Sujet : DPS
Audition de : Philippe Massoni
En qualité de : préfet de police de Paris
Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)
Le : 10 février 1999
Présidence de M. Michel SUCHOD, Vice-Président
M. Philippe Massoni est introduit.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Philippe Massoni prête serment.
M. Philippe MASSONI : Je voudrais d’abord fixer à grands traits les missions et le cadre de l’action de la préfecture de police et de ses directions avant d’entrer dans le détail des agissements du DPS.
La préfecture de police assume, entre autres missions, la charge du maintien de l’ordre public dans la capitale. Dans ce domaine, elle conjugue le respect des intérêts de chacun avec la défense des libertés de tous. Il lui faut, en effet, à la fois garantir le droit de manifester, assurer la sécurité des participants et des riverains et faire en sorte d’apporter le moins d’entraves possible à la vie quotidienne des Parisiens.
C’est une mission de maintien de l’ordre qui est assurée, sous l’autorité du préfet de police, par la direction de la sécurité publique, par la direction régionale des renseignements généraux et, le cas échéant, par la direction de la police judiciaire si des infractions sont susceptibles d’être commises.
Toute manifestation de voie publique doit faire l’objet d’une déclaration préalable obligatoire : il s’agit de l’application stricte de l’article 2 du décret-loi du 23 octobre 1935, qui prévoit que cette déclaration doit être faite quinze jours au maximum et trois jours au minimum avant la manifestation prévue.
C’est la direction de la sécurité publique qui est chargée de recevoir les organisateurs mais j’aurai l’occasion d’y revenir tout à l’heure. C’est elle également qui soumet au préfet de police, puis met en oeuvre, toutes les dispositions nécessaires pour garantir le bon déroulement de ces démonstrations.
La direction des renseignements généraux de la préfecture de police, direction départementale et régionale de la direction centrale des renseignements généraux, est pour sa part chargée d’effectuer un travail de prévision avant chaque manifestation. Elle s’efforce de déterminer quel sera l’état d’esprit des manifestants, leur nombre et les risques d’incidents éventuels. Elle est également chargée de répondre en temps réel de son déroulement, de le décrire et d’en faire, le plus rapidement possible, une analyse. Elle a également pour mission d’assurer une vigilance constante à l’égard de certaines idéologies véhiculées par des groupes et des mouvements extrémistes.
C’est donc au titre de ces deux missions - maintien de l’ordre d’une part, surveillance des milieux extrémistes d’autre part - que la préfecture de police a été amenée à collecter un certain nombre d’informations sur le DPS, groupement de fait qui, au sein du Front National, assurait, jusqu’à la crise de ce dernier à la fin de l’année 1998, la sécurité de l’ensemble des actions publiques du Front National.
Le maintien de l’ordre, à l’occasion des manifestations du Front National à Paris, est donc le premier des points que je vais exposer. Il faut, à cet égard, rappeler les actions publiques du Front National avant d’évoquer les constatations qui ont pu être faites par la police de Paris sur l’action du DPS en ces occasions.
Ces actions publiques, qui sont ou qui étaient organisées dans la capitale par le Front National - l’appellation devient aujourd’hui complexe puisqu’une partie du mouvement se dit historique par opposition à celle qui est placée sous l’autorité de M. Bruno Mégret, mais je conserverai néanmoins ce vocable général - se déclinent en trois catégories : manifestations de voie publique, rassemblements festifs, meetings et congrès.
En ce qui concerne les manifestations de voie publique du Front National à Paris, on peut dire qu’elles sont peu nombreuses - une ou deux par an - dont la traditionnelle manifestation du 1er mai. Si l’on prend en compte les manifestations importantes, celles qui pourraient rassembler plus de mille participants et qui auraient pu être organisées par le Front National depuis 1995 par exemple, on en dénombre six : le 1er mai 1995, le défilé traditionnel avec 9 000 participants, le 13 avril 1996, la prétendue commémoration du baptême de Clovis avec 1 300 participants, le 1er mai 1996, le défilé traditionnel avec 6 000 participants, le 19 janvier 1997, la " fête de la famille " avec 1 000 participants, le 1er mai 1997, le défilé traditionnel avec 7 100 participants et le 1er mai 1998, le défilé traditionnel avec 11 000 participants. Ces démonstrations n’ont donné lieu à aucune contre-manifestation, à l’exception de celle du 1er mai 1995, au cours de laquelle quatre membres du mouvement Ras l’Front, qui s’étaient laissés enfermer dans l’Opéra de Paris le soir du 30 avril, avaient déroulé sur le fronton de cet édifice une grande banderole hostile au parti de M. Jean-Marie Le Pen.
Au-delà des manifestations de voie publique organisées par le Front National et dont je viens de parler, il y a aussi des rassemblements festifs. Il s’agit des habituelles fêtes " Bleu Blanc Rouge ", qui ont lieu à chaque rentrée de septembre. En 1995, cette fête réunissait 10 000 participants ; en 1996, 16 500 participants ; en 1997, 14 000 participants et en 1998, 11 000 participants. Pour les deux dernières éditions de ces fêtes " Bleu Blanc Rouge ", des manifestations de protestation ont été organisées par le Comité national de vigilance contre l’extrême-droite ; celle de 1997 réunissait 2 000 personnes et celle de 1998, 3 500 personnes.
La troisième catégorie, les meetings du Front National dans Paris, sont également peu nombreux. Si l’on prend en compte les plus importants - et nous les considérons comme tels à partir de plus de 500 participants -, on en dénombre neuf depuis 1995 : la campagne présidentielle, le 20 avril 1995, réunit 4 000 participants ; une réunion contre la loi Toubon, le 21 octobre 1996, réunit 800 participants ; le 22 novembre 1996, une réunion sur les " scandales en Ile-de-France ", réunit 800 participants ; le 19 janvier 1997, une " fête de la famille " et un arbre de Noël réunissent 1 000 participants ; le 20 février 1997, un meeting à la Mutualité réunit 2 000 participants ; la campagne législative réunit 3 000 participants, le 22 mai 1997, et 4 000 participants le 29 mai 1997 ; le 12 mars 1998, la campagne régionale réunit 4 500 participants et le 21 janvier 1999, un meeting à la salle Wagram, en présence de M. Jean-Marie Le Pen, réunit 600 participants.
