Sujet : Contraception d’urgence
Audition de : Lucien Neuwirth
En qualité de : sénateur, auteur de la loi de 1967 sur la contraception
Par : Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale (France)
Le : 12 septembre 2000
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans le cadre de notre rapport d’activité et à l’occasion de la révision des lois sur l’IVG et la contraception, nous prenons conscience, monsieur le sénateur, qu’il convient de reprendre globalement ce sujet. Nous désirions donc vous entendre afin de faire avec vous le point de trente ans de législation sur la contraception et de savoir ce qu’il vous semblait nécessaire d’adapter aux réalités de notre époque. Nous avons, au cours de débats antérieurs, et notamment au cours du colloque que nous avons organisé fin mai et auquel vous avez assisté, posé le problème de l’accès à la contraception pour les mineures, celui de la publicité en matière de contraception, autant de problèmes que nous souhaiterions aujourd’hui évoquer avec vous. Quelle est votre analyse de la législation après trente ans d’application et quelles modifications vous semblent s’imposer ?
M. Lucien Neuwirth : Madame la Présidente, je vous remercie de votre invitation à venir vous parler d’un sujet qui n’a jamais cessé de m’intéresser.
D’abord, je soulignerai une première évidence : le monde évolue tous les jours ainsi que les comportements, les habitudes et les moeurs et il est clair que nous ne pouvons pas accepter de nous réfugier dans une situation à tout jamais figée.
Mon souci, en ce qui concerne la contraception, est de faire en sorte qu’elle remplisse sa mission et je dois dire que, pendant des années, j’ai dû hurler dans le désert, estimant que l’information n’était pas faite comme elle aurait dû l’être, non seulement pour les filles mais également pour les garçons, à qui il convient de signifier qu’en la matière, ils ont, eux aussi, une part de responsabilité.
A ce propos, un souvenir personnel m’a beaucoup marqué. Il remonte aux années soixante-dix quand Edmond Michelet se trouvait avoir en charge la censure cinématographique. Il m’avait appelé pour connaître mon jugement sur le film Helga, un documentaire fabuleux sur le développement du foetus qui se terminait par une scène d’accouchement que certains jugeaient choquante. Je me suis fait accompagner par des jeunes à la projection de ce film et je dois dire que leurs réactions ont été assez extraordinaires puisque, après avoir assisté à la scène de l’accouchement, qui était assez forte pour un une jeune homme, le premier adolescent que j’ai interrogé m’a dit : " Pour moi, une surprise-partie, cela ne sera plus jamais pareil... ", tandis que le second s’est extasié : " Ah, monsieur, c’est quand même formidable la vie ! ". J’ai alors pris conscience que ce style d’enseignement était au moins aussi nécessaire pour les garçons que pour les filles.
Sur l’information des filles, j’avais d’ailleurs été déjà largement impressionné par une femme remarquable qui avait en charge la protection maternelle et infantile de la région parisienne et qui me faisait visiter un hôtel maternel recueillant les jeunes " filles-mères ". Je demandais à l’une d’elles, qui n’avait guère plus de quatorze ans, si elle ne savait pas qu’elle pouvait tomber enceinte et cette dernière m’avait répondu " Non, parce qu’on m’avait dit que pour avoir un enfant, il fallait coucher avec un homme, et que nous n’avons pas eu de rapport couchés mais debout dans les escaliers de notre HLM ... ". Je suis resté stupéfait !
Cette même personne m’avait déclaré qu’elle était scandalisée par le nombre d’institutrices qui disaient voir arriver en classe des petites filles blêmes au motif qu’elles avaient leurs règles sans même avoir été averties par leur mère que ce phénomène devait survenir. Figurez-vous qu’il y a moins de deux ans j’ai, à mon tour, rencontré une institutrice qui m’a dit la même chose, à savoir qu’une de ses élèves avait été extrêmement traumatisée d’avoir eu ses règles sans savoir ce qui lui arrivait.
