Marc Le Pape et Claudine Vidal (chercheurs au CNRS) refusent de publier un article sur le rapport de la mission d’information parlementaire française dans le Rapport 1999 de l’Observatoire permanent de la coopération française (un observatoire qui ferait bien de changer de nom) sous prétexte que le rapport comporterait aussi le texte de FX Verschaves, Président de Survie, dont ils réprouvent soudainement les méthodes, après avoir collaboré de longues années avec lui. Polémiques à rebondissement.
Episode 1 "Où Marc Le Pape semble se satisfaire du dit rapport"
" Ce rapport est très critique. Toutefois il ne transforme pas ses critiques en démarche de dénonciation comme le font depuis 1994 nombres de publications concernant la politique conduite par la France au Rwanda. (...) La mission parlementaire a adopté une démarche qui se fixe comme objectif d’éviter toute logique dénonciatrice, non sans mettre en cause " le silence de l’exécutif, qui s’explique largement par les traditions de discrétion, sinon de secret, cultivées par notre diplomatie et notre défense. (...) Il a pu sembler, beaucoup l’ont dit, qu’ils (les auditionnés) avaient été ménagés par les parlementaires lors de leurs auditions, que les questions manquaient d’agressivité et de pertinence. Ce type de critique traduit le jugement sceptique dominant dont la mission était l’objet. (...) Tous les responsables auditionnés n ’approuvent pas aujourd’hui la ligne d’action suivie entre 1990 et 1994 (s’engager fortement pour éviter le pire). Le Général Quesnot affirme que dés février 1993, il avait douté de la volonté du Front Patriotique rwandais d’arriver à un accord de partage du pouvoir avec les forces en place à Kigali ; il avait le sentiment que le FPR cherchait la victoire militaire. (...) Paul Dijoud également, ancien directeur des affaires africaines et malgaches, reconnaît rétrospectivement qu’en effet le FPR " n’a jamais poursuivi d’autre objectif que la victoire totale " (...) Cela revient à dire que les choix faits entre 1990 et 1993 n’étaient pas vraiment clairvoyants, car ils supposaient une volonté de coopération entre protagonistes rwandais alors que celle-ci était tout à fait improbable, en tous cas du côté du FPR et des extrémistes influents dans les cercles du pouvoir. " [Le Rwanda au Parlement. Une enquête sur la tragédie rwandaise Marc La Pape, Esprit n°252, mai 1999 (p.81-92) ]
[Commentaire : Le Pape donne donc un bon point à la mission d’information qui évite de tomber dans la simplicité dénonciatrice adoptée, d’après lui, par de nombreuses publications, journalistes... Comme quoi, on n’attendait pas la même chose de ce rapport.
Le rapport de la Mission insiste sur les erreurs d’appréciation de la France au Rwanda. Le Pape estime lui que la France a surtout mal apprécié la volonté de coopération du FPR. C’est semble-t-il sa seule erreur. Même si le FPR était là pour gagner la guerre, nous ne pensons pas que l’armée rwandaise épaulée par l’armée française était là pour la perdre. Réduire l’erreur d’appréciation à ce seul point, c’est nier l’engagement total de la France auprès d’un régime sanglant et reconnu comme tel. Il suffit en fait de relever deux points du rapport de la Mission, deux points seulement pour réduire à néant toute cette langue de bois "experte". Le premier est la reconnaissance par nos parlementaires du fait que le génocide a été organisé par le GIR, gouvernement intérimaire rwandais. Le second est qu’ils reconnaissent également la visite officielle à Paris le 27 avril 1994 du ministre des affaires étrangères de ce gouvernement, confirmant qu’il y a eu reconnaissance officielle du GIR. Jean-Bosco Barayagwiza le chef de la CDR, le parti hutu ouvertement génocidaire de l’akazu Habyarimana, accompagnait le ministre des affaires étrangères. Cette délégation a été reçue à l’Élysée par la cellule africaine, et, à Matignon, par Édouard Balladur et Alain Juppé. Cette rencontre du 27 avril avec ces personnages n’est pas qu’une faute politique. C’est, au minimum, la preuve que l’Élysée n’a pas voulu arrêter le génocide. Pendant ces trois mois qu’a duré le génocide, les tueurs avaient donc l’appui des dirigeants français. Liaison-Rwanda].
" Où Le Pape et Vidal passent à l’offensive et critiquent Survie "
" Il est évident que les deux textes seront différents, voire contradictoires, mais ce n’est pas ce qui nous gêne. Ce qui nous gêne, ce dont nous ne voulons pas, c’est que les deux textes passeront pour une entreprise complémentaire. " [Lettre de C. Vidal à Emile le Bris président de Observatoire Permanent de la Coopération Française, 19 mai 1999]
" Les très contestables méthodes de Billets d’Afrique :(...) Procéder à une attaque personnelle avant de passer au jugement politique. Ne pas se demander si tel procédé d’attaque est indélicat, excessif, voire surréaliste, le procédé est bon du moment qu’il discrédite la personne visée. Exemple : Disqualifié Paul Quiles avant d’évaluer le rapport. Privilégier une version conspiratoire et souterraine de l’histoire. La technique consiste à dénoncer l’existence de complots, de faits secrets, de liaisons clandestines, d’agents et de bureaucratie cachée qui domineraient les institutions publiques, grâce à la complicité d’acteurs officiels. (...) Insinuer que ce qui est dit est l’aveu involontaire de l’inavouable. Principe : reconnaître que le rapport livre des informations véridiques au public mais aussitôt affirmer qu’elles ne sont pas complètes, comme si les rapporteurs avaient établi des faits qu’ils ne pouvaient dévoiler, et donc inavouables. (...) Se poser en accusateur public (...) Dans l’éditorial, le rédacteur prend une posture de procureur. Il s’agit de faire accepter un système d’accusation et ses conclusions : la France a agi de façon criminelle au Rwanda. Il en appelle au tribunal de l’Histoire. (...) " [Les très contestables méthodes de Billets d’Afrique (critique du N°66bis) M. L Pape et C. Vidal, mai 1999]
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