La séance est ouverte à 10 h 50.
La Présidente, Mme Norman-Chalet (USA) (parle en anglais) : Conformément
à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du
Conseil, j’invite le représentant de la République arabe
syrienne à participer à la présente séance.
Conformément à l’article 39 du règlement intérieur
provisoire du Conseil, j’invite Mme Ursula Mueller,
Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires
et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, à
participer à la présente séance.
Le Conseil de sécurité va maintenant aborder
l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
J’appelle l’attention des membres du Conseil sur le
document S/2019/949, qui contient le rapport du Secrétaire
général sur l’application des résolutions 2139 (2014),
2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016),
2393 (2017), 2401 (2018) et 2449 (2018) du Conseil
de sécurité.
Je donne maintenant la parole à Mme Mueller.
Mme Mueller, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires
et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence (parle en anglais) : Je crains
qu’à l’approche de la fin de l’année 2019, la situation
humanitaire pour les populations de nombreuses régions
de la Syrie ne soit pire qu’au début de l’année. Le dernier
rapport en date du Secrétaire général (S/2019/949) fait
le point sur de nombreux faits nouveaux inquiétants. Je
voudrais aborder aujourd’hui quelques-uns de ces faits
nouveaux et mettre en avant les efforts humanitaires
actuellement déployés pour aider les personnes
dans le besoin. Je parlerai également des opérations
humanitaires transfrontalières qui continuent de jouer
un rôle important, et je conclurai en présentant plusieurs
tendances qui pourraient de plus en plus façonner les
perspectives humanitaires en Syrie au cours de l’année
à venir.
Tout d’abord, dans le nord-ouest de la Syrie, la
situation reste alarmante. Les forces du Gouvernement
syrien et leurs alliés continuent de bombarder les
zones contrôlées par des groupes armés non étatiques,
y compris des entités terroristes inscrites sur la liste
du Conseil de sécurité, à Edleb et à Alep, et de mener
des frappes aériennes sur ces zones. Pour leur part,
les groupes armés non étatiques ont intensifié leurs
attaques contre les zones contrôlées par les forces du
Gouvernement dans le sud de la province d’Edleb et
à Alep.
Les civils de part et d’autre des lignes de front en
subissent les conséquences. Le 20 novembre, le Haut-
Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a
signalé que des missiles, qui auraient été tirés depuis
une zone contrôlée par le Gouvernement, ont touché le
camp de déplacés de Qah el-Qadim, dans la province
d’Edleb. Au moins 16 personnes auraient été tuées,
et 30 autres blessées. Le lendemain, le 21 novembre, des
attaques terrestres contre plusieurs quartiers de la ville
d’Alep, contrôlée par le Gouvernement, auraient tué sept
enfants et en auraient blessé 29 autres. Quelque 23 civils
auraient été tués en un peu plus de 24 heures, et beaucoup
d’autres auraient été blessés.
Le personnel et les installations médicales
ont également souffert. Le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme a confirmé que,
les 4 et 6 novembre, à Edleb, quatre établissements
sanitaires distincts au total ont été touchés par les
hostilités. Au moins trois membres du personnel
médical auraient été blessés et les activités médicales
ont été interrompues. Dans le même temps, le groupe
terroriste Hay’at Tahrir el-Cham, inscrit sur la liste du
Conseil de sécurité, continue de harceler et d’intimider
les prestataires de soins de santé et d’autres civils dans
les zones qu’il contrôle.
Dans tout le nord-ouest de la Syrie, les civils
subissent les conséquences de la poursuite de la
violence. Les réseaux humanitaires signalent qu’à
Edleb, les hostilités ont forcé jusqu’à 60 000 personnes
à se déplacer ces dernières semaines. L’arrivée de la
pluie, du froid et de l’hiver a aggravé les difficultés de
nombreuses familles déplacées et de leurs communautés
d’accueil.
Dans le même temps, les prix du carburant
nécessaire pour le chauffage restent supérieurs
à la moyenne nationale, en raison d’un manque
d’approvisionnement et de l’inflation liée à la
dépréciation de la livre syrienne sur le marché informel.
Au début du mois, le Bureau de la coordination des
affaires humanitaires a reçu des informations indiquant
que des familles d’Edleb brûlaient des pneus, de vieux
vêtements et d’autres articles ménagers pour rester au chaud.
Les organisations humanitaires font tout leur possible pour aider les plus vulnérables. Nos partenaires continuent de fournir une aide alimentaire aux familles nouvellement déplacées, des services de santé en nombre toujours croissant dans les zones d’accueil et des services de protection d’urgence. Ces derniers mois, le Programme alimentaire mondial a porté à plus d’un million le nombre de personnes recevant une aide chaque mois par les moyens transfrontières convenus. Des dizaines de milliers de personnes ont bénéficié d’autres fournitures et services ainsi que d’une aide, notamment sous forme de matériel pédagogique, d’articles non alimentaires, d’eau salubre, d’abris, d’apports nutritionnels d’urgence et de produits pour l’hiver.
Selon certaines estimations, l’intensité des hostilités reste inférieure aux niveaux observés au milieu de l’année, lorsqu’elle était à son comble dans le nord de la province de Hama et dans le sud de la province d’Edleb. Néanmoins, les conséquences des hostilités actuelles dans le nord-ouest de la Syrie restent préoccupantes. Comme le Secrétaire général continue de nous mettre en garde,« Une offensive militaire de grande envergure ne pourrait qu’avoir des répercussions catastrophiques sur le plan humanitaire pour les 3 millions de personnes qui vivent dans la région. Il faut l’éviter » (S/2019/949, par. 51). Dans ce contexte, la commission d’enquête interne du Siège de l’Organisation des Nations Unies créée par le Secrétaire général a continué d’enquêter sur une série de faits survenus dans le nord-ouest de la République arabe syrienne depuis septembre 2018, au cours desquels des installations civiles ont été endommagées ou détruites.
Dans le nord-est de la Syrie, la situation humanitaire reste grave, même si les hostilités ont diminué au cours des dernières semaines. Après le lancement par la Turquie et par des groupes armés non étatiques alliés, le 9 octobre, de l’opération Source de paix dans une zone située entre Tell Abiad et Ras el-Aïn, en Syrie, plus de 200 000 civils ont fui leurs foyers. Au 26 novembre, 123 000 personnes étaient retournées dans leur région d’origine. Plus de 70 000 personnes restent déplacées des provinces de Hassaké, de Raqqa et d’Alep. Près de 17 000 personnes se sont réfugiées en Iraq.
Les organisations humanitaires ont mis sur pied une vaste opération afin de venir en aide aux centaines de milliers de personnes touchées par les hostilités dans le nord-est du pays. Comme le note le Secrétaire général, les organisations humanitaires dans la région font preuve d’une grande capacité d’adaptation pour faire en sorte que l’aide nécessaire parvienne aux plus nécessiteux. Avec environ 1,8 million de personnes dans le besoin dans le nord-est de la Syrie, la tâche est considérable.
Un accès humanitaire rapide et sans entrave reste essentiel pour tous les aspects de l’action humanitaire en cours dans le nord-est. Il faut faciliter les évaluations nécessaires pour recenser les besoins les plus pressants et les populations les plus vulnérables. Les lignes de ravitaillement qui passent par l’autoroute M4 et plusieurs points de passage de la frontière doivent rester ouvertes pour les cargaisons humanitaires. L’acheminement de l’aide humanitaire doit être autorisé sans ingérence des parties. Enfin, les missions d’observation doivent être autorisées à confirmer que les besoins sont satisfaits. Nous comptons sur toutes les parties au conflit pour faciliter une action coordonnée, soutenue et renforcée.
La situation dans le camp de Hol exige également une riposte urgente et résolue. Comme le note le Secrétaire général dans son rapport, ce camp continuent d’accueillir environ 46 400 personnes, dont 94 % sont des femmes et des enfants. Je m’associe au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour exhorter les gouvernements à rapatrier immédiatement leurs ressortissants, qui sont les plus vulnérables. Un grand nombre de ces personnes, y compris des orphelins et des enfants non accompagnés, pourraient avoir besoin d’un appui supplémentaire étant donné les sévices ou les traumatismes qu’elles ont subis. En fin de compte, ces personnes ne pourront prétendre à un meilleur avenir que si leurs gouvernements prennent les mesures nécessaires.
Comme l’a souligné le Secrétaire général adjoint dans son exposé le mois dernier, la situation humanitaire dans le nord-ouest et le nord-est de la Syrie serait plus grave sans cette opération transfrontalière. L’aide fournie sur la base des modalités définies dans les résolutions pertinentes permet d’éviter une crise humanitaire encore plus grave à l’intérieur de la Syrie. Sans l’opération transfrontalière, des millions de civils n’auraient plus accès à une aide humanitaire. Cela entraînerait une augmentation rapide du nombre de personnes exposées à la faim et aux maladies, et provoquerait des décès, des souffrances et de nouveaux
déplacements – notamment transfrontières – au sein d’ une population vulnérable qui a déjà connu une tragédie sans nom du fait de ce conflit qui dure depuis près de neuf ans. Comme l’indique le Secrétaire général dans son dernier rapport, il compte sur« les membres du Conseil pour veiller à ce que les organismes des Nations Unies soient autorisés à répondre aux besoins de toutes celles et ceux qui ont besoin d’aide humanitaire, notamment en renouvelant rapidement les modalités établies dans sa résolution 2165 (2014) et ses résolutions ultérieures » (S/2019/949, par. 55).
Dans une lettre adressée aux membres du Conseil hier, le Coordonnateur des secours d’urgence a clairement décrit la position de l’ONU concernant la nécessité de maintenir les quatre points de passage aux frontières, y compris Tell Abiad. Le renouvellement en temps voulu de la résolution sur l’opération transfrontalière est essentiel pour garantir la poursuite de ces activités vitales en Syrie.
À Roukban, une aide continue d’être fournie à la population toujours sur place jusqu’à ce que des solutions durables puissent lui être proposées. En dépit d’efforts répétés, l’ONU et le Croissant-Rouge arabe syrien n’ont pu retourner dans cette zone depuis septembre, pour faciliter les départs volontaires vers des abris situés dans des zones contrôlées par le Gouvernement. Les efforts se poursuivent afin que les accords nécessaires soient conclus avec toutes les parties et qu’une mission humanitaire puisse se dérouler en toute sécurité. Nous gardons l’espoir qu’elle pourra être effectuée dans les prochaines semaines. De nombreuses personnes vivant à Roukban ont fait savoir qu’elles souhaitaient quitter cette zone. Depuis la dernière mission conjointe de l’ONU et du Croissant-Rouge arabe syrien, au moins 640 personnes ont quitté le camp par leurs propres moyens pour se rendre dans des zones contrôlées par le Gouvernement syrien. D’autres personnes devraient faire de même. Des contraintes financières empêchent toutefois d’autres personnes de quitter le camp sans aide.
