D’ordre de mon gouvernement et comme suite à la lettre datée du 27 février 2021 adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par la Représentante permanente des États-Unis d’Amérique auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2021/202) et à ma lettre datée du 26 février 2021 (S/2021/197), je tiens à informer le Conseil de sécurité que le 25 février 2021, les États-Unis ont porté atteinte à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne à l’issue du pilonnage, par des avions de combat, de positions situées dans la province de Deïr el Zor, près de la frontière syro-iraquienne, en violation flagrante des dispositions du droit international, des buts et principes de la Charte des Nations Unies et des résolutions du Conseil de sécurité.
En réponse à la lettre susmentionnée de la Représentante permanente des États Unis, je voudrais vous rappeler que d’après son Article 51, « aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ». Les États-Unis ont affirmé avoir pris ces mesures conformément à cet Article et, à ce propos, le Gouvernement syrien déclare ce qui suit :
Le Gouvernement syrien condamne une fois de plus dans les termes les plus énergiques les actes d’agression commis par les États-Unis d’Amérique et leurs alliés en territoire syrien, en violation flagrante des dispositions du droit international, des principes de la Charte des Nations Unies et des résolutions du Conseil de sécurité dans lesquelles celui-ci réaffirme son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne.
Il est regrettable que la nouvelle administration américaine ait entamé son mandat en prenant des mesures hostiles à d’autres États de manière incompatible avec les responsabilités des États-Unis en leur qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, principal organe de l’ONU chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
La Syrie rejette catégoriquement les tentatives des États-Unis de justifier leur acte d’agression en se fondant sur une interprétation unilatérale et sélective de l’Article 51, de manière à le déformer et à en étendre la portée. Elle rappelle qu’il a été rédigé avec grand soin et comporte des restrictions qu’il convient de respecter, en veillant à ne pas en altérer les dispositions les interpréter à mauvais escient ou au sens large ou s’en servir pour mener des actes d’agression en invoquant la légitime défense, car cela sèmerait l’anarchie et déclencherait des guerres dans le monde. Elle rappelle également que le principe général et le fondement du droit international sont énoncés au paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte, qui dispose que « les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ». Elle rappelle en outre que rien dans les résolutions du Conseil de sécurité portant sur la question n’autorise le recours à la force en Syrie et que l’Iraq n’avait pas demandé l’emploi de cette force en République arabe syrienne. Qui plus est, l’Iraq a nié que la frappe aérienne menée par les États-Unis ait été effectuée en coopération ou en coordination avec lui, ce qui réfute clairement les affirmations de la Représentante permanente des États-Unis selon lesquelles son pays aurait mené son attaque à la suite d’une demande d’assistance, face à la menace terroriste que font peser certaines milices.
À maintes occasions, le plus récemment à la réunion informelle du Conseil de sécurité qui s’est tenue le 24 février 2021 à l’initiative de la Mission permanente du Mexique sur le thème de « l’appui au système de sécurité collective de la Charte des Nations Unies : l’emploi de la force en droit international, les acteurs non étatiques et la légitime défense », plusieurs membres du Conseil de sécurité et de nombreux États Membres de l’ONU, dont la République arabe syrienne, ont réaffirmé qu’il importait de respecter le système de sécurité collective inscrit dans la Charte, signée par la Syrie et d’autres États à la Conférence de San Francisco en 1945, ainsi que le principe fondamental consistant à s’abstenir de recourir à la force dans les relations internationales et à éviter de faire une interprétation à mauvais escient ou arbitraire de l’Article 51, qui est une disposition relative à la légitime défense, ou encore le fondement d’une agression et d’une occupation, ainsi qu’une menace contre la paix et la sécurité internationales. Ces appels devraient être entendus par les décideurs de l’administration des États-Unis et leurs alliés.
La République arabe syrienne a pâti ces dernières années des interprétations larges et déformées faites par certains Gouvernements de l’Article 51, qu’ils ont mis à profit pour établir une coalition illégitime, faussement qualifiée de « coalition internationale », sans l’aval du Conseil de sécurité ou de la partie concernée, le Gouvernement syrien. Les États-Unis, qui dirigent cette coalition illégitime, constituée prétendument pour combattre le terrorisme de Daech, ont dépassé l’objectif déclaré. Les crimes et les actes d’agression qu’elle a perpétrés ont entraîné la mort de milliers de civils innocents, comme l’ont admis des responsables de l’armée américaine et d’autres États appartenant à cette coalition. Les raids qu’elle a menés ont détruit bon nombre d’installations et d’infrastructures civiles en Syrie, notamment des établissements scolaires et sanitaires, des centrales électriques, des ponts et des barrages. Elle a pilonné également des positions de l’Armée arabe syrienne, notamment le mont Tharda à Deïr el-Zor, et les forces alliées combattant l’organisation terroriste Daech, dans une tentative de perpétuer l’occupation américaine de secteurs dans le nord-est et de la région de Tanf dans le sud-est, et d’appuyer des milices et groupes séparatistes servant de supplétifs et ayant été désignés comme entités terroristes.
Le comportement illicite de ces États et leur manipulation de la Charte des Nations Unies ont permis au régime turc d’invoquer l’Article 51 pour commettre des actes d’agression sur le territoire syrien en appui aux organisations terroristes, notamment Daech et l’Organisation de libération du Levant (Front Nosra), inscrits sur la Liste tenue par le Comité compétent du Conseil de sécurité, et de justifier son occupation de secteurs dans le nord et le nord-ouest du pays. Tous ces actes constituent de graves violations du droit international, de la Charte des Nations Unies et de l’ensemble des résolutions du Conseil de sécurité concernant la lutte contre le terrorisme. Il appartient à la communauté internationale de les dénoncer et de refuser qu’ils servent de prétexte à l’occupation et à l’agression, faute de quoi le monde se transformerait en une jungle dans laquelle il n’y aurait pas de place pour l’ONU, la Charte des Nations Unies et les résolutions des organes de l’ONU, ou encore pour le droit international et le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde.
La République arabe syrienne réaffirme que les atteintes à sa souveraineté, notamment celles commises par les États-Unis, Israël et la Turquie, ne réussiront pas à protéger les organisations terroristes et les milices séparatistes qui sont leurs alliés et leurs supplétifs, ni à détourner l’Armée arabe syrienne de la lutte contre les vestiges du terrorisme et autres. Elle souligne qu’elle exercera son droit de défendre son territoire, son peuple et sa souveraineté par tous les moyens que lui confèrent la Charte des Nations Unies et le droit international. Elle continuera de combattre le terrorisme, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, rappelant que pour appliquer les résolutions du Conseil concernant la lutte contre le terrorisme, il faut coopérer étroitement avec elle, afin de mener ce combat sur son sol.
La Syrie demande une fois de plus à l’administration des États-Unis et à ses alliés de cesser de violer le droit international et la Charte des Nations Unies, de respecter sa souveraineté, son unité et son intégrité territoriale, d’abandonner la politique consistant à compromettre sa sécurité et sa stabilité, de s’abstenir de déformer et d’altérer la Charte, de mettre fin à l’occupation de certaines parties de son territoire, de cesser tout acte d’agression et de violation et de renoncer à proposer des interprétations erronées de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, dont elle est l’un des 50 premiers États signataires.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre comme document du Conseil de sécurité.
Source : Onu S/2021/223
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