J’insiste donc sur cette nécessité d’information, car il me semble qu’il faut sensibiliser tous ceux qui vont être ou sont déjà des parents. C’est facile de dire à une petite fille pubère qu’elle va devenir une femme et pouvoir avoir des bébés : c’est normal la procréation ; il n’y a rien de plus normal et si nous en sommes arrivés là où nous sommes, c’est uniquement parce que l’information a été insuffisamment faite dans ce domaine.
Puisque nous allons parler de contraception d’urgence, je tiens à attirer votre attention sur un autre problème qui me touche beaucoup : si la question des enfants mineurs se pose à certains, cela s’explique en grande partie par une carence de communication au sein des familles. Si tel n’était pas le cas, les petites filles dont nous avons parlé ne se seraient pas trouvées dans la situation qui était la leur, car elles auraient été averties par leur mère qui les aurait mises en garde contre le risque de se trouver enceintes.
Nous avions créé une structure, le Conseil supérieur de l’information sexuelle, qui possédait une caractéristique à laquelle j’avais tenu tout particulièrement : y siégeaient des représentants des corps intermédiaires, c’est-à-dire aussi bien les syndicats ouvriers que les autres syndicats, ainsi que des représentants de toutes les familles et de toutes les religions. J’estimais, en effet, qu’il fallait passer par ces canaux pour faire de l’information en réglant, non pas les récepteurs sur les émetteurs mais bien l’inverse, c’est-à-dire en parlant le même langage que celui pratiqué par chaque catégorie sociale.
La formule a particulièrement bien fonctionné pour le milieu rural : l’association des familles rurales s’est vraiment " mise en quatre " pour faire en sorte que les choses aillent au mieux.
Ensuite, est venue cette longue période où l’on n’a plus fait d’information, avant d’y revenir notamment avec Bernard Kouchner, qui a eu le mérite d’essayer de faire repartir la machine.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Madame Roudy l’y a beaucoup incité...
M. Lucien Neuwirth : C’est vrai !
Mme Yvette Roudy : Cela remonte à 1981, et nous n’avons toujours pas de système permanent d’information, qui soit, en quelque sorte, banalisé, intégré dans notre culture, comme un élément naturel et normal, partout où il y a des jeunes, que ce soit à l’école ou ailleurs. Cela manque. Pendant deux ans, on a répété que l’on allait faire une campagne sur la contraception, sans jamais y parvenir. En réalité, nous nous laissons beaucoup trop freiner par ceux qui y sont opposés. Il faut réussir à banaliser l’information et à l’intégrer dans la norme.
M. Lucien Neuwirth : Pour ce faire, il faut, à mon sens, repartir par les canaux naturels de diffusion que sont les représentants des syndicats, les associations familiales et autres, car il n’y a rien, je le répète, de plus naturel que la procréation.
Je crois qu’il est fondamental de parvenir à cette banalisation de l’information que j’ai souhaitée et qu’on a instaurée dans d’autres domaines, tels que celui de la douleur.
Le grand problème qui se pose, comme l’a souligné fort justement Mme Yvette Roudy, est d’ordre culturel. Il faut réussir à se convaincre que toutes les familles ne sont pas identiques : il y a les familles soudées et les familles monoparentales, au nombre de 1 200 000 rien que pour la France.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Elles ne sont pas pour autant éclatées...
M. Lucien Neuwirth : Non, bien sûr !
J’en arrive aux responsabilités par rapport au sujet qui nous intéresse, car il y a un problème culturel qui tient aux relations avec les parents et à l’autorité parentale sur laquelle on s’est focalisé.
On a prétendu que, dans la loi de 1967, j’avais prévu qu’une autorisation des parents était obligatoire pour que les médecins puissent prescrire des contraceptifs : c’est faux ! Cela ne figure nullement dans la loi mais dans l’article 371-1 du code civil qui dit " L’enfant doit rester sous l’autorité des parents jusqu’à sa majorité ou son émancipation ", et dans l’article 371-2 qui stipule " L’autorité appartient aux père et mère pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont, à son égard, droit et devoir de garde, de surveillance et d’éducation. ".