Dans le même temps, je me félicite du fait qu’au début du mois, le Gouvernement syrien a autorisé l’ONU à effectuer des missions d’observation dans les deux abris de Homs dans lesquels sont hébergées des personnes en transit, qui ont quitté Roukban. Nous espérons que cet accès sera maintenu dans les semaines à venir. Dans tout le pays, j’exhorte toutes les parties – les acteurs étatiques et les groupes armés – à épargner les civils et les infrastructures civiles et à faciliter une action humanitaire sans entrave. Pour des raisons humanitaires et conformément au droit international humanitaire, il faut réduire au minimum les souffrances des populations.
Avant que le Conseil de sécurité ne conclue ses travaux pour cette année, je voudrais appeler l’attention des membres sur plusieurs tendances qui pourraient s’accentuer en 2020 en ce qui concerne les civils touchés par la crise syrienne. Trois d’entre elles méritent une attention particulière.
Premièrement, les besoins humanitaires en Syrie resteront considérables. Comme les membres ont pu le voir dans l’Aperçu de la situation humanitaire mondiale 2020, qui a été publié ce mois-ci, selon les estimations actuelles, environ 11 millions de personnes en Syrie auront besoin d’une assistance humanitaire, dont 5 millions qui auront un besoin pressant d’assistance. L’ONU estime que le coût global de l’action humanitaire en 2020 sera proche des 3,3 milliards de dollars requis en 2019. En outre, dans toute la région, quelque 5,6 millions de réfugiés syriens ont besoin d’aide, dont plus de 70 % vivent dans la pauvreté. Le plan actuel d’aide à cette population de réfugiés et à leur communauté d’accueil exige des financements considérables, de l’ordre de 5,2 milliards de dollars. L’appui financier aux interventions en Syrie et à l’ensemble de la région reste essentiel.
Je suis heureuse de confirmer que ce mois-ci, le Secrétaire général adjoint a sélectionné la Syrie pour recevoir une allocation provisoire de 25 millions de dollars au titre du guichet financement insuffisant du Fonds central pour les interventions d’urgence. Ces fonds seront utilisés pour appuyer les principales priorités collectives énoncées dans le plan d’aide humanitaire. Il faut un appui bien plus important pour garantir la poursuite des opérations humanitaires en Syrie et dans les pays voisins. Nous compterons sur la générosité des donateurs durant l’année à venir pour aider les acteurs humanitaires à fournir une assistance à davantage de personnes, le plus adéquatement et le plus efficacement possible.
Deuxièmement, la situation économique dans toute la Syrie risque d’exacerber les besoins humanitaires. La monnaie syrienne a perdu la moitié de sa valeur cette année. S’il est vrai que les facteurs à l’origine des chocs économiques récents peuvent faire l’objet de débats, les indicateurs de base révèlent une situation économique préoccupante pour les civils en Syrie – le coût de la vie augmente, les revenus stagnent
et la monnaie nationale se déprécie. Nous savons que les populations les plus vulnérables sont celles qui ont moins de moyens de faire face à l’augmentation du coût de la vie. Les communautés ont du mal à faire face à des situations d’urgence si elles survivent à peine. Les familles prendront des mesures plus extrêmes pour faire face aux difficultés chroniques. Les organisations humanitaires devront chercher d’autres moyens pour éviter que la situation des plus pauvres et de personnes qui sont au bord de la pauvreté ne se détériore davantage. Nous devons garantir la survie et la dignité des personnes dans le besoin, notamment en trouvant de nouveaux moyens de rétablir les services essentiels et vitaux.
Troisièmement et enfin, l’insécurité continue de mettre en danger les civils dans une grande partie de la Syrie, notamment dans les zones éloignées des lignes de front. Par exemple, ce mois-ci, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a mis en garde contre le nombre croissant d’incidents dans le nord de la Syrie impliquant l’utilisation d’engins explosifs improvisés dans les marchés, dans des quartiers résidentiels et dans d’autres zones peuplées. Quelque 49 incidents ont été confirmés depuis fin octobre, dont 43 dans des zones contrôlées par les forces turques et des groupes armés non étatiques qui leur sont associés. Au moins 78 civils ont été tués, et plus de 300 personnes ont été blessées lors de ces incidents.
De même, dans le sud-ouest de la Syrie, les civils sont exposés à des risques persistants liés à la violence qui se poursuit. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a constaté une augmentation du nombre de détentions, d’attaques commises au moyen d’explosifs improvisés et de tentatives d’assassinat tant contre des personnes favorables au Gouvernement qu’à l’encontre de personnes liées à l’ancienne opposition. Ces schémas de violence posent une menace considérable aux civils et aux efforts qu’ils déploient pour mener une vie sûre et digne.
Étant donné qu’il s’agit du dernier exposé sur la situation humanitaire en Syrie prévu cette année, je voudrais conclure en exprimant le voeu sincère que l’année à venir sera meilleure pour le peuple syrien.
La Présidente (parle en anglais) : Je remercie Mme Mueller de son exposé.
J’appelle l’attention des orateurs sur le paragraphe 22 de la note présidentielle parue sous la cote S/2017/507, qui encourage tous les participants aux séances du Conseil à faire leurs déclarations en cinq minutes ou moins, conformément à l’engagement pris par le Conseil de sécurité de faire un meilleur usage des séances publiques.
Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration.
M. Heusgen (Allemagne) (parle en anglais) : Je tiens en premier lieu, au nom également des autres corédacteurs, le Koweït et la Belgique, à remercier la Sous-Secrétaire générale, Mme Ursula Mueller, de son exposé détaillé sur la situation humanitaire en Syrie. Nous réitérons une fois de plus notre reconnaissance pour tous les efforts que déploie le personnel humanitaire et médical afin d’alléger les souffrances humaines en Syrie.
Nous nous réunissons de nouveau après avoir reçu du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des informations sur la situation humanitaire désespérée en Syrie, en particulier dans le nord-ouest du pays. Nous condamnons l’intensification récente des hostilités, en particulier les bombardements aériens qui ont tué des civils, notamment des femmes et des enfants. Alors que nous nous préparons à passer les fêtes, près de 3 millions de personnes à Edleb ont désespérément besoin d’hébergement, de vivres et de médicaments et ne savent pas de quoi demain sera fait.
Nous tenons également à remercier le Secrétaire général de son dernier rapport sur la dimension humanitaire de la crise en Syrie (S/2019/949). Les statistiques mentionnées dans le rapport parlent d’elles-mêmes. Le Secrétaire général appelle le Conseil de sécurité à« veiller à ce que les organismes des Nations Unies soient autorisés à répondre aux besoins de toutes celles et ceux qui ont besoin d’aide humanitaire »,et réitère que« les organismes des Nations Unies n’ont pas d’autre moyen d’aider les personnes dans le besoin dans les régions où l’assistance est acheminée à travers la frontière » (S/2019/949), par. 55).Il demande un renouvellement rapide de la résolution sur l’aide transfrontière.
C’est pourquoi nous prévoyons de voter dans le courant de la journée sur un projet de résolution proposé par les corédacteurs des textes concernant la situation humanitaire en Syrie. Nous avons mené des négociations ouvertes, transparentes et approfondies sur ce texte au cours des dernières semaines avec tous les membres du Conseil, tout en consultant l’OCHA et les pays voisins.
L’objectif du texte est de garantir la fourniture d’une aide transfrontière vitale à plus de 4 millions de personnes. L’Organisation mondiale de la Santé nous a de nouveau contactés aujourd’hui à propos du point de passage de Yaroubiyé – elle en a vraiment besoin, car 40 % des articles médicaux transitent par ce point. Durant nos négociations, nous avons tendu la main pour trouver des compromis afin que le Conseil de sécurité s’exprime d’une seule voix. Guidés par les besoins humanitaires, nous avons écouté les préoccupations de tous les États Membres et n’avons pas ignoré les événements récents. Nous avons déployé des efforts particuliers pour obtenir l’accord de tous et tout prendre en compte. Le texte, qui a été rédigé hier, est le fruit de ce processus inclusif. Certains membres pensent probablement qu’il pourrait être amélioré, mais c’est exactement ce que signifie un compromis – il sera toujours possible de faire mieux, et ce n’est jamais « à prendre ou à laisser ». Nous prions le Conseil d’envoyer un signal d’unité fort en cette fin d’année. Le monde nous regarde.
Alors que l’année touche à sa fin, cinq pays élus vont bientôt quitter le Conseil après deux ans de travail acharné et constructif. Nous les remercions tous. Aujourd’hui, nous sommes honorés par la présence de S. E. M. Khaled Aljarallah, Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït. Je saisis cette occasion pour remercier le Koweït d’avoir été un corédacteur aussi dévoué sur ce dossier difficile. Les collègues du Ministre Aljarallah ici à New York ont accompli un travail remarquable, et leur inspiration, leur créativité, leur efficacité et leur connaissance profonde de la région vont nous manquer. Nous remercions l’Ambassadeur Alotaibi et son équipe.
Les corédacteurs, mais surtout les millions de personnes qui ont besoin d’aide en Syrie, comptent sur l’appui du Conseil cet après-midi.
M. Aljarallah (Koweït) (parle en arabe) : Je tiens en premier lieu à remercier la Sous-Secrétaire générale, Mme Ursula Mueller, de son exposé très utile sur les événements récents relatifs à la situation humanitaire en Syrie.
Nous nous associons à la déclaration prononcée par le représentant de l’Allemagne au nom des corédacteurs des textes concernant la situation humanitaire en Syrie. Je vais cependant faire les observations suivantes à titre national.
Les corédacteurs – le Koweït, la Belgique et l’Allemagne – ont présenté un projet de résolution visant à renouveler les travaux du mécanisme transfrontalier chargé d’acheminer l’aide humanitaire en Syrie. Il n’existe actuellement pas d’autre moyen que le mécanisme, dont dépendent 4 millions de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire, la plupart dans le nord de la Syrie. Plusieurs cycles de négociations et de consultations ont été organisés ces dernières semaines mais, malheureusement, le Conseil de sécurité ne s’est pas encore mis d’accord sur le renouvellement des travaux du mécanisme, qui fait la différence entre la vie et la mort pour les populations qui ont désespérément besoin que cette assistance se poursuive. Aux côtés de la Belgique et de l’Allemagne, nous poursuivrons et intensifierons nos efforts pour renouveler les travaux du mécanisme. Nous appelons toutes les parties et les membres du Conseil de sécurité à coopérer avec nous afin d’adopter un projet de résolution à cette fin, qui représente une responsabilité humanitaire commune essentielle.
Nous avons été témoins cette année de tragédies humanitaires importantes en Syrie du fait de la persistance du conflit dans le pays, qui cause d’immenses souffrances depuis le début de la crise syrienne en 2011. Cette crise, qui touche le Moyen-Orient et dépasse largement ses frontières, pose une menace indéniable à la paix et à la sécurité régionales et internationales. La crise syrienne a provoqué une des pires tragédies humanitaires de l’histoire moderne, faisant des centaines de milliers de victimes, déplaçant 6 millions de Syriens à l’intérieur du pays et faisant plus de 5 millions de réfugiés syriens. Alors que nous entrons dans l’année 2020, 11 millions de personnes continuent d’avoir besoin d’aide humanitaire en Syrie. Toutes les terribles statistiques publiées par l’ONU montrent clairement l’étendue de la souffrance humaine que subit ce peuple arabe frère, qui est depuis des années victime de violations flagrantes de tous les principes élémentaires du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.
