N° 2726
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 novembre 2000.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 2605) relatif à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception,
PAR Mme Martine Lignières-Cassou, députée.
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La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; M. Jean-Michel Dubernard, M. Jean-Paul Durieux, M. Maxime Gremetz, M. Édouard Landrain, vice-présidents ; M. André Aschieri, Mme Odette Grzegrzulka, M. Denis Jacquat, M. Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, M. Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Pierre Baeumler, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Jean Bardet, M. Jean-Claude Bateux, M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Huguette Bello, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Serge Blisko, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jean-Claude Boulard, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Danielle Bousquet, Mme Christine Boutin, M. Jean-Paul Bret, M. Victor Brial, M. Yves Bur, M. Alain Calmat, M. Pierre Carassus, M. Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, M. Laurent Cathala, M. Jean-Charles Cavaillé, M. Bernard Charles, M. Michel Charzat, M. Jean-Marc Chavanne, M. Jean-Pierre Chevènement, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. René Couanau, Mme Martine David, M. Bernard Davoine, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Marcel Dehoux, M. Jean Delobel, M. Jean-Jacques Denis, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, M. Guy Drut, M. Nicolas Dupont-Aignan, M Yves Durand, M. René Dutin, M. Christian Estrosi, M. Michel Etiévant, M. Claude Evin, M. Jean Falala, M. Jean-Pierre Foucher, M. Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, M. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marie Geveaux, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Giraud, M. Gaétan Gorce, M. François Goulard, M. Gérard Grignon, M. Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, M. Guy Hermier, Mme Françoise Imbert, Mme Muguette Jacquaint, M Serge Janquin, M. Jacky Jaulneau, M. Patrick Jeanne, M. Armand Jung, M. Bertrand Kern, M. Christian Kert, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Jacques Lafleur, M. Robert Lamy, M. Pierre Lasbordes, M. André Lebrun, M.Michel Lefait, M. Maurice Leroy, M. Patrick Leroy, M. Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Lindeperg, M. Lionnel Luca, M. Patrick Malavieille, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, M. Jean-François Mattei, M. Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Renaud Muselier, M. Philippe Nauche, M. Henri Nayrou, M. Alain Néri, M. Yves Nicolin, M. Bernard Outin, M. Dominique Paillé, M. Michel Pajon, M. Jean-Pierre Pernot, M. Bernard Perrut, M. Pierre Petit, Mme Catherine Picard, M. Jean Pontier, M. Jean-Luc Préel, M. Alfred Recours, M. Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont, M. Yves Rome, M. Joseph Rossignol, M. Jean Rouger, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Bernard Schreiner, M. Michel Tamaya, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, Mme Marisol Touraine, M. Anicet Turinay, M. Jean Ueberschlag, M. Jean Valleix, M. Alain Veyret, M. Philippe de Villiers, M. Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
1. Des échecs de contraception trop nombreux, un taux d’IVG élevé
a) Des chiffres préoccupants
b) Les raisons
c) Une pratique de la contraception encore défaillante chez les jeunes
2. La politique innovante du Gouvernement
3. Le projet de loi : la nécessaire adaptation des lois Veil et Neuwirth
a) L’allongement du délai légal de dix à douze semaines
b) L’aménagement de l’obligation de l’autorisation parentale pour les mineures demandant une IVG
c) La suppression des sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité pour l’IVG
d) L’amélioration de l’organisation des IVG
e) La révision de la loi Neuwirth
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I.- DISCUSSION GÉNÉRALE
II.- EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER - INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
Avant l’article premier
Article 1er : Modification de l’intitulé du chapitre sur l’interruption de grossesse
Article 2 (article L. 2212-1 du code de la santé publique) : Allongement du délai légal
Article 3 (article L. 2212-2 du code de la santé publique) : Interruption volontaire de grossesse en médecine ambulatoire
Article additionnel après l’article 3 (article L. 2212-3 du code de la santé publique) : Première consultation médicale
Après l’article 3
Article 4 (article L. 2212-4 du code de la santé publique) : Accompagnement par un adulte référent
Article 5 (article L. 2212-5 du code de la santé publique) : Liberté de décision du médecin
Article 6 (article L. 2212-7 du code de la santé publique) : Aménagement de l’obligation d’autorisation parentale pour les mineures
Article 7 (article L. 2212-8 du code de la santé publique) : Clause de conscience
Après l’article 7
Article 8 : Modification des termes de l’intitulé d’un chapitre désormais consacré à l’interruption de grossesse pratiquée pour motif médical
Article additionnel après l’article 8 (article L. 2213-1 du code de la santé publique) : Amélioration de la procédure préalable à la décision de pratiquer une interruption médicale de grossesse
Article 9 (article L. 2213-2 du code de la santé publique) : Reconnaissance de l’interruption de grossesse pour un motif médical
Article 10 (articles L. 5135-1 et L. 5435-1 du code de la santé publique) : Interdiction et sanctions de la vente à des personnes n’appartenant pas au corps médical de dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse
Article 11 (article 223-11 du code pénal) : Modifications de cohérence en matière de pratique illégale de l’interruption volontaire de grossesse
Article additionnel après l’article 11 (article 223-12 du code pénal) : Impossibilité de condamner une femme pour complicité de son auto-avortement
Article 12 (article L. 2221-1 du code de la santé publique et articles 84, 85, 86 et 89 du décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité françaises) : Abrogation de dispositions sur la propagande en faveur de l’interruption volontaire de grossesse et de dispositions obsolètes
Article additionnel après l’article 12 (article 223-13 nouveau du code pénal) : Renforcement du délit d’entrave à la pratique légale des interruptions de grossesse
Article 13 (articles L. 2412-1, L. 2412-2 et L. 2412-3 du code de la santé publique, article 723-2 du code pénal) : Application à la collectivité territoriale de Mayotte
Article 14 (articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, article 713-2 du code pénal) : Application aux territoires d’outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie
Article 15 (article L. 132-1 du code de la sécurité sociale) : Prise en charge intégrale par l’Etat des dépenses nécessaires aux interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des femmes mineures non émancipées n’ayant pas obtenu le consentement parental
Après l’article 15
TITRE II - CONTRACEPTION
Article 16 (article L. 2311-4 du code de la santé publique) : Délivrance des contraceptifs dans les centres de planification familiale
Article additionnel après l’article 16 (article L. 2325 nouveau du code de la santé) : Education sexuelle dans les établissements scolaire
Article 17 (article L. 5134-1 du code de la santé publique) : Délivrance et prescription des contraceptifs
Article 18 (article L. 5434-2 du code de la santé publique) : Mise à jour de dispositions pénales relatives aux contraceptifs
Article additionnel après l’article 18 (articles L. 2120-1 nouveau du code de la santé publique) : Encadrement de l’acte chirurgical de stérilisation masculine et féminine
Article additionnel après l’article 18 (article L. 2120-2 nouveau du code de la santé publique) : Encadrement de l’acte chirurgical de stérilisation des personnes incapables majeures
INTRODUCTION
Le présent projet de loi vise à moderniser la loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 dite " loi Neuwirth " et la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 dite " loi Veil ". Ces lois ont été, en leur temps, des textes courageux représentant une avancée considérable pour les droits des femmes à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité. Cependant, après un quart de siècle, ces lois nécessitent d’être mises à jour, afin de les rendre cohérentes avec l’évolution des mentalités et des techniques médicales, afin également de prendre en compte certains dysfonctionnements.
Les lois précitées ont été des conquêtes acquises de haute lutte. La révision de ces textes s’ouvre aujourd’hui dans un climat plus apaisé, ce dont il faut se réjouir.
L’examen du projet de loi (n° 2605) par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s’appuie sur les travaux préparatoires menés par la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes qui a procédé à de nombreuses auditions depuis le début du mois de septembre. La Délégation a entendu des représentants du milieu associatif, du milieu médical et de différents cercles de réflexion ainsi que des spécialistes de la question de l’IVG. Ces auditions qui ont alimenté et enrichi les échanges internes à la Délégation ont permis à celle-ci d’adopter treize recommandations sur le projet de loi en discussion.
Présidente de la Délégation, la rapporteure est donc en position de proposer à la commission et à l’Assemblée nationale de traduire sous forme d’amendements une partie de ces recommandations afin d’améliorer encore le texte soumis par le Gouvernement.
Une autre partie de ces recommandations - ce ne sont pas les moins importantes - appelle les pouvoirs publics à mettre en _uvre des actions d’information, de prévention et de renforcement des moyens. Mais d’ores et déjà le projet de loi - et il ne saurait être jugé en dehors de ce contexte - s’inscrit résolument dans la politique innovante et volontariste du Gouvernement pour favoriser la diffusion de la contraception dans notre pays et faire progresser le droit des femmes à accéder dans les meilleures conditions possibles à l’IVG.
1. Des échecs de contraception trop nombreux, un taux d’IVG élevé
a) Une situation stable
En 1976, on dénombrait 250 000 interruptions volontaires de grossesse (IVG). En 1998, 214 000 IVG étaient déclarées (1). Depuis le début des années 90, le taux des IVG a notablement cru pour les jeunes femmes âgées de moins de vingt-cinq ans. Sur 100 femmes enceintes, 36 grossesses ne sont pas souhaitées et 22 donnent lieu à une IVG. Ces chiffres placent la France à un niveau moyen en Europe. Les deux tiers des IVG sont effectués dans les hôpitaux publics, sauf en Midi-Pyrénées et en Ile-de-France. 75 % d’entre elles ont lieu avant la huitième semaine de grossesse. Ce délai est généralement inférieur dans les établissements privés, car les temps d’attente y sont moins longs que dans les hôpitaux publics.
b) Les raisons
Selon l’étude qualitative de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), la décision d’interrompre une grossesse n’est jamais un acte banal ou un acte vécu comme anodin par la femme concernée. Il s’agit au contraire d’un acte responsable et in fine d’une décision toujours difficile à prendre. Dans l’immense majorité des cas, la femme ne désirant pas poursuivre sa grossesse prend rapidement la décision de l’interrompre. Il est faux de prétendre que l’IVG puisse être perçue comme une méthode de contraception ; elle est considérée comme un ultime recours et ne fait que pallier des échecs antérieurs.
La grande majorité des IVG est due à des échecs contraceptifs. Sur 100 grossesses accidentelles, 53 sont dues à un rapport non protégé, 32 à un rapport protégé par une méthode contraceptive inefficace, 15 à un oubli de contraception. Les femmes adhèrent largement à la démarche contraceptive mais le taux de grossesses non prévues et le taux de recours à l’IVG reste élevé.
Les nombreux échecs de contraception s’expliquent en grande partie par l’inadaptation de l’offre contraceptive à la vie et à la sexualité des femmes. Plus l’offre sera diversifiée, incluant notamment la stérilisation, moins il y aura d’échecs. Comme le note Mme Michèle Ferrand, sociologue au CNRS (2) : " Tout le monde veut entendre : " la pilule, c’est parfait ". Mais ce n’est pas vrai ; ce que disent les femmes, c’est que, sur trente ans, ce n’est pas viable. C’est pour cela que le nombre d’avortements n’a pas diminué. "
D’une manière générale, il est à noter que l’implication des hommes dans les enjeux contraceptifs est très limitée.
c) Une pratique de la contraception encore défaillante chez les jeunes
En ce qui concerne les jeunes, l’accès à l’information contraceptive passe d’abord par l’acceptation de leur sexualité par l’entourage.
Il faut tout d’abord rappeler que 30 % des IVG concernent aujourd’hui des femmes de moins de 25 ans. 10 % concernent les moins de 20 ans. Il y a 6 000 IVG chez les moins de 18 ans et 10 000 chez les 18-20 ans. La proportion des mineures enceintes recourant à l’IVG a augmenté fortement : elle était de 59,7 % en 1985, de 64 % en 1990 et de 71,8 % en 1995.
Pour les jeunes femmes âgées de 15 à 18 ans, le taux de recours à l’IVG atteignait, en 1997, près de 7 pour 1000 contre 6 pour 1000 en 1990. Cette évolution pourrait s’expliquer par un contexte marqué par la précarité économique. Certaines jeunes femmes pourraient avoir plus de difficultés en raison de leur situation matérielle à recourir à une contraception efficace et en cas de grossesse accidentelle, ne pas se sentir en mesure de l’assumer. De plus, l’accent mis sur la prévention contre le SIDA et l’usage du préservatif a pu aussi faire ressentir la contraception comme un élément secondaire au regard de la protection contre les maladies sexuellement transmissibles. Dans les cas des premières relations sexuelles, le passage du préservatif à un autre moyen de contraception prend du temps. Les adolescentes sont trois fois plus nombreuses que les adultes à n’utiliser aucune contraception (3).
Le taux d’IVG n’est pas lié à l’existence d’une législation très libérale mais plutôt à l’accès à la contraception et aux politiques d’éducation destinée aux jeunes. L’exemple des Pays-Bas qui possèdent la loi la plus libérale (délai de vingt-deux semaines) en Europe est rassurant : en effet, ce pays qui a développé une politique d’information et d’éducation à la sexualité très importante et de forte accessibilité des femmes à la contraception enregistre le taux d’IVG le plus bas du continent. Le lien de cause à effet entre l’éducation à la contraception et la réduction du recours aux IVG apparaît ici évident.
2. La politique innovante du Gouvernement
La politique du Gouvernement est articulée autour de trois axes principaux rappelés au début du mois d’octobre par la ministre de l’emploi et de la solidarité, Mme Martine Aubry.
Le premier axe consiste à développer une politique de prévention des IVG, qui s’est traduit par le lancement de campagnes d’information de grande ampleur sur la contraception. Ceci n’avait pas été fait depuis 1982. Ces campagnes de sensibilisation devraient désormais avoir vocation à être permanentes (4). Ceci devrait améliorer l’information des jeunes et leur accès à un moyen de contraception efficace. Cette initiative n’est pas la seule : M. Jack Lang et Mme Ségolène Royal ont ainsi mis en place un plan d’éducation à la sexualité dans les établissements en septembre 2000.
Le deuxième objectif du Gouvernement est d’améliorer la prise en compte de l’IVG par les établissements auxquels une mission de service public est confiée. De grandes disparités dans la qualité et la rapidité de l’accueil des femmes concernées demeurent entre les régions ou selon les périodes de l’année. C’est la raison pour laquelle une circulaire a été adressée en novembre 1999 aux chefs d’établissements publics pour les inciter à améliorer les conditions d’accueil. Des crédits supplémentaires (12 millions de francs pour 2000) ont ainsi été mobilisés notamment pour créer des postes dans les services hospitaliers et mettre en place des permanences téléphoniques d’accueil à destination des femmes en détresse, en particulier pendant la période estivale. Les missions des commissions régionales de la naissance ont été élargies. Désormais, ces commissions sont chargées de mettre en place un lieu d’information et d’orientation dans chaque région sur la contraception et l’accès à l’IVG et d’élaborer un rapport annuel d’activités sur la pratique de l’IVG dans la région concernée. Enfin, l’activité d’IVG sera désormais prise en compte dans les contrats d’objectifs et de moyens signés par les agences régionales de l’hospitalisation (ARH).
Le troisième grand chantier lancé par le Gouvernement en ce domaine consiste, et c’est l’objet du présent projet de loi, à rénover les lois Veil et Neuwirth. Le présent projet de loi a pour but de réviser ces textes sans que leur architecture ne soit bouleversée.
3. Le projet de loi : la nécessaire adaptation des lois Veil et Neuwirth
Chaque année, ce sont environ 5 000 femmes qui doivent partir à l’étranger pour une interruption volontaire de grossesse, les délais fixés par la loi française ayant été dépassés. On dénombre environ 10 000 grossesses non désirées parmi les adolescentes. Les deux tiers d’entre elles recourent à une interruption volontaire de leur grossesse. Ce constat a conduit le Gouvernement à prendre ses responsabilités.
a) L’allongement du délai légal de dix à douze semaines
Le projet de loi a pour objet d’allonger le délai pendant lequel il sera légal de pratiquer une IVG. Celui-ci passe donc de dix à douze semaines de grossesse. On peut noter que le délai légal actuel est plus court en France que dans la plupart des autres pays européens où il est en moyenne de douze semaines. Il est apparu que le délai de dix semaines était trop serré, notamment lorsque la grossesse est révélée tardivement à la femme. On ne peut continuer à accepter d’envoyer chaque année des milliers de femmes à l’étranger. Ces femmes basculent, contre leur gré, dans l’illégalité et éprouvent bien souvent des difficultés à obtenir les renseignements dont elles ont besoin pour se diriger vers des établissements privés étrangers. Il leur est parfois difficile de réunir l’argent nécessaire : le voyage et la prise en charge sur place sont en effet souvent coûteux (de l’ordre de 5 000 francs pour une IVG aux Pays-Bas par exemple). Selon les études effectuées par le ministère, cet allongement du délai résoudrait 80 % des cas des femmes concernées.
L’allongement du délai nécessite un encadrement technique sérieux mais ne présente pas de risques supplémentaires significatifs pour la femme. C’est ce qui ressort très clairement des récentes recommandations de l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) sur la question.
Aujourd’hui seul 1 % des IVG donnent lieu à des complications. Celles-ci demeurent donc très rares. Le risque, même minime, de complications pour une IVG chirurgicale impose de toute façon que tout centre IVG puisse avoir recours en urgence à un bloc opératoire ou à des moyens de transfusion. L’IVG chirurgicale a été utilisée en 1997 dans 81 % des interventions ; dans 75 % des cas, une anesthésie générale a été pratiquée. L’IVG médicamenteuse utilisant la Mifépristone associée au Misoprostol qui représentait 13,8 % des IVG en 1990, progresse régulièrement pour atteindre 22 % en 1997.
Quant à la méthode employée à douze semaines, elle est celle de l’aspiration précédée de la dilatation du col (soit par médicament, soit par dilatateur physique). On peut relever que cette méthode est utilisée dans quasiment tous les pays européens et aux Etats-Unis.
Le Comité national consultatif d’éthique n’a pas souhaité être saisi à nouveau de cette question, considérant qu’elle est derrière nous et que l’allongement des délais légaux n’est pas un problème éthique mais un problème de santé publique. Lors des auditions de la Délégation aux droits des femmes, MM. Sureau, président de l’Académie de médecine, et Sicard, président du Comité consultatif nationale d’éthique, ont confirmé que l’allongement des délais légaux ne comportait aucun risque de dérive vers des comportements eugéniques.
