M. Berliner a fondé en 1992 l’Association des victimes des pratiques illégales de la médecine à la suite du décès de la petite Anaëlle B., le 8 octobre 1991. Celle-ci avait été soignée dans des conditions dramatiques par des guérisseurs anthroposophes, dont un médecin généraliste homéopathe aujourd’hui rayé de l’Ordre des médecins.
Le but de cette association était de venir en aide aux victimes de telles pratiques et de récolter un maximum de témoignages afin d’en informer la population. C’est à travers les témoignages recueillis que le docteur Berliner a abordé le phénomène des sectes dans la mesure où il s’est avéré que nombre de cas étaient en fait directement liés à des activités sectaires.
Le témoin constate qu’il semble y avoir une certaine tolérance, tant au niveau de la justice que du public, vis-à-vis de ce genre de pratiques. Les seuls cas où il a réellement pu venir en aide aux victimes sont ceux où un médecin était impliqué, car l’Ordre des médecins pouvait alors intervenir.
Selon le témoin, il est urgent de créer un centre officiel pluridisciplinaire, regroupant l’ensemble des personnes désireuses de s’attaquer à ce problème avec efficacité et cohérence. Toutefois, le gouvernement a refusé de libérer les crédits nécessaires à cet effet.
Au terme de plusieurs années d’activité, M. Berliner constate que les sectes touchent toutes les couches sociologiques et s’articulent autour de médecines non conventionnelles.
Selon lui, les médecines douces sont dangereuses parce qu’elles empêchent de poser le diagnostic correct et orientent les malades vers des techniques d’examen qui n’ont jamais fourni la preuve scientifi-que de leur efficacité, comme, par exemple, l’iridologie, la prise du pouls ou la cristallisation sensible pour déterminer si une personne se trouve dans un état précancéreux. Ces médecines parallèles déconseillent les traitements classiques comme les radiothérapies, les chimiothérapies, les vaccins et les antibiotiques. Il est même souvent demandé aux malades d’interrompre des traitements confirmés et efficaces pour leur substituer des pratiques médicales alternatives dont l’efficacité n’est pas reconnue. Il leur est parfois aussi imposé des régimes drastiques et carencés.
Les médecines douces rencontrées dans les sectes sont notamment l’homéopathie, la médecine chinoise (acupuncture), la médecine ayurvédique, l’arômathérapie, les élixirs floraux de Bach et le régime macrobiotique Zen. Il est également recouru à la prière.
La majorité de ces pratiques sectaires reposent sur une vision pessimiste des choses, où le monde exté-rieur est diabolisé.
Sur le plan médical, M. Berliner souligne également le danger des manipulations mentales. Em-pruntant leurs techniques à des psychothérapies récentes généralement venues des Etats-Unis comme l’analyse transactionnelle, la bioénergie, la PNL et autres hypnoses, les sectes visent à développer un état de dépendance chez des êtres généralement fragilisés. En soi, ces techniques sont scientifiquement valables mais elles sont ici détournées de leur finalité thérapeutique originelle à des fins perverses.
Il y a également les accidents dépressifs rencontrés chez certains membres de sectes au moment où ils prennent conscience qu’ils ont été dupés et qu’ils vont devoir reprendre contact avec le monde extérieur, chose extrêmement difficile, comparable à ce que ressentent les toxicomanes qui doivent arrêter d’absorber une drogue. Ce sont des moments critiques qui peuvent être à l’origine de dépressions sévères, de bouffées délirantes, voire de suicides.
Le témoin cite plusieurs exemples de pratiques médicales inacceptables :
1) la théorie de Hamer affirme que tous les cancers sont provoqués par des conflits psychologiques et qu’il ne sert donc à rien de les traiter par chimiothérapie, radiothérapie ou ablation. En Belgique, cette théorie a été appliquée par le docteur Coste, aujourd’hui radiée de l’Ordre des médecins ;
2) les vocations guérisseuses par la prière et l’imposition des mains (cf. la secte antoiniste, le père Tardif dans le cadre du renouveau charismatique et le père Samuel à Gosselies) ;
3) le système des chakras développé par l’IEREHU (Energie humaine et universelle) de Luong Minh Dang ;
4) Sûkyô Mahikari qui critique sans nuance la médecine traditionnelle et prône une médecine faite essentiellement d’imposition des mains, de " passes " permettant à chacun de devenir guérisseur ;
5) Ecoovie : les adeptes vivaient dans des tipis, sans aucune hygiène et étaient soumis à des régimes sévèrement carencés ; ils devaient fournir des efforts physiques intenses et avaient trop peu de sommeil ; il n’était jamais fait appel à un médecin ;
6) la secte Horus en France : un enfant a développé le tétanos alors que son carnet médical mentionnait faussement qu’il avait été vacciné ;
7) Yvonne Trubert, qui dirige la secte IVI (Invitation à la vie intense), prétend guérir les maladies les plus graves en ayant uniquement recours à des théories énergétiques, à la spiritualité hindoue et aux médecines douces : pour IVI, il n’y a pas de maladie inguérissable. Il s’agit de rétablir l’harmonisation entre le corps physique, le corps énergétique et le corps astral en ouvrant le chakra bloqué par la maladie, permettant ainsi de faire circuler l’énergie et d’obtenir toutes les guérisons. Georgina Dufoix, ancien ministre français de la Santé, a marqué de l’intérêt pour cette secte.