Au vu de la catastrophe humanitaire en Syrie, l’État du Koweït a adopté au cours des dernières années une politique étayée par la dimension humanitaire de la crise syrienne et ses répercussions, car il est convaincu de la nécessité de se tenir aux côtés du peuple syrien frère et d’atténuer ses souffrances. Nous avons pris l’initiative d’organiser trois conférences internationales des donateurs, et nous avons co-présidé les conférences d’annonces de contributions qui se ont tenues par la suite à Londres et à Bruxelles. La contribution du Koweït annoncée lors de ces conférences a atteint 1,9 milliard de dollars, faisant de notre pays le principal donateur de la réponse humanitaire.
Le Conseil n’a pu adopter le projet de résolution (S/2019/756) que nous avons déposé de concert avec la Belgique et l’Allemagne aux fins de la cessation des hostilités à Edleb, où résident près de 3 millions de personnes (voir S/PV.8623), et ce bien que l’ONU ait maintes fois averti que la plus grande catastrophe humanitaire du XXIe siècle risque d’y survenir si les opérations militaires à large échelle qui s’y déroulaient se poursuivaient.
Nous réaffirmons à cet égard note condamnation des attaques ciblant les civils et celles visant les hôpitaux et les infrastructures médicales et civiles, et ce qu’elle que soit la partie qui s’en rend coupable. Le terrorisme est un fléau dangereux qui menace la paix et la sécurité internationales, et nous convenons qu’il importe de lutter contre le terrorisme où que ce soit, y compris à Edleb. Nous réitérons à cet égard ce que nous avons déjà dit – et de nombreux membres du Conseil sont d’accord avec nous – , à savoir que la lutte contre le terrorisme n’exempte en rien les parties, toutes les parties, des obligations qui leur incombent au titre du droit international humanitaire de protéger les civils et des infrastructures civiles, et de respecter les principes de proportionnalité, de distinction et de précaution.
Nous réaffirmons qu’il ne saurait y avoir de paix durable sans justice. Et nous soulignons la nécessité de demander des comptes à ceux qui ont commis des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, ainsi que de lutter contre l’impunité.
C’est pourquoi nous appuyons le travail du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables, ainsi que celui de la commission créée dernièrement par le Secrétaire général pour enquêter sur les incidents visant les infrastructures médicales et civiles dans le nord-ouest de la Syrie.
S’agissant du retour, nous réaffirmons que les réfugiés et les déplacés doivent pouvoir retourner de leur plein gré, dans la sécurité et la dignité. Nous soulignons aussi la nécessité de faire des progrès sur le dossier des détenus et des personnes portées disparues, et de permettre aux organisations internationales compétentes de se rendre dans les camps et les prisons en Syrie, conformément aux dispositions du droit international humanitaire et de la résolution 2474 (2019) .
Pour terminer, et étant donné que c’est la dernière séance sur le dossier humanitaire syrien auquel participe le Koweït avant la fin de notre mandat au Conseil, je voudrais remercier sincèrement la Belgique et l’Allemagne de leur collaboration avec nous dans l’exercice de la charge de « porte-plume » sur le dossier syrien. Je voudrais aussi saisir cette occasion pour remercier sincèrement, encore une fois, l’ONU, ses institutions spécialisées et ses organismes, fonds et programmes, ainsi que l’ensemble des travailleurs humanitaires de leurs efforts et de leur noble travail en Syrie. Je leur réaffirme que l’État du Koweït est déterminé à continuer d’appuyer ces efforts humanitaires pour atténuer les souffrances humanitaires en Syrie, ainsi qu’à renforcer l’excellent partenariat en cours avec l’ONU dans le domaine humanitaire.
Mme Gueguen (France) : Tout d’abord, un grand merci à Mme Ursula Mueller pour sa présentation. Je salue la présence du Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït, et je m’associe pleinement aux félicitations exprimées par l’Ambassadeur Heusgen pour la contribution remarquable du Koweït au travail du Conseil de sécurité.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres mentionnés par la Sous-Secrétaire générale, ils parlent d’eux-mêmes : l’aide humanitaire transfrontalière est indispensable et irremplaçable. Le renouvellement du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière est un impératif. Tant les agences humanitaires, le Secrétariat de l’ONU, à commencer par le Secrétaire général lui-même, que les pays voisins insistent sur la nécessité de préserver ce mécanisme. Je voudrais rappeler brièvement pourquoi.
Tout d’abord, l’aide humanitaire transfrontalière reste aujourd’hui indispensable pour venir en aide à plus de quatre millions de personnes dans le besoin, parce que le régime de Bashar Al‑Assad continue d’obstruer l’accès humanitaire et d’utiliser l’aide à des fins politiques, alors que la situation reste instable dans l’ensemble du pays, y compris dans les zones reprises par le régime. Il n’y a donc pas d’alternative.
Deuxièmement, la population syrienne s’apprête à affronter les rigueurs d’un nouvel hiver de guerre. Cette année, comme les précédentes, il est impératif de pouvoir accéder aux populations par les routes les plus directes et les moyens les plus rapides sur l’ensemble du territoire syrien. La survie de millions d’hommes, de femmes et d’enfants en dépend. S’agissant des points de passage, le point de passage de Yaaroubiyé revêt une importance cruciale, car il permet d’acheminer 40 % des
médicaments pour les opérations humanitaires dans le nord-est.
Certains n’hésitent pas à affirmer que l’aide humanitaire transfrontalière ne serait plus nécessaire, avec la reprise de certains territoires par le régime, en particulier dans le sud-ouest. Nous savons pourtant que l’accès humanitaire y est toujours largement entravé par Damas. À cet égard, nous en appelons une fois encore aux acteurs ayant de l’influence sur Damas pour garantir un accès humanitaire sûr, complet et sans entrave sur l’ensemble du territoire syrien, y compris dans les zones dont le régime a récemment repris le contrôle, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil et au droit international humanitaire.
La France appelle les membres du Conseil à faire preuve d’unité et de responsabilité pour préserver le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière, qui est indispensable, à travers un renouvellement de la résolution 2165 (2014) pour une nouvelle durée de 12 mois.
Comme nous le répétons sans cesse, le respect du droit international humanitaire s’impose à tous. Il n’est pas négociable. La protection des civils, dont les personnels humanitaires et médicaux, est une priorité absolue. Nous réitérons notre condamnation des attaques contre les civils et les infrastructures civiles, en particulier médicales, notamment celles qui sont intervenues dans le nord-ouest syrien. Le bureau d’enquête créé par le Secrétaire général sur ces attaques, auquel nous apportons notre plein soutien, doit permettre de faire toute la lumière sur ces incidents. Alors que plus de 70 000 personnes supplémentaires ont été déplacées au mois de novembre et que l’hiver s’installe, tout doit être fait pour rétablir le cessez-le-feu à Edleb.
La lutte contre le terrorisme est un enjeu crucial. Personne ne le conteste. Mais elle ne saurait être invoquée pour justifier les violations du droit international humanitaire. Ceux qui se rendent coupables de tels actes devront rendre des comptes devant la justice. Les preuves ne disparaîtront pas, grâce au mécanisme international, impartial et indépendant d’enquête sur les crimes commis en Syrie. Nous appelons à la coopération avec l’ensemble des mécanismes qui contribueront à la lutte contre l’impunité des crimes commis en Syrie.
Enfin, je souhaiterais réitérer qu’il n’y aura pas de terme durable à la tragédie humanitaire que vivent les Syriennes et les Syriens sans processus politique crédible. Au-delà de la réponse humanitaire, seule une solution politique inclusive pourra mettre fin aux souffrances du peuple syrien. Je voudrais à cet égard réitérer que tant qu’une solution politique crédible ne sera pas fermement engagée, la France, comme ses partenaires de l’Union européenne, ne participera pas au financement de la reconstruction. La résolution 2254 (2015) demeure notre feuille de route et doit être mise en oeuvre dans toutes ses composantes. Nous aurons l’occasion d’y revenir demain, au cours de notre réunion avec l’Envoyé spécial, et de nous pencher sur les avancées insuffisantes du processus de Genève, en dépit des efforts qu’il a déployés.
M. Ipo (Côte d’Ivoire) : Ma délégation salue la tenue de cette séance consacrée aux derniers développements de la situation humanitaire en Syrie et félicite Mme Ursula Mueller, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, pour la qualité de son exposé. Nous souhaitons également la cordiale bienvenue à S. E. M. le Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït.
Ma délégation demeure profondément préoccupée par la résurgence des hostilités, qui aggrave la situation humanitaire déjà délétère en Syrie. En effet, selon M. Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général, des frappes aériennes auraient touché ces derniers jours des dizaines de communautés dans les provinces d’Edleb, de Hama, d’Alep et de Lattaquié et provoqué le déplacement d’environ 60 000 personnes. Ces bombardements et affrontements auraient en outre fait plusieurs morts, détruit ou endommagé des infrastructures civiles de la région, notamment des écoles et des hôpitaux, et affecté la capacité de réaction des acteurs humanitaires.
Mon pays voudrait saluer à cet égard les efforts déployés par l’ONU et les organisations humanitaires pour répondre aux besoins des populations en détresse dans un environnement particulièrement difficile. En effet, selon l’ONU, en moyenne 5,6 millions de civils ont accès chaque mois à l’aide humanitaire provenant essentiellement de l’intérieur de la Syrie. Dans ce contexte, la Côte d’Ivoire réitère son appel à toutes les parties au conflit à cesser les hostilités, à assurer la sécurité des civils dans la conduite des opérations militaires et à respecter le droit international humanitaire, notamment les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution. Elle les exhorte également au respect de l’accord russo-turc sur la zone démilitarisée à Edleb, signé le 17 septembre 2018, de même que des accords conclus, le 17 octobre dernier,
entre les États-Unis d’Amérique et la Turquie sur la zone sécurisée dans le nord-est de la Syrie, et le 22 octobre, entre la Russie et la Turquie sur le contrôle de la frontière syrienne.
Mon pays se félicite des efforts visant à assurer la poursuite des livraisons humanitaires transfrontalières en faveur des milliers de personnes affectées par le conflit, notamment le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière institué par la résolution 2165 (2014). Il exhorte la communauté internationale à appuyer les efforts destinés à garantir un accès humanitaire sûr, rapide, sans entrave et durable aux populations en détresse. Aussi mon pays appelle-t-il au renouvellement du mandat du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière.
Pour conclure, la Côte d’Ivoire exhorte tous les belligérants à la cessation des hostilités sur toute l’étendue du territoire syrien, et appelle de nouveau la communauté internationale à soutenir l’Envoyé spécial du Secrétaire général dans ses efforts inlassables, en vue d’un règlement pacifique et durable de la crise syrienne, gage de paix, de stabilité et de développement pour la région.
M. Trullols Yabra (République dominicaine) (parle en espagnol) : Nous remercions Mme Mueller de son exposé, et exprimons une fois de plus notre profonde gratitude aux travailleurs et aux organisations humanitaires qui, malgré les nombreux obstacles, continuent de fournir une aide vitale en République arabe syrienne.