Le risque eugénique évoqué par certains apparaît purement théorique. Dans les pays étrangers dans lesquels les IVG peuvent se pratiquer jusqu’à vingt-deux semaines, aucune dérive eugénique n’est observée. Ce type de discours repose sur une logique de soupçon selon laquelle les femmes ne seraient pas responsables de leurs actes.
Les décisions en matière d’IVG se prennent en connaissance de cause. Le fait que le projet de loi laisse en l’état l’existence d’un délai de réflexion d’une semaine est à cet égard important. Cela permet de rassurer les uns et les autres en écartant les éventuels risques de décision trop rapides. La question soulevée par la crainte de l’eugénisme se pose déjà indépendamment de l’allongement des délais (réduction embryonnaire, découverte très précoce de malformations), comme le notait justement Mme Martine Aubry lors de son audition devant la Délégation aux droits des femmes, le 3 octobre 2000. Le passage de dix à douze semaines est déconnecté de ce débat. Cette question porte en réalité sur la place et le sens que l’on entend donner au progrès technique dans nos sociétés, sur les relations entre la femme ou le couple et le médecin et entre les médecins eux-mêmes.
b) L’aménagement de l’obligation de l’autorisation parentale pour les mineures demandant une IVG
La priorité est donnée à la contraception. Cependant, le projet de loi ne néglige pas les cas, nombreux, de grossesses non désirées chez les adolescentes. Il tend donc à améliorer l’accès à l’IVG pour les femmes mineures non émancipées, lorsque cela est nécessaire. Aujourd’hui, la loi prévoit la nécessité d’un double consentement pour pratiquer une IVG : celui de la mineure et celui d’un des deux parents ou du titulaire de l’autorité parentale. Le projet de loi ne remet pas en cause le recours à l’autorité parentale qui continuera de demeurer la règle. Mais dans certains cas particuliers et probablement peu nombreux, où la mineure ne pourra obtenir ou espérer obtenir le consentement parental, il lui sera possible de subir une IVG à sa demande, à la condition d’être accompagnée dans ses démarches par un adulte référent choisi par elle.
La France rejoint ainsi la majorité des pays européens qui n’exigent pas d’autorisation parentale.
c) La suppression des sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité pour l’IVG
Le projet de loi supprime les sanctions pénales actuellement en vigueur qui punissent la propagande ou publicité relatives aux établissements pratiquant l’IVG ou aux produits destinés à la provoquer. Il a été considéré, en effet, que la priorité devait être donnée à l’information des femmes pour que celles-ci effectuent leurs démarches dans les meilleurs délais possibles et en toute connaissance de cause. Les associations ou les centres de planification doivent, sans craindre d’être poursuivis pénalement, communiquer à ces dernières toutes les informations nécessaires sur les dispositions légales en vigueur.
d) L’amélioration de l’organisation des IVG
Le projet de loi ouvre la possibilité de pratiquer l’IVG en ambulatoire, par des praticiens ayant passé convention avec un établissement hospitalier, dans le cadre d’un réseau de soins ville-hôpital.
Le projet de loi s’attache également à encadrer la place et le rôle du médecin dans la pratique des IVG. La clause de conscience dont le médecin peut se prévaloir pour refuser de pratiquer lui-même des IVG est maintenue. Toutefois, il est prévu que dans la mesure où l’IVG est consacrée comme une mission de service public, les chefs des services hospitaliers en charge de ces interventions sont tenus de les organiser, même s’ils ne les pratiquent pas eux-mêmes.
e) La révision de la loi Neuwirth
Il faut tout d’abord noter que les adolescentes sont trois fois plus nombreuses que les adultes à n’utiliser aucune contraception (10 % d’entre elles). Elles sont nettement plus nombreuses à faire état d’un échec contraceptif pour expliquer leur grossesse non désirée.
Partant de ce constat, le projet de loi conforte les dispositions adoptées par la proposition de loi, actuellement en cours de navette parlementaire, sur la contraception d’urgence. Il permettra notamment d’assurer aux mineures un meilleur accès à la contraception et de leur garantir la confidentialité si elles le souhaitent. Désormais, les contraceptifs hormonaux qui ne sont pas susceptibles de présenter un danger pour la santé des utilisatrices devraient être exemptés de l’obligation de prescription médicale, contrairement à la situation actuelle. Seuls les contraceptifs intra-utérins continueront d’être systématiquement soumis à prescription médicale.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I.- DISCUSSION GÉNÉRALE
La commission a examiné, sur le rapport de Mme Martine Lignières-Cassou, le présent projet de loi au cours de ses séances du mercredi 15 novembre 2000.
Après l’exposé de Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure, le président Jean Le Garrec a rappelé que les débats de la commission relativement au projet de loi s’appuyaient sur les travaux préparatoires de grande qualité menés par la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, qui a notamment établi une série de recommandations sur ce texte tout à fait précieuses.
Mme Danielle Bousquet, rapporteure au nom de la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a confirmé que de nombreuses auditions avaient été menées depuis le début du mois de septembre afin d’entendre des représentants du milieu associatif, du milieu médical et de différents cercles de réflexion ainsi que des spécialistes de la question de l’IVG. Ces auditions qui ont alimenté et enrichi les échanges internes à la Délégation ont permis à celle-ci d’adopter treize recommandations sur le projet de loi en discussion.
Ce texte propose un réaménagement et une amélioration du dispositif légal hérité des lois Veil et Neuwirth. Ces lois apparaissaient excellents en leur temps mais nécessitent aujourd’hui, avec l’évolution des pratiques et des techniques, d’être actualisés. Deux objectifs essentiels sont poursuivis :
– mettre fin à la situation inacceptable des quelques 5 000 femmes qui sont chaque année conduites à partir à l’étranger, dans des conditions psychologiques et financières souvent difficiles, pour pouvoir interrompre une grossesse au-delà du délai légal de dix semaines ;
– apporter une aide aux mineures en détresse qui ne parviennent pas à obtenir le consentement de l’un de leurs parents ou du titulaire de l’autorité parentale et sont donc contraintes de poursuivre une grossesse non désirée.
Mme Danielle Bousquet a ensuite présenté, au nom de la Délégation, les préconisations adoptées :
– La première des exigences est de mieux connaître la réalité des IVG en France. Les chiffres cités vont de 180 000 à 220 000 interruptions par an : la marge d’erreur est donc considérable et s’explique assez largement par un phénomène de sous-déclaration des IVG pratiquées, notamment de la part des cliniques privées agréées qui se trouvent contraintes par le respect de quotas. De même, le chiffre de 5 000 IVG réalisées à l’étranger doit être seulement considéré comme une base de travail et non comme un chiffre absolument fiable. Il correspond en fait au nombre de femmes auquel le planning familial a pu proposer une solution à l’étranger. Or on sait pertinemment que de nombreuses femmes sont directement orientées vers l’étranger par les hôpitaux et les cliniques. Il semble donc nécessaire de disposer d’informations à la fois plus larges et plus fiables. L’allongement du délai légal à douze semaines, s’il n’est pas considérable en terme de temps gagné, devrait néanmoins permettre de réduire de façon très importante le nombre de femmes qui se retrouvent hors délais. En effet, la découverte tardive d’une grossesse rend souvent impossible la réalisation d’une IVG en France et le temps nécessaire à l’organisation d’un départ à l’étranger suffit parfois à rallonger le terme de la grossesse d’une ou deux semaines supplémentaires.
– Il faut souhaiter que le nombre d’IVG baisse sensiblement dans notre pays dans les années et décennies à venir. Le développement d’une large politique d’informations sur la contraception et d’éducation à la sexualité en direction des jeunes et tout particulièrement dans le système scolaire constitue la condition préalable et indispensable à toute amélioration de la situation en la matière. Il existe aujourd’hui un lien évident entre l’éducation des jeunes à ce qu’est la vie sexuelle et leurs capacités à assumer cette vie sexuelle et ses conséquences. Ainsi, aux Pays-Bas, l’éducation sexuelle a été intelligemment développée et ce dès le plus jeune âge. Il en résulte que le recours à l’IVG y est particulièrement réduit.
– Il est très important d’informer les femmes sur les différentes méthodes d’IVG existantes et de rendre plus accessibles les méthodes médicamenteuses. L’interruption de grossesse par la Myfégine, qui peut être utilisée en début de grossesse, présente de nombreux avantages ; il ne nécessite pas d’anesthésie et ne présente aucun danger pour la santé de la femme. Il conviendrait donc que ce médicament devienne beaucoup plus facilement accessible. Le recours à l’avortement médicamenteux devrait également pouvoir s’accompagner d’une pratique ambulatoire sans hospitalisation, en structure légère, voire à domicile, à la condition que la femme reste étroitement suivie médicalement par un praticien.
– Il faut insister sur la notion de choix par la femme de la méthode de l’IVG qui lui sera appliquée. La méthode utilisée ne doit pas lui être imposée si du moins un choix est possible. En effet, la méthode qu’elle sera amenée à privilégier sera forcément la meilleure puisque ce sera celle qui sera la mieux acceptée par elle.
– En ce qui concerne l’entretien social, il faut rappeler que celui-ci est aujourd’hui obligatoire et revêt de fait un caractère dissuasif. Or, lorsqu’une femme souhaite interrompre sa grossesse, elle le décide relativement rapidement. De ce fait, l’entretien fait trop souvent figure de simple formalité pouvant parfois prendre un caractère culpabilisant. Aussi, sauf pour les mineures, pour lesquelles un soutien doit être systématiquement assuré, il serait souhaitable que cet entretien ne soit plus imposé mais simplement proposé lors de la première visite médicale. Encore une fois, c’est à la femme qu’il appartient de décider. Continuer à imposer cet entretien et maintenir sa dimension dissuasive constituerait une atteinte à l’intégrité morale et à la dignité des femmes.
– Les conseillères conjugales jouent aujourd’hui un rôle d’accueil et d’écoute primordial auprès des femmes, mais sont rarement reconnues comme elles le mériteraient. Il convient donc de leur accorder un véritable statut fondé sur un diplôme reconnu par l’Etat et d’améliorer leurs conditions de travail et de rémunération.
– L’adoption de la loi Veil n’a été possible, à l’époque, qu’au prix d’un certain nombres de compromis. Ce texte prévoit ainsi deux modalités d’accès à l’interruption de grossesse : l’IVG en cas d’une situation de détresse particulière de la femme, et l’interruption médicale de grossesse (IMG), soit en cas de mise en péril grave de la santé de la mère, soit en cas de malformation très importante du f_tus. Dans les faits, la décision de pratiquer une IMG est actuellement prise de façon collégiale par une commission qui permet d’assister la femme dans son choix. Il serait souhaitable qu’une procédure collégiale soit formalisée également lorsque l’IMG est destinée à préserver la santé de la mère. Aujourd’hui, d’après la législation en vigueur depuis vingt-cinq ans, cette décision est prise par deux médecins, dont l’un doit être expert auprès des tribunaux. Différentes auditions ont montré que les médecins ne se sentaient pas toujours en mesure de prendre seuls une décision aussi lourde, qui dépasse en outre le cadre d’une simple expertise médicale. Le recours à une commission ad hoc pluridisciplinaire, comprenant par exemple un gynécologue-obstétricien et un psychologue permettrait d’aider à la prise de décision médicale tout en prenant mieux en compte la situation de la femme.
– Dans un souci de prévention et dans le but d’élargir le recours aux méthodes contraceptives - y compris pour les hommes -, la stérilisation à but contraceptif devrait être reconnue et mieux encadrée par la loi. Il serait utile d’entourer cette pratique de toutes les précautions nécessaires, en rendant impérative notamment l’expression d’un consentement libre et éclairé de la personne.
– En matière pénale, le délit d’entrave à l’interruption légale de grossesse devrait trouver sa place dans le code pénal et pourrait être étendu, au-delà de la notion de menaces ou actes d’intimidation qui figure déjà dans la loi, à la notion de " pressions morales " susceptibles d’être exercées à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux des établissements comme des femmes venues y subir une IVG.
– Il faut se réjouir des efforts budgétaires importants réalisés dans le cadre du budget 2000 et ayant vocation à poursuivis les années prochaines. Il faut s’assurer que les femmes concernées seront reçues dans des unités fonctionnelles appropriées leur assurant les meilleures conditions techniques et de sécurité possibles.
Un débat a suivi les exposés des rapporteures.
M. Pierre Hellier, après avoir indiqué que, pour sa part, il n’était pas du tout hostile à moderniser la législation sur la contraception d’urgence dite " pilule du lendemain ", a fait les remarques suivantes :
– La modification de la loi sur l’IVG telle que proposée par le projet de loi ne permettra pas de régler un certain nombre de problèmes posés aujourd’hui. Il faut rappeler qu’il existe une carence du système actuel puisque 5 000 femmes doivent avorter à l’étranger chaque année parce qu’elles ont dépassé le délai légal fixé par la loi française. On ne peut que constater que le projet de loi, très insatisfaisant de ce point de vue, laissera dans la détresse encore 2 000 à 3 000 femmes par an.
– Il est paradoxal de soutenir que l’allongement du délai ne présente pas un risque en termes de sécurité médicale pour les IVG pratiquées à douze semaines, et en même temps de recommander de disposer d’un bloc opératoire chirurgical à proximité du lieu où se pratique l’intervention.
– L’amélioration de l’accès à l’IVG doit passer par une reconnaissance de motifs d’ordre social et psychologique, venant s’ajouter aux indications strictement médicales reconnues par la loi actuelle.
Mme Muguette Jacquaint a fait les observations suivantes :
– Les changements dans les mentalités ainsi que les évolutions dans les techniques utilisées nécessitent aujourd’hui une modernisation de la loi sur l’IVG. Interrompre une grossesse constitue toujours une décision difficile à prendre et cette décision revient à la femme.
– La prévention de l’avortement doit reposer sur une meilleure diffusion des moyens de contraception. De même, des efforts considérables doivent être accomplis en matière d’éducation et d’information sexuelles.
– Les recommandations de la Délégation aux droits des femmes permettent de répondre aux problèmes posés par l’état de détresse de certaines femmes. La suppression de l’autorisation parentale pour les mineures dans l’incapacité d’obtenir un tel consentement représente aussi une mesure indispensable.
M. Bernard Charles a relevé les points suivants :
– La loi Veil, vieille de vingt-cinq ans, est désormais acceptée par une immense majorité de concitoyens : elle est en quelque sorte passée dans les moeurs, malgré les combats violents menés en sens contraire par les commandos anti-IVG. L’accès à l’avortement est un droit pour les femmes mais il s’apparente encore trop, en pratique, à un véritable parcours du combattant, notamment lorsque les intéressées se trouvent en situation sociale précaire ou en grande difficulté personnelle.
– Il ne faut pas croire que la promotion de la contraception aura mécaniquement pour effet de diminuer le nombre d’IVG. Certaines études montrent en effet que le facteur essentiel des IVG n’est pas l’absence totale de contraception.
– Plusieurs types de propositions législatives audacieuses doivent être faites pour garantir le droit effectif des femmes à l’avortement. L’accès à l’IVG doit être facilitée pour les mineures grâce à l’aménagement du principe de l’autorisation parentale dans certains cas, ce que permettra la désignation par la mineure d’un adulte référent dont le rôle mérite cependant être clarifié. La dépénalisation de l’IVG doit être consacrée. Les articles du code pénal qui traitent de cette question apparaissent obsolètes. L’IVG ne saurait être considérée comme une sorte de délit mais bien comme un acte médical engageant des responsabilités. Un entretien préalable à l’IVG doit être obligatoirement proposé mais il ne doit pas s’agir d’une condition préalable nécessaire pour pouvoir recourir à l’avortement.
– Il est heureux que la situation des femmes d’origine étrangère ait été récemment prise en compte.
– Une meilleure répartition des établissements et services pratiquant l’IVG doit être promue sur l’ensemble du territoire afin de garantir une réelle égalité d’accès à toutes les femmes.
– L’allongement de deux semaines du délai ne réglera pas tous les problèmes mais il a le mérite d’en résoudre déjà une proportion non négligeable.
Mme Marie-Thérèse Boisseau s’est déclarée en faveur d’une actualisation de la loi Neuwirth de 1967 et la loi Veil de 1975, mais à trois conditions : il convient de permettre la diminution du nombre d’avortements en France, d’aider à résoudre les problèmes existants et d’éviter, bien entendu, de créer de nouvelles difficultés.
Or le projet de loi ne répond à aucune des conditions :
1° Le nombre d’IVG en France, qui s’élève à environ 220 000, doit être réduit de manière conséquente. A titre d’exemple, ce taux est, à structure comparable, deux à trois fois inférieur aux Pays-Bas. Il convient donc de prévoir un accompagnement des femmes qui veulent garder leur enfant. Il faut, par ailleurs, légiférer sur la gratuité de la contraception pour éviter que des femmes n’avortent faute d’avoir pu se procurer un moyen de contraception pour des motifs financiers. La question de la stérilisation masculine et féminine, qui est le premier mode de contraception au monde, doit être posée à l’occasion du débat sur l’avortement. Tout est encore à faire dans le domaine de l’éducation à la sexualité, ou plutôt de l’éducation à la vie en société, et ce, dès le plus jeune âge. Quelques initiatives intéressantes ont été prises dans divers établissements scolaires mais elles demeurent insuffisantes et parcellaires.
2° Il est proprement honteux de compter dans notre pays encore 5 000 femmes obligées d’aller avorter à l’étranger. Notre société a la responsabilité et le devoir de permettre l’accueil de ces femmes en détresse dans le système de santé français. Or le rallongement du délai de deux semaines ne réglera que 40 % des cas et ne permettra pas de venir en aide aux femmes qui sont souvent parmi les plus démunies. Il n’est pas sérieux de vouloir moderniser la loi sur l’IVG sans se donner les moyens de régler l’ensemble des problèmes qui se posent actuellement.
3° Il faut rappeler que le diagnostic prénatal est particulièrement développé en France où il est réalisé en moyenne trois échographies par femme au cours d’une grossesse. La première échographie permet de révéler dans 5 à 7 % des cas des images potentiellement pathogènes dont le médecin a le devoir d’informer la femme enceinte. Cela correspond à 40 000 ou 50 000 cas chaque année. L’allongement du délai va donc créer un risque grave d’interférence avec l’avortement légal en fragilisant ainsi de manière dramatique la situation des femmes qui risquent d’être placées brutalement devant le choix décisif de pratiquer ou pas une IVG en fonction des informations qui leur seront fournies.
