Après l’explosion qui a coûté la vie à presque deux cents personnes et en a mutilé des milliers d’autres, alors que le cœur de Beyrouth sinistré continue de chercher ses disparus,
à l’heure où le FMI prépare un plan de sauvetage du Liban, il nous semble que le seul soutien financier à l’État libanais souhaitable est un soutien conditionné à quelques exigences politiques.
Dès le mois de juillet, lorsque le ministre des Affaires étrangères Jean- Yves Le Drian s’est rendu au pays du Cèdre, un soutien massif apparaissait déjà indispensable. Et les citoyens libanais avaient exprimé leur ras-le-bol dès l’automne 2019 lors de manifestations lancées autour du slogan : « Tous, cela veut dire tous. » C’est en effet au niveau alarmant de corruption qui gangrène les institutions et la classe politique libanaise qu’il faut largement attribuer cette gabegie.
Sans assainissement profond de l’État libanais, aucune solidarité extérieure ne saura apporter un soutien réel et efficace. Il faut donc conditionner l’aide aux réformes mais aussi au respect plein et entier du droit international.
En effet, le Hezbollah exerce son pouvoir de nuisance au Liban de façon croissante et décomplexée, en même temps qu’il pèse sur la sécurité régionale, européenne et
supplanter l’armée libanaise. Le Hezbollah intervient en Syrie pour le compte du régime iranien qui le finance et en appui du régime Assad coupable de crimes contre l’humanité, tandis qu’il a perpétré des attentats en Europe et ailleurs dans le monde.
À l’heure de vérité pour le Liban, la communauté internationale doit reconnaître le problème majeur que constitue le Hezbollah dans la reconstruction du pays. La mainmise qu’il exerce sur la scène politique libanaise aujourd’hui paralyse toute possibilité de transition politique profonde.
Si le Hezbollah n’a pas été le seul responsable d’un système économique déficitaire, il en est finalement devenu le garant. Toutes les grandes factions au pouvoir s’opposent aux réformes et le statut armé du Hezbollah, capable d’intimider et d’assassiner à volonté et sans conséquence les opposants politiques nationaux, a toujours fixé les limites de la transparence et de la responsabilité et a fondamentalement empêché l’établissement de l’État de droit.
Le Hezbollah est un acteur aux ambitions régionales, dont la puissance et les ressources viennent de l’extérieur et notamment de l’Iran. Ce statut de vassal rend également caduque toute volonté d’indépendance et de neutralité du pays. C’est pourquoi nous demandons au président de la République que la France ne fasse plus obstacle à la désignation du Hezbollah comme organisation terroriste par l’Union européenne. Ce n’est pas d’ingérence qu’il s’agit - la clef d’une solution politique au Liban réside bel et bien dans les mains des Libanais - mais du combat global que nous menons contre le terrorisme.
Aussi, comme l’a réclamé le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, le Hezbollah doit impérativement être désarmé, en vertu de la résolution 1559 adoptée en 2004 (mais aussi des accords inter(arabes de Taef de 1989, lesquels prohibaient toute milice armée). « L’omniprésence d’armes échappant au contrôle de l’État, à laquelle s’ajoute l’existence des milices armées, continue de compromettre la sécurité et la stabilité du Liban. Le fait que le Hezbollah dispose toujours d’importants moyens militaires de pointe échappant au contrôle de l’État libanais reste très préoccupant », avait-il alors rappelé.
Les États-Unis, les pays du Golfe mais aussi les Pays-Bas, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Lituanie ont déjà procédé à la désignation du Hezbollah pour ce qu’il est : une organisation terroriste. À l’heure de vérité pour le Liban, c’est l’opportunité pour la France de construire une position européenne commune.
En défendant une telle position, celle d’un soutien massif mais conditionné, la France jouerait pleinement son rôle unique de médiateur au Moyen-Orient. Lors de son déplacement à Beyrouth le 6 août dernier, le président Macron avait insisté : « La crise ici est grave et implique une responsabilité historique des dirigeants en place. » Sans condamnation ferme du Hezbollah, l’action de la France, au rendez-vous pour porter secours à son plus vieil ami de la région, risque d’être vaine.
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.
* Parmi les personnalités signataires figurent Pascal Bruckner, romancier
et philosophe ; Michel Bruguière, ancien directeur général de Médecins du monde ; Brice Couturier, journaliste et essayiste ; Philippe Douste-Blazy, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre de la Santé ; Annie Genevard, vice-présidente (LR) de l’Assemblée nationale ; Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile ; Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de- Seine ; Constance Le Grip, députée LR des Hauts-de-Seine ;
Corinne Lepage, présidente du Rassemblement citoyen, ancienne ministre de l’Environnement ; Thibault de Montbrial, avocat, spécialiste des questions de
sécurité ; Françoise Rudetzki, fondatrice
de SOS attentats ; Mohamed Sifaoui, journaliste et écrivain franco-algérien ; Philippe Val, écrivain, ancien rédacteur en chef de Charlie Hebdo ; Manuel Valls, ancien premier ministre.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter