M. Dobbelaere renvoie à une interview parue dans le Standaard des 1 er et 2 juin 1996 à la suite d’une conférence donnée à l’université de Liège, interview dans laquelle il a notamment exprimé le voeu qu’à l’instar des autorités anglaises, les autorités belges installent un centre d’information et de documentation qui fournirait de manière neutre des informations sur les minorités religieuses aux personnes qui seraient intéressées.
L’orateur ne croit pas qu’il existe une définition univoque de la notion de " secte ".
La définition donnée par Le Robert (" Groupement d’individus qui partagent une conviction philosophique ou religieuse qui est soumis à l’autorité d’une personne ou d’une hiérarchie ") pourrait en effet s’appliquer, en premier lieu, à l’église catholique.
Traditionnellement, les sectes ont été définies en Europe (du moins, en sociologie) comme étant des mouvements schismatiques, c’est-à-dire des mouvements qui ont rompu avec la ligne chrétienne.
Les dix caractéristiques d’une " secte dangereuse ", énumérées dans le Commission d’enquête parlementaire française (Les sectes en France, éditions Patrick Banon, Paris 1996, p. 25), paraissent également insuffisantes à l’orateur.
Certaines de ces caractéristiques pourraient en effet également s’appliquer à d’autres groupements et institutions :
3) le caractère exorbitant des exigences financières (certains instituts de formation) ;
4) la rupture induite avec l’environnement d’origine (monastères) ;
5) le discours plus ou moins antisocial (les chrétiens pour le socialisme) ;
6) l’importance des démêlés judiciaires (entreprises, partis politiques, l’Eglise) ;
7) l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels (de nombreuses entreprises) ;
8) les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics (la franc-maçonnerie, l’Opus Dei).
Le témoin souligne que le fait qu’il ait réalisé des études, en tant que scientifique, sur la Soka Gakkai, les Témoins de Jéhovah, les adeptes de Moon et l’Eglise catholique ne signifie nullement qu’il soit membre (d’un) de ces mouvements.
Il met également en garde contre toute généralisation par trop hâtive de la presse, tendant à mettre toutes les sectes dans le même panier, et contre le lobby très actif des groupements antisectes (principalement étrangers), qui ne se basent que sur des enquêtes effectuées auprès d’anciens membres et auprès de parents malheureux.
Leurs thèses reposent très souvent sur un sondage tronqué et sur une construction sociale. Il est frappant de constater que d’anciens membres, qui n’ont jamais été en contact avec des mouvements antisectes, parlent simplement d’une erreur de leur part. Or, dès qu’ils travaillent avec un groupement anti-sectes, ils en reprennent - ainsi que des enquêtes le montrent - toute la philosophie et commencent à parler de lavage de cerveau, de manipulations, etc.
L’intervenant estime que les véritables problèmes en matière de sectes sont les suivants :
1. l’application par tous les mouvements religieux de toutes les lois du pays, y compris sur le plan de la sécurité sociale de leur personnel ;
2. la nécessité de doter tous les mouvements religieux enregistrés d’un statut uniforme ;
3. l’interdiction de recruter activement des personnes qui n’ont pas atteint l’âge de la majorité léga-le sans toutefois porter atteinte au droit des parents de choisir la religion de leurs enfants.
M. Dobbelaere estime par ailleurs que, lors du recrutement, la secte doit se présenter immédiatement en tant que telle, comme le font les Témoins de Jéhovah et les mormons.
L’intervenant considère également comme essentiel le droit pour les adeptes de prendre contact avec les membres de leur famille et leurs amis. Ce droit devrait également être accordé aux membres de certains ordres monastiques.
Il importe également que l’adepte qui quitte la secte puisse recevoir tous les dossiers qui le concernent, afin d’éviter que l’on utilise ultérieurement ceux-ci contre lui.
L’intervenant ne trouve pas anormal que celui qui adhère à un groupe en adopte la culture (cf. l’appartenance à un parti politique). Il estime que les nouveaux mouvements religieux ou sectaires (par exemple, Soka Gakkai) peuvent créer des associations culturelles ou des instituts d’information ou de formation et, par exemple, organiser des concerts, à condition qu’ils respectent la loi belge (y compris la législation fiscale).
M. Dobbelaere estime, lui aussi, que la loi belge doit également s’appliquer sans restriction en matière répressive.
Les cours que certains groupes religieux font payer à ceux qui les suivent sont effectivement très onéreux (200 000 à 700 000 francs). L’intervenant estime que si ces cours peuvent être suivis par étapes et que l’on peut cesser de les suivre après chaque partie, cela ne pose cependant pas de problème. La renonciation par les enfants à leurs droits successoraux constitue également un problème. Il estime qu’il convient de résoudre ces deux problèmes en promulguant une législation spécifique. Il propose de créer parallèlement au centre d’information et de documentation précité, qui est habilité à demander les informations nécessaires et à informer l’opinion publique au sujet de pratiques illicites, une commission d’agrément comparable à la Charity Commission anglaise.
Celle-ci mène une enquête et peut rejeter une éventuelle demande d’agrément. Cela s’est déjà produit. Le nouveau mouvement religieux peut s’adresser au tribunal afin d’essayer d’obtenir ce statut. Dans le système juridique anglais, on détermine alors, au terme d’un débat contradictoire et d’une expertise contradictoire, s’il s’agit ou non d’un mouvement religieux. De cette manière, on peut éviter qu’une personne déclare, à un moment donné, qu’elle représente une religion. On peut rétorquer à cette personne que ce n’est pas le cas, qu’elle ne peut porter ce titre et qu’elle est même susceptible de sanctions parce qu’elle ne dispose pas d’un agrément légal.
Un tel agrément ne doit évidemment pas impliquer en Belgique que les nouveaux mouvements religieux percevraient, à l’instar des cultes reconnus, une aide financière de l’Etat.
Le témoin n’a pas étudié le circuit financier du mouvement Moon. Il n’a pas non plus été autorisé à examiner les finances de l’église catholique ou la situation des prêtres quittant l’église. Il est exact que certains mouvements religieux tentent de se légitimer de manières diverses. Sur une base purement scientifique, L’Eglise de Scientologie peut être considérée comme une religion. S’il était toutefois établi que ce groupe possède les caractéristiques requises sur le plan théologique, mais qu’il ne les développe pas en réalité, son caractère religieux pourrait être mis en question.
Cela pourrait être une des missions du centre d’information et de documentation qui devrait être créé par les pouvoirs publics, et qui, comme en Angleterre, relèverait du ministère de l’Intérieur.
M. Dobbelaere pense à cet égard à un institut pluridisciplinaire au sein duquel aussi bien des sociologues, des psychologues que des juristes exerceraient des fonctions de conseillers.
Un institut de ce type permettrait également de coordonner les enquêtes dans le pays et à l’étranger en vue de fournir des informations correctes au sujet des mouvements religieux.
L’intervenant renvoie à cet égard à ses publications relatives à la Soka Gakkai en Angleterre (" A time to chant ", Oxford University Press, en collaboration avec Brian Wilson) et aux bouddhistes Nichiren Shôshû en Grande-Bretagne.
Dans cette dernière étude, l’auteur insiste fortement sur le fait que de nombreuses personnes adhèrent à un mouvement religieux pour des raisons sociales et non pour des raisons d’ordre religieux (ils veulent résoudre les problèmes actuels auxquels ils sont confrontés). L’auteur présume que cette démarche s’explique par le fait que les églises et institutions existantes n’apportent pas de réponse à ces problèmes.
M. Dobbelaere se félicite que, contrairement à la commission d’enquête parlementaire française, les travaux de cette commission soient publics et que la commission publie la liste des témoins qu’elle entend.
Trois mouvements religieux ont refusé, pour des motifs divers, de participer à une étude dirigée par l’auteur. Il s’agit de La Famille, l’église des Mormons (uniquement l’église centrale de Salt Lake City, l’église belge était pour sa part disposée à collaborer) et le groupement qui a été créé par M. Armstrong à Los Angeles.
Il est exact que la Soka Gakkai comprend égale-ment un mouvement politique qui a fondé un nouveau parti au Japon en s’alliant avec un parti socialiste. En Europe également, il y a des liens entre les églises et les partis. Il s’agit d’un mouvement laïque qui s’insère dans le cadre d’une école bouddhiste que Nichiren a fondée.
L’intervenant ne sait pas si ce mouvement sera condamné ou non (pour fraude fiscale) par la justice japonaise.
Si, dans de nombreux cas, le VVPG (Vereniging ter Verdediging van Persoon en Gezin), effectue du bon travail, elle se base toutefois trop souvent sur des informations émanant de personnes qui ont quitté le mouvement religieux ou sur des plaintes de membres des familles d’adeptes.
En Angleterre, les parents et les établissements scolaires font appel à " Inform " pour fournir aux jeunes des informations objectives sous la forme de conférences dans les écoles. L’auteur estime que cet-te formule garantit davantage le caractère objectif de l’information.
Enfin, M. Dobbelaere répète que si une religion reconnue commet une infraction de nature juridique ou autre, le label de " religion " doit lui être retiré.
Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be
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