Tout d’abord, nous tenons à réaffirmer notre engagement à fournir une aide humanitaire fondée sur les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, qui, dans un contexte aussi complexe, sont de la plus haute importance, non seulement sur le terrain, mais aussi dans le cadre d’un Conseil de sécurité polarisé.
Comme l’a rappelé Mme Mueller, les besoins humanitaires en Syrie sont pressants et augmentent à chaque escalade de la violence. Dans le nord-est, la situation résultant de l’invasion turque d’octobre reste fragile : 75 000 personnes sont toujours déplacées et des centaines de milliers manquent cruellement d’eau, d’abris et de soins de santé. Cela vaut également pour le camp de Hol, où se trouvent essentiellement des femmes et des enfants, dont la situation exige une réponse humanitaire urgente, y compris le rapatriement des ressortissants non syriens dans leur pays d’origine.
Par ailleurs, dans le nord-ouest, malgré le dernier cessez-le-feu, les attaques et les tirs croisés se poursuivent ; ils ont déjà coûté la vie à plus d’un millier de personnes et déplacé des centaines de milliers d’autres, y compris des femmes et des enfants.
Il ne fait aucun doute que la situation en Syrie reste critique, fragile et instable. C’est dans ces moments-là qu’il est plus crucial que jamais de placer les impératifs humanitaires au coeur des décisions du Conseil de sécurité. Nous éprouvons parfois des difficultés à intégrer la dimension humaine dans nos décisions politiques. Cet après-midi, il nous incombe de garantir que l’aide humanitaire sera fournie aux 4 millions de personnes se trouvant dans le nord de la Syrie par l’intermédiaire du mécanisme transfrontalier. Cela relève de la responsabilité exclusive du Conseil – une responsabilité hautement morale que nous ne pouvons pas déléguer. En d’autres termes, chacun d’entre nous a la possibilité de permettre ou d’entraver l’acheminement de 41 % de l’aide humanitaire en Syrie. Un peuple qui est affamé, qui a des besoins urgents et dont la vie est en danger mérite notre courage, notre volonté politique et notre action déterminée.
La République dominicaine réaffirme qu’elle est favorable au renouvellement du mandat du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière en République arabe syrienne, car c’est le seul moyen de garantir la survie de millions de personnes. Aujourd’hui, et chaque fois que cela est nécessaire, nous devons nous tenir du côté des femmes, des hommes, des jeunes et des enfants syriens qui espèrent que nous serons à la hauteur et que nous répondrons à leurs besoins et à leurs aspirations légitimes.
Il est de notre devoir à tous de leur apporter l’aide qu’ils sont en droit d’attendre, de leur épargner de nouvelles souffrances et de jeter les bases d’un avenir pacifique, notamment d’un processus politique crédible et sans exclusive qui apportera un grand renouveau et sera mené par des Syriennes et des Syriens de bonne volonté agissant dans leur intérêt. Nous appelons donc une fois de plus le Conseil à faire preuve d’unité et à concentrer son attention sur la vie et la survie de la population civile, qui a payé le plus lourd tribut dans cette tragédie humaine.
Cet après-midi, nous reviendrons dans cette salle forts de la conviction que, malgré nos différends, nous avons été capables d’effectuer les rapprochements nécessaires pour parvenir à un accord et, comme je l’ai
dit tout à l’heure, pour redonner une dimension humaine aux décisions capitales que nous prenons.
M. Ndong Mba (Guinée équatoriale) (parle en espagnol) : La Guinée équatoriale se félicite de la tenue opportune de la présente séance d’information et remercie Mme Ursula Mueller de son exposé.
Après deux ans de débat sur les questions humanitaires en Syrie, le Gouvernement de la République de Guinée équatoriale continue d’observer à grand regret la nette consolidation de deux fronts diamétralement opposés sur ce sujet.
Comme nous l’avons dit à maintes reprises, la situation humanitaire et en matière de sécurité en Syrie exige des membres du Conseil de sécurité – garants de la paix et de la sécurité internationales – qu’ils transcendent leurs intérêts géostratégiques. Elle exige de mettre les êtres humains au centre de toutes les discussions et de toutes les décisions contraignantes. C’est une position très claire et objective que certains membres du Conseil ont défendue, mais elle demeure limitée, peut-être en raison de l’impossibilité d’influencer véritablement les parties au conflit.
Nous rappelons qu’une opération de grande envergure à Edleb et dans les régions voisines où les combats entre les forces gouvernementales, le Front el-Nosra et les forces opposées au Gouvernement syrien se poursuivent, aurait sans aucun doute des conséquences potentiellement graves pour des millions de civils et sur le travail des organismes humanitaires.
Comme cela a déjà été mentionné, quelque 4 millions de personnes dépendent du mécanisme d’aide transfrontalière et d’opérations d’acheminement de l’aide à travers les frontières coordonnées par l’ONU, dont environ 3 millions qui se trouvent dans les régions du nord-ouest, qu’on ne peut pas atteindre de l’intérieur du pays. Mon gouvernement est pleinement conscient que la situation humanitaire est déjà extrêmement difficile pour les personnes vulnérables en Syrie, et lorsqu’il s’agit de sauver des vies, nous n’avons pas d’autres partenaires ou alliés que ces personnes mêmes qui subissent les effets des antagonismes internationaux.
Par conséquent, tant que nous n’aurons pas mis fin à ce conflit prolongé, la Guinée équatoriale continuera d’apporter son appui à tous les mécanismes qui visent à prévenir une crise humanitaire encore plus grave en Syrie. Nous sommes tous conscients de la nécessité de renouveler l’assistance transfrontalière en Syrie, étant donné que plus d’un million de personnes qui reçoivent de l’aide chaque mois dépendent de ce mécanisme.
Toutefois, nous devons continuer d’accorder la priorité au dialogue entre toutes les parties, y compris le Gouvernement de Damas. Toute initiative lancée ou toute décision appuyée par l’ONU doit associer les autorités syriennes. À cet égard, compte tenu du contexte actuel, nous invitons les autorités syriennes à ne ménager aucun effort pour garantir un accès sûr et sans entrave à l’aide humanitaire dans toutes les zones qui en ont besoin et par les voies les plus directes.
M. Wu Haitao (Chine) (parle en chinois) : La Chine remercie la Sous-Secrétaire générale Mueller de son exposé et salue la présence du Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït.
À l’heure actuelle, un grand nombre de personnes en Syrie ont encore besoin d’aide humanitaire. La Chine salue les efforts inlassables déployés par l’ONU et les organismes humanitaires pour améliorer efficacement les conditions de vie du peuple syrien. Dans le même temps, la situation humanitaire en Syrie est étroitement liée au contexte politique, de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Pour régler les problèmes humanitaires, nous devons adopter une approche globale et des mesures globales. À cet égard, je voudrais faire les observations suivantes.
Premièrement, il est essentiel de respecter et de sauvegarder effectivement la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie. Un règlement politique est un moyen fondamental d’améliorer la situation humanitaire en Syrie. La Chine se félicite des progrès accomplis dans les travaux de la Commission constitutionnelle syrienne et appuie l’ONU, en particulier l’Envoyé spécial Pedersen, dans ses efforts de médiation continus, conformément au principe d’un processus dirigé et contrôlé par les Syriens, en vue de promouvoir une solution politique qui tient compte des préoccupations de toutes les parties. Il faut maintenir l’indépendance de la Commission constitutionnelle et la protéger de toute ingérence extérieure.
Deuxièmement, il faut intensifier les efforts d’aide humanitaire, lever les sanctions économiques imposées à la Syrie, promouvoir le retour des réfugiés et des déplacés dans leurs foyers et soutenir le Gouvernement syrien dans ses efforts de reconstruction après la guerre pour améliorer fondamentalement les conditions de vie du peuple syrien. Il faut s’attacher à améliorer la situation économique de la Syrie, faciliter le retour volontaire
et en toute sécurité des réfugiés syriens et aider le Gouvernement syrien à rénover et à reconstruire les logements, les installations médicales et éducatives, et à reconstituer les moyens de subsistance de la population. La Chine a fourni une assistance à la Syrie en matière d’alimentation, de médicaments, de transports publics et de formation des ressources humaines et continuera de jouer un rôle actif dans la reconstruction économique et sociale de la Syrie.
Troisièmement, il faut poursuivre les efforts en vue d’harmoniser les normes et de lutter contre toutes les formes de terrorisme, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et au droit international. L’élimination des forces terroristes est une garantie de sécurité nécessaire pour que le peuple syrien puisse retrouver une vie paisible et calme. À l’heure actuelle, les forces terroristes occupent toujours une grande partie d’Edleb. Ils menacent la sécurité des civils, détruisent les infrastructures et aggravent la situation humanitaire. Nous espérons qu’à la prochaine séance, le Secrétariat fournira des informations et des analyses détaillées à cet égard. La question des combattants terroristes étrangers est un défi à la paix et à la sécurité au Moyen-Orient et dans le monde entier. Le Secrétariat doit rester saisi de cette question et recueillir des informations. La communauté internationale doit oeuvrer de concert pour traduire tous les terroristes en justice.
Les membres du Conseil de sécurité ont eu de nombreuses discussions sur la prorogation du mandat du mécanisme d’aide transfrontalière en Syrie. Dans l’ensemble, la Chine a des réserves sur le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière et estime que ce mécanisme est une méthode de secours spéciale utilisée dans des circonstances spécifiques, qui doit être évalué et ajusté en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain. C’est au Gouvernement syrien qu’incombe la responsabilité principale d’améliorer la situation humanitaire en Syrie. Toutes les opérations d’aide humanitaire dans le pays doivent respecter pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, tenir compte des vues du Gouvernement syrien et renforcer la coordination avec celui-ci.
M. Djani (Indonésie) (parle en anglais) : Je voudrais remercier la Sous-Secrétaire générale Mueller de son exposé détaillé, et souhaiter la bienvenue à mon frère le Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït, S. E. M. Aljarallah.
Ma délégation est gravement préoccupée par la récente escalade des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie, par les combats qui se poursuivent dans le nord-est et, comme l’indique le rapport du Secrétaire général (S/2019/949), par les tensions croissantes dans le sud-ouest. Nous sommes extrêmement préoccupés par le risque d’une détérioration de la situation humanitaire dans ces régions du fait des hostilités – les décès de civils, y compris de femmes et d’enfants, les blessures, les déplacements, la destruction des infrastructures civiles et davantage de souffrances. Le monde regarde, tout la communauté internationale aussi. Toutefois, nous ne sommes pas ici pour nous contenter de regarder ; nous sommes ici pour apporter notre aide et agir. Notre mandat est de sauver des vies, et c’est exactement ce que nous devons faire en tant que membres du Conseil de sécurité.
Ma délégation voudrait souligner trois points.
Premièrement, l’Indonésie appelle à une désescalade immédiate et invite toutes les parties concernées à honorer strictement les obligations qui leur incombent en vertu du droit international. Nous demandons instamment à toutes les parties de cesser toutes les attaques contre les civils et les biens civils, y compris l’emploi sans discrimination d’armes, de baril d’explosifs et de frappes aériennes. Il faut protéger les civils contre les attaques et les effets des hostilités et leur permettre de se déplacer volontairement vers des lieux sûrs.