Ce qui, en revanche, figurait dans la loi c’était la distribution par les centres de planification ou d’éducation familiale de produits et objets contraceptifs aux mineurs : c’est ce que l’on a appelé la " petite loi " de 1974.
Je pense qu’il y a un vrai problème en ce qui concerne la prescription médicale : en effet, les hormones ont des conséquences sur les individus, et beaucoup plus sur les enfants en formation que sur une femme déjà formée. Une prescription médicale me paraît donc nécessaire pour qu’un médecin puisse s’assurer qu’il n’y ait pas de contre-indications à la prescription des contragestifs qui ont la particularité de contenir des hormones : ils empêchent la nidation par des moyens chimiques mais ont, en plus, une action hormonale. Or, de mon point de vue, c’est cette action hormonale qui vient compliquer les choses et il nous faut y être attentifs.
Le Norlévo, mis à part son léger apport d’hormones, n’a pas d’autres effets que ceux du stérilet dont l’usage est tout a fait défini et reconnu par la loi et qui ne suscite aucune polémique. Il empêche la gestation : il s’agit d’un contragestif et de rien de plus, même si, à son propos, on peut parler de contraception d’urgence puisque son action intervient après le rapport, plus exactement après la fécondation de l’ovule, mais avant la nidation, c’est-à-dire avant la formation du foetus.
Je pense que tout cela pourra s’énoncer assez clairement lors du débat au Parlement. Le problème qui perdurera et sur lequel les médias vont braquer leurs projecteurs reste celui de l’autorité parentale.
Faut-il aller jusqu’à envisager une majorité sanitaire à partir de 16 ans ou retenir d’autres formules ? Le débat est très largement ouvert.
Pour l’instant, en ce qui me concerne, je n’ai pas terminé ma réflexion et c’est pourquoi je suis ravi d’être parmi vous aujourd’hui pour entendre vos questions et finir de me convaincre moi-même sur ce problème de la contraception.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : La question qui est posée, monsieur le sénateur, est de savoir si les filles et les garçons ont à demander l’autorisation parentale en ce qui concerne leur sexualité.
Aujourd’hui, une fille - je parle des filles puisque ce sont elles qui portent encore l’essentiel de la responsabilité en matière de contraception et ont à mener à terme une grossesse - peut se procurer des moyens de contraception dans un centre de planification ou d’éducation familiale, sans l’autorisation de ses parents.
En posant le problème de l’autorisation parentale pour la contraception, il convient de se demander si cela correspond à nos pratiques " sociétales " : les filles demandent-elles à leurs parents l’autorisation d’avoir, ou non, une sexualité ? Il me semble qu’en pratique, la réponse est plutôt négative : elles en discutent certainement quand elles le peuvent avec leurs parents, mais nous ne sommes plus à une époque où les filles et les garçons demandent à leurs parents l’autorisation d’avoir une relation sexuelle.
Mme Roselyne Bachelot : Elles ne l’ont jamais demandée.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Effectivement, j’ai le sentiment qu’elles ne l’ont jamais demandée. Est-ce qu’à partir de là on décide que les mineures ont besoin de l’autorisation parentale pour avoir accès à la contraception, ou que, puisqu’elles font un certain nombre d’actes en toute conscience, il faut leur donner les moyens de se prémunir contre un certain nombre de risques, que ce soit en matière de grossesse, de sida ou de MST ?
Mme Danielle Bousquet : Dans votre loi, vous aviez envisagé qu’un centre de planification ou d’éducation familiale puisse délivrer librement une contraception à une mineure sans que soit évoquée nulle part la question de l’autorisation parentale.