Mme Nicole Catala a fait les observations suivantes :
– Les auditions menées dans le cadre de la Délégation montrent l’existence de points de vue totalement contradictoires entre les médecins.
– Il n’y a pas lieu de rouvrir aujourd’hui un débat d’ordre idéologique sur l’IVG car l’allongement du délai ne pose, semble-t-il, pas de problème éthique nouveau. En revanche, le passage de dix à douze semaines modifie la nature de l’acte pratiqué puisqu’à douze semaines, le geste est chirurgical et demande une anesthésie qui comporte des risques. Ce changement de nature conduit les gynécologues-obstétriciens à être majoritairement hostiles au projet de loi. Dans ces conditions, il conviendrait de repenser les termes du débat à la lumière des réticences que beaucoup d’entre eux expriment.
– Parmi les 5 000 femmes qui se rendent à l’étranger, une fois passé le délai légal, on distingue une catégorie de femmes qui ont hésité trop longtemps avant de prendre leur décision et une catégorie de femmes victimes du dispositif français qui est incapable de leur offrir un accueil suffisant. C’est pourquoi il conviendrait de retenir un amendement ouvrant une période expérimentale de trois ans et prévoyant qu’une femme ayant demandé par écrit une IVG dans un délai de 10 semaines puisse être accueillie dans les établissements même hors délai. L’adoption d’un tel texte permettrait, une fois cette période expérimentale achevée, de nourrir une réflexion mieux informée.
Mme Christine Boutin a fait les remarques suivantes :
– La loi Veil a été adoptée il y a maintenant plus de 25 ans. Le constat pouvant être tiré de cette législation - tout le monde en convient - est celui d’un échec global de notre société puisque le nombre de 200 000 avortements environ par an demeure inchangé.
– Les vrais débats ne sont malheureusement pas abordés. En effet, les femmes parlent des pressions qu’elles subissent de la part de leur environnement professionnel et familial ; elles évoquent aussi des souffrances psychologiques et physiques ressenties à l’occasion de l’avortement. Une véritable prise en charge des femmes en situation de détresse reste donc à mettre en _uvre dans notre pays.
M. Jean-Michel Dubernard, après avoir estimé que le texte présenté ne constituait pas le cadre adéquat pour traiter du débat sur l’eugénisme, a indiqué qu’il voterait, à titre personnel, ce projet de loi, même si celui-ci ne lui apparaît pas satisfaisant par ailleurs.
Il a ensuite fait les observations suivantes :
– Il faut écouter les praticiens. D’après eux, lorsque l’IVG se pratique à douze semaines, les risques pour la vie de la femme augmentent de 5 % à 6 % par rapport à la situation actuelle où le délai maximal est de dix semaines.
– Pour 2 000 à 3 000 femmes concernées, il semble que le dépassement des délais soit dû à des raisons psychologiques ou à une difficulté à assumer certaines formalités à cause d’un certain manque d’orientation et d’un déficit d’informations.
– La véritable difficulté se situant au-delà du délai de 12 semaines, la bonne solution consisterait à prendre en compte les motifs d’ordre psychosocial dans le cadre de l’interruption médicale de grossesse.
M. Philippe Nauche, après avoir estimé qu’il ne convenait pas de rouvrir l’ensemble du débat suscité par la loi de 1975, a fait les remarques suivantes :
– On doit constater que les mentalités ont depuis 1975 beaucoup évolué. Mais l’enjeu essentiel, aujourd’hui comme hier, reste la nécessité d’améliorer l’information des femmes et des jeunes en général sur la contraception, ce qui n’empêche nullement les parents de transmettre à leurs enfants les valeurs de leur choix.
– L’aménagement de la loi Veil doit permettre de réaffirmer le droit de la femme à accéder à une IVG si elle en fait la demande. Le passage de dix à douze semaines ne résoudra certes pas tous les problèmes rencontrés, mais il en réglera une bonne partie.
– Les participants aux travaux de la Délégation aux droits des femmes ont tous été frappés par les divergences de vue opposant les spécialistes qui semblent plus séparés par des questions éthiques et des lignes de clivage idéologiques que par des considérations purement et exclusivement médicales. Il y a un accord sur le fait que les risques hémorragiques augmentent, mais de façon très faible, lorsque l’IVG se pratique à douze semaines. En revanche, il n’y a pas de différence substantielle de nature dans l’intervention à dix ou à douze semaines.
– Il convient de supprimer le caractère éventuellement culpabilisateur de l’entretien obligatoire prévu par la législation actuelle.
– Pour ce qui concerne les personnes mineures, le projet de loi ne vise pas à supprimer le principe de l’autorisation parentale mais donne à ces mineures non émancipées la possibilité d’avoir accès à une IVG sans le consentement parental dans certains cas bien définis.
– Il convient d’ouvrir le débat sur la pratique de la stérilisation volontaire qui apparaît aujourd’hui mal encadrée tant d’un point de vue législatif qu’éthique.
M. Bernard Accoyer a observé que l’article 6 du projet relatif à l’accès des mineures à l’IVG prévoit que les mineures n’ayant pu obtenir l’accord parental peuvent se faire accompagner d’une personne majeure de leur choix. La mineure peut être alors victime de manipulations de la part de cet adulte par exemple s’il s’agit du géniteur. Pour éviter d’éventuelles dérives, il serait bon de diligenter à chaque fois une enquête sociale concernant l’adulte référent afin de s’assurer par exemple que cette personne n’a pas de casier judiciaire.
Mme Jacqueline Mathieu-Obadia a souligné l’existence de nombreuses contradictions et d’imprécisions émaillant le texte du projet de loi comme les discussions ayant eu lieu en commission.
En réponse aux intervenants, Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure, après avoir constaté qu’un accord existait sur un certain nombre de constats, tels que la nécessité de réduire le nombre d’IVG qui reste trop élevé dans notre pays, a apporté les éléments suivants :
– Il convient d’améliorer l’accès à l’IVG dans les hôpitaux publics, ce que la précédente ministre Martine Aubry s’était engagée à faire. Des crédits budgétaires ont ainsi été mobilisés dans ce but, à son initiative.
– Le développement de l’information sur la contraception demeure une nécessité. Les contraceptions orales constituent parfois une contrainte pour les femmes lorsqu’elles doivent être prises pendant une très longue période. La question de la stérilisation comme moyen de contraception devrait être posée sans tabou à l’occasion du débat sur ce texte.
– Il n’y a pas lieu de réécrire de bout en bout la loi Veil. Pourtant il faut se souvenir que cette loi a été adoptée à une époque où la question de l’IVG rencontrait l’hostilité farouche de nombreux médecins. Dans ce contexte particulier, la loi de 1975 a distingué deux cas : celui de détresse de la femme pour l’IVG et celui où la santé de la femme ou du f_tus est gravement en danger dans le cadre de l’IMG. Dans ce dernier cas, l’appréciation de la réalité de ce danger est laissée au corps médical. Aujourd’hui, nous sommes les héritiers de ce système dual.
– La première question est de savoir si des risques supplémentaires seraient encourus par la femme devant pratiquer une IVG à douze semaines de grossesse. A cet égard, le rapport de l’ANAES est clair : plus tôt intervient l’IVG, moindre est le risque ; cependant l’allongement du délai ne présente pas de danger en soi. Dès la septième semaine de grossesse, le recours à l’anesthésie locale ou générale est nécessaire. A ce stade, les équipes médicales sont installées à proximité d’un bloc opératoire. Il est certain que la sécurité de la femme demeurera assurée, même dans le cadre d’un délai maximal prolongé de deux semaines.
– La deuxième question est de savoir si l’avortement dans le cadre d’un délai prolongé présente un danger pour la société. Ici se pose la question du danger de l’eugénisme lié aux conséquences et aux effets possibles du diagnostic prénatal. Là encore, la réponse à cette question est très claire : le rallongement des délais ne favorisera pas des dérives eugéniques particulières, comme le montre l’exemple des pays européens ayant admis des délais plus longs. Dans ces pays, personne n’a constaté une recrudescence particulière du nombre d’IVG dûs à comportements eugéniques.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a rappelé que la France est l’un des seuls pays à pratiquer une première échographie à dix semaines de grossesse. Le nombre des avortements résultant à ce jour d’un choix relatif au sexe de l’enfant à venir reste extrêmement marginal. Cependant, il peut arriver que l’échographie montre une image potentiellement pathogène de nature à troubler et à déstabiliser fortement les femmes.
La rapporteure a répondu que les échographes menaient précisément une réflexion de fond concernant leur travail actuellement et que la question soulevée par Mme Marie-Thérèse Boisseau trouverait davantage sa place dans les futures discussions qui auront lieu dans le cadre des débats sur la bioéthique.
II.- EXAMEN DES ARTICLES
La commission est ensuite passée à l’examen des articles.
TITRE IER
INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
====> Avant l’article premier
La commission a examiné ensemble deux amendements présentés par Mme Christine Boutin tendant garantir l’information des femmes enceintes en situation de détresse.
Mme Christine Boutin a précisé que les femmes concernées devaient être aidées dans la conduite de leur grossesse, rassurées sur les moyens financiers, matériels et psychologiques pouvant être mis à sa disposition. Elles doivent bénéficier d’une information complète sur l’IVG et ses conséquences psychologiques ainsi que sur toutes les solutions proposées : aide matérielle, hébergement d’urgence, suivi psychologique, aide éducative à l’accueil de l’enfant, possibilité de confier son enfant à l’adoption, sans toutefois qu’aucune pression en faveur de l’adoption ne soit exercée pendant la grossesse. Aucune pression ne doit être exercée sur une femme enceinte pour l’inciter à avoir recours à l’IVG. Il faut inscrire dans la loi le droit de toute femme enceinte à mener la grossesse à son terme.
***
La commission a rejeté ces amendements.
====> Article 1e
Modification de l’intitulé du chapitre sur l’interruption de grossesse
L’article 1er modifie l’intitulé du chapitre II de la deuxième partie du code de la santé publique.
Premièrement, le titre prend en compte l’allongement du délai légal de dix à douze semaines de grossesse.
Deuxièmement, l’intitulé dans sa rédaction antérieure à la récente refonte du code de la santé publique est rétabli. Les mots : " en cas de situation de détresse ", introduits par l’ordonnance du 15 juin 2000, sont supprimés.
Il est certes fait référence à la situation de détresse au premier article de ce chapitre (l’article L. 2212-1), mais il faut rappeler que la situation de détresse est laissée à la seule appréciation de la femme. Au cours des débats qui ont précédés la loi du 17 janvier 1975, la ministre de la santé, Mme Simone Veil a déclaré :
" Quand une femme refuse une grossesse, se privant ainsi de cette joie et de ce privilège extraordinaire qui est le don de la vie, n’est-ce pas que son existence sera si profondément perturbée qu’elle ne pourra apporter ni la sécurité ni la stabilité que toute femme sait nécessaire à un jeune être ? Comment, dans ces conditions, fixer des critères ? Qui peut se substituer à la femme pour apprécier cette détresse ? " (JO Sénat, Compte-rendu du 14 décembre 1974, p 7208).
***
La commission a examiné un amendement présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau tendant à supprimer cet article.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a estimé que l’allongement des délais légaux de deux semaines pour l’IVG était une mauvaise solution à un véritable problème puisque seulement 40 % des femmes hors délai sont concernées par cet allongement. Par ailleurs cet allongement correspond à un changement de nature de l’intervention et risque de provoquer de graves interférences avec le diagnostic prénatal.
M. Philippe Nauche a observé qu’on ne pouvait prendre prétexte du fait qu’un texte ne résout pas tous les problèmes posés pour le rejeter. La plupart des cas de grande détresse sont résolus par l’allongement de la durée. Des spécialistes éminents ainsi que des praticiens ont été entendus qui ne s’accordent pas tous sur le point de savoir si l’allongement induit un changement de nature de l’acte lui-même. Le taux de morbidité des femmes concernées reste minime et ne peut pas non plus constituer un argument. De même, on ne peut arguer du détournement de l’utilisation de l’échographie pratiquée à la dixième semaine sans mettre injustement en accusation les parents concernés.
M. Denis Jacquat, s’interrogeant à son tour sur le devenir des 3 000 femmes qui ne pourront pas bénéficier de l’IVG, a indiqué que son souhait serait de voir tous les problèmes réglés par le texte.
Mme Jacqueline Mathieu-Obadia s’est inquiété de voir la révision de la loi Veil faite sur la base d’inexactitudes. Il convient de ne pas parler abusivement de la morbidité, en effet, celle-ci résulte surtout de risques liés à l’anesthésie générale. Après la dixième semaine, cette technique est indispensable. En outre, à ce stade l’embryon devient f_tus et une dilatation du col de l’utérus est requise. Il y a bien changement de nature de l’acte.
Mme Marisol Touraine a fait part de son accord avec les propos tenus par M. Denis Jacquat. Cependant, à vouloir trop bien faire, le risque est de ne pas se donner les moyens d’améliorer la situation des 3 000 à 5 000 femmes concernées. En tout état de cause, l’information sur la contraception doit être améliorée et développée. La question du changement de nature dans l’acte médical reste appréciée de façon très variable par le discours des médecins.
Mme Danielle Bousquet a estimé qu’en premier lieu, il importe de répondre au plus grand nombre de cas, l’allongement permettant la solution d’un nombre non négligeable de situations particulièrement problématiques. En deuxième lieu, il conviendra d’élargir la commission qui statue sur les demandes d’interruption médicale de grossesse justifiées par la santé de la femme.
Mme Christine Boutin a estimé qu’il n’y avait effectivement pas de changement de nature et que, dans ces conditions, elle ne comprenait pas pourquoi le projet ne proposait pas un allongement supérieur à douze semaines.
La rapporteure a indiqué son désaccord avec l’amendement proposé par Mme Marie-Thérèse Boisseau. On ne peut laisser dire que 3 000 femmes sont laissées de côté par le texte. Ce serait ignorer toute l’action qui est et sera développée en parallèle par les pouvoirs publics.
On ne peut pas non plus dire aux femmes que l’allongement à douze semaines constitue un risque pour la santé, l’anesthésie générale se pratiquant déjà dès la septième semaine.
La commission a rejeté l’amendement et adopté l’article premier sans modification.
====> Article 2
(article L. 2212-1 du code de la santé publique)
Allongement du délai légal
Cet article modifie l’article L. 2212-1 du code de la santé publique afin de fixer à douze semaines de grossesse (ou quatorze semaines d’aménorrhée) le délai autorisé pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse.
La femme enceinte " dans une situation de détresse " pourra donc demander à un médecin de pratiquer une interruption volontaire de grossesse avant la fin de la douzième semaine de grossesse.
1. Les raisons de l’allongement du délai légal
a) La réduction des départs à l’étranger des femmes actuellement hors délai
D’après le chiffre donné par l’exposé des motifs du projet, environ 5 000 femmes par an sont contraintes à partir à l’étranger pour interrompre leur grossesse parce qu’elles sont hors délai. Elles étaient environ 8 000 dans les années 1975-1985. Globalement, la proportion d’IVG précoces a augmenté : 75 % des IVG sont pratiquées avant la huitième semaine.
Ces femmes se rendent en grande majorité aux Pays-Bas (une seule clinique à Leiden aux Pays-Bas accueille plus de 1 000 Françaises par an pour des IVG entre douze et vingt-deux semaines), en Espagne et en Grande-Bretagne. Les chiffres ne sont pas, par définition, incontestables car il s’agit de pratiques " hors la loi " et les moyens de détermination de l’âge gestationnel n’ont qu’une précision moyenne de sept jours. D’après le Planning familial, environ 3 000 femmes dépassent les quatorze semaines d’aménorrhée. On peut donc difficilement chiffrer le nombre de femmes concernées par l’allongement du délai légal.
En tout état de cause, le déplacement à l’étranger aggrave la détresse des femmes sans compter le coût souvent prohibitif de la prestation.
b) L’alignement sur les législations européennes
La France est pratiquement le seul pays européen où l’IVG ne peut se produire que dans un délai de dix semaines. Dans les pays qui ont récemment voté une loi sur l’avortement (Espagne, Italie), le délai de douze semaines a été retenu en se fondant sur des études médicales. Quatre pays vont jusqu’à la viabilité f_tale (vingt-deux semaines de grossesse) comme la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Suisse.
Au Danemark, le délai est de dix semaines mais au-delà l’IVG peut être pratiquée avec l’autorisation d’une commission ad hoc (composée d’un travailleur social et de deux médecins), qui prend en compte dans la décision des critères médicaux mais aussi psychologiques et socio-économiques.
2. Les problèmes soulevés par l’allongement du délai
· L’ANAES, dans ses recommandations sur l’IVG rappelle que " plus l’IVG intervient précocement pendant la grossesse, plus le risque de complications est faible ". Mais les experts ont clairement indiqué que l’allongement des délais ne présente pas d’obstacle en termes médicaux.
Jusqu’à sept semaines d’aménorrhée, l’avortement médicamenteux est le mieux adapté. Au-delà des sept semaines, le recours à des méthodes chirurgicales est nécessaire. Entre sept et douze semaines, la méthode recommandée par l’ANAES est celle de l’aspiration précédée d’une dilatation. Au-delà de douze semaines d’aménorrhée, le professeur Michel Tournaire, chef du service de gynécologie obstétrique à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul et expert de l’ANAES, indique que la méthode est différente de celle pratiquée jusqu’à douze semaines. La préparation du col est indispensable (médicament ou dilatateur physique) et l’aspiration est insuffisante pour obtenir l’interruption de la grossesse. Il faut avoir recours parfois à une méthode d’extraction. Selon M. Tournaire, " le vécu de cette technique est considéré par l’équipe médicale comme plus difficile que l’IVG réalisée dans le délai de douze semaines. En même temps, cette méthode chirurgicale a le très grand avantage d’être bien supportée par la femme " qui est sous anesthésie générale.
Cette méthode de dilatation/extraction est très employée en Hollande, en Espagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Le taux de complication est très peu élevé.
· Les progrès de l’échographie permettant de visualiser à douze semaines de grossesse des anomalies mineures du f_tus ou de connaître le sexe de l’enfant. Ainsi, si l’enfant n’est pas conforme au souhait des parents, une IVG pourrait être demandée.