Deuxièmement, il importe que toutes les parties autorisent un accès sans entrave, sûr, rapide et durable pour acheminer l’aide humanitaire, afin que l’ONU et ses partenaires humanitaires puissent atteindre toutes les personnes en Syrie qui sont dans le besoin. Nous saluons le travail inlassable des Nations Unies, qui continuent de fournir une aide vitale à des millions de personnes dans le besoin, malgré de multiples difficultés.
Troisièmement, ma délégation appuie l’appel du Secrétaire général concernant le renouvellement du mécanisme d’aide transfrontalière. Il est clair que 4 millions de personnes dépendent de ce mécanisme – un mécanisme pour lequel il n’y a pas de substitut, comme les Nations Unies l’ont déclaré à maintes reprises. Ma délégation est convaincue que nous ne pouvons pas mettre en péril les opérations transfrontalières en cours qui fournissent une aide alimentaire et des médicaments et qui répondent à d’autres besoins humanitaires immédiats. Les souffrances du peuple syrien doivent cesser, et nous, au
Conseil, pouvons commencer à les atténuer en mettant de côté nos divergences et en nous concentrant sur les 4 millions de personnes qui ont besoin des opérations transfrontalières. C’est le moins que l’on puisse faire pour elles. La vie de civils est en jeu, et la population souffre depuis bien trop longtemps. Encore une fois, en ce qui concerne ma délégation, sauver des vies n’est pas une option ; c’est le but fondamental.
Cet après-midi, le Conseil doit se prononcer sur un projet de résolution sur l’aide humanitaire transfrontalière. Nous sommes conscients de la dynamique existante, ainsi que des divergences de vues entre les membres du Conseil, et j’appelle tous mes collègues à mettre à profit le temps qui reste avant la séance pour intensifier nos efforts et pour se parler de manière objective en vue de sauver des vies humaines. Il ne s’agit pas de nous. Il s’agit de sauver les civils syriens, la population sur le terrain. J’appelle une fois de plus tous les membres du Conseil à faire ce qu’il convient de faire, en particulier en cette saison de joie où les êtres humains sont unis dans un esprit d’espoir et d’amour.
M. Mabhongo (Afrique du Sud) (parle en anglais) : Je voudrais tout d’abord remercier la Sous-Secrétaire générale Mueller de son exposé sur la situation humanitaire en Syrie.
L’Afrique du Sud reste gravement préoccupée par la situation humanitaire désastreuse qui règne en Syrie. Nous avons eu au Conseil de nombreux débats sur la détresse du peuple syrien et sur la meilleure façon d’améliorer sa situation. À cet égard, l’Afrique du Sud se félicite des efforts déployés par l’ONU et par ses organismes d’exécution pour fournir une aide vitale à des millions de Syriens dans le cadre des opérations d’assistance humanitaire transfrontalières. Nous appuyons pleinement la nécessité de ce programme et espérons que son mandat sera renouvelé en temps voulu.
Ma délégation a pris note avec préoccupation des informations faisant état d’une escalade des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie. La destruction d’infrastructures civiles, en particulier d’établissements de santé et d’éducation, est particulièrement alarmante, car elle a un effet disproportionné sur les groupes les plus vulnérables de la société, à savoir les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées. L’Afrique du Sud appelle à nouveau toutes les parties à respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, en particulier en ce qui concerne la protection des civils et des infrastructures civiles. Il importe également que les parties aux divers accords de cessez-le-feu respectent les obligations qui leur incombent. En ce qui concerne Roukban, nous notons qu’environ 4 000 personnes souhaitent quitter le camp, et nous demandons instamment à toutes les parties de fournir l’assistance nécessaire pour les aider à partir dans la dignité et la sécurité. Par ailleurs, ma délégation est consciente qu’il importe de fournir l’assistance requise aux personnes qui restent à Roukban, et appelle les parties concernées à s’en assurer.
Enfin, l’Afrique du Sud exhorte toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue et à s’employer à désamorcer les hostilités et à garantir le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la Syrie. Comme nous l’avons déjà dit à maintes reprises, la situation en Syrie ne saurait être réglée par des moyens militaires. Le seul moyen d’assurer la paix, la stabilité et la prospérité à long terme de la Syrie et de son peuple est le dialogue, la négociation et la pleine application de la résolution 2254 (2015). Nous sommes impatients d’écouter l’exposé que présentera demain l’Envoyé spécial Pedersen, en particulier en ce qui concerne les travaux de la Commission constitutionnelle. Et comme d’autres, je voudrais souhaiter la bienvenue au Vice-Ministre koweïtien des affaires étrangères, qui est parmi nous aujourd’hui.
Mme Wronecka (Pologne) (parle en anglais) : Je remercie la Sous-Secrétaire générale, Mme Ursula Mueller, de son exposé et exprimer notre gratitude au Bureau de la coordination des affaires humanitaires pour les efforts inlassables qu’il déploie à l’appui du peuple syrien. Je voudrais également saluer la présence dans la salle aujourd’hui de M. Khaled Sulaiman Aljarallah, Vice-Ministre koweïtien des affaires étrangères.
Comme nous venons de l’entendre, la situation des civils en Syrie reste très difficile. Force est de reconnaître que le conflit a donné lieu à des violences et à des violations du droit international, y compris du droit des droits de l’homme, et a causé à la population civile syrienne des souffrances sans précédent dans le monde contemporain. Ce sont les civils, notamment les enfants, qui continuent de payer le plus lourd tribut des hostilités en cours en Syrie. Il est inacceptable que des établissements sanitaires et des écoles continuent d’être attaqués. Il y a deux jours à peine, les bombardements aériens à Edleb se sont intensifiés, tuant des enfants et blessant d’autres personnes. C’est pourquoi nous appelons à nouveau les parties au conflit à mettre en oeuvre tous les accords de cessez-le-feu et à garantir à
tous les acteurs humanitaires un accès sans entrave et en toute sécurité à l’ensemble du territoire syrien.
L’accès doit d’abord être accordé aux zones prioritaires, notamment pour les livraisons transfrontalières de l’aide humanitaire, dans lesquelles la sécurité du personnel humanitaire est assurée. Nous soulignons également l’obligation qui incombe à toutes les parties au conflit de protéger les civils et les infrastructures civiles. La protection des civils, y compris les enfants en période de conflit armé, doit être au centre de notre débat. Nous devons mettre en place des mesures concrètes pour prévenir ou réduire au minimum les pertes civiles et les dommages accidentels aux biens de caractère civil.
Alors que j’aborde des questions concrètes, je tiens à souligner l’ampleur des besoins humanitaires en Syrie. En moyenne, en 2019, les Nations Unies sont venues en aide à quelque 5,6 millions de personnes dans le besoin chaque mois dans l’ensemble du pays, notamment des enfants. En novembre, l’aide humanitaire fournie par les organismes des Nations Unies a notamment consisté en l’acheminement de vivres à 4,2 millions de personnes. Pour une population qui est très vulnérable, l’aide humanitaire transfrontalière reste d’une importance vitale. À cet égard, nous voudrions réitérer notre ferme appui au renouvellement du mécanisme qui permet aux fournitures humanitaires d’entrer en Syrie, de fournir une aide humanitaire aux personnes qui en ont un besoin urgent et de faciliter la fourniture de services de base. À défaut, il serait impossible d’assurer une assistance vitale à des millions de personnes et d’atteindre celles qui sont dans le besoin.
L’ampleur de la crise syrienne et des besoins humanitaires demeure considérable. Je tiens à souligner notre préoccupation face à l’état catastrophique des établissements sanitaires en Syrie. La plupart d’entre eux ne sont pas fonctionnels et ceux qui sont encore en activité sont trop mal équipés pour être en mesure de fournir des soins appropriés aux patients. Selon nous, la communauté internationale et en particulier le Conseil de sécurité doivent plaider vigoureusement en faveur des soins de santé et de la protection des civils, en particulier des femmes, des enfants et des personnes handicapées, comme le stipule la résolution 2475 (2019) que nous avons adoptée en juin.
Étant donné que demain, nous allons discuter du volet politique, je voudrais conclure mon intervention en soulignant qu’il ne peut y avoir de solution militaire au conflit syrien. Un accord politique reste la seule voie vers la paix.
M. Nebenzia (Fédération de Russie) (parle en russe) : Nous remercions la Sous-Secrétaire générale, Mme Ursula Mueller de son exposé, et nous nous félicitons également de la participation de S. E. M. Khaled Sulaiman Aljarallah, Vice-Ministre koweïtien des affaires étrangères, à la présente séance.
Une situation humanitaire et militaire extrêmement problématique règne toujours dans les territoires échappant au contrôle du Gouvernement syrien, sur la rive orientale de l’Euphrate, dans la zone de désescalade d’Edleb et dans la zone autour de Tanf, occupée par les États-Unis. Nous avons étudié attentivement les évaluations de la situation dans la zone de désescalade d’Edleb, qui reste un terrain propice au terrorisme international, en particulier de la part de Hay‘at Tahrir el-Cham (Organisation de libération du Levant). Nous regrettons que les informations sur le bombardement des zones environnantes, où les militants se sont implantés, n’occupent qu’une seule ligne dans les rapports de l’ONU, alors que nous avons recensé 600 attaques et offensives de ce type en octobre, et que l’intensité des tirs des radicaux sur Alep a augmenté ces deux dernières semaines. Si, en novembre, les zones résidentielles de la ville ont été bombardées 191 fois, nous en sommes déjà à 139 fois dans la première moitié de décembre. L’utilisation de systèmes de lancement multiples et d’obus de mortiers est en hausse. Durant la première semaine de décembre, 32 missiles ont été lancés dans des zones résidentielles d’Alep. En novembre et décembre, 11 civils sont morts et 41 ont été blessés dans la seule ville d’Alep. Le 4 décembre, des jihadistes ont bombardé un club de sport à Tell Rifaat, dans le gouvernorat d’Alep, tuant huit enfants. Or pour une raison qui m’échappe, personne ne se demande d’où ces militants continuent de se procurer leurs munitions.
Malheureusement, dans leurs déclarations, nos collègues n’ont pas non plus mentionné les nombreux incidents au cours desquels des militants ont terrorisé les populations locales, utilisé les infrastructures civiles à des fins militaires et se sont servis de civils comme de boucliers humains. On a relaté des exécutions, des détentions, et la dispersion violente de manifestations organisées par celles et ceux qui veulent protester contre le régime des terroristes à Edleb. Certains de ces incidents sont mentionnés dans les rapports de l’ONU. Ces actes de terreur doivent être fermement condamnés et dûment rejetés. Le fait que ces crimes soient passés sous silence
nous semble être une tentative de blanchir ces voyous en les faisant passer pour une opposition prétendument modérée. Mais ceux qui cherchent à régler pacifiquement les problèmes en Syrie ont depuis longtemps rejoint le processus de négociation, notamment dans le cadre de la Commission constitutionnelle, tandis que ceux qui poursuivent la lutte armée, y compris contre les Syriens, sont des militants qui rejettent le dialogue. En tant que pays garants du processus d’Astana, la Russie, la Turquie et l’Iran sont prêts à continuer d’aider les parties syriennes et l’Envoyé spécial Pedersen à trouver un règlement politique au conflit syrien. La pertinence du processus d’Astana a été confirmée par la réunion qui s’est tenue à Nour-Soultan les 10 et 11 décembre et qui s’est révélée très utile.
