Après l’échec de l’implantation de l’AfriCom sur le continent noir, le Pentagone a regroupé ses forces pour l’Afrique et pour l’Europe sous un commandement unique à Wiesbaden (Allemagne). Il les utilise pour imposer un nouveau découpage territorial, notamment en ne reconnaissant pas la République sahraouie. Les États membres de l’Union européenne sont priés de suivre le mouvement. En définitive, c’est le commandement US de Wiesbaden qui imposera à Bruxelles sa politique étrangère. D’ores et déjà, c’est de cette manière qu’il convient d’interpréter le gel des actions militaires de la France et de l’Union européenne au Mali, mais pas au Tchad.
L’African Lion (Lion Africain), la plus grande manœuvre militaire dans le continent, planifiée et conduite par l’US Army, a débuté hier. Elle comprend des volets terrestres, aériens et navals au Maroc, en Tunisie, au Sénégal et dans les mers adjacentes —de l’Afrique du Nord à l’Afrique de l’Ouest, de la Méditerranée à l’Atlantique—. 8 000 militaires, pour la moitié états-uniens, avec environ 200 blindés, canons autopropulsés, avions et navires de guerre y participent. L’African Lion 21, dont le coût est prévu à 24 millions de dollars, a des implications qui la rendent particulièrement importante.
Avec un plan politique décidé fondamentalement à Washington, la manœuvre se déroule cette année pour la première fois dans le Sahara occidental, c’est-à-dire dans le territoire de la République sahraouie, reconnue par plus de 80 États de l’Onu, mais dont l’existence est niée et combattue avec tous moyens par le Maroc. Rabat déclare que de cette façon « Washington reconnaît la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental » et invite l’Algérie et l’Espagne à abandonner « leur hostilité à l’égard de l’intégrité territoriale du Maroc ». L’Espagne, accusée par le Maroc de soutenir le Polisario (Front de libération du Sahara occidental), ne participe pas cette année à l’African Lion. Washington réaffirme son plein soutien au Maroc, en le définissant comme « plus grand allié non-Otan et partenaire des États-Unis ».
La manœuvre de déroule cette année, pour la première fois, dans le cadre d’une nouvelle structure US de commandement. En novembre dernier, l’US Army Europe et l’US Army Africa ont été incorporées dans un unique commandement : l’US Army Europe and Africa. Le général Chris Cavoli, qui en est le chef, explique la raison de cette décision : « Les problèmes de sécurité régionale d’Europe et Afrique sont inextricablement reliés et, si on les laisse sans contrôle, ils peuvent rapidement se diffuser d’une zone à l’autre ». D’où la décision de l’Armée de Terre US d’incorporer le Commandement de l’Europe et le Commandement de l’Afrique, afin de « déplacer dynamiquement les forces d’un théâtre à l’autre, d’un continent à l’autre, en améliorant nos temps de réponse aux urgences régionales ». Dans ce cadre, l’African Lion 21 est incorporée à la Defender-Europe 21, dans laquelle sont engagés 28 000 militaires et plus de 2 000 véhicules lourds. Pratiquement c’est une seule série de manœuvres militaires coordonnées qui est en train de se dérouler de l’Europe du Nord à l’Afrique de l’Ouest, planifiée et commandée par l’US Army Europe and Africa. Objectif officiel : contrecarrer une non précisée « maléfique activité en Afrique du Nord et Europe Méridionale et agression militaire adverse », avec référence évidente à la Russie et à la Chine.
L’Italie participe à l’African Lion 21, comme à la Defender-Europe 21, non seulement avec ses propres forces, mais comme base stratégique. La manœuvre en Afrique est dirigée depuis Vicenza, par la Task Force de l’Europe Méridionale de l’US Army, et les forces participantes sont approvisionnées, à travers le port de Livourne, avec des matériels de guerre provenant de Camp Darby, la base logistique limitrophe de l’US Army. La participation à l’African Lion 21 participe de l’engagement militaire italien croissant en Afrique. Emblématique en est la mission au Niger, formellement « dans la cadre d’un effort conjoint européen et états-unien pour la stabilisation de l’aire et pour s’opposer aux trafics illégaux et aux menaces contre la sécurité » ; en réalité pour le contrôle d’une des aires les plus riches en matières premières stratégiques (notamment pétrole, uranium, coltan) exploitées par des multinationales états-uniennes et européennes, dont l’oligopole est mis en danger par la présence économique chinoise et par d’autres facteurs. D’où le recours à la traditionnelle stratégie coloniale : garantir ses propres intérêts par des moyens militaires, y compris le soutien aux élites locales qui fondent leur pouvoir sur les forces armées, derrière l’écran de fumée de l’opposition aux milices jihadistes. En réalité les interventions militaires aggravent les conditions de vie des populations, en renforçant les mécanismes d’exploitation et d’assujettissement, avec pour résultat des migrations forcées et les tragédies humaines qui s’ensuivent.
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