Ces meetings du Front National suscitent, dans certains cas, des rassemblements de protestation. Ainsi, le meeting du 20 février 1997 a donné lieu à une manifestation de 600 personnes organisée par le Manifeste contre le Front National ; le 7 février 1998, ce sont 300 personnes qui ont protesté à l’appel du Comité parisien de vigilance contre l’extrême-droite contre l’intervention du Front National de la jeunesse dans la capitale ; le 12 mars 1998, le même comité a organisé une démonstration de 600 personnes contre un meeting du Front National.
Le DPS était, bien entendu, présent en chacune de ces occasions. La présence du DPS au cours de ces actions publiques sera étudiée, si vous le voulez bien, sous trois aspects principaux : les effectifs, l’attitude du DPS et les incidents constatés.
Concernant les effectifs du DPS, il faut savoir que dans un article qui vous est certainement connu, signé d’Alain Sanders et publié dans le journal Présent du 5 avril 1997, le chiffre de 1 700 bénévoles a été avancé comme composant la totalité des effectifs du DPS. En fait, il semblerait que le Front National puisse compter sur 950 volontaires environ pour effectuer les missions de sécurité qui sont assignées au DPS. En Ile-de-France, selon la direction régionale des renseignements généraux, le nombre de militants mobilisables s’élève à 150 environ. Pour les grandes occasions - fêtes des " Bleu Blanc Rouge ", manifestation du 1er mai -, le DPS est alors renforcé par des éléments venus de province, en particulier de Normandie, ce qui lui permet de disposer d’environ 500 militants.
A titre d’exemple, les effectifs suivants ont été observés en certaines occasions : meeting à la Mutualité le 20 février 1997, 60 membres du DPS ; fête des " Bleu Blanc Rouge ", en septembre 1996, - il s’agit du plus gros service d’ordre du DPS jamais enregistré en Ile-de-France - 450 membres, manifestation du 1er mai 1997, 200 membres ; 1er mai 1998, 350 membres ; meeting du 12 mars 1998, 80 membres ; fête des " Bleu Blanc Rouge " en septembre 1998, 380 membres.
Le deuxième point que je voulais évoquer est celui de l’attitude générale, de l’aspect général et du comportement des membres du DPS. Ils sont aisément reconnaissables. Certains - la majorité - portent la " tenue officielle ", c’est-à-dire la tenue n°1 dans leur jargon, qui se compose d’un blazer bleu marine, d’un pantalon gris, de chaussures noires, d’une cravate à dominante rouge et bleu et d’une chemise blanche. Un écusson DPS est brodé sur le blazer. Ces éléments sont chargés de la protection de M. Jean-Marie Le Pen, de l’accueil lors des meetings et de l’encadrement des manifestations de voie publique.
D’autres utilisent une tenue, peut-on dire, moins voyante, dite tenue n°2 : ils portent un blouson bombers, un jean de couleur noire, ainsi que des rangers. Pour se reconnaître, ils utilisent un signe distinctif discret, par exemple une épingle à tête jaune fixée au niveau de la poitrine. Ces éléments composent les Unités Mobiles d’Intervention (UMI) également appelées " groupes choc " qui sont chargées de surveiller et, le cas échéant, de neutraliser, les éventuels perturbateurs. Il s’agit d’individus aguerris, professionnels de la sécurité, souvent anciens parachutistes ou légionnaires, dont certains d’ailleurs ne sont pas membres du Front National.
Le port de casques à visière, de boucliers, de matraques, de matériel identique à celui des forces de l’ordre n’a pas été observé à Paris au cours de ces dernières années, bien qu’il l’ait été en province. Il n’a pas été constaté à Paris, non plus, par les services de police, tant sur le plan du renseignement que sur le plan de la constatation visuelle, que les militants du DPS étaient en possession d’armes de poing, détenues légalement ou non, pour ces opérations. Il arrive toutefois que des membres du DPS soient dotés de matraques télescopiques, de bombes lacrymogènes, portées avec plus ou moins de discrétion.
On notera enfin que certains membres du DPS ont pris l’habitude de stocker des matériels " de protection ou d’intervention ", tels que des bâtons, des barres de fer, des bombes lacrymogènes, des pistolets à balles de caoutchouc de marque Gom-cogne, dans des endroits discrets - des coffres de voiture, par exemple - à proximité des lieux d’intervention. Si des informations nous sont fournies sur leur présence éventuelle, il faut savoir que ce sont évidemment des matériels que nous recherchons en vue de leur neutralisation
Les incidents portés à la connaissance de la préfecture de police ont été nombreux. Paradoxalement, peu d’entre eux sont à mettre au compte de l’antagonisme entre l’extrême-droite et l’extrême-gauche. En effet, nous veillons scrupuleusement, comme la loi nous en fait obligation, à faire en sorte que, dans le cadre de notre mission de maintien de l’ordre public, les contre-manifestations aient lieu à une distance raisonnable des démonstrations du Front National pour éviter des affrontements entre un cortège et un autre. Les organisateurs de chacune de ces manifestations - du Front National d’une part et des contre-manifestations d’autre part - se sont toujours conformés aux autorisations accordées, aux règles fixées, en dépit des velléités, voire des tentations, de quelques éléments radicaux de faire converger le cortège en direction du rassemblement du Front National.