En conséquence, je ne comprends pas la démarche qui est aujourd’hui la vôtre et qui vous amène à dire que cette question se trouvera au coeur du problème, en particulier au niveau des médias. En effet, votre loi, qui a maintenant déjà plus de vingt ans, résolvait ce type de problèmes. Puisqu’à l’époque ils n’ont pas posé de difficultés particulières, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas envisager, par analogie, que ce qui a été accepté en 1974, puisse être reconduit sans difficulté aujourd’hui.
M. Lucien Neuwirth : Mes propos précédents allaient un petit peu plus loin puisque je pensais déjà à la distribution du Norlévo et à la contraception d’urgence, mais il est évident que, selon moi, le pire qui puisse arriver à une jeune fille est de débuter dans la vie avec une IVG : il faut tout faire pour éviter cela !
Mme Danielle Bousquet : Mais pourquoi pensez-vous que, maintenant, cette question va poser plus de problèmes qu’en 1974 où l’existence des centres de planification et la possibilité d’y prescrire des contraceptifs n’a provoqué que l’agitation d’un petit nombre de personnes ?
M. Lucien Neuwirth : Toute la confusion vient du problème posé par la possibilité de délivrance de contraceptifs d’urgence par les infirmières scolaires. Pourtant, dans d’autres domaines, cette solution existe déjà : les médecins chefs de service établissent des protocoles, pour permettre, en leur absence, aux infirmières de remplir certains actes qu’elles ne pourraient pas assumer autrement. J’en veux pour exemple le décret qui permet aux infirmières d’intervenir à la place du médecin dans certaines situations spécifiques d’urgence : il est appliqué notamment en établissement hospitalier pour le traitement de la douleur.
Une circulaire du 11 février 1999, prise en application d’un décret du 15 mars 1993, relative aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmière et d’infirmier, précisait ainsi que, face à une situation d’urgence et dans le cadre d’un protocole de soins déterminé par circulaire, les infirmiers étaient habilités à accomplir des actes non autorisés auparavant, pour permettre de soulager les patients souffrant atrocement.
Il est donc possible de prévoir un article additionnel qui préciserait que, face à une situation d’urgence, dans le cadre d’un protocole de soins déterminé par circulaire, les infirmières scolaires sont habilitées à délivrer des moyens contraceptifs.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je tiens à dire que les six mois de mise en circulation du Norlévo montrent que tous, aussi bien les parents, les infirmiers, les responsables de l’Education nationale ainsi que les jeunes, ont fait preuve d’une très grande responsabilité.
Mme Roselyne Bachelot : Pour que les choses soient bien claires dans le débat, je m’empresse de dire que je suis naturellement, depuis fort longtemps, une militante de la suppression totale de l’autorisation parentale, tant en ce qui concerne la contraception que l’avortement.
Pour autant, M. Lucien Neuwirth vient de soulever un vrai problème concernant le code civil. Je crois qu’il faut le prendre avec beaucoup de sérieux sur le plan juridique pour ne pas risquer, ensuite, de voir le texte annulé lors d’un quelconque recours. Il faut donc bien voir que dans notre code civil la responsabilité sanitaire et morale d’un mineur incombe à ses parents et donc parvenir à étudier la question de manière très complète.
M. Lucien Neuwirth vient d’évoquer la possibilité d’une éventuelle responsabilité sanitaire à seize ans. Cela me paraît contestable sur le plan éthique ; ensuite, selon moi, la suppression de l’autorisation parentale devrait valoir aussi bien à quinze ans qu’à quatorze ans. C’est une question de dignité, de liberté de son corps.
M. Lucien Neuwirth : Egalement de maturité !
Mme Roselyne Bachelot : Une telle mesure ne fera que reculer les difficultés !