Nous entendons de nouveau des accusations selon lesquelles l’Armée syrienne et ses alliés prennent des installations civiles d’Edleb pour cible de leurs frappes aériennes. Encore une fois, nous affirmons que les autorités syriennes respectent le cessez-le-feu et que les activités militaires sont une riposte aux violations du cessez-le-feu par les terroristes.
En ce qui concerne le nord-est de la Syrie, la Russie collabore avec Ankara pour mettre en oeuvre le mémorandum du 22 octobre, afin de prévenir des affrontements armés et de remédier à la situation humanitaire. Nous nous employons également à nouer des contacts entre les Kurdes et Damas, et à réparer les dégâts causés par l’occupation illégale de la zone et la dangereuse expérience d’ingénierie démographique qui y a été entreprise. Nous tenons à appeler l’attention du Conseil sur la situation désastreuse à Raqqa, qui a été soumise à des bombardements massifs par la soi-disant coalition internationale, et qui a été retenue en otage pendant plus de quatre ans par les militants de l’État islamique d’Iraq et du Levant. Le 7 décembre, un contingent russe y a mené une opération humanitaire. Notre présence sur le terrain nous a permis de constater directement que l’infrastructure civile a été presque entièrement détruite. Les travaux de déblaiement et de déminage de la zone ne sont toujours pas terminés et on déplore des pénuries d’eau potable, de médicaments et de nourriture.
Nous partageons les préoccupations exprimées au sujet des menaces terroristes qui pèsent de plus en plus lourd sur diverses régions syriennes, notamment le nord-est. Nous demandons à ceux qui y ont géré et construit des prisons de ne pas rejeter sur d’autres la responsabilité d’empêcher les jihadistes de toutes sortes de se disperser dans la région.
En collaboration avec le Gouvernement syrien, la Russie est en train de prendre des mesures pour créer les conditions nécessaires au retour des réfugiés et des déplacés. Plus de 2 millions de Syriens ont déjà retrouvé leurs foyers à ce jour, dont plus de 1,3 million de déplacés. Plus de 1 500 maisons, 95 installations médicales et 210 établissements d’enseignement ont été réhabilités et remis en fonction depuis le début de l’année, et des installations électriques, hydriques et industrielles sont en cours de restauration ou de construction. Ces chiffres sont la preuve incontestable de l’efficacité des mesures prises par les autorités syriennes s’agissant de créer les conditions nécessaires à un retour volontaire des réfugiés, dans la dignité et la sécurité.
Nous appelons les organisations internationales, notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d’autres organismes humanitaires, à accentuer leurs efforts dans ce domaine. Malheureusement, ces activités se heurtent fréquemment à des manoeuvres dilatoires. Nous exhortons également les membres de la communauté internationale à s’impliquer dans les projets de reconstruction post-conflit en Syrie et à lever les sanctions unilatérales dans l’intérêt de normaliser la vie des Syriens, et ce, sans imposer de conditions politiques. Cela contribuerait notablement à améliorer la situation humanitaire en Syrie. Soit dit en passant, si le contrôle des champs pétrolifères détenus illégalement était rendu à Damas, cela faciliterait grandement l’approvisionnement des Syriens en carburant et aiderait à régler les problèmes humanitaires.
Le Centre russe pour la réconciliation des parties belligérantes en République arabe syrienne, le Gouvernement syrien, l’ONU et le Comité international de la Croix-Rouge oeuvrent de concert pour réinstaller les résidents du camp de Roukban. Toutefois, les groupes armés sur place s’efforcent de conserver leur mainmise sur la région, et cette action a pris du retard. Nous espérons que le problème des déplacés et réfugiés sera bientôt réglé. La situation dans le camp de Hol, qui reste difficile, a encore empiré du fait de l’arrivée d’un grand nombre de réfugiés transférés d’autres camps du nord-est. Plus de la moitié des résidents du camp sont des femmes et des enfants. Il est grand temps d’envisager de transférer aux autorités syriennes ce territoire occupé illégalement, aux fins de régler le problème des déplacés.
Nous avons entendu l’évaluation de l’opération transfrontalière. Je vais être clair : nous sommes
favorables à la suppression des postes-frontières de Ramta et de Yaaroubiyé, et ce, pour les raisons suivantes. Le poste-frontière de Ramta, à la frontière jordanienne, n’est plus en service depuis juillet 2018. Nous ne sommes pas convaincus par l’argument selon lequel il faudrait le conserver « juste au cas où ». Cela fait longtemps que la situation dans le sud-ouest de la Syrie a évolué, après la réconciliation obtenue avec l’aide de la Russie, et les autorités syriennes s’emploient à reconstruire la région, qui a subi des années de crise. Il n’y aura pas de « juste au cas où » dans cette région, d’autant que, logiquement, des postes-frontières officiels existent, qui peuvent être activés si des livraisons humanitaires devaient être effectuées depuis la Jordanie.
Quant à la situation à la frontière entre la Syrie et l’Iraq, elle a changé radicalement. Les postes-frontières contrôlés par l’Armée syrienne ont été rouverts. Il est envisagé de transférer aux autorités syriennes le contrôle des autres postes-frontières actuellement aux mains des Kurdes. Un dialogue est également en cours avec les Kurdes s’agissant d’accéder à l’aide humanitaire sur la rive orientale de l’Euphrate depuis la Syrie même, plutôt qu’à travers la frontière. Le dernier rapport du Secrétaire général (S/2019/949) précise clairement le volume d’aide humanitaire acheminée à travers Yaaroubiyé, non pas de manière régulière mais au cas par cas. Les données montrent sans conteste que les convois humanitaires peuvent être déployés par les voies officielles, avec l’accord des autorités syriennes.
En ce qui concerne Edleb, nous convenons que cette région de Syrie a toujours cruellement besoin d’assistance humanitaire. L’aide y est déployée par deux postes à la frontière avec la Turquie, Bab el-Haoua et Bab el-Salam. Compte tenu des besoins humanitaires des Syriens, nous pensons qu’ils doivent rester en service.
M. Popolizio Bardales (Pérou) (parle en espagnol) : Nous nous félicitons de la convocation de la présente séance et de l’exposé très complet de Mme Ursula Mueller. Nous saluons également la présence parmi nous, ce matin, du Vice-Ministre koweïtien des affaires étrangères, S. E. M. Khaled Sulaiman Aljarallah.
Le Pérou prend note avec une profonde préoccupation de la poursuite du conflit et de la grave situation humanitaire en République arabe syrienne. Il est indéniable que des faits nouveaux importants sont survenus sur les plans politique et militaire ces derniers mois. Cependant, des millions de personnes restent confrontées à des conditions extrêmement précaires, encore aggravées par la rigueur de l’hiver. Ce sont précisément les risques et les souffrances auxquels les citoyens syriens sont confrontés au quotidien qui rendent impératif le fait d’assurer un accès immédiat et sans restriction à l’aide humanitaire, en tirant efficacement parti de tous les moyens disponibles, notamment les opérations transfrontalières. Le Pérou estime que prolonger de 12 mois ce format d’assistance est essentiel, compte tenu des niveaux élevés de sophistication et des garanties qu’il présente, et d’autant qu’il n’y pas vraiment d’autre option pour accéder aux personnes les plus vulnérables. Nous espérons que cette question cruciale sera abordée cet après-midi exclusivement sous l’angle de l’allégement des souffrances humaines, et que le Conseil de sécurité restera uni pour s’acquitter de sa responsabilité de protéger la population syrienne.
Le nord-ouest du pays reste au centre de l’attention en raison de la densité de sa population, de sa grande instabilité et des risques latents auxquels l’expose le contrôle étendu de la zone par des groupes terroristes. Nous trouvons alarmant que les niveaux de violence dans cette zone augmentent depuis octobre dernier, avec comme conséquences 136 nouvelles victimes, des arrestations arbitraires, des enlèvements et la destruction de l’infrastructure.
Le Pérou réitère sa condamnation la plus énergique du terrorisme et estime nécessaire que les groupes terroristes qui se trouvent encore à Edleb et dans d’autres régions du territoire syrien aient à en répondre de leurs actes devant la justice. Mais nous soulignons que la lutte contre ce fléau ne doit pas servir de prétexte pour mettre en péril la vie de millions de personnes.
En outre, le Pérou salue les efforts remarquables déployés par l’ONU et d’autres acteurs humanitaires pour fournir une assistance durable à plus de 67 000 déplacés se trouvant dans le camp de Hol, et ce dans des conditions logistiques extrêmement complexes. Nous notons que quasiment la moitié de ces déplacés sont d’origine iraquienne. C’est pourquoi nous encourageons les autorités de ce pays à poursuivre leurs efforts tendant à faciliter le retour de leurs nationaux, lequel doit, nous le soulignons, avoir lieu sur la base des paramètres internationalement acceptés et avec l’accompagnement de l’ONU.
S’agissant toujours des déplacés, nous soulignons que toute initiative favorisant le retour en Syrie de millions de réfugiés et de déplacés doit être menée sur la base des paramètres internationalement acceptés garantissant ce retour soit volontaire et se fasse dans la dignité et la sécurité. À cette fin, il est indispensable,
selon nous, que les parties continuent de travailler à des mesures propices à un meilleur climat de détente, notamment la libération des détenus, l’identification des personnes portées disparues et la remise des dépouilles. Nous saluons le travail accompli à cet égard dans le cadre du processus d’Astana, mais nous notons qu’il est urgent de faire des progrès plus substantiels sur ce volet. Nous soulignons aussi la nécessité de continuer de mobiliser la communauté internationale en appui au déminage humanitaire et à l’enlèvement des engins explosifs improvisés en Syrie, qui continuent de causer des ravages parmi la population et d’entraver l’acheminement de l’aide.
Pour terminer, je réaffirme que seul un règlement politique, sur la base de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe), permettra de surmonter la catastrophe humanitaire en Syrie, tout en respectant pleinement sa souveraineté, son unité et son intégrité territoriale.
Mme Pierce (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Je me joins aux autres orateurs pour souhaiter la bienvenue au Conseil au Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït. Son pays a apporté une contribution remarquable en tant que donateur et en tant que membre du Conseil de sécurité. Ce fut un honneur de travailler avec la délégation de son pays, qui a toujours mis l’accent sur le coeur du problème, que nous parlions de la paix et de la sécurité internationales ou, comme nous le faisons aujourd’hui, de l’atténuation des souffrances humaines. Je remercie sincèrement le Koweït de tout ce qu’il a fait pour le Conseil de sécurité.
Nous partageons les préoccupations qui ont été exprimées autour de cette table, et je pense qu’elles portent toutes sur un thème commun. Depuis 2012 et pour diverses raisons, la communauté internationale n’a pas servi le peuple syrien comme nous aurions dû le faire, malgré les efforts héroïques impliquant le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), l’ONU et des bénévoles, comme les Casques blancs. Je voudrais une fois encore saluer, par l’intermédiaire de la Sous-Secrétaire générale, l’action que l’OCHA et les autres organismes humanitaires mènent pour aider le peuple syrien.