On relève tout au plus quelques incidents ponctuels, mais sans gravité, qui ont opposé à plusieurs reprises, place des Fêtes, à Paris, des éléments du DPS à des éléments d’extrême-gauche au cours de distributions de tracts. Dans le même ordre d’idées, une rixe a également opposé, le 1er mai 1998, à la suite de la manifestation du Front National, le DPS à des militants du Bétar, autre adversaire du Front National. Les forces de l’ordre sont intervenues rapidement pour séparer les deux camps. Ces incidents se sont produits boulevard Montmartre, à proximité du lieu de stationnement des cars transportant les délégations de province du Front National.
En fait, les incidents les plus nombreux sont à mettre au compte des éléments les plus radicaux de l’extrême-droite :
- le 20 avril 1995, lors du meeting de M. Jean-Marie Le Pen sur les pelouses de la porte d’Auteuil, des militants du Groupe Union Défense (GUD), groupe étudiant d’extrême-droite proche des milieux nationalistes révolutionnaires et implanté sur quelques sites universitaires, dont Assas, avaient franchi, en force, les contrôles mis en place par le DPS sans s’acquitter du droit d’entrée. C’est une attitude qui devait aboutir, quelques jours plus tard, à une véritable bataille rangée. En effet, le dimanche 23 avril au cours de la soirée de l’élection présidentielle, à proximité du siège du Front National, plusieurs militants du GUD se sont violemment heurtés au DPS, puis aux forces de l’ordre. Il y a eu, à ce moment-là, cinq fonctionnaires de police blessés ;
- on garde en mémoire, bien entendu, la sauvage agression dont a été victime un jeune marocain, Brahim Bouarram, à l’occasion du défilé du Front National du 1er mai 1995. Les auteurs de cet homicide ont été interpellés : il s’agissait de skinheads. On peut noter que ces derniers, bien que collaborateurs occasionnels du DPS de Reims, ne faisaient pas partie du service de sécurité. On peut noter également que le responsable du DPS a fourni à la brigade criminelle des éléments qui ont permis de faire progresser l’enquête ;
- lors de la fête des " Bleu Blanc Rouge " des 28 et 29 septembre 1996, de violents incidents ont éclaté le samedi soir, lors du concert donné par des groupes de musique skin dont Vae Victis et Fraction Hexagone. Après le départ de la presse et des différents observateurs, les 250 skins présents ont déclenché une série d’altercations, vers 23 heures, puis des rixes, parfois brutales, nécessitant l’intervention du groupe-choc du DPS. Plusieurs skins ont été blessés, ainsi que des membres du DPS qui, surpris alors qu’ils étaient isolés, ont été roués de coups par les skins ;
- l’année suivante, de nouveaux incidents se sont produits. Le dimanche 28 septembre 1997, pendant le discours de M. Jean-Marie Le Pen, des éléments du DPS ont discrètement giflé quelques skins qui tentaient de perturber l’orateur. Le groupe skin n’a pas réagi sur le moment, mais il est revenu se poster à l’entrée de la fête et, vers 23 heures, une demi-douzaine de skins ont pris à parti le chef du DPS et l’ont blessé au visage. Le groupe-choc les a alors chargés et mis en déroute ;
- lors de la fête des " Bleu Blanc Rouge " de 1998, le même scénario s’est répété. Le samedi 19 septembre 1998, vers 21 heures, 100 à 150 skinheads ont commencé à provoquer des incidents. Jusqu’à minuit, ils ont pu être réglés par une sorte de dialogue engagé avec ces éléments par des membres du DPS. A minuit, une bagarre a nécessité une intervention du DPS pour séparer les belligérants. Le public a été invité à quitter le site. A la sortie de la pelouse de Reuilly, le DPS est intervenu pour disperser des groupes d’agitateurs, provoquant à son tour l’intervention des forces de l’ordre sur la place du Cardinal Lavigerie dans le douzième arrondissement.
Il est possible d’observer en toutes ces occasions que le DPS s’est efforcé, chaque fois que cela lui était possible, de régler ces problèmes en interne, les forces de l’ordre ne pouvant intervenir que lorsqu’elles avaient connaissance de faits et que ceux-ci étaient même parfois à l’origine d’une réquisition aux fins de secourir le public qui pouvait se trouver réuni dans des lieux donnés.
Tel était le premier point que je souhaitais évoquer devant vous, monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, mais il en est un second qui entre dans la mission de la préfecture de police et particulièrement de la direction des renseignements généraux, à savoir la surveillance des milieux extrémistes de droite. Il s’agit là, comme je vous le disais, de la deuxième mission qui nous est impartie.
La note du ministre de l’intérieur en date du 3 janvier 1995, sur la réorientation des missions des renseignements généraux, indique que toutes les questions portant sur le fonctionnement et l’organisation interne des partis ne seront plus observées par les renseignements généraux. La note précise, toutefois, que cette règle supporte deux exceptions :
- les manifestations et les menaces à l’ordre public, point qui vient d’être évoqué ;
- les groupes et mouvements qui ne respectent pas les principes démocratiques, et la note évoque expressément et notamment certaines idéologies véhiculées à l’extrême-droite comme à l’extrême-gauche - en particulier celles qui prônent le racisme ou l’antisémitisme ou celles qui encouragent le recours à la violence. Il nous est demandé, dans ces cas, de faire preuve d’une vigilance particulière et d’exercer une surveillance accrue.
La direction des renseignements généraux de la préfecture de police, dont vous aurez l’occasion d’entendre prochainement le directeur à votre demande, est très attentive à l’activité des individus et des groupes qui prônent une idéologie à caractère raciste, le plus souvent assortie d’appels à la violence. Ce service, en exécution de ces directives, a entrepris de nombreuses surveillances : sur les milieux extrémistes de droite les plus radicaux - néo-nazis, ultranationalistes, skinheads ; sur les sociétés de sécurité influencées, voire dirigées par les militants d’extrême-droite - dans le cadre d’une étude nationale, les renseignements généraux de la préfecture de police ont recensé environ 70 sociétés de ce type en activité sur la région parisienne - et sur les réseaux de mercenaires, d’hommes de main qui effectuent des missions à l’étranger.