Ce risque n’existe pas réellement. L’échographie se pratique avant la fin du délai légal et permet déjà de découvrir un certain nombre d’anomalies et aucune dérive eugéniste n’a été constatée par les médecins. La menace d’interrompre une grossesse pour raison de sexe ne correspond pas à la réalité sociale française. En Grande-Bretagne, où l’IVG peut être pratiquée jusqu’à vingt-deux semaines de grossesse, les motifs d’IVG sont toujours les mêmes ainsi que le taux de naissance entre garçons et filles.
· Selon l’étude d’impact transmise au Parlement, la mesure implique la prise en charge par les établissements de santé d’environ 4 000 IVG supplémentaires. L’incidence financière serait d’environ 6 millions de francs pour 4 000 IVG compte tenu d’un coût moyen de l’IVG de 1 500 francs.
***
La commission a examiné un amendement de suppression de cet article présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a observé que le professeur Nisand a précisé, dans ses déclarations publiques, que la donnée selon laquelle l’allongement à douze semaines permettait de résoudre le problème pour 80 % des femmes hors délai valait pour l’Alsace mais non pour la France entière. Une loi qui ne résout pas le problème dans sa totalité est une mauvaise loi. Il n’est rien prévu pour les femmes qui seront au-delà du délai des douze semaines. En outre, passer de dix à douze semaines crée des problèmes nouveaux et importants qui sont éludés et qui sont liés à l’interférence entre l’avortement légal et le diagnostic échographique.
M. Jean-Christophe Baguet a observé que deux attitudes étaient possibles. Soit on considère l’avortement comme un drame qu’il faut à tout prix éviter, soit on le considère comme inévitable et l’on se pose seulement la question du délai qu’il convient de fixer. Le présent projet est un constat d’échec, puisque vingt ans après la loi Veil on est incapable d’être suffisamment à l’écoute des femmes en détresse. On ne peut se contenter d’un texte à minima. Il faut mettre en oeuvre de véritables moyens pour lutter contre ces situations de détresse.
M. Germain Gengenwin a considéré qu’il fallait aussi responsabiliser les hommes et a souligné que l’IVG posait avant tout des problèmes de morale individuelle.
Mme Marisol Touraine a observé que le débat sur le point de savoir si les femmes étaient suffisamment responsables pour décider seules de garder ou non un enfant ne lui semblait pas devoir être maintenant réouvert.
La rapporteure s’est élevée contre la démarche qui oppose l’allongement des délais au traitement plus humain des cas qui existent en dehors de ces délais et dans lesquels la santé de la mère ou du f_tus est en cause. Les médecins sont traumatisés lorsqu’ils doivent procéder à des interruptions médicales de grossesse (IMG) tardives. Il faut donc donner plus de souplesse aux règles en vigueur.
Le président Jean Le Garrec a indiqué que même si des problèmes demeuraient il était utile d’apporter une réponse même partielle.
Mme Muguette Jacquaint a rappelé que ce projet de loi ne bouleversait pas la loi Veil. Ceux qui sont gênés par un allongement du délai à douze semaines ne le sont pas par le fait que des milliers de femmes soient contraintes de partir à l’étranger. En outre, le discours sur le diagnostic prénatal méprise la responsabilité que prennent les femmes lorsqu’elles décident une IVG.
La rapporteure a rappelé que les échographies pouvaient avoir lieu entre la neuvième et la douzième semaine, c’est-à-dire déjà dans les délais actuels de l’IVG. On n’a pas noté, pour autant, de réaction en terme de volonté d’avortement, comme d’ailleurs dans les pays étrangers qui ont des délais plus longs. Le débat sur les incidences du diagnostic prénatal n’a pas lieu d’être dans le cadre de la discussion de ce projet de loi mais relève d’une réflexion plus générale.
La commission a rejeté l’amendement et a adopté l’article 2 sans modification.
====> Article 3
(article L. 2212-2 du code de la santé publique)
Interruption volontaire de grossesse en médecine ambulatoire
Cet article a pour objet de permettre la prise en charge d’IVG par la médecine de ville. Il complète l’article L. 2212-2 du code susmentionné qui indique qu’une interruption volontaire de grossesse ne peut avoir lieu que dans un établissement public de santé ou un établissement privé ayant reçu autorisation pour recevoir des femmes enceintes. Deux tiers des interruptions de grossesse sont pratiquées par les hôpitaux publics.
Il est proposé que les interruptions de grossesse puissent être prises en charge en médecine ambulatoire, " dans le cadre d’une convention conclue entre le praticien et un établissement " où sont effectuées des interruptions de grossesse.
Selon le professeur Israël Nisand, 30 % des interruptions volontaires de grossesse pourraient se faire sans hospitalisation, sans accroître le risque médical. L’hospitalisation obligatoire n’est plus d’actualité, car l’interruption volontaire de grossesse par mode médicamenteux qui n’existait pas en 1975 se développe progressivement (14 % des IVG en 1990, 20 % en 1998). Jusqu’à 49 jours d’aménorrhée (sept semaines), l’interruption volontaire de grossesse peut être réalisée par la prise de médicaments en association : une antiprogestérone, la Mifégyne (RU 486), administrée par voie orale, associée 36 à 48 heures plus tard, à un analogue de progestérone par voie orale ou vaginale (Cycotec). Or, ces médicaments ont une fiabilité et une efficacité compatibles avec l’usage ambulatoire.
Le groupe d’experts de l’ANAES préconise la méthode médicamenteuse jusqu’à sept semaines d’aménorrhée et estime que l’hospitalisation ne devrait plus être obligatoire. En effet, la patiente reçoit les prostaglandines à l’hôpital, la grossesse en elle-même est interrompue, mais la fausse couche peut se produire pendant l’hospitalisation mais aussi plus tard à domicile.
La prise en charge par la médecine ambulatoire a de surcroît des avantages certains. Premièrement, cela renforcera l’accessibilité à l’interruption volontaire de grossesse et permettra donc des interruptions volontaires de grossesse plus précoces. Deuxièmement, cela améliorera la qualité de la prise en charge au travers d’un contact plus personnalisé entre médecin et patiente.
Cependant, une telle prise en charge implique des conditions strictes afin de garantir la sécurité sanitaire. Ces modalités d’organisation seront définies dans la convention conclue entre le praticien et l’établissement " dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ". Le groupe d’experts de l’ANAES a ainsi indiqué que cette prise en charge doit obéir à un certain nombre d’impératifs. La femme doit pouvoir contacter à tout moment un médecin compétent et un centre médical référent. Il peut être nécessaire, en cas d’hémorragie, d’effectuer une aspiration endo-utérine. Toutefois, jusqu’à sept semaines, les complications dans le cadre d’une interruption volontaire de grossesse médicamenteuse sont tout à fait exceptionnelles.
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La commission a adopté l’article 3 sans modification.
====> Article additionnel après l’article 3
(article L. 2212-3 du code de la santé publique)
Première consultation médicale
La commission a examiné un amendement de la rapporteure précisant que la première consultation médicale doit présenter le choix entre les différentes méthodes de contraception et actualisant le dossier-guide pour en faire un outil d’information.
Mme Marie-Thérèse Boisseau s’est opposée à cet amendement au motif qu’il défigurait une disposition extrêmement équilibrée. Le texte actuel prévoit en effet l’information sur les risques encourus pour les maternités futures et comporte le rappel des droits de la mère si elle décide de garder l’enfant ainsi que les possibilités d’adoption.
En outre, le terme de méthode médicale ne paraît pas approprié.
La rapporteure a précisé que le terme d’avortement médical était employé par l’ANAES et recouvrait l’utilisation du RU 486.
La commission a examiné trois sous-amendements de Mme Christine Boutin ayant pour objet de compléter les informations contenues dans le dossier-guide remis par le médecin :
– le premier visant à informer la femme enceinte sur les aides financières dont elle pourrait bénéficier si elle décidait de garder l’enfant ;
– le second lui indiquant la liste des adresses des organismes ainsi que des lieux d’accueil et des centres d’hébergement d’urgence, des associations et organismes d’accompagnement des femmes enceintes en difficulté.
– le troisième visant à lui remettre le répertoire départemental des aides économiques, des lieux d’accueil et d’hébergement, des associations et organismes spécialisés dans l’accompagnement des grossesses difficiles.
Mme Christine Boutin a indiqué que ses sous-amendements visaient à améliorer l’information des femmes en situation de grossesse difficile pour leur permettre de prendre une décision éclairée.
La rapporteure a émis un avis défavorable à l’adoption de ces sous-amendements, au motif que la femme a déjà effectué son choix au moment où elle entame sa démarche. En revanche, il est indispensable de lui proposer une consultation médicale systématique avant et après l’IVG.
M. Edouard Landrain, co-signataire des sous-amendements, a observé qu’il était essentiel de donner à la femme les moyens de son choix. Trop nombreuses sont celles qui déclarent avoir été insuffisamment informées. Ces sous-amendements complètent utilement le projet de loi.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a apporté son soutien à ces sous-amendements tout en estimant que l’article L. 2212-3 du code de la santé publique était, en l’état, remarquable en ce qu’il offrait une réelle liberté de choix. A l’inverse, la rédaction proposée par la rapporteure conduisait à le dénaturer par une rédaction orientée et partiale en faveur de l’IVG. Du reste, de nombreux départements remettent dès à présent un dossier d’information aux femmes enceintes en difficulté comprenant un tableau des aides financières.
M. Germain Gengenwin a estimé que ces sous-amendements, de bon sens, permettaient de procurer aux femmes le maximum d’informations auxquelles elles ont droit.
La rapporteure a apporté des précisions sur son amendement : s’il prévoit le maintien de la liste des organismes chargés de l’information des femmes, il gomme, en revanche, le caractère dissuasif de l’entretien préalable, les informations contenues dans le dossier-guide tendant à stigmatiser l’IVG, ainsi que celles relatives aux possibilités d’adoption à la suite d’un accouchement sous X. Il garantit la neutralité des informations fournies.
Mme Christine Boutin a observé que tous s’accordent à reconnaître, sans esprit polémique, l’échec que constituait une IVG. Contestant le postulat selon lequel la femme qui entame une démarche de consultation a déjà effectué son choix, elle a évoqué le témoignage, ayant fait l’objet d’un reportage télévisé, d’une jeune fille exprimant ses doutes jusqu’au dernier instant. Ce postulat revient à dénier à la femme son libre arbitre. Or, l’ambivalence de la position des femmes vis-à-vis de l’IVG est incontestable.
M. Pierre Menjucq a apporté son soutien à ces sous-amendements en considérant qu’il était fondamental de laisser le choix aux femmes.
La rapporteure a objecté que les femmes considéraient l’entretien comme une occasion de débattre de leur situation sans pour autant influencer leur choix. Il n’est pas acceptable de leur dire au cours de cet entretien qu’elles peuvent mener à terme la grossesse pour abandonner l’enfant à sa naissance.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a exprimé sa crainte de voir se développer une confusion entre les articles L. 2212-3 et L. 2212-4. L’article L. 2212-3 prévoit un premier entretien au cours duquel est remis un dossier-guide. Cet entretien visant à informer les femmes sur les différentes possibilités qui s’offrent à elles, de l’avortement à la poursuite de la grossesse, intervient nécessairement avant que la femme prenne sa décision. Le caractère totalement objectif de cet article rend son maintien indispensable.
Mme Danielle Bousquet a indiqué que ces propos confortaient sa décision de soutenir l’amendement de la rapporteure. L’IVG est incontestablement une décision difficile à prendre pour les femmes, mais le législateur a le devoir d’éviter qu’elles soient culpabilisées et que soit faite une pression sur leur choix.
La rapporteure a indiqué que le médecin doit remettre à la mineure un dossier-guide dont les informations ont un caractère impartial. Il est seulement proposé de supprimer de ce dossier les informations qui n’ont pas ce caractère.
La commission a rejeté les trois sous-amendements de Mme Christine Boutin et a adopté l’amendement de la rapporteure.
====> Après l’article 3
La commission a rejeté par coordination un amendement de Mme Christine Boutin créant un répertoire départemental des aides économiques, des lieux d’accueil et des organismes dédiés à l’accompagnement des grossesses difficiles.
====> Article 4
(article L. 2212-4 du code de la santé publique)
Accompagnement par un adulte référent
Cet article complète le dispositif de l’entretien préalable visé à l’article L. 2212-4, pour le cas des mineures.
En l’état actuel du droit, la femme enceinte en situation de détresse doit d’abord consulter un médecin qui l’informe des risques encourus et lui remet un dossier qui rappelle notamment les dispositions législatives applicables.
La rapporteure souhaite présenter un amendement ayant deux objets. Il s’agit, d’une part, de faire en sorte que le médecin informe la femme des deux méthodes d’IVG possibles, la méthode médicamenteuse et chirurgicale, et d’autre part, de s’assurer que le dossier-guide ne comporte que des éléments d’information neutres c’est-à-dire le rappel des dispositions législatives, la liste et les adresses des organismes où elle pourra consulter une conseillère conjugale et des établissements pratiquant des IVG.
Pendant le délai de réflexion d’une semaine dont elle dispose avant de confirmer sa demande, elle doit obligatoirement avoir un entretien avec un conseiller conjugal ou avec une assistante sociale dans " un établissement d’information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d’éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé".
Cette consultation comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance et des conseils appropriés à sa situation lui sont apportés, ainsi que les moyens nécessaires pour résoudre les problèmes sociaux posés en vue notamment de lui permettre de garder son enfant. A cette occasion, lui sont communiqués les noms et adresses des personnes qui, soit à titre individuel, soit au nom d’un organisme, d’un service ou d’une association, seraient en mesure d’apporter une aide morale ou matérielle aux femmes ou aux couples pour qui l’accueil de l’enfant entraînerait des difficultés. Lors de la deuxième consultation médicale, qui doit avoir lieu au plus tôt deux jours après l’entretien, elle doit remettre au médecin l’attestation de cet entretien.
La rapporteure souhaite que le premier entretien ne soit plus obligatoire sauf pour les femmes mineures et présentera un amendement en ce sens. La Délégation aux droits des femmes a en effet observé que l’entretien soit est une simple formalité, soit prend un caractère dissuasif ou culpabilisant. Il convient donc de le proposer systématiquement lors de la première visite médicale mais non de l’imposer.
Pour la mineure désirant garder le secret, cet entretien préalable sera désormais l’occasion de demander conseil sur le choix de la personne majeure susceptible de l’accompagner dans sa démarche.
Le projet de loi maintient le principe de l’autorisation parentale (article 6) car il est important de mobiliser les parents à une période où justement la jeune fille a le plus besoin de leur accompagnement et de leur soutien.
Mais, une dérogation est prévue à cette règle générale car la nécessité de recueillir le consentement parental pour la réalisation de cet acte constitue pour certaines jeunes filles - 5 à 10 % selon l’étude d’impact transmise au Parlement- un obstacle majeur à l’accès à l’IVG : impossibilité pour la mineure d’engager un dialogue avec ses parents sur le sujet pour des motifs d’ordre psychologique et culturel, impossibilité matérielle de recueillir l’autorisation des parents compte tenu de l’absence de ces derniers.
L’article 6 du présent projet de loi permet donc au médecin de pratiquer l’interruption de grossesse sans que soit recueilli le consentement parental. Le présent article 4 prévoit que, lors de l’entretien préalable, la mineure est conseillée sur le choix d’un adulte référent pour l’accompagner. La mineure pourra choisir un adulte de son entourage ou par exemple, un adulte du Planning familial.
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La commission a examiné un amendement de la rapporteure supprimant le caractère obligatoire de l’entretien préalable, sauf pour les mineures, et reconnaissant dans la loi le rôle des conseillères conjugales.
La commission a rejeté deux sous-amendements de Mme Marie-Thérèse Boisseau visant à rendre obligatoire l’accompagnement de la mineure, après que la rapporteure a indiqué que l’article 6 du projet prévoyait bien un accompagement obligatoire avec la possibilité de choisir entre plusieurs adultes après discussion avec la conseillère conjugale.
La commission a adopté l’amendement de la rapporteure.
La commission a adopté l’article 4 ainsi modifié.
====> Article 5
(article L. 2212-5 du code de la santé publique)
Liberté de décision du médecin
L’article L. 2212-5 dispose que le médecin est " seul juge de l’opportunité " de sa décision de pratiquer l’IVG une fois que la femme a confirmé sa demande. Le présent article supprime cette précision.
Il va de soi que le médecin est bien sûr seul juge de l’opportunité de sa propre décision. En effet, la liberté de conscience du médecin est prévue à l’article L. 2212-8 qui définit la clause de conscience.
Cette indication est donc inutile et peut donc être supprimée dans un souci de clarification de la loi.
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La commission a rejeté un amendement de suppression de l’article présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau, ainsi qu’un amendement de M. Jean-Michel Dubernard prévoyant, selon la formule préconisée par Mme Nicole Catala, que toute femme qui a déposé sa confirmation écrite dans le délai légal de dix semaines, a accès à l’interruption volontaire de grossesse, même si celle-ci intervient au delà du délai légal, afin que personne ne soit pénalisé par l’absence de moyens et le mauvais fonctionnement éventuel du service public hospitalier.
La commission a adopté l’article 5 sans modification.
====> Article 6
(article L. 2212-7 du code de la santé publique)
Aménagement de l’obligation d’autorisation parentale pour les mineures
Cet article réécrit l’article L. 2212-7 du code de la santé publique relatif aux conditions d’accès des mineures non émancipées à l’interruption volontaire de grossesse.
1. La situation actuelle
a) L’état du droit
Le mineur à des droits sur son corps comme tout personne, mais il ne les exerce pas lui-même en raison de son incapacité juridique. Les parents ou le représentant légal de l’autorité parentale consentent donc à tout acte médical le concernant.
L’obligation de l’autorisation parentale en matière d’IVG s’impose aux femmes mineures non émancipées. Cela exclut, d’une part, les femmes mineures mariées qui sont, conformément aux articles 476 et 486 du code civil émancipées de plein droit par le mariage et traitées comme des majeures, et d’autre part, les mineures de plus de seize ans émancipées par le juge des tutelles, en application de l’article 477 du code civil.
En matière d’IVG pour motif thérapeutique, la mineure est dispensée de l’autorisation parentale. L’article L. 2213-2 précise qu’un certain nombre de dispositions relatives à l’IVG pour motif personnel sont applicables à l’interruption pratiquée pour motif thérapeutique. Ces dispositions ne comprennent pas celles relatives au consentement parental, ce qui semble signifier donc que la mineure consent seule à une IVG pour motif thérapeutique.