Certains se sont battus en faveur d’une piste très intéressante, mais qui demanderait une réflexion plus approfondie, en proposant une sorte de statut de la prémajorité. On pourrait imaginer un texte ample qui définirait des droits et éviterait la rupture brutale qui existe maintenant entre dix-sept ans et onze mois où l’on a aucun droit et dix-huit ans et un jour on les a brutalement tous. Cela étant, une telle réflexion allongerait beaucoup nos travaux et présenterait peut-être l’inconvénient de retarder les solutions sous prétexte de mieux faire : à force de vouloir faire mieux, on finit souvent par ne rien faire. Je me demande donc si la bonne piste ne serait pas de considérer que ces dispositions du code civil contreviennent à celles de la Convention des droits de l’enfant qui définit des droits de liberté et d’identité.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans la législation actuelle, outre cet article du code civil qui est fondamental, nous avons toute une série de textes qui, d’ores et déjà, accordent aux mineurs certaines libertés dont la jouissance de leur corps à partir de quinze ans. Je vous rappelle, en effet, qu’à partir de cet âge, il n’y a plus de poursuites pour détournement de mineur. La loi reconnaît également déjà aux mineurs une certaine vie sexuelle, ainsi que le droit d’être entendu par le juge dès l’âge de treize ans.
Mme Roselyne Bachelot : Je pose le problème sur un plan technique et juridique de façon à éviter de nous trouver face à un recours s’appuyant sur le fameux article 371 du code civil. Il faut essayer de contourner l’obstacle.
Mme Yvette Roudy : Il y a la loi, les textes, mais il y a la vie ! Si la discussion qui nous réunit aujourd’hui a lieu, c’est parce que le problème des grossesses précoces nous a explosé au visage et qu’il a conduit, dans un certain désordre et une certaine improvisation, le législateur à intervenir.
Je souhaiterais donc partir des faits en rappelant que force est de constater que, dans notre société, c’est de plus en plus jeunes que les jeunes filles ont des enfants.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : L’âge moyen du premier rapport sexuel n’a pas bougé : il reste à dix-sept ans.
Mme Yvette Roudy : Les rapports de l’ONU rapportent que, globalement, les maternités sont de plus en plus précoces et c’est pourquoi il est demandé de faire davantage d’information à l’école et dans les lieux fréquentés par les jeunes.
L’idée selon laquelle les enfants doivent naturellement se tourner vers leurs parents est tout à fait sympathique, mais on s’est aperçu qu’en pratique elle ne fonctionne pas toujours, et c’est un euphémisme, puisqu’il y a même des cas où les enfants ne se tournent surtout pas vers leurs parents.
Par conséquent, lorsqu’un adolescent se trouve dans une situation où il a besoin de parler, envie de communiquer, il faut qu’il y ait des lieux et des personnes qu’il connaisse, qu’il puisse identifier, dont il puisse s’assurer de la discrétion et en qui il puisse avoir confiance, ce qui n’existe pas encore chez nous. Si l’on parle tant des infirmières c’est que, par la force des choses, elles sont dans de nombreux cas amenées à jouer ce rôle. Maintenant, sont-elles prêtes, formées et sommes-nous en droit d’attendre cela d’elles ? Je l’ignore.
Je crois que, dans nos propositions, nous devrons penser à ces lieux, à ces personnes vers qui l’adolescent, garçon ou fille, doit pouvoir aller s’informer et poser des questions. Il s’agit d’information sexuelle générale, actuellement dispensée par des personnes qui ne sont pas forcément préparées, parce qu’elle n’a pas encore été vraiment prise au sérieux dans notre pays.
Il faudrait maintenant se saisir du problème à " bras-le-corps ", si j’ose dire, et voir avec les personnes qui ont réfléchi à la question, quelle est la structure à prévoir pour le résoudre.
La médecine, la science ont prévu des moyens : il faudra demander aux juristes d’adapter les textes mais encore faut-il pour cela que nous sachions ce que nous voulons, nous, obtenir. Il s’agit, avant tout, d’une question de volonté politique.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je suis tout à fait d’accord avec votre proposition sur la création de lieux d’information permanents et identifiables pour les jeunes. On en a d’ailleurs bien vu la nécessité en tirant le bilan de la campagne nationale d’information sur la contraception qui a été conduite durant l’hiver 2000.
Cela étant, je voudrais revenir sur l’intervention de Mme Roselyne Bachelot car, concernant l’arrêt du Conseil d’Etat portant sur le Norlévo, les attendus font simplement état de la distribution par l’infirmière. Donc, l’aspect de la question que vous avez soulevé se trouve résolu.
Mme Roselyne Bachelot : Mais, comme c’était un acte administratif, l’affaire n’a été traduite que devant le Conseil d’Etat et non pas devant le Conseil constitutionnel.
Mme Nicole Catala : On ne peut pas imaginer de supprimer les dispositions précitées du code civil. Cela reviendrait à déresponsabiliser les parents, dont on sait que dans certaines familles ils sont déjà défaillants. Quand on a abaissé la majorité à dix-huit ans, certains parents ont dit à leurs enfants de prendre la porte et de se débrouiller : cela a été fréquent.
M. Lucien Neuwirth : Il y a un autre problème qui commence à m’angoisser : depuis un certain temps, on me demande de faire des conférences sur la Résistance -que je connais bien puisque j’y suis entré à l’âge de seize ans- devant des élèves qui préparent en fin d’année des dissertations sur le sujet. Or, je suis frappé par la boulimie des questions qui me sont posées : j’ai le sentiment que, sur ce sujet comme sur d’autres, la communication passe de moins en moins entre parents et enfants. Elle commence à se rétablir entre grands-parents et petits-enfants mais, entre parents et enfants, le silence est terrible. Je suis frappé de constater qu’il n’y a plus entre parents et enfants la communication qui existait auparavant.
Il nous faut donc peut-être nous saisir du problème pour proposer aux enfants des lieux où ils pourraient parler et être écoutés. L’écoute est absolument nécessaire, d’où l’engouement pour l’Internet où l’on peut échanger et communiquer. Il y a un important besoin de communication qui n’est pas satisfait.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Monsieur le sénateur, dans la loi de 1967, la publicité sur la contraception est interdite. Que pensez-vous, avec le recul, de cette disposition ?
M. Lucien Neuwirth : On peut procéder à un nettoyage et à un élagage de la législation, dans la mesure où des renseignements, aujourd’hui donnés par téléphone, voire par Internet, pourraient, si on tombait sur un magistrat sourcilleux, donner lieu à poursuites. Ce qui est uniquement mis en cause par l’article 5 de la loi, c’est la publicité commerciale concernant les contraceptifs en dehors des revues médicales.
Mme Roselyne Bachelot : De toute façon, cela renvoie à un autre problème, à savoir que la législation de la sécurité sociale interdit de faire de la publicité pour des produits remboursés, puisqu’on n ’a pas le droit d’inciter à des dépenses remboursées par la sécurité sociale. En conséquence, pour tout ce qui touche aux contraceptifs remboursés, nous nous heurterons à des mesures qui ne sont pas d’ordre sanitaire, mais économique.
Mme Danielle Bousquet : Tous les contraceptifs ne sont pas remboursés.
Mme Roselyne Bachelot : Ceux qui sont au tableau relèvent d’une autre législation qui leur interdit de bénéficier de publicité puisqu’on n’a pas le droit de se les procurer sans ordonnance. La publicité ne peut donc s’exercer qu’en direction du corps médical.
Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Un certain nombre de contraceptifs sortent désormais sans contre-indication. Ce phénomène, que nous connaissons avec le Norlévo, nous risquons de le retrouver dans les années qui viennent avec des pilules contraceptives à prise régulière : ce sont des pilules qui, au vu de l’application de la directive européenne, pourront ne pas être obligatoirement prescrites par un médecin, mais également ne pas être remboursées par la sécurité sociale.
M. Lucien Neuwirth : J’estime qu’il faut prendre le problème de la contraception avec un certain calme, qu’il ne faut pas se crisper, mais l’étudier avec bon sens et sérieux et je suis convaincu que nous allons trouver la solution.
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