Pour ce qui a trait à l’aile radicale de l’extrême-droite, l’expérience montre qu’un certain nombre de membres de groupuscules de l’ultra droite sont également membres du Front National. Certains ont cherché à aller plus loin en intégrant le DPS. L’ex-responsable du DPS, M. Bernard Courcelle, en prenant la tête de cette structure, le 1er mai 1994, a entrepris, si l’on en croit ses déclarations, de purger le service d’ordre de ces éléments indésirables, mais il semble qu’il n’ait pu, selon les renseignements généraux, aller jusqu’au bout des intentions qu’il affichait.
Lors de la dernière fête des " Bleu Blanc Rouge ", notamment, il a pu être noté que des skinheads avaient intégré le DPS, malgré les consignes connues de M. Bernard Courcelle. Certains membres du DPS, placés aux accès de la fête, ne se sont pas opposés à l’entrée des skinheads et des autres éléments radicaux. Il est vrai que bon nombre d’entre eux étaient adhérents au Front National. Lors des rixes que j’évoquais tout à l’heure entre les skinheads et le DPS, on a d’ailleurs pu noter que certains skins, intégrés au DPS, tentaient de prendre parti en faveur de leurs camarades.
Les renseignements généraux ont observé, qu’en dehors des skinheads, le DPS s’appuie également sur un groupe de jeunes militants, composé en partie d’éléments violents du GUD, qui préfèrent généralement rester entre eux. Ses effectifs se montent à une vingtaine de membres.
Au-delà de l’aile radicale et de l’extrême-droite, on peut évoquer les sociétés de sécurité et les réseaux de mercenaires.
Ceux-ci ont retenu toute l’attention des renseignements généraux, qui ont observé que certains de leurs membres prêtaient leur concours au DPS. En effet, les dernières fêtes " Bleu Blanc Rouge ", ont mis en lumière les faiblesses du DPS. Il lui était donc nécessaire de se renforcer avec des éléments extérieurs. Ainsi, en 1996, sur les 450 membres du DPS engagés, seule une centaine de militants a réellement pris part à l’encadrement de la fête. Les incidents ont été gérés par une vingtaine de membres des groupes choc.
En fait, il est apparu que le DPS n’est efficace que lorsqu’il est entouré de professionnels de la sécurité. Ainsi, le DPS a-t-il fait appel régulièrement à des hommes de main aguerris, provenant :
- d’abord de sociétés de sécurité amies, comme Normandy, le groupe Onze de M. Nicolas Courcelle, frère du responsable du DPS. La plupart de ces professionnels, s’ils partagent globalement la ligne du Front National - anticommunisme, lutte contre l’immigration - ne sont pas adhérents au Front National ;
- ensuite, de réseaux de mercenaires : plusieurs mercenaires d’extrême-droite ont participé aux services montés par le DPS et, à l’inverse, il est apparu, lors du conflit qui a éclaté au Zaïre fin 1996, que des membres du DPS se voyaient proposer des missions à l’étranger par des relais de M. Bob Denard.
On retiendra, à cet égard, que la presse a révélé que M. Bernard Courcelle avait participé à des missions parallèles auprès de milices tchétchènes, certains articles l’accusant, d’ailleurs, d’être impliqué dans une affaire de trafic d’armes international. L’intéressé a reconnu son rôle dans une interview publiée par Rivarol, dans son édition du 5 février 1999 : " j’ai mis en contact des gens ; l’un d’entre eux était plus malhonnête que les autres et s’est enfui avec une somme importante et à valoir sur une vente de matériel sensible qui n’a jamais eu lieu. "
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, la description du DPS qui vient d’être faite prend en compte une période qui s’étale sur quatre années, du début de l’année 1995 à la fin de l’année 1998. Le début de l’année 1995 peut être considéré comme la date de reprise en main de la structure par M. Bernard Courcelle. La fin de l’année 1998 correspond, bien entendu, à la crise du Front National, qui n’est pas sans conséquences pour le DPS.
Après la création du Front National-Mouvement national (FN-MN) qui a été lancé début 1999 par les partisans de M. Bruno Mégret, la quasi-totalité du DPS a quitté M. Jean-Marie Le Pen pour rejoindre la nouvelle formation. Cependant, le nouveau président du FN-MN a quelque peu modifié la hiérarchie de son propre DPS, qui a maintenant pour directeur national M. Gérard Le Vert, qui est l’ancien n° 3 de ce que l’on pourrait appeler le DPS historique. Quant à M. Bernard Courcelle, licencié par M. Jean-Marie Le Pen après avoir déclaré qu’il assisterait au congrès des mégrétistes, il a pu être observé que M. Bruno Mégret ne lui a pas rendu son poste de directeur national du DPS. On notera enfin, que, pour l’Ile-de-France, les éléments radicaux cherchent à prendre la tête du DPS pour imposer au groupe FN-MN une ligne dure, avec ou sans l’aval - je ne peux pas le dire - de M. Bruno Mégret.
Du côté de M. Jean-Marie Le Pen, la défection des cadres du DPS laisse un vide grandissant : nommé directeur national du DPS lepéniste, M. Marc Bellier est handicapé par son éloignement géographique de Paris. C’est, en fait, le n° 2 du DPS historique, M. Eric Staelens, qui garde la haute main sur le DPS lepéniste. Il semble être épaulé par quelques cadres de province, comme M. Jean-Marie Lebraud, ancien responsable du DPS de Bretagne, et M. Patrick Leblond. M. Jean-Marie Le Pen bénéficie surtout du soutien manifesté par le DPS de Marseille, que dirigent M. Gérard Barelier, coordinateur pour les Bouches-du-Rhône, et Mme Anne-Marie Itoiz, directrice nationale du DPS féminin.
