En exposant ses priorités politiques au Parlement européen, le 16 juillet 2019, la présidente de la Commission européenne a fait part de son intention de présenter un plan d’action pour la démocratie européenne destiné à protéger nos systèmes et institutions démocratiques de toute influence extérieure. Les cyberattaques et la désinformation, qui deviennent de plus en plus destructeurs et fréquents, comme l’a montré la crise de la COVID-19, constituent une menace pour la démocratie et la cohésion sociale en raison de leur influence sur les débats publics, les politiques publiques et les campagnes électorales. À l’initiative de la Commission européenne, un code de bonnes pratiques a été adopté et un réseau européen de coopération en matière d’élections a été créé en 2018 afin de permettre aux autorités nationales de détecter rapidement les menaces pesant sur les élections au Parlement européen, d’échanger des informations et de mettre en oeuvre une réponse coordonnée. Nous, démocraties européennes, devons aller plus loin.
La France, la Lituanie et la Lettonie recommandent que le plan d’action pour la démocratie européenne comprenne les mesures suivantes.
Tout d’abord, il nous faut assurer la sécurité de nos processus électoraux, tant au niveau européen que national, et garantir l’intégrité des résultats des élections. La sécurité des scrutins nationaux constitue un défi commun pour les démocraties de l’Union européenne. Elle exige à la fois coordination, complémentarité et solidarité. Sur le modèle de Frontex, RescEU ou du projet de coopération structurée permanente sur les équipes d’intervention rapide cyber, un mécanisme conjoint de protection des élections pourrait mettre en place une réserve d’experts nationaux pouvant être sollicités pour venir en aide à tout Etat membre demandant un soutien afin de protéger son système électoral contre des attaques. Cette protection essentielle doit être assurée par les pays européens eux-mêmes. L’objectif de ce mécanisme conjoint serait le suivant : un volet préventif, sur demande des Etats membres, afin de déceler les tentatives de déstabilisation des processus électoraux, et un volet retour d’expérience au sein du réseau de coopération sur les élections, consacré aux formes d’action les plus efficaces et au partage des bonnes pratiques.
Nous devons également renforcer notre capacité de résilience à la désinformation. Dans le contexte des élections, celle-ci peut affaiblir le taux de participation et la confiance dans le processus électoral, de même que la légitimité et la confiance dont jouissent les institutions nationales et européennes. L’information est également un bien commun dont dépend la qualité du débat public. Dans ce domaine, les institutions européennes ont déjà mis des outils en place : le Centre d’excellence européen pour la lutte contre les menaces hybrides, les activités des task forces Stratcom, l’initiative EUvsDinsinfo, le plan d’action européen contre la désinformation, et le système d’alerte rapide.
Le rôle de la société civile, ainsi que des médias indépendants et pluralistes, demeure crucial pour assurer la résilience de nos démocraties, mais il est également indispensable de créer des outils réglementaires plus robustes en matière d’action publique pour lutter contre la désinformation, notamment, sans s’y limiter, dans un contexte d’élections. Dans l’esprit du code de pratique auto-réglementé relatif à la désinformation, qui a été la première action à l’échelle de l’UE à combattre la désinformation en ligne, l’UE doit prendre de nouvelles mesures en matière de responsabilité et de transparence pour les plateformes en ligne afin de lutter contre la désinformation. Ces mesures doivent se fonder sur la primauté des droits fondamentaux.
L’UE doit établir un cadre réglementaire prévoyant des normes et obligations communes pour les plateformes en ligne ainsi que des mécanismes de mise en oeuvre dans plusieurs domaines importants. Ceux-ci comprennent, entre autres, des niveaux minimum de capacités et d’outils nécessaires à la lutte contre les campagnes de désinformation en ligne ; un partage efficace de données pertinentes avec des chercheurs et vérificateurs de faits indépendants, dans le respect du RGPD ; une totale transparence sur les communications politiques en ligne rétribuées, notamment la publicité à caractère politique et les moyens de ciblage ; des normes de base en matière de responsabilité sociale pour la conception des algorithmes ; la prévention des retraits de contenu injustifiés et opaques, ce qui ne peut être assuré qu’en garantissant une transparence sur tous les retraits, suspensions et recours.
Enfin, le financement des partis politiques européens est soumis à des règles et à une gouvernance spécifique mais ce n’est pas suffisant pour préserver la vie de nos démocraties des influences extérieures. En dépit de l’interdiction faite aux partis politiques de l’UE de recevoir des financements provenant de pays tiers, il existe encore des lacunes dans nos réglementations, notamment en ce qui concerne les financements indirects. Nous appelons de nos voeux une nécessaire révision du règlement 1141/2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes afin d’interdire non seulement le financement direct de partis européens par des intérêts étrangers mais aussi leur financement indirect provenant de l’étranger (par l’intermédiaire de partis nationaux ou de dons privés). Cette révision doit entrer en vigueur avant les prochaines élections européennes qui se tiendront en 2024.
La démocratie repose sur la confiance, laquelle se fonde elle-même sur l’équité et la transparence. Ces fondements doivent être défendus par des actions et mesures fortes contre toute tentative de les affaiblir. La France, la Lituanie et la Lettonie sont fermement convaincues, alors que les espaces politiques européens et nationaux deviennent de plus en plus imbriqués, que le moment est maintenant venu pour l’Europe de passer à l’action.
Emmanuel Macron, Président de la République française
Gitanas Nausėda, Président de la République de Lituanie
Arturs Krisjanis Karins, Premier ministre de la République de Lettonie.
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