En revanche, en matière d’IVG pour motif personnel, la loi retient un double consentement :
– le consentement de l’une des personnes qui exerce l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal ;
– le consentement de la jeune fille. La loi du 31 décembre 1979 a apporté ce complément à l’obligation du consentement parental. Le consentement parental est " accompagné de celui de la mineure célibataire enceinte, ce dernier étant donné en dehors de la présence des parents ou du représentant légal " (2ème phrase de l’article L. 2212-7). Cette disposition a été prise afin que la mineure puisse, exprimer sa volonté en toute liberté ou du moins éviter les pressions possibles.
Le consentement d’un seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale est suffisant, la mineure pouvant aviser seulement l’un d’eux, qui pourra choisir de garder le secret à l’égard de l’autre. Le parent n’a pas besoin d’être présent, il peut donner son consentement par écrit ou même par téléphone.
Lorsque la volonté de la mineure et celle de l’un des parents concordent pour ou contre la poursuite de la grossesse, il n’y a juridiquement aucune difficulté. Il en est de même lorsque la mineure décide de poursuivre sa grossesse, malgré l’opposition parentale.
Il en va différemment lorsque la mineure veut interrompre sa grossesse dans pouvoir obtenir d’autorisation parentale. La loi du 17 janvier 1975 ne prévoit pas la possibilité de pallier l’absence de consentement parental, faisant ainsi du droit parental une sorte de droit absolu.
b) Les réponses actuelles à l’absence de consentement parental
· L’intervention du juge des enfants
Elle n’est prévue par aucun texte et la Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur la compétence du juge pour enfants en la matière. Mais le juge est souvent saisi lorsque le consentement parental fait défaut.
En effet, le juge est compétent pour prendre des mesures d’assistance éducative, selon l’article 375 du Code civil, " si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises ". Il a donc la possibilité de suspendre le droit des titulaires de l’autorité parentale de consentir à un acte médical nécessaire à la santé de l’enfant.
En pratique, les positions des juges sont très variables. Certains se déclarent incompétents, d’autres autorisent directement l’IVG ou bien retirent aux parents le droit de consentir à cet acte, et le transfèrent à un établissement ou à un service.
En tout état de cause, le juge des enfants doit entendre, avant toute décision, les parents et l’enfant et ne peut en aucun cas autoriser une mineure à pratiquer une IVG à l’insu de ses parents.
· Des pratiques en dehors de tout cadre juridique
Certains médecins acceptent de pratiquer l’IVG avec seulement le consentement écrit, en théorie, d’un parent ou d’un membre de l’entourage, la présence du parent n’étant pas requise.
Des mineurs partent, avec l’aide de professionnels qui les ont reçues, dans des pays voisins dont les législations sont plus souples quant aux délais et n’exigent pas de consentement parental. Sauf au Danemark, en Espagne et en Italie, la loi permet aux mineures de recourir à l’IVG sans autorisation parentale à partir de quatorze ou seize ans.
2. Le dispositif proposé
Le présent article prévoit une dérogation au principe de l’autorisation parentale. Lorsque le dialogue avec la famille s’avère impossible, l’interruption de grossesse pourra être réalisée sur la seule demande de la mineure.
Cette dérogation concernera une minorité parmi les jeunes filles. La plupart du temps, la jeune fille déclare d’abord qu’elle ne peut en parler avec ses parents, mais dans 90 % des cas, après discussion avec l’assistante sociale et le médecin, un dialogue avec sa famille s’instaure.
Pour les autres, les difficultés sont réelles : non-reconnaissance de la sexualité de la mineure, opposition des parents à l’IVG, parents absents ou injoignables.
La crainte d’une incompréhension majeure de la famille peut susciter des conduites dangereuses (tentative d’auto-avortement, déni de grossesse parfois prolongé jusqu’au terme). La nécessité du consentement parental peut également avoir des effets dramatiques lorsque la mineure est enceinte à la suite d’un inceste ou d’un viol.
Le premier alinéa de l’article L. 2212-7 nouvellement rédigé indique que lorsque le consentement parental est recueilli, il est joint à la demande d’interruption de grossesse que la mineure présente au médecin, c’est-à-dire la confirmation écrite.
Les deuxième et troisième alinéas aménagent l’obligation d’autorisation parentale.
Dans un premier temps, le médecin, dans un dialogue avec la mineure désirant garder le secret, doit s’efforcer de la convaincre d’un contact nécessaire avec ses parents, qui sont les mieux à même de l’accompagner dans cette période difficile. La rapporteure souhaite préciser que le médecin doit s’efforcer de la convaincre ou doit vérifier que cette démarche a été faite lors de l’entretien préalable. L’objectif est que la mineure ait le choix entre le médecin et la conseillère conjugale pour discuter de la possibilité d’obtenir ou non le consentement parental.
Dans un deuxième temps, si la jeune fille persiste dans son souhait de garder le secret ou si elle ne peut obtenir le consentement de ses parents, son seul consentement exprimé librement en tête à tête avec le médecin emporte la décision.
Cette dérogation au principe du consentement parental est soumise à deux conditions. Premièrement, la jeune fille, afin de ne pas rester seule tout au long de cette période difficile, choisira, après en avoir discuté au cours de l’entretien préalable, un adulte pour l’accompagner (troisième alinéa de l’article L. 2212-7). Deuxièmement, après l’intervention, il lui sera proposé une deuxième consultation médicale, afin de lui indiquer une contraception adaptée à son cas, susceptible de lui éviter une autre grossesse non désirée.
Cette dérogation est justifiée sur le plan social au regard de la détresse et de la solitude de ces quelques centaines de jeunes filles, mais également sur le plan juridique en raison des actes que la mineure peut déjà accomplir seule, tels que la possibilité d’accoucher sous X, d’abandonner son enfant ou de le reconnaître.
***
La commission a rejeté un amendement de suppression de l’article présenté par Mme Christine Boutin, après que la rapporteure a précisé que le double consentement de la mineure et d’un des parents, exigé par la loi depuis 1979, restait l’objectif.
La commission a rejeté un amendement de M. François Goulard prévoyant la saisine du juge pour enfants pour statuer sur la demande d’IVG exprimée par une mineure, après que la rapporteure s’est exprimée contre la judiciarisation de la procédure et l’intervention d’une institution non adaptée dans cette situation.
La commission a examiné un amendement de la rapporteure indiquant que la mineure peut avoir le choix entre le médecin et la conseillère conjugale pour discuter de la possibilité d’obtenir ou non le consentement parental, le médecin véfifiant alors que cette possibilité a bien été explorée lors de l’entretien avec les conseillers.
M. Pierre Menjucq a considéré que cet amendement étendait excessivement la responsabilité du médecin dans la procédure, alors qu’il a déjà celle de l’acte médical.
La commission a adopté cet amendement.
La commission a examiné deux amendements de Mme Marie-Thérèse Boisseau précisant le caractère obligatoire de l’accompagnement de la mineure et de la deuxième consultation sur la contraception après l’intervention.
La rapporteure a considéré que cette double obligation figurait déjà dans le texte du projet de loi, l’indicatif ayant en droit une valeur impérative. Lorsqu’il est dit que la mineure " se fait accompagner " cela signifie bien qu’elle doit être accompagnée.
M. Edouard Landrain a considéré que le texte du projet de loi se contentait de laisser ouverte la possibilité d’un choix sans rendre la démarche obligatoire.
La commission a rejeté ces amendements, puis elle a adopté l’article 6 ainsi modifié.
====> Article 7
(article L. 2212-8 du code de la santé publique)
Clause de conscience
Cet article modifie l’article L. 2212-8 qui institue la clause de conscience.
· Cet article réécrit le premier alinéa de l’article L. 2212-8 qui porte sur la clause de conscience des médecins.
La clause de conscience est un droit ouvert aux médecins et à l’ensemble du personnel médical : " Aucune sage-femme, aucun(e) infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse " (2ème alinéa de l’article L. 2212-8).
La clause de conscience a un caractère absolu ; un médecin qui a pratiqué dans le passé des interruptions de grossesse peut s’y refuser par la suite. Le texte de la loi est formel : " Un médecin n’est jamais tenu...".
La clause de conscience est un droit personnel et inaliénable. Le médecin n’a pas à le motiver : il est discrétionnaire. Indépendamment de l’article L. 2212-8, il est justifié par la déontologie, la mission d’un médecin étant de soigner. Cependant, l’exercice de la clause de conscience, comme tout autre droit, trouve ses limites dans la bonne foi. Invoquée avec intention de nuire, elle est de nature à engager la responsabilité de son auteur conformément au droit commun.
Le principe de la clause de conscience est maintenu par le présent article. Les modifications proposées tendent à ce que la liberté de refus du médecin ne soit pas de nature à priver la femme de son droit d’accès à l’IVG dans les meilleurs délais.
Premièrement, le médecin souhaitant avoir recours à la clause de conscience devra prévenir la femme " sans délai ". En l’état actuel du droit, le médecin doit aviser la patiente de son refus " au plus tard lors de sa première visite ". Cette modification vise à ce que la femme soit avertie le plus tôt possible et surtout à éviter la situation du praticien qui, pris d’un scrupule tardif, refuserait d’intervenir au dernier moment.
Deuxièmement, si le médecin refuse de pratiquer l’IVG, il devra communiquer " immédiatement " à la patiente " le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ".
· Le présent article supprime aussi les deux derniers alinéas de l’article L. 2212-8.
Ces deux alinéas prévoient d’une part, que le conseil d’administration de l’établissement de santé désigne le service dans lequel les interruptions de grossesse seront effectuées, et d’autre part que, si le chef de service concerné refuse d’en assumer la responsabilité, le conseil d’administration doit créer une unité dotée de moyens permettant les IVG. A l’heure actuelle, un chef de service peut donc refuser d’organiser des IVG dans son service en invoquant la clause de conscience.
La suppression de ces deux alinéas oblige tout chef de service d’un hôpital public à assumer l’organisation de la pratique d’IVG, si cela a été décidé par le conseil d’administration.
Tout médecin a le droit de refuser de pratiquer personnellement des IVG. Mais, si ce même médecin est chef de service d’un service assumant l’organisation d’IVG, il doit assumer les obligations de sa fonction, même s’il ne pratique pas lui-même d’IVG. La pratique des IVG étant une mission de service public, il ne pourra pas s’opposer à ce que ses collaborateurs pratiquent des IVG dans son service.
La rapporteure souhaite conserver l’avant-dernier alinéa de l’actuel article L. 2212-4 du code de la santé publique afin de préciser que l’unité administrative qui doit accueillir l’organisation des IVG est l’unité fonctionnelle, et non pas le service, compte tenu de la variété des modes d’organisation des établissements de santé.
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La commission a examiné un amendement de la rapporteure prévoyant que le conseil d’administration de l’établissement de santé désigne " l’unité fonctionnelle " et non " le service " dans lequel sont pratiqués les IVG.
La rapporteure a précisé que le projet de loi proposait la suppression de la disposition relative à l’organisation de l’IVG par le conseil d’administration, en même temps que celle autorisant un chef de service à refuser d’organiser les IVG dans son service. Il semble néanmoins qu’il soit utile de conserver l’avant-dernier alinéa actuel à la condition de viser non plus des services mais des unités fonctionnelles, dotées d’une certaine autonomie, comme le prévoit la loi hospitalière.
M. Edouard Landrain a fait observer que la loi hospitalière ne parlait pas d’unités fonctionnelles mais d’unités de soins.
Mme Christine Boutin a demandé si la suppression du dernier alinéa de l’article L. 2212-8 portait atteinte au droit à l’objection de conscience reconnu aux médecins.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a approuvé la substitution de la notion d’unités fonctionnelles à celle de services.
M. Bernard Schreiner a considéré que les amendements portaient atteinte à la liberté de conscience des chefs de service et s’y est déclaré défavorable.
Mme Catherine Génisson a précisé que la loi hospitalière prévoyait bien que les services hospitaliers, dirigés par un chef de service, puissent être composés de plusieurs unités fonctionnelles autonomes, chacune dirigée par un responsable médical.
M. Philippe Nauche a souligné que le lien entre un service et une unité fonctionnelle était de nature administrative et non pas médicale. L’application de la clause de conscience ne concerne donc pas un chef de service mais simplement les personnes qui doivent pratiquer l’IVG au sein de l’unité fonctionnelle. En ce qui concerne l’utilisation du terme " unités fonctionnelles ", s’il est vrai que, selon les établissements, l’organisation en matière d’IVG est relativement diversifiée et parfois complexe, il reste que l’unité fonctionnelle est bien la structure de base. Il est donc utile de la citer de façon explicite dans la loi et de confirmer ainsi son autonomie.
Mme Christine Boutin a estimé que les réponses apportées à son interrogation sur la clause de conscience n’étaient pas satisfaisantes. La question devra être clarifiée en séance publique.
La rapporteure a considéré que la clause de conscience était totalement maintenue pour les médecins pratiquant l’IVG. Par contre, le texte du projet de loi prévoit que le chef de service se devra désormais d’assurer le fonctionnement du centre IVG dont il a la responsabilité même si, personnellement, il se refuse à pratiquer cet acte.
La commission a adopté l’amendement de la rapporteure puis l’article 7 ainsi modifié.
====> Après l’article 7
La commission a examiné un amendement de Mme Christine Boutin prévoyant la création, à proximité de chaque établissement pratiquant des IVG, d’un service de consultation pour le suivi psychologique post-abortif.
Mme Christine Boutin a fait observer que cet amendement allait dans le sens des souhaits formulés par tous les groupes de voir assurer un suivi après les IVG.
La rapporteure s’est opposée à l’amendement en considérant que, outre la formule retenue qui est particulièrement malheureuse, sa préoccupation était satisfaite par un amendement précédemment adopté qui prévoit qu’une consultation post-opératoire est proposée à la femme ayant pratiqué une IVG.
La commission a rejeté l’amendement.
====> Article 8
Modification des termes de l’intitulé d’un chapitre désormais consacré à l’interruption de grossesse pratiquée pour motif médical
Cet article a pour objet de modifier l’intitulé du chapitre III du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique. Ce chapitre est aujourd’hui consacré à l’interruption de grossesse pratiquée pour motif thérapeutique. Il est proposé de substituer au mot " thérapeutique " celui de " médical ".
Cette modification terminologique s’impose : l’intitulé actuel du chapitre ne paraît pas adapté à son objet. L’interruption de grossesse pratiquée dans les situations auxquelles le code fait référence n’a nullement un but thérapeutique. Ce sont bien des raisons médicales concernant, soit la femme, soit l’enfant à naître, qui sont à l’origine des interruptions de grossesse nécessaires alors que les délais légaux de l’IVG sont dépassés. Le terme de " médical " englobe mieux la diversité des situations pouvant se présenter, tandis que celui de " thérapeutique " apparaît plus restrictif. L’utilisation dans la loi du mot " médical " a, de plus, le mérite d’entériner les termes employés par les médecins eux-mêmes. La terminologie légale est ainsi mise en conformité avec celle des praticiens.
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La commission a examiné un amendement de Mme Marie-Thérèse Boisseau proposant d’intituler le chapitre du code de la santé publique actuellement relatif aux interruptions de grossesse pour motif thérapeutique : " Interruption de grossesse pratiquée pour motif médical ou pour motif psychosocial d’une particulière gravité ".
Mme Marie-Thérèse Boisseau a considéré que, plutôt que d’allonger les délais légaux pour l’IVG de dix à douze semaines, il serait préférable de s’en tenir au délai de dix semaines de grossesse en précisant qu’au-delà de ce délai, des IVG pourront être pratiquées pour des motifs médicaux mais également psychosociaux d’une particulière gravité. Les situations des femmes doivent être appréciées au cas par cas et par des équipes pluridisciplinaires.
Mme Christine Boutin a exprimé son total désaccord avec la philosophie de cet amendement en se disant choquée qu’un motif social puisse être reconnu comme valable pour pratiquer une IVG ou une IMG. Les femmes socialement déshéritées ne sauraient être, du seul fait de leurs difficultés d’ordre financier par exemple, orientées ou incitées à pratiquer une IVG. Il n’est pas acceptable de vouloir inscrire dans la loi que les femmes en situation de précarité sociale pourraient se voir proposer un dispositif particulier en matière d’interruption de grossesse.
La rapporteure s’est opposée à l’amendement de Mme Boisseau en soulignant, d’une part, que l’utilisation dans le projet de loi du terme de " motif médical " pouvait tout à fait couvrir des raisons d’ordre psychologique et, d’autre part, que l’expression de " motif psychosocial d’une particulière gravité " était dénuée de toute portée juridique.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a objecté qu’au-delà des dix semaines du délai légal, de nombreuses interruptions de grossesses se pratiquent actuellement pour des motifs autres que médicaux. Compte tenu de la situation souvent difficile vécue par les femmes concernées, il serait préférable que la décision soit prise par une équipe pluridisciplinaire constituée de représentants des professions médicales et psychosociales. Un tel dispositif serait de nature à aider la femme à prendre la décision la plus adaptée à sa situation. Il apparaît, en toute hypothèse, nécessaire de ne pas livrer les intéressées à l’arbitraire d’un seul médecin.
La commission a rejeté cet amendement. Puis elle a adopté l’article 8 sans modification.
====> Article additionnel après l’article 8
(article L. 2213-1 du code de la santé publique)
Amélioration de la procédure préalable à la décision de pratiquer une interruption médicale de grossesse
La commission a examiné, en discussion commune, trois amendements :
– le premier de la rapporteure visant à répondre à un triple objectif : la mise en place d’une procédure collégiale dans la décision de pratiquer une interruption volontaire de grossesse pour motif médical ; la suppression de l’intervention actuellement obligatoire du médecin inscrit sur la liste d’experts près la Cour de cassation ou près d’une Cour d’appel ; le renforcement des droits de la femme dans cette procédure ;
– le deuxième de M. Jean-Michel Dubernard tendant à élargir les conditions d’accès à l’interruption médicale de grossesse en prenant en compte la détresse psycho-sociale ;
– le dernier de Mme Marie-Thérèse Boisseau visant au même objectif que le précédent et autorisant la pratique des IVG pour des motifs psycho-sociaux d’une particulière gravité jusqu’à la fin de la vingt-deuxième semaine de grossesse.