M. le Président : Monsieur le préfet, vous nous avez présenté un rapport très exhaustif, notamment sur les manifestations et incidents qui auraient pu surgir, mais je pense que nous avons tout de même beaucoup de questions à vous poser.
Celle qui me vient à l’esprit en préambule concerne la collaboration entre le Front National et les services de police. J’aimerais connaître votre sentiment sur l’état de cette collaboration, notamment lorsque se prépare une manifestation du Front National.
Observez-vous des différences avec l’organisation des manifestations par d’autres services d’ordre ? Pour éviter la langue de bois, je résumerai franchement les choses : certains de nos interlocuteurs ont le sentiment que les rapports sont plus cordiaux, notamment sur le terrain durant les congrès et autres rassemblements, entre la police nationale et le DPS et qu’une partie des missions de contrôle est volontiers abandonnée par la première au second.
Toujours à propos de cette collaboration entre le DPS et les services de police, M. Bernard Courcelle a fait état de son rôle déterminant dans l’arrestation des meurtriers de Brahim Bouarram, à laquelle vous avez fait allusion précédemment : qu’en est-il exactement et ce genre de collaboration est-il fréquent, souhaité et favorisé ?
M. Philippe MASSONI : Comment s’organisent les manifestations dans la capitale ? Le principe des manifestations est la liberté, l’interdiction est l’exception. Nous travaillons, dans ce domaine, sous le regard et le contrôle de la jurisprudence des tribunaux administratifs et du Conseil d’Etat.
Par conséquent, dès l’instant où, ainsi que je vous l’indiquais tout à l’heure, dans le cadre du décret-loi du 23 octobre 1935, une déclaration de manifestation est faite quinze jours au maximum et trois jours francs au minimum avant l’événement, nous prenons en compte, dans le cadre normal du fonctionnement des institutions de la République, cette demande de manifestation. Nous l’examinons et nous regardons si elle peut, compte tenu de son thème, provoquer des réactions qui seraient susceptibles d’engendrer un événement d’une telle gravité que je sois amené à prendre un arrêté d’interdiction, souvent d’ailleurs après avoir consulté le ministre de l’intérieur.
Le principe étant la liberté, il faut, ensuite, faire entrer en jeu un certain nombre de critères matériels. Les renseignements généraux nous disent combien il va y avoir, en principe, en fonction de tout un vécu de manifestations précédentes de même nature, de participants à cette manifestation - ce qui fournira le premier élément d’appréciation factuel. Ensuite, nous regardons quel jour de la semaine se déroule la manifestation, car il est évident qu’elle sera plus commode à organiser un dimanche - ou plus exactement, à laisser s’organiser pour éviter toute équivoque - qu’un samedi après-midi, surtout en période de fêtes et aux abords des grands magasins, sur les grands boulevards. Autrement dit, il y a des circonstances de jour, de lieu et de thème qui sont prises en compte pour l’évaluation des choses.
Je dirai, de manière à faire sentir à votre Commission l’importance de ces données, que se déroulent à Paris annuellement 7 500 manifestations de toute nature. Parmi ces dernières, qui sont dans d’innombrables cas des manifestations festives - foires de toutes sortes, animations culturelles,... - 1 200 à 1 500 manifestations sont des manifestations revendicatives susceptibles de réunir d’une centaine à plusieurs centaines de milliers de personnes selon le thème développé.
La vie de la capitale est une chose si délicate à gérer, le souci que nous avons, autant qu’il est possible, de la tranquillité de nos concitoyens est tel qu’il faut organiser la manifestation. Les organisateurs, une fois qu’ils ont déposé leur demande - et ce quels qu’ils soient, qu’il s’agisse des sans-papiers, des sans-logis, de l’extrême-gauche, de l’extrême-droite, des partis démocratiques, des grandes centrales syndicales telles que la CGT qui dispose d’un service d’ordre très important et très professionnel - sont reçus à l’état-major de la direction de la sécurité publique de Paris. Là, cartes en main, on regarde ce qu’ils souhaitent faire.
Dans d’innombrables cas, nous leur faisons savoir notre désaccord sur un itinéraire et nous les menaçons, éventuellement, d’une procédure d’arrêté d’interdiction : il s’agit en fait d’une menace, car il est très difficile de prendre un arrêté d’interdiction en raison de l’obligation qui est faite de laisser les gens manifester, comme il est normal ! Je dirai que cette gestion des choses permet, dans bien des cas, de ramener des demandes excessives à des limites plus raisonnables. Par conséquent, on fixe l’itinéraire. Ensuite, on demande à l’organisateur de donner le nom et éventuellement le numéro de téléphone
– portable si possible - de celui avec qui nous serons en contact avant l’événement et pendant le déroulement de la manifestation. Si des choses se passent qui ne nous conviennent pas - par exemple, si un itinéraire qui a été fixé, convenu, écrit et signé avec un engagement des organisateurs n’est pas respecté -, nous demandons par téléphone portable à l’organisateur de faire part au service d’ordre interne de la manifestation
– puisqu’il en existe, nous l’espérons, pour chacune des manifestations qui se déroulent dans la capitale - des engagements qui ont été pris, de manière à ce qu’un itinéraire différent de celui qui a été convenu ne soit pas emprunté. Voilà comment les choses se passent. Cette pratique est destinée à organiser la vie dans la capitale.
Par ailleurs, il n’y a, à ma connaissance, aucune connivence entre des fonctionnaires de police, des renseignements généraux ou de la sécurité publique avec les services d’ordre du Front National. Il existe, en revanche, comme il est normal, des contacts de terrain. On dit à M. X, repéré comme étant le chef du service d’ordre : " Il faut accélérer le cortège ; vous prenez du retard ; vos gens tournent à droite au lieu de continuer tout droit comme ils s’y étaient engagés... " Tout cela relève de la gestion classique de cortège, ni plus, ni moins, et nous le faisons avec l’ensemble des organisations. Certaines, comme les grandes centrale syndicales que j’évoquais à l’instant, sont dotées de talkies-walkies et nous pouvons, à partir d’un signal émis à un correspondant, transmettre sur l’ensemble du cortège une orientation, en fonction de son rythme ou d’incidents éventuels survenus sur le parcours.