Aujourd’hui, comme d’autres l’ont dit, après sept longues et horribles années, le processus politique a peut-être enfin une occasion de franchir un autre cap. Nous appuyons, bien entendu, cet effort et nous faisons tout ce que pouvons pour aider l’Envoyé spécial Pedersen à obtenir des résultats à cet égard. Toutefois, c’est avec beaucoup de tristesse que nous disons que de tels progrès n’ont pas été enregistrés sur le terrain dans d’autres domaines. Mais cela n’est pas dû à la communauté internationale, mais aux autorités syriennes et aux pays qui les aident le plus. En particulier, je crois que nous devons penser à Edleb et à Roukban, au surcroît de pression de l’hiver qui arrive, comme d’autres l’ont dit, et au ciblage d’objets civils autour d’Edleb, ainsi qu’à la nécessité de veiller à ce que le droit international humanitaire soit respecté. Le terrorisme ne saurait justifier la violation des Conventions de Genève. Nous le disons chaque fois que nous nous réunissons dans cette salle, mais cela reste aussi vrai aujourd’hui que lorsque les Conventions de Genève ont été rédigées.
Mais la pire situation c’est, je crois, celle que la Sous-Secrétaire générale a soulignée dans son exposé. Il s’agit de la situation humanitaire qui va en s’aggravant, avec 4 millions de personnes exposées à un grave risque. C’est pourquoi, exceptionnellement, l’aide transfrontalière reste nécessaire – et elle n’a cessé de l’être depuis 2014. Cela est énoncé clairement dans la lettre adressée au Conseil de sécurité par le Coordonnateur des secours d’urgence, ainsi que dans d’autres correspondances de ces derniers jours. Ayant entendu l’exposé de la Sous-Secrétaire générale, nous n’avons aucun doute que les quelque quatre opérations d’acheminement de l’aide qui ont pu avoir lieu à travers les points de passage frontaliers en moins de 12 mois ont permis de sauver 4 millions de vies en danger, ce qui veut dire moins de souffrances pour le peuple syrien.
S’agissant du projet de résolution en attente, comme d’autres l’ont dit, le représentant de l’Allemagne a expliqué dans sa déclaration pourquoi sa délégation l’a rédigé de cette manière, et nous respectons cela. Les rédacteurs s’efforcent de sortir de l’impasse sur cette question très importante pour que sur ces 4 millions de personnes, autant de vies que possible puissent être sauvées et leurs souffrances atténuées. Mais nous ne voyons pas clairement ce qui a changé depuis l’année dernière, lorsque le Conseil a adopté la résolution 2449 (2018), sur l’accès en Syrie de l’aide transfrontalière. Qu’est-ce qui a changé pour justifier de réduire de façon aussi dramatique l’aide transfrontalière à deux passages pour six mois seulement, comme d’autres membres du Conseil l’ont proposé ? En 2014, la résolution 2165 (2014) sur l’aide transfrontalière a été adoptée à l’unanimité, comme l’ont été en 2015 et 2016 les résolutions 2258 (2015) et 2332 (2016) portant sur la même question. En 2017, la résolution sur l’aide transfrontalière – résolution 2393 (2017) a été
adoptée par 12 voix, avec 3 abstentions, et en 2018, la résolution 2449 (2018) sur la même question a été adoptée par 13 voix , avec 2 abstentions. Je répète donc : il n’est pas clair du tout pourquoi certains jugent que la situation est si drastiquement différente aujourd’hui.
Je voudrais aussi me joindre à d’autres pour demander que nous examinions le texte rédigé par le porte-plume et que nous fassions tout ce que nous pouvons pour protéger le peuple syrien. La présente séance est une réunion d’information sur l’aide humanitaire, et quelques importants acteurs humanitaires sont présents ici avec nous aujourd’hui. La chose la plus importante à faire, comme Mme Mueller l’a dit, c’est d’adopter un projet de résolution qui permette l’acheminement de secours réels sur une longue période de temps – en pensant au résultat final, non aux échéances, et qui autorise tous les passages dont a besoin l’ONU.
L’OCHA est la composante du système international que nous, les États Membres de l’ONU, avons chargé de coordonner l’action humanitaire. Nous ne sommes pas toujours d’accord avec l’OCHA ou l’ONU sur tous les points et sur toutes les questions, mais ils s’acquittent de leurs responsabilités envers les Membres et le peuple syrien pour faire que l’aide parvienne aux communautés qui en ont le plus besoin. Si l’ONU n’aide pas ces communautés, rien ne prouve que le Gouvernement syrien a la volonté et les moyens de le faire ou qu’il va le faire. C’est pourquoi j’espère que nous pourrons trouver un moyen de progresser sur le projet de résolution afin que la Sous-Secrétaire générale et ses équipes puissent mener à bien la tâche que nous leur avons confiée.
La Présidente (États-Unis) (parle en anglais) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentante des États-Unis.
Je remercie la Sous-Secrétaire générale Mueller de son exposé. Je me joins aux autres orateurs pour souhaiter la bienvenue à S. E. M. Aljarallah, Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït, et pour féliciter le Koweït pour son mandat au Conseil de sécurité et pour le grand esprit de partenariat et le leadership dont il a fait preuve dans plusieurs domaines, notamment les questions humanitaires dont nous débattons aujourd’hui. Nous nous réjouissons à l’idée de poursuivre notre solide partenariat avec le Koweït.
Une nouvelle année se profile à l’horizon en Syrie, et avec elle naît l’espoir non seulement que le Conseil intensifiera ses efforts dans le pays, mais aussi que le conflit violent qui fait souffrir depuis des années les 11 millions de Syriens prendra fin. Toutefois, avant d’envisager ce qu’il devra faire l’année prochaine pour améliorer les conditions humanitaires en Syrie, le Conseil doit encore accomplir une tâche en 2019 : reconduire les dispositions vitales de sa résolution 2165 (2014) concernant l’aide transfrontalière.
Les États-Unis se tiennent aux côtés du Secrétaire général, du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, des millions de Syriens qui dépendent de cette résolution et des membres de l’ONU qui l’appliquent pour demander la reconduction de ses dispositions pour tous les points de passage existants. À l’heure où nous nous fixons des objectifs pour la nouvelle année, nous estimons qu’il y a plusieurs mesures réalisables que le Conseil peut prendre pour démontrer son attachement à une paix réelle pour les Syriens en 2020.
Premièrement, le Conseil peut et doit faire beaucoup plus pour enjoindre aux parties sur le terrain d’améliorer de manière vérifiable l’accès humanitaire. En 2020, aucun Syrien ne devrait se voir refuser une aide vitale parce qu’il vit dans une zone qui n’est pas sous le contrôle du régime ni craindre qu’en raison des opérations militaires du régime d’Assad, de la Russie ou de toute autre partie, les convois d’aide des Nations Unies ne fassent demi-tour avant même d’avoir achevé une livraison.
Nous appelons le régime d’Assad et la Fédération de Russie à faire respecter une cessation immédiate des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie et dans le reste du pays. Un cessez-le-feu est essentiel pour répondre aux besoins des habitants d’Edleb et pour honorer les engagements pris par les Présidents Poutine et Erdoğan à Sotchi en 2018. La stratégie cynique du régime, qui consiste à s’en prendre à sa propre population tout en demandant à la communauté internationale de contribuer à la reconstruction de Damas, ne restera pas sans réponse. Toutefois cette réponse ne peut se faire aux dépens de victimes innocentes. Au contraire, le Conseil doit renforcer son engagement en faveur du processus politique décrit dans la résolution 2254 (2015) et renouveler sa promesse de changer la manière dont le régime d’Assad traite le peuple syrien.
Deuxièmement, le Conseil de sécurité doit prendre des mesures pour améliorer, qualitativement et quantitativement, l’accès régulier de l’ONU à la Syrie, qui reste à seulement 30 % du niveau escompté. L’ONU doit pouvoir étendre ses opérations à des régions telles que le sud-ouest de la Syrie, la province de Homs et la
banlieue de Damas. Pendant trop longtemps, le monde a regardé le régime d’Assad bloquer l’acheminement de vivres, de médicaments et de secours humanitaires afin de reprendre le contrôle du peuple syrien. L’année prochaine, le Conseil devra oeuvrer à l’unisson et contraindre Damas à permettre à l’ONU d’avoir un accès régulier et sans entrave aux personnes dans le besoin dans tout le pays.
Troisièmement, nous demandons au Conseil d’appuyer l’accès humanitaire dans le nord-est de la Syrie pour tous les partenaires concernés, y compris l’ONU et les autres organisations humanitaires internationales. L’accès au nord-est de la Syrie est indispensable pour que les communautés qui se remettent du fléau de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) puissent recevoir les fournitures dont elles ont besoin. Il est tout aussi indispensable de veiller à ce que l’EIIL ne réapparaisse pas en Iraq ou en Syrie.
Enfin, le Conseil doit demeurer uni dans ses efforts pour maintenir l’ONU au coeur de toute tentative visant à faciliter le retour de principe des réfugiés et des déplacés syriens dans le lieu de leur choix. Les États-Unis sont préoccupés par les informations selon lesquelles plus de 150 personnes ayant quitté volontairement le camp de Roukban pour rejoindre Homs ont été arrêtées et sont détenues arbitrairement par le régime, et ce en dépit du fait que l’ONU, les États-Unis et la Fédération de Russie ont collaboré pour faciliter des départs sûrs et en connaissance de cause. Nous demandons la libération immédiate des civils détenus par le régime et exigeons de ce dernier qu’il cesse de recourir à la torture et respecte les garanties d’une procédure régulière.
Le Conseil ne doit pas revenir sur son engagement à garantir des conditions sûres sur le terrain pour que la population puisse rentrer chez elle après des années de guerre. Les États-Unis estiment qu’avec un peu d’application et d’effort, le Conseil peut atteindre les objectifs que je viens de décrire au cours des 12 prochains mois. Cela représenterait un pas important et nécessaire vers une paix plus durable, conformément à la résolution 2254 (2015) – une paix qui permettrait aux Syriens d’enfin commencer à reconstruire leur vie.
Je reprends à présent mes fonctions de Présidente du Conseil.
Je donne la parole au représentant de la République arabe syrienne.
M. Falouh (République arabe syrienne) (parle en arabe) : Ces dernières années, la République arabe syrienne a déployé des efforts considérables, en coopération avec les organismes compétents des Nations Unies, pour garantir la fourniture continue des services de base et de l’aide humanitaire à tous les citoyens, sans distinction aucune. Ces efforts se sont heurtés à d’importants obstacles liés au terrorisme et à l’aggravation de l’embargo économique imposé au peuple syrien par les gouvernements des États qui continuent de s’ingérer de manière destructrice dans les affaires syriennes, éloignant ainsi toute perspective de parvenir à une solution, entravant l’élimination du terrorisme et privant le peuple syrien de la capacité de se reconstruire et de se relever, ainsi qu’empêchant le retour librement consenti des déplacés et des réfugiés syriens dans leurs foyers pour y mener une vie normale en toute sécurité.