La rapporteure a observé que les auditions de médecins auxquelles la Délégation aux droits des femmes a procédé avaient permis à ces derniers de dire à quel point la décision de pratiquer une IMG peut parfois être lourde. Elle peut être dans certains cas d’autant plus difficile que le motif de l’avortement ne repose pas uniquement sur des données thérapeutiques mais également sur l’appréciation de normes sociales et de valeurs. Dans ce cas, le caractère collégial de la décision constitue une aide précieuse. Il semble, par ailleurs, nécessaire, dans le même esprit, d’ouvrir les équipes pluridisciplinaires à des représentants extérieurs au corps médical et d’instituer la possibilité pour la femme ou le couple d’être entendus par ces équipes.
La commission a adopté l’amendement de la rapporteure et rejeté en conséquence les deux autres amendements.
====> Article 9
(article L. 2213-2 du code de la santé publique)
Reconnaissance de l’interruption de grossesse pour un motif médical
En cohérence avec le changement de l’intitulé du chapitre III opéré par l’article 8, cet article prévoit qu’à l’article L. 2213-2, la dénomination de l’interruption de grossesse est également modifiée pour faire référence à un motif médical et non plus thérapeutique. On devra désormais parler d’interruption médicale de grossesse (IMG) et non plus d’interruption thérapeutique de grossesse (ITG).
1. La modification terminologique ne concerne qu’un des trois articles composant le chapitre sur l’IMG.
Parmi les trois articles composant le chapitre III (articles L. 2213-1 à L. 2213-3), il n’est nécessaire d’opérer la substitution des termes précités qu’à une seule reprise, à l’article L. 2213-2. En effet, le premier article L. 2213-1 énonce les raisons d’un recours possible à l’IMG et décrit la procédure à suivre dans ce cadre sans que les termes d’IMG (ou précédemment d’ITG) ne soient cités. Le dernier article, l’article L. 2213-3, renvoie, pour l’application du chapitre III, à un décret en Conseil d’Etat, sans citer la dénomination de l’intervention.
Seul l’article L. 2213-2 est donc modifié. On peut rappeler que cet article prévoit que les règles en matière d’IMG se calquent sur les dispositions générales des IVG, à savoir les articles L. 2212-2 (nécessité d’une intervention par un médecin dans un établissement prévu à cet effet), L. 2212-8 (clauses de conscience du médecin), L. 2212-9 (information en matière de régulation des naissances) et L. 2212-10 (déclaration de l’IVG). Dans le droit actuel, plusieurs règles applicables à l’IVG sont donc transposées pour ce qu’il convient désormais d’appeler l’IMG.
Les modifications apportées au seul article L. 2213-2 peuvent paraître de portée mineure et uniquement rédactionnelle. Il n’en est rien. Il s’agit d’un changement d’optique non négligeable.
2. Le passage du terme de " thérapeutique " à " médical " permettra de mieux prendre en compte une réalité multiforme
Le choix des termes, par nature toujours essentiel en matière de texte de loi, revêt en l’occurrence une certaine importance.
Il faut rappeler ici que la fixation de délais pour l’interruption volontaire de grossesse (10 semaines de grossesse dans le droit actuel porté à 12 semaines par le projet de loi) correspond au cas de la femme enceinte " que son état place dans une situation de détresse " (article L. 2212-1). Il lui est possible de demander l’interruption de sa grossesse selon des modalités décrites aux articles L. 2212-1 à L. 2212-11. Le fait d’avoir dépassé les 10 et bientôt 12 semaines de grossesse ne signifie pas pour autant que la grossesse a automatiquement vocation à suivre son cours jusqu’à son terme dans les conditions normales. La grossesse peut s’avérer impossible ; ou si elle l’était au départ, elle peut dans certains cas devenir impossible pour des raisons médicales ou psychiques.
L’article L. 2213-1 (qui n’est pas, en l’état, modifié par le projet de loi) distingue deux grands cas de recours à l’IMG. Le premier cas concerne l’état de santé de la femme, le deuxième celui de l’enfant à naître.
La santé de la femme enceinte peut être gravement mise en péril par sa grossesse. Il est parfaitement admis dans les sociétés modernes que les mères " passent " avant l’enfant. On ne tolère plus, comme cela s’est longtemps produit, que l’on sacrifie la santé voire la vie de la mère pour qu’elle puisse, à bout de force vitale, mettre au monde son enfant. La santé de la femme enceinte est de façon parfaitement légitime reconnue comme primordiale. C’est la raison pour laquelle une interruption de sa grossesse peut intervenir à tout moment (pour ainsi dire jusqu’à la veille de l’accouchement programmé) si le corps médical, représenté par deux médecins dans l’état actuel du droit, considère qu’il y va de la santé voire de la survie même de la femme. La santé de la femme peut également être mise en danger d’un point de vue psychique. Il arrive que la grossesse présente un risque pour la santé mentale de la femme. Lorsqu’il existe un très sérieux doute sur la capacité mentale d’une femme à assumer jusqu’au bout une grossesse, une évaluation d’expert est demandée à un médecin psychiatre qui peut alors confirmer, en produisant un certificat, l’existence de ce risque pour la femme concernée. Dans les faits, des interruptions de grossesse ont donc lieu pour ce motif.
On sait, en outre, que plus le terme de la grossesse est avancé, plus il y a de probabilité que la femme concernée se trouve en grande difficulté. Il convient que les femmes sollicitant une IMG soient traitées au cas par cas et que leur demande soit examinée avec attention sous l’angle médical, mais éventuellement également sous l’angle psychologique. Cette approche, large et humaine, est de fait appliquée par le corps médical. Le fait que le législateur opte aujourd’hui pour la dénomination d’IMG plutôt que d’ITG reflète en réalité l’évolution des pratiques. Les plus grands spécialistes, dont certains ont été auditionnés dans le cadre des travaux préparatoires de la délégation aux droits des femmes, expliquent que ce type d’intervention peut avoir lieu pour des raisons médicales au sens large du terme.
Le second cas de recours à l’IMG est celui où, indépendamment de l’état physique et psychologique de la femme enceinte, qui peut être en parfaite santé, l’enfant à naître présente des anomalies graves. C’est l’objet des examens prénataux que de révéler une éventuelle affection " d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic " pour reprendre les termes de l’article L. 2213-1.
Quel que soit le motif à l’origine de sa demande, il apparaît qu’aucune femme ne sollicite jamais une IMG pour d’autres raisons que celle qu’elle n’a pas le choix. Comme le note le professeur Jacques Milliez (5), ce type de demande n’est jamais fondée sur la désinvolture, une négligence ou un caprice. Si ces femmes demandent une IMG, a fortiori lorsque elles se trouvent à un stade avancé de leur grossesse, cela signifie qu’elles n’ont pas la possibilité de poursuivre leur grossesse ou que cette dernière est devenue impossible. Il existe dans tous les cas une raison majeure. Il ne s’agit en aucun cas de motifs de convenance, mais toujours d’un motif " médical ". La préférence donnée au terme " médical " sur celui de " thérapeutique " est la reconnaissance de cet état de fait.
3. Il est possible d’améliorer encore le fonctionnement de l’IMG
Il pourrait être utile de préciser dans l’article L. 2213-1 qui détermine les modalités de recours à l’IMG que toute décision en la matière ne peut être prise que de manière collégiale après que la réalité de l’une ou l’autre de ces situations prévues (danger réel pour la santé de la femme ou affection particulièrement grave touchant l’enfant à naître) ait été appréciée par une commission pluridisplinaire.
Cette commission pourrait comprendre au moins trois personnes qui seraient une personne qualifiée, deux médecins à savoir un médecin choisi par la femme concernée et un responsable de service de gynécologie obstétrique. Il pourrait également être admis que lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic prénatal, le deuxième médecin exerce son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire. Un décret en Conseil d’Etat pourrait préciser la composition et les modalités de fonctionnement de cette commission. Enfin, il serait bienvenu de prévoir que la femme concernée ou le couple peuvent, à leur demande, être entendus par la commission.
Un tel système présenterait un triple avantage, le premier étant de mettre l’accent sur la collégialité pour une décision aussi importante. Le deuxième avantage serait de mettre fin à l’intervention actuellement obligatoire du médecin inscrit sur la liste d’experts près la Cour de cassation ou près d’une cour d’appel. Cela n’apparaît guère justifiable aujourd’hui : la femme devant subir une interruption médicale de grossesse ne saurait être, de fait, considérée comme potentiellement " hors la loi ". Le troisième intérêt du mécanisme proposé serait de renforcer les droits de la femme dans une procédure dont elle est paradoxalement absente aujourd’hui. Un amendement en ce sens sera présenté par la rapporteure.
***
La commission a rejeté un amendement de conséquence de Mme Marie-Thérèse Boisseau et adopté l’article 9 sans modification.
====> Article 10
(articles L. 5135-1 et L. 5435-1 du code de la santé publique)
Interdiction et sanctions de la vente à des personnes n’appartenant pas au corps médical de dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse
Cet article a pour objet de réactualiser les dispositions du code de la santé publique régissant la question de la vente et de la distribution des dispositifs médicaux utilisés pour les IVG. Sont ainsi réécrits presque intégralement les articles L. 5135-1 et L. 5435-1 du code de la santé publique. Le premier article est l’unique article du chapitre V " Produits aptes à provoquer une interruption de grossesse " du titre III " Autres produits et substances pharmaceutiques réglementés " du titre Ier " Dispositions générales relatives aux médicaments " du livre Ier " Produits pharmaceutiques " de la cinquième partie du code qui porte sur les produits de santé. L’article L. 5435-1 est, quant à lui, l’unique article du chapitre V du titre III du livre IV consacré aux dispositions pénales au sein de cette même cinquième partie.
1. L’article L. 5135-1 interdisant la vente à des non-médecins de dispositifs médicaux utilisés pour des IVG est réactualisé
Il faut rappeler, en premier lieu, que l’article L. 5135-1 porte sur les produits et dispositifs " susceptibles de provoquer ou de favoriser une interruption de grossesse ". La rédaction, très datée, de cet article évoque " les remèdes et substances, sondes intra-utérines et autres objets analogues " (premier alinéa) qui ne peuvent être délivrés que par les pharmaciens, sur prescription médicale " transcrite sur un registre coté et paraphé par le maire ou le commissaire de police. " (deuxième alinéa). Il est apparu nécessaire de supprimer ces dispositions qui tendent à faire intervenir, de manière inadmissible aujourd’hui, le maire ou le commissaire de police. Quant aux moyens actuels utilisés pour pratiquer des IVG, ils n’ont plus rien à voir avec les remèdes et autres sondes intra-utérines cités dans l’article. Il semble par conséquent pertinent de supprimer les dispositions de cet article qui apparaissent aujourd’hui particulièrement obsolètes.
L’article 10 du présent projet de loi propose ainsi dans son I de resserrer et de moderniser la rédaction de l’article L. 5135-1 qui ne comporterait plus qu’un seul alinéa prévoyant d’interdire aux " fabriquants et négociants en appareils gynécologiques de vendre des dispositifs médicaux utilisables " pour une IVG à des personnes n’appartenant pas au corps médical. L’idée principale à l’origine de l’article demeure la lutte contre les avortements pouvant être pratiqués en dehors du milieu médical grâce à la vente " en parallèle " de dispositifs médicaux destinés en principe exclusivement aux personnels du corps médical.
2. Pour lutter encore plus efficacement contre les IVG illégales, il est prévu de renforcer à l’article L. 5435-1 les peines encourues en cas de non-respect du principe posé par l’article L. 5135-1
Les IVG et a fortiori les IMG pratiquées sans encadrement médical sont de nature à mettre très gravement en danger la santé et l’intégrité physique des femmes qui pourraient en être les victimes. C’est le raison pour laquelle un durcissement des peines est prévue en la matière.
Le II de l’article 10 du présent projet vise à réécrire l’article L. 5435-1 relatif aux peines encourues pour avoir vendu tout dispositif médical utilisé par une IVG à une personne n’appartenant pas au corps médical. La rédaction proposée suit celle suggérée pour l’article L. 5135-1 : il n’est plus question de " remèdes ", de " substances ", de " sondes intra-utérines et autres objets analogues " mais de " dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse ".
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 5435-1 comporte six alinéas. Il énonce d’abord les peines encourues, soit deux ans d’emprisonnement et 30 000 francs d’amende (dans son premier alinéa), puis les faits condamnables (alinéas deux à quatre, soit du 1° au 3°). Le cinquième alinéa pose le principe de la confiscation des instruments saisis ayant été illégalement vendus ou distribués à une personne n’appartenant pas au corps médical. Selon le dernier alinéa, une peine complémentaire est prévue à l’encontre des personnes physiques coupables d’avoir vendu ou distribué des dispositifs médicaux. Celles-ci s’exposent à subir une suspension temporaire ou une interdiction durable d’exercer leur profession habituelle, soit la profession " à l’occasion de laquelle le délit a été commis ".
Il est proposé de décomposer l’article L. 5435-1 en cinq alinéas.
Le premier alinéa de l’article L. 5435-1 réécrit reprend les termes actualisés de la nouvelle rédaction de l’article L. 5135-1 et surtout durcit les peines encourues pour avoir contrevenu à l’article précité. Comme précédemment, la peine est de deux ans d’emprisonnement, mais l’amende est relevée, passant de 30 000 francs à 200 000 francs, selon le quantum habituel du code pénal (un an équivaut à 100 000 francs, etc). L’augmentation de cette amende témoigne de la volonté politique renforcée de combattre toute forme d’interruptions de grossesse qui se pratiqueraient en dehors du cadre médical normal garant de la sécurité et des droits de la femme. Le fait de vendre à un non-médecin de tels dispositifs médicaux - et donc en réalité de préparer les conditions d’avortements clandestins - ne saurait en effet être toléré aujourd’hui. Un des objectifs affichés du projet de loi consiste précisément à renforcer les missions de service public confiées aux établissements publics et à consolider le droit des femmes à être correctement prises en charge.
Les alinéas suivants (deux à cinq) portent sur les autres sanctions pouvant toucher aussi bien les personnes morales (ce que le code actuel ne prévoit pas) que les personnes physiques. Désormais, les personnes physiques ne sont donc pas les seules à encourir des sanctions.
Selon le deuxième alinéa, les personnes morales " peuvent être déclarées pénalement responsables des infractions " précitées " dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal ". Il faut rappeler que le premier alinéa de cet article du code pénal dispose que " les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement (...) des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. " En conséquence, si une association ayant la personnalité morale vend des dispositifs médicaux utilisés pour les IVG à des non-médecins, elle est pénalement responsable.
D’après les termes du deuxième alinéa de l’article L. 5435-1, elle encourt " la peine d’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal ". Rappelons que cet article prévoit que " le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction. " En définitive, l’amende pourrait s’élever jusqu’à 1 million de francs (le quintuple de 200 000 francs) pour une personne morale.
Les alinéas trois à cinq concernent les peines pouvant être communes aux personnes physiques et morales. Aux termes du quatrième alinéa (1°), un tribunal peut ordonner à leur encontre la confiscation des dispositifs médicaux saisis. Selon le dernier alinéa (2°), un autre type de sanctions peut leur être infligé. Il s’agit de l’interdiction d’exercer leur profession pour les personnes morales et de l’interdiction de poursuivre leurs activités pour les personnes morales. La durée de cette interdiction est fixée à cinq ans maximum dans le projet de loi alors que dans le droit actuel, aucune limite n’est posée.
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La commission a adopté l’article 10 sans modification.
====> Article 11
(article 223-11 du code pénal)
Modifications de cohérence en matière de pratique illégale de l’interruption volontaire de grossesse
Cet article modifie pour des raisons de cohérence rédactionnelle l’article 223-11 du code pénal relatif aux interruptions illégales de grossesse. Même si les modifications proposées, de portée réduite, ont leur utilité, on est en droit de s’interroger sur la portée pratique de cet article puisque depuis vingt ans, il n’y a pas eu de condamnation pénale pour ce chef d’accusation.
Il n’est pas inutile de rappeler ici la teneur des dispositions toujours en vigueur dans le code pénal s’agissant des interruptions illégales de grossesses. Le code pénal comporte actuellement dans son livre deuxième " Des crimes et des délits contre les personnes ", titre II " Des atteintes à la personne humaine ", chapitre III " De la mise en danger des personnes ", une section V consacrée à l’interruption illégale de la grossesse. La section V comporte elle-même trois articles, de l’article 223-10 à l’article 223-12.
1. Le projet de loi laisse en l’état deux articles du code pénal
L’article 223-10 concerne le cas dramatique des interruptions de la grossesse pratiquées sur une femme sans son consentement et donc contre la volonté de l’intéressée. Un tel acte est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 francs d’amende, peines lourdes et parfaitement justifiées eu égard à la gravité de l’acte considéré. On peut estimer que ce type de situation est cependant rare et ne concerne que quelques cas isolés. Le projet de loi laisse en l’état cette disposition indispensable à la protection la plus élémentaire de la dignité et de l’intégrité physique des femmes.
Le projet de loi laisse également en l’état l’article 223-12 qui punit le fait de fournir à une femme les moyens matériels de s’auto-avorter.
D’après certains juristes, la rédaction actuelle de cet article comporterait le risque que soit poursuivie la femme ayant pratiqué un " auto-avortement " comme complice de celui qui lui en aurait fourni les moyens, et ce même si l’infraction d’auto-avortement a été supprimée par l’article 38 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993. Afin de clarifier la situation, il serait utile de préciser dans le code pénal que la seule personne condamnable dans ce cadre ne peut être que celle ayant fourni les moyens techniques de l’auto-avortement. Il va de soi que cette pratique, très rare, mais potentiellement fort dangereuse pour la santé des femmes concernées, doit être combattue par un travail d’information renforcé. Mais il ne saurait être admis que puissent être punies les femmes en détresse y ayant recours car elles seraient, alors, doublement victimes et punies de leur acte. Un amendement en ce sens sera présenté par la rapporteure.
1. Les modifications du code pénal proposées par le projet de loi portent sur le seul
article 223-11
L’article 11 modifie l’article 223-11 pour des raisons de cohérence rédactionnelle et permet, grâce au a), la substitution des termes d’IMG à celui d’ITG.