Voilà, d’une manière très concrète, très pragmatique, très matérielle comment les choses se déroulent.
M. le Président : C’est ce que l’on appellerait ailleurs de la cogestion !
M. Philippe MASSONI : Je peux vous dire qu’avec 7 500 manifestations chaque année dans la capitale, dont 1 200 à 1 500 manifestations revendicatives, il importe de bien regarder comment vont se passer les choses. Nous avons certains jours de 20 à 30 manifestations dans la capitale et, déjà, on nous reproche de contrarier la circulation ; ce n’est pas simple ! Ce n’est pas de la cogestion, c’est de l’organisation, monsieur le Président, si vous le voulez bien.
M. le Rapporteur : Je voudrais d’abord vous poser une question rituelle : avez-vous eu connaissance ou tenu en mains ce rapport des renseignements généraux qui aurait été demandé à ses services par M. Jean-Louis Debré, lequel aurait, dans un premier temps confirmé qu’il avait bien commandé un tel rapport, dans un deuxième temps, été évasif sur la question et dans un troisième temps, nié totalement son existence ? Les fonctionnaires rencontrés nous disent ne pas avoir eu connaissance de ce rapport ; certains journalistes nous disent l’avoir eu, ou eu en partie, tandis que d’autres affirment l’avoir touché. Que pouvez-vous nous dire à son propos, sachant très bien que de tels rapports se dégonflent, se démontent, se déchirent ?
Ma seconde question touche au défilé parisien du 1er mai, car nous sommes un certain nombre à être choqués, même s’il n’y a pas d’incidents, de voir l’une des rues les plus prestigieuses de Paris être occupée par un défilé aux allures presque paramilitaires, sans services de police apparents, même si l’on sait parfaitement que vos services sont de part et d’autre de la manifestation pour la canaliser. Il n’en reste pas moins que nous avons l’impression que la rue est laissée à cette manifestation politico-folklorique !
En revanche, à l’occasion d’incidents plus nets qui se sont produits à la salle Wagram, avec M. Bruno Gollnish - un défilé improvisé est parti de la salle Wagram jusqu’à l’Arc de Triomphe où le fonctionnaire de garde devant la flamme a été bousculé sans être molesté -, les forces de police sont intervenues au bout d’un certain temps qui nous paraît un peu long. En outre, on nous a dit, ce qui m’étonne au plus haut point, qu’il n’y avait aucun dispositif policier à Wagram.
M. Philippe MASSONI : Concernant le rapport Debré, je ne l’ai jamais vu, ou alors ma mémoire me fait défaut. Je n’ai connaissance, ni de son existence matérielle, ni des thèmes qu’il peut développer. Je pense que les directeurs des renseignements généraux que vous recevrez, qu’il s’agisse du directeur central ou du directeur des renseignements généraux de la préfecture de police, pourront vous confirmer ou infirmer mes propos pour le cas où ils l’auraient reçu ou contribué à son élaboration.
Sur le défilé du 1er mai, je partage tout à fait votre avis, si je puis donner ce sentiment personnel sur le caractère tout à fait spectaculaire et très particulier de cette manifestation qui s’empare de la rue de Rivoli. J’ai posé la question à plusieurs ministres successivement sur ce qu’il convenait de faire par rapport à une telle manifestation et il m’a toujours été répondu qu’elle se déroulait depuis plusieurs années sur la même voie, dans les même formes, et qu’il était difficile de prendre une mesure de rigueur.
Par ailleurs, il faut regarder les choses en face : il s’agit d’une manifestation qui rassemble des milliers de personnes et si l’on voulait imposer une autre voie à l’organisateur de cette manifestation, il faudrait d’abord trouver la justification de cette interdiction sur le plan juridique. Il faudrait ensuite s’opposer par la force à la tenue de ce rassemblement sur cet itinéraire et, si vous permettez ce terme fort, il s’agirait véritablement d’engager le combat dans la rue pour en imposer un autre. Je dirai que cette affaire remonte à de nombreuses années - on peut d’ailleurs sur ce point établir une fiche pour la remettre à votre Commission si cela retient son intérêt - et qu’elle a été évoquée à maintes reprises et tranchée dans le sens que je viens de vous indiquer.
Pour ce qui a trait à la manifestation qui a été marquée par une sortie de manifestants du Front National de la place Wagram jusqu’à l’Arc de Triomphe pour y gesticuler, de manière tout à fait scandaleuse, autour de la flamme du soldat inconnu, il convient de préciser qu’il s’agissait d’une manifestation qui n’était pas prévue. Il n’était question que d’un meeting en salle qui devait se dérouler selon des modalités classiques, avec des observateurs à l’intérieur, fournis par les renseignements généraux pour rendre compte du climat de la salle et de la tenue des débats, une surveillance extérieure assurée par des forces de sécurité publique. Mais rien ne pouvait laisser prévoir que plusieurs centaines de personnes allaient ensuite partir à pied et se rendre à l’Arc de Triomphe, bousculant les gardiens de la paix qui se trouvaient là. Aucune information préalable n’avait été recueillie sur cette intention.
Il va de soi que, depuis lors, quand il y a un meeting en salle du Front National dans Paris, les renseignements généraux ont pris en compte ce dérapage et l’ont intégré dans leurs prévisions. En conséquence, nous disposons, ici ou là, les forces nécessaires pour pallier les inconvénients qui pourraient être constatés.
