudrait tout particulièrement encourager l’évaluation des risques aux niveaux national, infrarégional et supranational dans certaines régions, comme le Sahel, où le risque de financement du terrorisme est élevé.
67. Les États continuent de se heurter à des obstacles juridiques et institutionnels qui empêchent une bonne circulation des informations, souvent par souci de sécurité. Il faut intégrer les renseignements financiers rassemblés par les entités du secteur privé et les entités publiques (y compris les organismes d’aide sociale) dans une stratégie opérationnelle d’ensemble contre le terrorisme ayant pour but de repérer les flux financiers suspects et les éventuels réseaux ou cellules et d’en désorganiser les structures, les activités de recrutement et les opérations. Les groupes terroristes utilisent encore très souvent des méthodes traditionnelles, notamment les passeurs de fonds et les organismes de virement officiels ou non. Le renforcement des mesures visant à repérer les mouvements transfrontières illicites d’espèces et à mettre en commun des informations rapidement entre services de renseignements financiers peuvent contribuer à repérer ces vulnérabilités. Les devises virtuelles et autres moyens de paiement en ligne sont utilisés pour lever et transférer des fonds à des fins terroristes. Ce phénomène risque d’aller croissant et mérite donc une attention particulière.
68. Le présent rapport est le cinquième du genre que j’adresse au Conseil en application de la résolution 2253 (2015). Depuis janvier 2016, l’EIIL et les entités qui lui sont associées, soumis à une pression militaire constante, ont connu des revers. Il faut néanmoins que les États Membres demeurent vigilants alors que la menace mouvante que représentent ces groupes terroristes, dont le caractère transnational ne cesse de s’accentuer, continue de compromettre gravement la paix et la sécurité internationales. Je me félicite donc de l’accent que le Conseil de sécurité, cherchant à sonner l’alarme sur cette menace et à promouvoir la coopération internationale, a mis sur l’EIIL et les entités qui lui sont associées. Cela dit, il faut redoubler d’efforts à l’échelle nationale, régionale et mondiale pour faire face de concert aux menaces et aux difficultés signalées dans ces cinq rapports. Dans mon rapport sur la capacité du système des Nations Unies d’aider les États Membres à appliquer la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies (A/71/858), dont l’Assemblée générale est actuellement saisie, j’ai recommandé l’établissement d’un nouveau bureau de lutte contre le terrorisme qui puisse encadrer nos efforts, améliorer la coordination et rendre plus efficace notre assistance aux États Membres. C’est entre autres par cette initiative que les organismes des Nations Unies renforceront le soutien qu’ils prêtent aux États Membres en vue d’appliquer la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et les autres résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.
Référence : Onu S/2017/467
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