Il faut rappeler que cet article énonce les peines prévues en cas d’interruption illégale de grossesse. Trois circonstances sont distinguées. La première concerne les cas où l’interruption de grossesse se pratique en dehors des délais légaux. Une exception est cependant prévue ; il s’agit, de façon logique, du cas où l’intervention entre dans le cadre particulier de l’IMG. Mis à part la question des délais, les deux autres motifs d’illégalité entachant la pratique des interruptions de grossesse concernent le cas où l’IVG est réalisé " par une personne n’ayant pas la qualité de médecin " et le cas où l’intervention a lieu " dans un lieu autre qu’un établissement d’hospitalisation public ou qu’un établissement d’hospitalisation prisé satisfaisant aux conditions prévues par la loi. "
Le b) de l’article 11 (troisième alinéa) tend à compléter le troisième alinéa de l’article 223-11 : il s’agit de prévoir que l’IVG sous peine d’être illégale ne peut se pratiquer que dans les hôpitaux publics ou les cliniques privées satisfaisant aux conditions prévues par la loi ou - élément introduit par le projet de loi - dans le cadre d’une convention passée entre le praticien et un établissement dans les conditions prévues à l’article L. 2212-2 du code de la santé publique. On peut relever à cet égard que l’article 3 du présent projet renvoie la détermination de ces conditions concrètes à un décret en Conseil d’Etat (voir commentaire de l’article 3).
***
La commission a rejeté un amendement de conséquence de Mme Marie-Thérèse Boisseau et adopté l’article 11 sans modification.
====>Article additionnel après l’article 11
(article 223-12 du code pénal)
Impossibilité de condamner une femme pour complicité de son auto-avortement
La commission a adopté un amendement de la rapporteure visant à préciser, à l’article 223-12 du code pénal, que la seule personne condamnable dans le cas d’un auto-avortement est celle ayant fourni à la femme concernée les moyens techniques de cet acte. En aucun cas, la femme concernée ne peut être considérée comme complice.
====> Article 12
(article L. 2221-1 du code de la santé publique et articles 84, 85, 86 et 89 du décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité françaises)
Abrogation de dispositions sur la propagande en faveur de l’interruption volontaire de grossesse et de dispositions obsolètes
Cet article permet l’abrogation de deux types de dispositions : d’une part, l’article L. 2221-1 du code de la santé publique sur la provocation à l’IVG introduit en 1975, et d’autre part, des dispositions datant du décret-loi du 29 juillet 1939 qui sont toujours formellement intégrées dans le droit positif.
1. L’abrogation de l’article 2221-1 du code de la santé publique permet de supprimer toute référence à l’incitation à l’IVG
On peut tout d’abord relever que c’est dans le code de la santé publique, et non dans le code pénal, que se situent les dispositions relatives à ce que l’on a parfois appelé de façon impropre la " provocation " à l’avortement. L’article 2221-1 du code de la santé publique constitue l’unique article du chapitre Ier " Provocation à l’interruption de grossesse " du titre II " Dispositions pénales " du livre II relatif à l’interruption volontaire de grossesse.
Dans son premier alinéa, cet article punit deux ans d’emprisonnement et de 30 000 francs d’amende " le fait de provoquer par un moyen quelconque à l’interruption de grossesse ". On peut noter que cette condamnation couvrant même les cas où les moyens utilisés sont " licites " et où cette " provocation n’est pas suivie d’effet ". Le seul fait d’avoir incité ou conseillé à une femme d’interrompre sa grossesse serait en soi condamnable.
Le deuxième alinéa porte sur les actions de publicité ou de propagande pouvant être réalisées autour de l’IVG. Sont visés aussi bien la publicité relative aux lieux où se pratiquent les IVG, les médicaments ou méthodes utilisés pour une IVG. Seules " les publications réservées aux médecins et aux pharmaciens " sont exemptes de l’interdiction générale de publicité.
Le dernier alinéa porte sur les poursuites pouvant être engagées à l’encontre des personnes ne respectant pas les dispositions précédentes. Si la publicité interdite a été faite par voie de presse, sont condamnables les " personnes énumérées à l’article 42 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 ", à savoir les directeurs de publication ou les éditeurs, à leur défaut, les auteurs et les imprimeurs, puis les vendeurs, les distributeurs et afficheurs. Lorsque la publicité revêt une autre forme (par exemple audiovisuelle ou par internet aujourd’hui), les responsables du délit peuvent être les chefs d’établissement ou directeurs des entreprises à l’origine de la diffusion des informations sur l’IVG. Dans tous les cas, la publicité qui peut être directe ou indirecte est pénalement répréhensible.
Il convient de supprimer l’article du code de la santé publique précité pour deux raisons majeures : la première est que par sa rédaction même, il semble accréditer l’idée que l’IVG serait en soi un acte condamnable ou en tout cas seulement toléré. Si le droit d’avoir accès à un IVG en cas de nécessité était parfaitement admis, il ne serait pas répréhensible de donner à une femme souhaitant à y avoir recours toutes les informations relatives aux lieux pratiquant de tels actes en toute légalité. Le contexte social, culturel et politique ayant évolué depuis 1975, les mesures d’interdiction en matière de " propagande " et de " publicité " pour l’IVG paraissent aujourd’hui en décalage complet avec la société actuelle. D’ailleurs, aucune poursuite judiciaire n’a abouti dans la période récente sur le fondement de cet article qui est, de fait, largement tombé en désuétude.
La deuxième raison qui plaide en faveur de la suppression de cet article est que le travail des associations, des Planning familiaux pourrait le cas échéant être remis en cause par ces dispositions. Même si aucune condamnation n’a pas récemment prononcée pour ce motif, ces dispositions pourraient néanmoins représenter un obstacle à la conduite d’actions tout à fait salutaires menées dans le domaine de l’information sur les IVG. Des associations dont l’objet est de recevoir les femmes concernées pour les aider dans leurs démarches craignent toujours de faire l’objet de poursuites judiciaires sur le fondement de cet article. De même, la mission des conseillères du Planning familial consiste à écouter les jeunes femmes venues les consulter et à leur fournir, le cas échéant, tous les éléments dont elles ont besoin pour prendre leur décision dans les meilleures conditions possibles.
Si l’article n’était pas supprimé, la menace de poursuites pour cause de propagande en faveur de l’IVG continuerait d’exister. Or, l’information constitue un outil privilégié à la fois de prévention des grossesses non désirées et des interruptions volontaires de grossesse. Elle apparaît, en outre, indispensable pour permettre de garantir à toutes les femmes un égal droit d’accéder à une IVG. C’est le manque d’information et d’écoute qui conduit souvent les femmes les plus fragilisées et les plus démunies à dépasser les délais légaux. Le travail des associations consiste précisément à tenter de réduire les différences de niveaux de connaissances entre les femmes bien entourées et correctement informées d’une part et d’autre part les femmes qui, au contraire, pâtissent d’un véritable déficit d’informations, de conseils et de suivi.
Pour ces diverses raisons, la suppression du code de la santé publique de l’article L. 2221-1 apparaît comme une avancée importante pour l’égalité d’accès à l’IVG.
2. Sont également abrogées, pour des raisons essentiellement symboliques, diverses dispositions toujours formellement en vigueur du décret-loi du 29 juillet 1939.
L’article 12 propose de supprimer, grâce à son troisième alinéa, quatre articles du décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité française, toujours en vigueur à l’heure actuelle, à savoir les articles 84, 85, 86 et 89.
Il apparaît en effet nécessaire d’opérer une mise à jour de ces textes anciens, très connotés et adoptés à une période trouble de notre histoire. Il faut se souvenir de l’objectif qui fut, à l’époque, assigné à ce décret-loi. D’après le rapport au Président de la République établi par le Président du Conseil, il s’agissait " d’organiser la protection de la maternité ", de pourchasser " l’avortement qui a exercé tant de ravages en France " et d’aggraver " la répression des vices et la lutte contre les fléaux sociaux qui constituent autant de dangers pour l’avenir de la race. " Lorsque la loi Veil a été adopté, certains compromis étaient apparus nécessaires, ce qui explique que ce type de dispositions ait été maintenu ; ces compromis n’ont aujourd’hui plus aucune justification.
L’article 84 du décret-loi de juillet 1939 prévoit pour un médecin condamné pénalement pour avortement illégal l’interdiction définitive d’exercer dans un établissement pouvant accueillir des femmes enceintes. Le maintien de ce texte, outre qu’il ne se justifie plus dans la société actuelle, apparaîtrait en outre peu compatible avec les règles prévalant aujourd’hui en cas de pratiques médicales litigieuses. Les médecins ne respectant pas les règles légales sont passibles de sanctions disciplinaires et leur cas est couvert par l’article 223-11 du code pénal. On peut ajouter que l’automaticité et le caractère définitif de l’interdiction faite aux médecins condamnés pour avortement illégal d’exercer dans les établissements fréquentés par des femmes enceintes tel que cela est prévu dans le décret-loi apparaissent aujourd’hui incompatibles avec la notion de nécessité des peines et contraires aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
L’article 85 prévoit le même type d’interdiction d’exercer toute fonction dans un établissement accueillant des femmes enceintes pour les personnes condamnées par un tribunal étranger.
L’article 86 énonce une peine de deux ans d’emprisonnement et une amende de 60 000 francs pour les personnes contrevenant aux articles 84 et 85, c’est-à-dire les personnes ayant pratiqué des avortements illégaux - à l’époque du décret-loi, toutes les interruptions de grossesse étaient illégales - et exerçant des fonctions dans des établissements pouvant être fréquentés par des femmes enceintes.
L’article 89 permet, enfin, aux syndicats de médecins et aux syndicats de sages-femmes ainsi qu’à l’" administration de l’assistance publique et aux établissements publics d’assistance " de se porter partie civile pour faire sanctionner les délits énoncés par le décret-loi.
La suppression de l’ensemble de ces articles n’a que trop tardé. Même si ce décret-loi n’est plus, de fait, appliqué depuis de nombreuses années, il ne saurait être admis que de telles dispositions restent officiellement en vigueur.
3. L’adoption de ce texte devrait être l’occasion de consolider les bases du délit d’entrave à l’encontre des commandos anti-IVG
L’examen de l’article 12 du projet de loi conduit à s’interroger sur ce qui doit demeurer dans le code pénal et ce qui doit y être éventuellement introduit. Certains, dont votre rapporteure, plaident pour que le délit d’entrave à l’accès à l’IVG soit à la fois intégré dans le code pénal et renforcé dans son contenu. Il est en effet apparu nécessaire de consolider les fondements du délit d’entrave à l’encontre des commandos anti-IVG. Ceux-ci n’hésitent pas à véhiculer des discours extrêmement culpabilisants et des images de terreur pour dissuader les femmes n’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Ils utilisent des discours alarmistes et souvent peu scientifiques sur les modifications de technique d’IVG selon le terme de la grossesse en faisant valoir par exemple qu’" à dix semaines, on aspire, à douze semaines, on fragmente ".
De la même façon que figurent dans le code pénal le fait de pratiquer une interruption de grossesse sur une femme non consentante (article L. 223-10), le fait de pratiquer une IVG en méconnaissance de la loi (article L. 223-11), et le fait de fournir à une femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même (article L. 223-12), il serait logique de faire apparaître le délit d’entrave aux IVG dans ce même code pénal à la suite des dispositions précitées.
Ce délit pourrait être mieux défini et donc plus facilement condamnable par les tribunaux. Actuellement, l’article L. 2223-2 (issu de l’article 37 de la loi du 27 janvier 1993) incrimine le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une IVG ou les actes préalables à cette IVG de deux manières : " soit en perturbant l’accès aux établissements (...) ou la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements. " (deuxième alinéa), " soit en exerçant des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements ou des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse. " (dernier alinéa).
La portée effective de cet article pourrait opportunément être renforcée ; on sait que certains commandos anti-IVG ont pu échapper à une condamnation parce que les termes de l’article L. 2223-2 ne couvraient pas toutes les possibilités d’actions menées par ces groupes. Il pourrait ainsi être prévu d’élargir la notion de perturbation des établissements en prenant en compte non seulement l’accès et la libre circulation dans les établissements, mais également les conditions de travail des personnels. Afin d’établir une classification plus fine des actes répréhensibles, la notion de pressions morales et psychologiques pourrait être ajoutée à celle de menaces et d’actes d’intimidation. Enfin, l’entourage des femmes concernées venu par exemple accompagner ces dernières dans les locaux des établissements devrait également être protégé des éventuelles agressions verbales ou visuelles mises en _uvre par les commandos anti-IVG.
***
La commission a adopté l’article 12 sans modification.
====> Article additionnel après l’article 12
(article 223-13 nouveau du code pénal)
Renforcement du délit d’entrave à la pratique légale des interruptions de grossesse
La commission a examiné un amendement de la rapporteure visant, d’une part, à intégrer le délit d’entrave à la pratique légale de l’IVG dans le code pénal et, d’autre part, à en préciser les contours.
La rapporteure a expliqué qu’il convenait d’empêcher que les commandos anti-IVG puissent perturber, non seulement l’accès des établissements et la libre circulation, comme cela est actuellement prévu, mais également les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux. De même, la notion de " pressions morales et psychologiques " doit être ajoutée à celles existantes dans la législation en vigueur de menaces et d’actes d’intimidation. Enfin, les femmes concernées mais également leur entourage, venu les accompagner dans les locaux de l’établissement, doivent être protégés d’éventuelles agressions de la part des associations et mouvements hostiles à l’avortement.
***
La commission a adopté cet amendement.
====> Article 13
(articles L. 2412-1, L. 2412-2 et L. 2412-3 du code de la santé publique, article 723-2 du code pénal)
Application à la collectivité territoriale de Mayotte
Cet article permet l’application des dispositions nouvelles relatives à l’IVG à Mayotte. Les I, II et III visent des articles du code de la santé publique, tandis que le IV se rapporte à des articles du code pénal.
Il faut tout d’abord rappeler que le livre IV de la deuxième partie " Santé de la famille, de la mère et de l’enfant " traite des questions particulières à Mayotte, aux îles Wallis et Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française. A l’intérieur du livre IV, on distingue quatre titres chacun consacré à un territoire particulier. Le découpage est d’ordre territorial au niveau des titres, le découpage thématique (protection et promotion de la santé maternelle et infantile, interruption volontaire de grossesse, établissements et services, dispositions pénales) n’intervenant qu’au niveau des chapitres.
Le premier titre est relatif à la collectivité territoriale de Mayotte, le deuxième aux îles Wallis et Futuna, le troisième aux Terres australes et antarctiques françaises, le quatrième à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.
L’article 13 porte sur le titre Ier relatif à Mayotte et plus précisément sur les trois articles qui composent le chapitre II de ce titre consacré à l’IVG.
Le I de cet article permet la réécriture du premier alinéa de l’article L. 2412-1 du code de la santé publique. Comme actuellement, il est indiqué que le titre Ier du livre II de la deuxième partie, qui porte sur les " dispositions générales " en matière d’IVG, est applicable à Mayotte dans les conditions de droit commun.
La seule exception prévue aujourd’hui est maintenue : le dernier alinéa de l’article L. 2212-8 continuera à ne pas s’appliquer à cette collectivité territoriale. Il faut tout d’abord rappeler que l’article L. 2212-8 est relatif à la clause de conscience des médecins qui ne sont jamais tenus de pratiquer une IVG. Le dernier alinéa de cet article concerne actuellement le cas où le conseil d’administration d’un établissement est obligé de créer une unité IVG lorsqu’un chef de service a refusé que soit assumée dans son service la responsabilité de pratiquer des IVG. Or l’article 7 du projet de loi prévoit la suppression des deux derniers alinéas de l’article L. 2212-8. Suite à ces suppressions, le dernier alinéa de l’article L. 2212-8 devient donc l’actuel alinéa cinq qui dispose : " Les catégories d’établissements publics qui sont tenus de disposer des moyens permettant la pratique des interruptions volontaires de grossesse sont fixées par décret. " Cette disposition apparaît inutile car il n’existe aujourd’hui qu’un établissement de ce type à Mayotte.
Le II de l’article 13 a pour objet de supprimer l’article L. 2412-2 du code de la santé publique. On peut rappeler que cet article aujourd’hui en vigueur dispose que les conditions de droit commun figurant à l’article L. 2212-7 (IVG pour les femmes mineures non émancipées) s’appliquent à Mayotte. Une exception est cependant prévue s’agissant de la première phrase de l’article L. 2212-7 qui, elle, avait fait l’objet d’une réécriture pour Mayotte. Dans l’article L. 2212-7 actuel (droit commun), il est fait référence au consentement de l’une des personnes qui exercent l’autorité parentale ou le cas échéant, du représentant légal. Les termes sont quelque peu différents dans l’article L. 2412-2 relatif à Mayotte. Il est question du " consentement du père ou de la mère ou du représentant légal ". Alors que le droit commun ne fait aucune différence entre les personnes exerçant l’autorité parentale - les mots de " père " et de " mère " ne sont pas utilisés - le droit applicable à Mayotte jusqu’à ce jour cite d’abord le père puis en second lieu la mère, avant de citer le représentant légal. En droit, la situation est cependant identique en métropole et à Mayotte puisque en vertu de l’article L. 2412-2 actuel, une IVG sur mineure peut se pratiquer dès lors que la mère seule a donné son accord.
Le III de l’article 13 prévoit de manière logique que l’article L. 2412-3 actuel devient l’article L. 2412-2, ce dernier article étant supprimé par le II.
Le IV propose une rédaction nouvelle de l’article 723-2 du code pénal.
Il n’est pas inutile de revenir sur les dispositions spécifiques à certaines collectivités territoriales prévues dans le code pénal. Le livre septième du code pénal est relatif aux " dispositions applicables dans les territoires d’Outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ". Des adaptations de la loi pénale sont ainsi prévues sur un certain nombre de sujets dont l’interruption volontaire de grossesse fait partie. L’article 723-2 du code pénal se présente donc comme une adaptation pour Mayotte du livre II du code pénal, étant précisé que ce livre concerne en général les crimes et délits contre les personnes et que la section V du chapitre II du titre II de ce livre porte sur l’interruption illégale de grossesse.
Les deuxième et troisième alinéas du IV de l’article 13 permettent, à juste titre, de mettre en conformité le 3° de l’article 723-2 du code pénal avec le 3° de l’article 223-11 (tel que modifié par le b de l’article 11 du projet de loi). Désormais, il est précisé que les IVG pratiquées " en dehors du cadre d’une convention conclue en application de l’article L. 2212-2 du code de la santé publique " sont illégales à Mayotte, comme en métropole, au même titre que celles pratiquées après les délais légaux, ou par un non-médecin, ou dans un établissement non prévu à cet effet.