Sur cette affaire du cortège parti de la salle Wagram pour rejoindre l’Arc de Triomphe, je ne pensais pas que vous alliez m’interroger mais je peux également très facilement établir une fiche à l’intention de votre Commission et vous la faire parvenir.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Après vous avoir écouté, je n’ai pas le sentiment que le DPS vous pose véritablement des problèmes majeurs. Vous avez indiqué dans votre exposé que le DPS était un groupement de fait. Vous savez que le juge administratif a défini un certain nombre de critères cumulatifs pour pouvoir mettre en cause certains groupements de fait, et notamment pour prononcer leur dissolution. Il s’agit du caractère belliqueux de leurs membres, de l’organisation du groupement, de l’entraînement particulier paramilitaire de ses membres et de la discipline très stricte assortie de sanctions internes.
J’aimerais donc savoir si, dans le cadre de vos fonctions, vous disposez d’éléments d’information qui nous permettraient de confirmer ou d’infirmer chacun de ces éléments s’agissant du DPS, afin que nous puissions le caractériser.
M. Gérard LINDEPERG : Ma première question portait, elle aussi, sur le meeting salle Wagram. C’est un événement dont on a déjà beaucoup parlé et les documents que vous allez nous fournir nous seront certainement extrêmement utiles.
Ma seconde question concerne le matériel dont le DPS est équipé et que vous nous avez décrit avec beaucoup de précisions. Je voudrais savoir si ce matériel a été intercepté par la police, à combien de reprises et quelle était l’importance du matériel saisi.
M. Philippe MASSONI : Il me faut le vérifier. Je ne peux pas vous le dire de mémoire.
M. Noël MAMÈRE : Monsieur le préfet, vous avez évoqué une liste de sociétés de gardiennage proches du Front National. Vous serait-il possible de nous en donner communication ?
M. Philippe MASSONI : J’ai dit qu’elles étaient proches de l’extrême-droite, monsieur le député, donc évidemment peut-être du Front National pour certaines d’entre elles...
M. Noël MAMÈRE : Vous nous avez parlé également de mercenaires dont vous avez fait une sorte d’inventaire. Il serait peut-être utile que nous en ayons également communication.
M. Philippe MASSONI : Tout à fait, et je vais demander au directeur des renseignements généraux de se tenir prêt à répondre à ces questions particulières quand il viendra devant vous.
M. Noël MAMÈRE : Vous avez, par ailleurs, fait état d’un certain nombre de réunions organisées par le Front National où l’on s’aperçoit que l’intervention des forces de police est, en général, assez tardive, c’est-à-dire qu’elle laisse une grande place au DPS pour faire régner l’ordre à sa manière. Mon propos rejoint donc un peu la question qui vient d’être posée par ma collègue concernant la limite floue entre ce qu’est un service d’ordre d’un parti politique et ce qui peut se transformer en une milice.
Or, on a le sentiment en écoutant les différentes personnes auditionnées jusqu’à maintenant qu’en fait, le comportement des brigades de police chargées du maintien de l’ordre sur la voie publique conduirait à faire en sorte que ce DPS se charge de la police à la place de la police. C’est une sorte de système pervers qui contribuerait à ce que le DPS se renforce dans son statut de milice.
Enfin, au sujet de M. Bernard Courcelle et de son frère, vous avez évoqué certains événements liés à la Tchétchénie : avez-vous des renseignements supplémentaires sur leurs rôles respectifs par l’intermédiaire d’une société de sécurité, Groupe Onze, qui est soupçonnée d’avoir fourni à M. Doudaïev une certaine valise satellite qui aurait permis aux forces russes d’intercepter ce dernier et de lui ôter la vie ?
M. Philippe MASSONI : Sur ce point particulier, je vais vous répondre tout de suite. La préfecture de police n’a, à travers aucun de ses services, jamais enquêté sur l’affaire du groupe Onze et de la valise satellite dont quelques échos nous sont effectivement parvenus par la presse, pas plus qu’elle ne l’a fait sur les activités de M. Bernard Courcelle en Tchétchénie. Tout ce que je vous ai indiqué relève évidemment de sources ouvertes, de sources de presse. Cela ne veut pas dire que nous ne recherchons pas les choses et il est tout à fait évident que si un service de la préfecture de police les découvrait, il les exploiterait. Mais j’ai quelques raisons de penser que ce sont d’autres services plus spécialisés du ministère de l’Intérieur ou du ministère de la défense qui auraient sans doute pu s’intéresser à ce type de problèmes.
En ce qui concerne le caractère tardif des interventions de la police, je crois qu’il faut qu’il n’y ait pas d’équivoque, monsieur le député : nous intervenons chaque fois que nous voyons quelque chose. Pour autant, il est tout à fait évident que dans une fête telle que celle des " Bleu Blanc Rouge ", qui se déroule sur la pelouse de Reuilly, il peut se produire, à l’intérieur de la fête, en un endroit donné, un affrontement. Or, nous n’avons pas le désir d’être présents, en uniforme, à l’intérieur de la fête des " Bleu Blanc Rouge " : il nous en serait fait le reproche et l’on dirait que nous assurons la sécurité, par nos effectifs en uniforme, à l’intérieur de l’enceinte de cette fête ! En revanche, si nous avons une information qui nous laisse à penser qu’une bagarre éclate et que des violences s’exercent, si nous avons une réquisition nous demandant d’intervenir pour porter secours à des gens en difficulté ou en danger, alors nous entrons aussitôt !
Il est évident qu’à l’intérieur d’une fête où se réunissent 10 000 à 11 000 personnes, nous ne pouvons pas contrôler chaque mètre carré. Nous avons donc des forces à l’extérieur, prêtes à intervenir s’il y avait une sortie de la fête, un défilé ou un départ vers une manifestation violente mais à l’intérieur de la fête, l’organisateur règle, à sa manière, les premiers problèmes qui se posent. Nous intervenons très vite, soit sur une observation que nous faisons - une information qui nous arrive car nous avons à l’intérieur de la fête, vous l’imaginez bien, des hommes des renseignements généraux en civil ou des informateurs qui peuvent, par les moyens les plus rapides, nous alerter - soit si nous sommes requis par les organisateurs. Si les choses se produisent en un coin sombre, dirais-je - ces incidents éclatent généralement dans la nuit, je vous ai fourni, tout à l’heure, des indications sur les jours et heures où ils s’étaient produits -, il est très difficile de voir ce qui se passe.