Il est regrettable que les représentants du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) continuent de communiquer dans leurs rapports mensuels de nombreuses informations et évaluations erronées pour des raisons politiques connues de tous au sein du Conseil de sécurité. Ce comportement n’est pas professionnel et va à l’encontre de l’esprit de coopération et de partenariat dont la République arabe syrienne a fait preuve vis-à-vis des organismes des Nations Unies et des partenaires humanitaires concernés, selon les dires des travailleurs humanitaires sur le terrain.
Les représentants de certains États membres du Conseil sont aujourd’hui totalement incapables de réfléchir et de réagir de manière positive et constructive face à la situation en Syrie. Ils ne sont mus que par leur sentiment d’hostilité à l’égard de la Syrie et de ses alliés dans la lutte contre le terrorisme. Ils n’ont plus qu’une obsession : avancer des accusations fabriquées de toutes pièces contre la Syrie et nier les efforts consentis par mon pays. J’en veux pour preuve le fait que le projet de résolution portant sur la reconduction des dispositions de la résolution 2165 (2014), présenté par les corédacteurs, repose sur des statistiques et des données manipulées, ce qui est une pratique courante de l’OCHA au moment du renouvellement de ladite résolution, et oublie totalement de dire que la majeure partie de l’aide humanitaire tombe entre les mains de terroristes armés et ne parvient pas aux personnes qui en ont besoin.
Ces dernières semaines, les corédacteurs sur le volet humanitaire en Syrie ont préparé un projet de résolution concernant mon pays qui est loin d’atteindre les objectifs humanitaires supposés. C’est pourquoi nous le rejetons dans son intégralité pour diverses raisons, dont les suivantes.
Premièrement, les corédacteurs continuent de faire fi du fait que le centre de l’action humanitaire en Syrie est la capitale, Damas. Nous parlons ici du principe sacro-saint consistant à respecter la souveraineté nationale, tel que réaffirmé dans toutes les résolutions pertinentes sur mon pays.
Deuxièmement, les corédacteurs persistent à ignorer les évolutions enregistrées sur le terrain depuis l’adoption de la résolution 2165 (2014) en juillet 2014. L’État syrien contrôle à nouveau toutes les zones que l’ONU avait décrites comme étant assiégées ou inaccessibles et a instauré la stabilité dans ces zones, en coopération avec ses alliés.
Troisièmement, malgré le nombre de demandes officielles que nous avons envoyées à ce propos, ni la direction de l’OCHA ni celle du Mécanisme de surveillance des Nations Unies n’ont été en mesure de fournir suffisamment d’explications concernant leurs soi-disant partenaires indépendants ou les sociétés chargées de vérifier la distribution de l’aide aux personnes dans le besoin.
Quatrièmement, le contenu du projet de résolution révèle clairement ses véritables motifs et les raisons pour lesquelles certaines parties insistent sur les opérations transfrontalières d’acheminement de l’aide. Le motif le plus évident est d’exacerber l’hostilité au sein du Conseil pour attaquer le Gouvernement syrien, ainsi que son rôle et son statut, qui sont indispensables.
Cinquièmement, mon pays reste fermement déterminé à respecter les dispositions de la résolution 46/182 de l’Assemblée générale, qui met l’accent, avant tout, sur le respect de la souveraineté nationale. C’est pourquoi la Syrie rejette le principe d’alerte et de mise en garde ; nous estimons qu’il ne répond pas aux exigences minimales des normes relatives à la transparence, à la crédibilité et au respect de la souveraineté nationale.
La République arabe syrienne continue d’être aussi réaliste et patiente que possible face à la polarisation politique négative des délégations permanentes des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni en ce qui concerne le traitement de la question syrienne. Néanmoins, nous continuons d’appeler le Secrétariat, notamment les responsables de l’OCHA à prendre leurs distances par rapport à ces tentatives de polarisation politique et à établir au contraire une relation professionnelle avec le Gouvernement syrien et les partenaires humanitaires locaux, fondée sur la bonne volonté, le partenariat et le respect des principes qui régissent l’action humanitaire pour atteindre les objectifs visés par cette action. À cet égard, les personnes concernées doivent s’abstenir d’utiliser le dossier syrien comme un outil de pression, de contrainte et de chantage à l’encontre du Gouvernement de la République arabe syrienne et de son peuple.
Enfin, après neuf ans d’une guerre terroriste imposée à la Syrie, les gouvernements qui ont contribué à intensifier le terrorisme dans le pays et à exacerber la situation refusent encore d’admettre honnêtement et de manière responsable que pour mettre fin aux souffrances du peuple syrien, il faut respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne. Ils doivent en outre appuyer les efforts déployés par le Gouvernement syrien et ses alliés pour lutter contre les organisations terroristes et les combattants terroristes étrangers qui sont toujours présents dans le pays, et lever les mesures économiques coercitives unilatérales imposées au peuple syrien.
De plus, il faut mettre un terme à la présence illégale des forces étrangères en Syrie, notamment grâce au retrait des forces américaines qui occupent les sites pétroliers et gaziers en Syrie. Il faut aussi mettre définitivement un terme aux opérations de piraterie menées par les États-Unis pour s’approprier les revenus pétroliers et gaziers qui appartiennent exclusivement à l’État syrien et à aucune autre partie.
Le Président (parle en anglais) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de la Turquie à participer à la présente séance.
Je donne maintenant la parole au représentant de la Turquie.
M. Sinirlioğlu (Turquie) (parle en anglais) : Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, d’avoir organisé la présente séance. Je remercie également la Sous-Secrétaire générale Mueller de son exposé détaillé.
La situation humanitaire en Syrie demeure catastrophique. Nous sommes extrêmement préoccupés par l’escalade de la violence à Edleb. Le régime d’Assad continue de tuer des civils et de détruire des infrastructures civiles. Ce régime est plus brutal, plus éhonté et plus révoltant que jamais. Al‑Assad sait que la réaction de la communauté internationale se limitera à des appels et à des condamnations. Il sait que le Conseil de sécurité va se réunir, débattre et lever la séance. C’est pourquoi il maintient le statu quo – pourquoi il continue
de tuer. Il n’a pas besoin de messages ; il faut qu’il se rende compte que ses actions ne resteront pas impunies.
La présence de Hay’at Tahrir el-Cham et d’autres groupes terroristes extrémistes contribue à la précarité de la situation dans la région. Toutefois, il est inacceptable de tuer des civils sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Le droit international humanitaire doit être respecté en toutes circonstances. Je voudrais rappeler une fois de plus que l’escalade actuelle à Edleb déclenche de nouvelles vagues de déplacements, ce qui pourrait entraîner des réactions en chaîne. Jusqu’à ce matin, 50 000 personnes étaient en route vers la frontière turque en provenance de la province d’Edleb, ce qui aura des incidences non seulement sur la Turquie, mais aussi sur d’autres régions. Par conséquent, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver le statut d’Edleb en tant que zone de désescalade.
Dans la zone de déploiement de l’opération Source de paix, située dans le nord-est du pays, la vie reprend son cours, grâce à notre coopération avec la Russie et les États-Unis. La bande de terre qui s’étend d’Afrin jusqu’à l’Iraq le long de la frontière turco-syrienne a été libérée de la présence d’organisations terroristes et la situation y est plus sûre et plus stable. Les agences turques fournissent une aide humanitaire à la région depuis la mi-octobre. Suite aux deux précédentes opérations que la Turquie a menées dans le nord-ouest de la Syrie, plus de 370 000 personnes ont déjà regagné volontairement leurs foyers et leurs terres. Nous oeuvrons au même objectif dans le nord-est. Tous les retours continueront à s’effectuer volontairement, en toute sécurité et dans la dignité, en étroite coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Quelque 123 000 personnes sont déjà retournées dans leur région d’origine dans le nord-est. Les populations locales qui ont été expulsées du nord-est depuis 2011 veulent rentrer chez elles et continuent de le faire.
Nous avons tous entendu la déclaration qui a été faite par la Sous-Secrétaire générale Ursula Mueller. Il y a un fait incontestable : le mécanisme transfrontalier des Nations Unies est vital pour des millions de personnes en Syrie. Il ne s’agit pas d’une question politique ; il s’agit d’une urgence humanitaire. Cet après-midi, lorsque le Conseil votera, il faudra faire le choix entre les besoins du peuple syrien et les souhaits du régime d’Assad. Le Conseil décidera soit de tendre une bouée de sauvetage au peuple syrien, soit de tendre une main secourable au régime syrien. Les membres du Conseil doivent laisser de côté leurs calculs politiques et penser avant tout aux conséquences humanitaires.
Dans le premier projet de résolution révisé, Tell Abiad figurait parmi les points de passage autorisés par l’ONU. L’importance de ce point de passage pour les opérations des Nations Unies a déjà été expliquée par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires et le Secrétaire général adjoint Lowcock, ainsi que par la Sous-Secrétaire générale Mueller ce matin. Il s’agit d’un ancien point de passage opérationnel qui est passé à la catégorie À en 2008. Les points de passage frontaliers de Bab el-Haoua et de Bab el-Salam, qui font également partie des points de passage autorisés au titre du mécanisme transfrontalier, figurent dans la même catégorie. La zone de Tell Abiad est propice à la création d’un pôle logistique des Nations Unies pour la collecte et la distribution de l’aide.
À court terme, le point de passage de Tell Abiad permettra de répondre aux besoins de la population actuelle et d’atteindre les personnes dans le besoin à Raqqa et à Hassaké, qui comptent au total environ 450 000 habitants. À moyen et à long terme, l’aide humanitaire acheminée par le point de passage de Tell Abiad pourra également être distribuée à d’autres régions du nord-est de la Syrie. Tout au long des négociations, une grande majorité d’États Membres a soutenu l’inclusion du point de passage de Tell Abiad dans le mécanisme.
D’aucuns prétendent que l’ajout du point de passage de Tell Abiad est une tentative visant à légitimer la situation dans le nord-est. La Turquie n’a pas besoin de la bénédiction d’autres pays pour se défendre contre les menaces terroristes. L’opération Source de paix était une opération transfrontalière de portée limitée et visant à combattre les organisations terroristes, telles que le Parti des travailleurs du Kurdistan, le Parti de l’Union démocratique, les unités de protection du peuple et Daech. Comme le Président Erdoğan l’a rappelé à maintes reprises, la Turquie ne peut pas tolérer et ne tolérera aucune activité terroriste le long de ses frontières.
Au cours des négociations, aucune objection n’a été soulevée quant aux avantages de l’ajout du point de passage de Tell Abiad. Tous les contre-arguments étaient de nature politique. Les débats sur le projet de résolution et l’ajout du point de passage de Tell Abiad doivent porter exclusivement sur les questions et les besoins humanitaires. La politisation de cette question ne répondra pas aux besoins du peuple syrien. Il est grand temps que le Conseil fasse son devoir et renouvelle le mécanisme transfrontalier pour 12 mois, en ajoutant Tell Abiad aux points de passage autorisés par l’ONU.
La séance est levée à 12 h 40.
Source : Onu S/PV.8694
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