***
La commission a adopté l’article 13 sans modification.
====> Article 14
(articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, article 713-2 du code pénal)
Application aux territoires d’outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie
Cet article permet d’appliquer les dispositions du projet de loi dans les territoires d’outre-mer comme en Nouvelle-Calédonie. Le I de l’article concerne le code de la santé publique, le II celui du code pénal.
Le I de cet article dispose que sont applicables dans les territoires d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie deux articles du code de la santé publique : l’article L. 2212-1 (article de principe sur l’IVG fixant le délai maximal et modifié par l’article 2 du présent projet de loi) et l’article L. 2212-7 (article déterminant les règles applicables pour les IVG pratiquées sur les femmes mineures et modifié par l’article 6 du projet). En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, il faut rappeler que le Congrès, assemblée législative du territoire, détient des compétences en matière de santé. Il pourra donc compléter le dispositif législatif applicable en matière d’IVG. De même, on peut relever que la Polynésie française s’est vue reconnaître une compétence en matière de santé publique.
Le II de cet article vise à modifier le I de l’article 713-2 du code pénal. Cet article du code pénal fait partie du chapitre III du titre I relatif aux dispositions applicables dans les territoires d’outre-mer, au sein du livre septième entièrement consacré aux dispositions spécifiques à ces territoires et à Mayotte. Le droit applicable aux territoires d’outre-mer fait référence à un nombre maximal de semaines de grossesse pour l’IVG. Celui-ci est aujourd’hui de dix semaines selon les conditions de droit commun. Il est nécessaire de transposer le passage de dix à douze semaines à l’article 713-2, et de substituer au terme de " thérapeutique " celui de " médical ". On peut noter que grâce à la seule mise en conformité de l’article 713-2 du code pénal, il est inutile de modifier l’article L. 2431-1 du code de la santé publique (Terres australes et antarctiques) et l’article L. 2422-2 (Iles Wallis et Futuna) qui ne font tous deux que reprendre en le citant in extenso l’article 713-2 du code pénal. Ainsi les mises en cohérences entre le droit commun et celui applicable à ces territoires peuvent se cantonner au code pénal.
***
La commission a rejeté un amendement (n° 1) de M. Michel Buillard visant à exclure la Polynésie française du champ d’application de cet article ainsi qu’un amendement de conséquence de Mme Marie-Thérèse Boisseau.
La commission a adopté l’article 14 sans modification.
====> Article 15
(article L. 132-1 du code de la sécurité sociale)
Prise en charge intégrale par l’Etat des dépenses nécessaires aux interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des femmes mineures non émancipées n’ayant pas obtenu le consentement parental
Cet article est le seul du projet de loi qui modifie le code de la sécurité sociale. Il apporte une modification au chapitre II (article unique) relatif à la prise en charge par l’Etat des dépenses exposées par les organismes au titre de l’IVG du titre III " dispositions communes relatives au financement " du livre Ier " généralités et dispositions communes " de ce code.
L’article 15 du présent projet poursuit plusieurs objectifs :
– Grâce au 1° (deuxième et troisième alinéas), l’intitulé du chapitre est modifié en " Prise en charge par l’Etat des dépenses exposées au titre de l’interruption volontaire de grossesse ". La référence aux organismes gérant un régime légal de sécurité sociale qui est mentionnée actuellement disparaît donc.
– Le 2° de cet article permet dans son a) de modifier l’article L 132-1 précité qui se voit enrichi d’un nouvel alinéa inséré après le premier alinéa actuel. Il s’agit de tirer toutes les conséquences des modifications de l’article L. 2212-7 du code de la santé publique, visé par cet article du code de la sécurité sociale, et modifié par l’article 6 du projet de loi.
Il faut rappeler que l’article 6 détermine notamment les conditions dans lesquelles une mineure peut demander une IVG sans le consentement parental. Afin d’aller jusqu’au bout de cette logique, il est indiqué que pour une mineure qui se trouve dans l’incapacité d’obtenir le consentement des titulaires de l’autorité parentale, les frais exposés par cette intervention seront intégralement pris en charge par l’Etat. Ainsi un refus des parents ou une ignorance de ces derniers concernant l’intervention ne pourra pas avoir pour effet de la remettre en cause pour des motifs financiers.
Le b) du 2° de l’article 15 du projet de loi complète le dernier alinéa de l’article L. 132-1 du code de la sécurité sociale prévoyant un décret en Conseil d’Etat. Désormais, ce décret devra définir " les conditions permettant (...) de respecter l’anonymat dans les procédures de prise en charge " de l’IVG. Il s’agit, là encore, d’être en cohérence avec les modifications introduites par l’article 6 du projet de loi à l’article L. 2217-6 du code de la santé publique. La femme mineure non émancipée peut en effet bénéficier des dispositions qui lui permettent de garder le secret. Il convient de respecter jusqu’au bout cette logique afin d’éviter que des questions de prise en charge financière ne viennent mettre à mal le principe du secret par ailleurs reconnu.
***
La commission a adopté l’article 15 sans modification.
Après l’article 15
La commission a examiné deux amendements de Mme Christine Boutin, le premier tendant à la création d’un fonds de prévention de l’IVG destiné à subvenir aux besoins des associations et organismes d’accompagnement des femmes enceintes en difficulté afin de les aider à mener leur grossesse à terme, le second visant à pallier l’incertitude afférente aux données chiffrées par la création d’un observatoire public sur la prévention de l’IVG.
La rapporteure a indiqué qu’elle était défavorable à ces deux amendements et rappelé l’existence d’éléments statistiques publiés par l’INED et l’INSERM en ce qui concerne les IVG intervenues dans le délai légal.
La commission a rejeté ces deux amendements.
TITRE II
CONTRACEPTION
====> Article 16
(article L. 2311-4 du code de la santé publique)
Délivrance des contraceptifs dans les centres de planification familiale
Cet article vise à permettre aux centres de planification familiale de délivrer des " médicaments, produits ou objets contraceptifs " aux mineurs désirant garder le secret sans prescription médicale.
La loi n° 74-1026 du 4 décembre 1974 a assoupli la loi n° 67-116 du 28 décembre 1967, dite " loi Neuwirth " en matière de prescription de contraceptifs aux mineures. Les mineurs désirant garder le secret peuvent se voir délivrer à titre gratuit et anonyme des contraceptifs par les centres sur prescription médicale, c’est-à-dire par le médecin du centre. Selon la " loi Neuwirth ", la prescription à un mineur d’un contraceptif par un médecin ne peut se faire qu’avec l’accord parental.
Le présent article supprime l’obligation de prescription médicale en application des nouvelles règles de prescription des contraceptifs proposés à l’article 17 du projet de loi.
Cette mesure vise à faciliter l’accès des mineurs à la contraception.
***
La commission a adopté cet article sans modification.
====> Article additionnel après l’article 16
(article L. 2325 nouveau du code de la santé publique)
Education sexuelle dans les établissements scolaire
La commission a examiné un amendement de Mme Marie-Thérèse Boisseau prévoyant l’organisation d’au moins trois séances annuelles d’instruction et d’éducation à la sexualité à destination des élèves des écoles, des collèges et des lycées.
Mme Danielle Bousquet a souligné que les intervenants extérieures susceptibles d’agir dans ce cadre étaient rémunérés par la région.
M. Bernard Schreiner a souhaité pour des raisons de meilleure formation et d’extériorité à l’égard des élèves, que ces séances soient dispensées par des intervenants extérieurs.
Mme Christine Boutin a fait observer que les enseignants s’interrogeaient sur leur identité devant la multiplication des intervenants extérieurs.
La rapporteure a donné son accord à l’amendement en soulignant cependant son caractère réglementaire.
Le président Jean Le Garrrec a estimé que le législateur pouvait se permettre de temps à autre des incursions dans le domaine réglementaire quant l’enjeu était important.
La commission a adopté cet amendement.
====> Article 17
(article L. 5134-1 du code de la santé publique)
Délivrance et prescription des contraceptifs
Cet article propose une nouvelle rédaction de l’article L. 5134-1 relatif aux contraceptifs, à leur délivrance et à leur prescription.
1. Suppression du consentement parental pour les mineurs
En vertu de l’article L. 371-2 du code civil, les parents ont jusqu’à la majorité ou l’émancipation de leur enfant, autorité sur lui pour le " protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d’éducation. "
Dès lors, toute prescription médicale à un mineur doit nécessairement se faire avec l’accord parental. Le code de déontologie médicale, tel qu’il résulte du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995, prévoit d’ailleurs à son article 42 que, sauf cas d’urgence, " un médecin appelé à donner des soins à un mineur doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement ".
Le législateur a pris soin, lorsqu’il a modifié en 1974 la loi Neuwirth, d’indiquer expressément, à l’article 4 de cette loi, que les centres de planification et d’éducation familiale étaient habilités à délivrer gratuitement des contraceptifs aux mineurs désirant garder le secret. Lors de la discussion devant l’Assemblée nationale, le ministre chargé de la santé de l’époque avait relevé que, dans les autres cas, l’accès à la contraception se ferait selon les règles de droit commun en matière médicale.
La nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 5134-1 supprime cette obligation de l’autorisation parentale : " Le consentement des titulaires de l’autorité parentale (...) n’est pas requis pour la prescription, la délivrance ou l’administration de contraceptifs aux personnes mineures ".
Cette mesure est le prolongement logique de la proposition de loi relative à la contraception d’urgence de Mme Danièle Bousquet examinée en première lecture à l’Assemblée nationale, le 5 octobre et au Sénat le 31 octobre qui supprime l’autorisation parentale pour la contraception d’urgence. Au terme de ce texte, la " pilule du lendemain " peut être prescrite par les médecins, délivrée par les pharmaciens et administrée par les infirmières scolaires sans le consentement parental.
Cette mesure est donc élargie à tous les contraceptifs, hormonaux (pilule contraceptive) et intra-utérins (stérilet).
2. Délivrance des contraceptifs hormonaux et intra-utérins
Le présent article supprime la première phrase de l’article L. 5134-1 du code de la santé publique qui réserve la délivrance des contraceptifs aux pharmaciens. Pour les contraceptifs hormonaux, cette disposition est inutile dans la mesure où l’article L. 4211-1 du code susmentionné donne aux pharmaciens le monopole de la vente des médicaments.
En revanche, l’article précise que les contraceptifs intra-utérins sont délivrés " uniquement en pharmacie ou dans les centres de planification ou d’éducation familiale ". Il est nécessaire de maintenir le principe de la vente en pharmacie des contraceptifs intra-utérins car il s’agit de dispositifs médicaux, qui ne relèvent pas, par conséquent, du monopole pharmaceutique.
3. Prescription des contraceptifs hormonaux et intra-utérins
Cet article aménage également les règles relatives à la prescription médicale des contraceptifs. Désormais, la prescription médicale ne sera nécessaire que pour les contraceptifs intra-intérins.
Très concrètement, cette mesure permet à toutes les femmes de se procurer la pilule contraceptive sans ordonnance.
La pilule contraceptive a été autorisée en France à partir de 1966 sous le nom d’Enovid. Elle a rapidement acquis une efficacité supérieure à 99,5 %. Les progrès de la recherche ont, à la fois, permis d’affiner les dosages hormonaux afin de supprimer les effets secondaires et donné naissance à des produits nouveaux plus particulièrement adaptés à tel ou tel type de physiologie (pilule séquentielle, minipilule, pilule biphasique, pilule triphasique, micropilule).
Cette mesure est une révision importante de la loi Neuwirth. En effet, l’article 3 (l’article L. 5134 codifié) de cette loi dispose que " les contraceptifs hormonaux et intra-utérins ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale ".
En ce qui concerne les contraceptifs hormonaux, cette disposition est devenue obsolète. En effet, l’obligation de prescription médicale pour la délivrance des médicaments résulte de l’inscription sur les listes I et II des substances vénéneuses. Les critères d’inscription sur ces listes sont ceux prévus par la directive n° 92/26/CEE du 31 mars 1992 concernant la classification en matière de délivrance des médicaments à usage humain. (6)
L’article 3 de cette directive prévoit que les médicaments sont soumis à prescription médicale lorsqu’ils :
" - sont susceptibles de présenter un danger, directement ou indirectement, même dans des conditions normales d’emploi, s’ils sont utilisés sans surveillance médicale
ou
– sont utilisés souvent, et dans une très large mesure, dans des conditions anormales d’emploi et que cela risque de mettre en danger directement ou indirectement la santé
ou
– contiennent des substances ou des préparations à base de ces substances, dont il est indispensable d’approfondir l’activité et/ou les effets secondaires
ou
– sont, sauf exception, prescrits par un médecin pour être administrés par voie parentérale. ".
L’article 4 de la directive prévoit en outre que " les médicaments non soumis à prescription sont ceux qui ne répondent pas aux critères énumérés à l’article 3 ".
En soumettant à prescription médicale obligatoire tous les contraceptifs hormonaux, la loi du 28 décembre 1967 dépasse les objectifs de la directive européenne. En effet, tous les contraceptifs hormonaux ne sont pas susceptibles de présenter un danger pour la santé des utilisatrices, compte tenu de leur dosage et de leurs conditions d’utilisation. Selon les critères retenus par la directive européenne, il ne s’agit donc pas de médicaments devant être soumis à prescription médicale.
***
La commission a examiné un amendement de Mme Marie-Thérèse Boisseau précisant que les contraceptifs hormonaux ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a relevé que la suppression de la prescription médicale suscitait des inquiétudes dans le corps médical et chez les jeunes femmes dans la mesure où la consultation médicale permet au médecin de procéder à des examens dans une démarche de prévention des contre-indications relatives à la consommation de tabac ou à la présence de cholestérol ainsi que le dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus.
La rapporteure a indiqué qu’elle était défavorable à cet amendement qui n’est pas conforme aux dispositions de la directive européenne sur les médicaments, laquelle prévoit la libre distribution de ces produits s’ils ne sont pas susceptibles de présenter de danger.
La commission a adopté cet amendement.
La commission a adopté l’article 17 ainsi modifié.
====> Article 18
(article L. 5434-2 du code de la santé publique)
Mise à jour de dispositions pénales relatives aux contraceptifs
Cet article est un article de coordination : les dispositions pénales correspondant à l’article L. 5134-1 du code de la santé publique sont mises à jour compte tenu des modifications apportées à cet article par l’article 17 du présent de loi.
Désormais, le fait de délivrer des contraceptifs ne présentant pas de danger pour la santé publique sans prescription médicale ne sera plus répréhensible. Par ailleurs, il est procédé à un ajustement des peines pour le fait de délivrer sans ordonnance des contraceptifs intra-utérins visés au II de l’article L. 5134-1 du code tel que modifié par l’article 17 déjà cité. Ces peines passent de deux ans d’emprisonnement à six mois, les amendes étant, à l’inverse, augmentées pour passer de 30 000 francs à 50 000 francs (ce qui correspond au quantum habituel du code pénal).
***
La commission a adopté cet article sans modification.
====> Article additionnel après l’article 18
(articles L. 2120-1 nouveau du code de la santé publique)
Encadrement de l’acte chirurgical de stérilisation masculine et féminine
La commission a examiné un amendement de la rapporteure visant à créer un régime juridique encadrant la pratique de la ligature des trompes et de celle des canaux déférents effectuée dans un but contraceptif.
La rapporteure a rappelé que la ligature des trompes concernait 30 000 femmes par an et que près de 900 000 y avaient eu recours à ce jour. Un encadrement de cette pratique semble donc éminemment nécessaire. Il est proposé de le faire suivant les recommandations du comité national consultatif d’éthique et en tenant compte de l’avis formulé par les médecins la pratiquant.
La reconnaissance de cette pratique suppose qu’elle soit mise en _uvre dans les établissements de santé, que les personnels médicaux puissent faire jouer la clause de conscience. L’intéressé(e) doit prendre sa décision après avoir été complètement informé(e) des risques médicaux et des conséquences de l’intervention. Cette décision ne pourra intervenir qu’au terme d’un délai de réflexion de deux mois et devra faire l’objet d’une confirmation écrite.
La commission a adopté l’amendement.
====> Article additionnel après l’article 18
(article L. 2120-2 nouveau du code de la santé publique)
Encadrement de l’acte chirurgical de stérilisation des personnes incapables majeures
La commission a examiné un amendement de la rapporteure prévoyant l’encadrement de la stérilisation des incapables majeurs afin que cet acte médical se pratique dans le respect des principes éthiques.
La rapporteure a expliqué que, pour les incapables majeurs, la ligature des trompes et des canaux déférents ne pouvait intervenir que lorsqu’il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité de les mettre en _uvre. Il importe de recueillir dans la mesure du possible l’avis de l’intéressé(e). La décision est soumise à l’avis d’un comité régional d’experts et après que le président du tribunal de grande instance a contrôlé que les conditions prévues ont été respectées.
M. Philippe Nauche, co-signataire de l’amendement, a souligné que la stérilisation volontaire masculine et féminine répondait à une attente forte des personnes concernées et des médecins pratiquant aujourd’hui sans réel encadrement juridique ces actes. Il faut mettre fin au flou juridique et éthique entourant cette question. S’agissant des incapables majeurs, l’amendement vise à éviter d’éventuelles dérives en la matière. L’avis de la personne concernée doit en effet être prise en compte après que lui a été donnée une information adaptée à son degré de compréhension.
M. Edouard Landrain a observé qu’il fallait être particulièrement vigilant sur ce point ainsi que sur le devoir d’information quant à l’existence du caractère irréversible de l’intervention.
Mme Hélène Mignon a relevé le caractère parfois réversible de l’opération de ligature des trompes dans certains cas.
***
La commission a adopté cet amendement portant article additionnel.
***
La commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.
1 Voir Les IVG en 1998, dans Etudes et résultats, DREES, Ministère de l’emploi et de la solidarité, juin 2000.
2 Voir audition de Mme Ferrand, devant la Délégation aux droits des femmes, co-auteur du rapport de l’INSERM, Contraception et IVG en France.
3 Voir le rapport sur l’IVG en France de M. Israël Nisand, février 1999.
4 Voir la déclaration de Mme Martine Aubry, lors de sa conférence de presse du 14 septembre 2000.
5 Voir audition du professeur Jacques Milliez, chef du service de gynécologie obstétrique de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, par la délégation aux droits des femmes, en date du 17 octobre 2000.
6 Journal officiel des communautés européennes n° L. 113 du 30/04/1992 PP. 5-7.
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