Les gourous sont souvent des figures charismatiques. Ils détruisent les familles, entraînant une grande misère affective, mais également financière.
M. Berliner formule ensuite plusieurs suggestions :
8) la création d’un numéro d’appel gratuit ;
9) la création d’un centre de documentation sur les sectes, qui serait l’équivalent de l’ADFI (Association de défense des familles et de l’individu) à Paris : un centre comprenant un service d’accueil pour les victimes, des consultations spécialisées, une bibliothèque, regroupant notamment l’ensemble des archi-ves et dans lequel travailleraient en étroite collaboration des médecins, des psychologues, des sociologues, des juristes et tous ceux qui peuvent être d’une quelconque assistance envers les personnes touchées par les sectes ;
10) favoriser la collaboration européenne, voire mondiale car les sectes changent très facilement de nom et d’adresse ;
11) organiser des conférences de sensibilisation dans les classes terminales des écoles secondaires, en présence de témoins ;
12) inclure une large formation sur les médecines parallèles et le phénomène sectaire dans les études de médecine et les études paramédicales ;
13) créer une association de médecins s’occupant du problème des sectes sous l’angle médical ; - créer un fichier reprenant les thérapies alternatives connues, accompagné d’une solide étude cri-tique, procédé déjà utilisé avec succès par des cancérologues suisses ;
14) mettre fin aux activités des écoles de naturopathie où sont enseignées des médecines parallèles. Les personnes qui sortent de ces écoles ne peuvent pas pratiquer la médecine. Dans les faits, elles sont toutefois tolérées. Ces institutions fabriquent en fait de futurs gourous.
Le témoin souligne également le rôle parfois dangereux joué par les médias.
De nombreuses revues telles que " Médecine nouvelle ", " Médecine douce ", " Le lien ", " La vie naturelle " ou encore " Equilibre ", qui traitent exclusivement des médecines parallèles sans aucun esprit critique, sont largement diffusées et sont disponibles dans les salles d’attente de nombreux médecins.
Le magazine des arts et du divertissement (" MAD "), supplément du Soir, contient des annonces de conférences " new age ", qui sont en fait des pièges utilisés par les sectes pour recruter des adhérents.
Sans vouloir minimiser le rôle positif que peuvent jouer les médias en dénonçant les agissements de certaines sectes, le témoin déplore que des journalistes publient parfois des articles élogieux concernant certaines pratiques (cf. par exemple, le cocon holophonique utilisé par un médecin de Rixensart), sans s’être préalablement suffisamment informés du danger de ces pratiques.
Enfin, le témoin regrette que certaines associations de consommateurs, notamment Test-Achats, vantent le recours aux médecines parallèles sans aucune argumentation scientifique. Selon lui, ces médecines ne font pas l’objet d’une réglementation suffisante.
En réponse à la question de savoir comment faire pour concilier un juste souci de combattre le charlatanisme, d’une part, et le respect de la liberté individuelle du choix de la thérapeutique à suivre, d’autre part, M. Berliner estime qu’il faudrait au moins faire en sorte que les médecines alternatives soient exclusivement pratiquées par des médecins, qui, de par leur formation scientifique, sont mieux protégés contre certains excès. De plus, tout comportement anormal d’un médecin peut être sanctionné par le Conseil de l’Ordre.
Le témoin constate que les groupements sectaires utilisent essentiellement certaines médecines parallèles dans un but de manipulation, d’une part, et d’enrichissement, d’autre part. A cet égard, la législation actuelle est insuffisante.
Au sein du Conseil de l’Ordre, les médecins ont l’obligation de dénoncer les mauvais traitements dus à certaines pratiques médicales inconsidérées. La procédure est toutefois beaucoup trop lente. Un système permettant une intervention urgente devrait être instauré afin d’éviter des conséquences dramatiques (pouvant entraîner la mort du patient) dans le cas de maladies dont le traitement ne peut souffrir aucun retard.
M. Berliner estime qu’il faudrait encore sensibiliser davantage les conseils de l’Ordre même si, suite à son action, on constate déjà une plus grande fermeté vis-à-vis de ce genre d’excès. Le Conseil de l’Ordre des médecins de la province de Luxembourg demeure à cet égard plus laxiste, ce qui pourrait expliquer pourquoi beaucoup de sectes viennent s’installer dans cette province.
Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be
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