Concernant les sociétés de gardiennage, je dirai au directeur des renseignements généraux qu’il vous fournisse des informations à leur sujet et je pense que le directeur central vous en donnera également : je ne les ai pas, en cet instant, en ma possession.
Il faudra que je me renseigne sur le matériel qui aurait pu être intercepté. Je n’ai pas en tête la liste de ce que nous aurions pu intercepter, ici ou là, à la faveur de manifestations. Nous savons qu’il y a du matériel, nous avons le désir de le rechercher, non seulement pour le Front National mais pour tous les manifestants, car il ne pourrait être toléré que, sur la voie publique à Paris, soit stocké dans des voitures, des sacs ou des cabines téléphoniques - cela peut arriver - du matériel. Nous le recherchons et si je n’ai pas en tête que nous avons pu en saisir à un moment ou à un autre, cela sera vérifié.
Vous m’aviez interrogé, madame la députée, sur les caractéristiques du groupement de fait et notamment sur le caractère belliqueux, la hiérarchie, la discipline, les sanctions, l’entraînement. Je vous ai fait part, dans le cadre de mon exposé liminaire, d’une synthèse de ce que nous savions sur ces questions-là, mais il conviendrait peut-être effectivement, si cela retient l’intérêt de votre Commission, d’affiner certains points et d’aller plus loin. Je crois que vous en êtes au début de vos travaux et vous allez probablement, au fil des jours et des semaines, vous engager sur des choses beaucoup plus précises : nous allons nous attacher à vous aider. En l’état actuel, je vous ai décrit le caractère belliqueux des membres du DPS, à travers toutes les descriptions très factuelles et très techniques que je vous ai faites pour éviter de sombrer dans l’imprécision et le flou, m’étant fait une règle de ne délivrer que des informations précises. La hiérarchie, la discipline et les sanctions apparaissent ici. L’idéal serait qu’elles puissent le faire à travers des documents internes au Front National et au DPS. Pour ma part, je n’en dispose pas et j’ignore si quelque service du ministère de l’Intérieur peut en détenir mais, nous, nous ne les avons pas. Pour ce qui est des entraînements, il faudrait que la question soit posée aux spécialistes qui suivent ces questions-là.
M. Jean-Pierre BLAZY : Monsieur le préfet, je voudrais tout d’abord revenir sur les sociétés de gardiennage : vous avez indiqué qu’en Ile-de-France, elles étaient 70 à avoir des relations directes avec le DPS. Ce chiffre de 70 est déterminé à partir de combien de sociétés au total sur la région ? Par ailleurs, pourrions-nous avoir la liste de ces sociétés qui, j’imagine, sont quelque peu surveillées par les renseignements généraux. Comment pouvez-vous avoir connaissance des relations directes qu’elles entretiennent avec le DPS ?
J’aimerais également savoir si, à votre connaissance, des fonctionnaires de police ou d’anciens fonctionnaires de police sont membres du DPS et s’ils y ont, ou ont eu, des responsabilités.
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : J’aimerais revenir rapidement sur un point de votre exposé, monsieur le préfet : vous avez dit que, finalement, le défilé du 1er mai était une vieille habitude s’inscrivant dans le cadre des défilés nationaux...
M. Philippe MASSONI : Je n’ai jamais dit " nationaux ", madame la députée ! Ce n’est pas un défilé national !
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Enfin, vous avez dit que c’était une habitude. On voit évoluer au fil des défilés les participants qui, je suppose, sont suivis de près, d’autant qu’à mon avis le Front National, du fait des idées qu’il véhicule, n’est pas un parti comme les autres. J’ai toutefois le sentiment qu’on laisse faire les choses car on connaît le parcours, les méthodes et que ce défilé apparaît, somme toute, comme étant assez " popote "...
Par ailleurs, j’aimerais connaître les relations qu’un préfet de police de Paris peut entretenir avec la presse et savoir si elle vous donne des informations.
M. Arnaud MONTEBOURG : Monsieur le préfet, je reviens sur les incidents de la salle Wagram : nous souhaiterions ne pas nous contenter d’une fiche - même si nous n’avons rien contre les fiches de la préfecture de police de Paris - mais avoir une copie, d’une part des enquêtes de commandement à la suite de ces incidents et d’autre part, de l’ensemble des documents internes à vos services - renseignements généraux et sécurité publique puisque les deux directions semblent avoir été concernées par ces incidents - afin que nous comprenions la façon dont les faits se sont déroulés.
Je reviens également sur l’incident Brahim Bouarram. D’après vous, cette affaire qui remonte à mai 1995, a-t-elle été mise à profit pour étudier un projet d’interdiction pour l’année suivante de cette manifestation qui pose tant de problèmes, ainsi que vous le disiez, aux ministres de l’intérieur successifs, toutes tendances et sensibilités politiques confondues ? Ces incidents ont-ils permis d’envisager, soit à l’intérieur de vos services, soit au niveau du cabinet du ministre, une interdiction ultérieure, même si les skinheads ont été, semble-t-il - et c’est un point sur lequel il nous faudra être davantage renseignés - identifiés grâce à la coopération de l’individu Courcelle de façon à minimiser les conséquences politiques de ces incidents graves, qui ont d’ailleurs donné lieu à des poursuites judiciaires encore pendantes ? Sur le plan administratif et juridique, cette possibilité a-t-elle fait l’objet d’une étude et, si oui, a-t-elle eu des suites politiques ?
M. Philippe MASSONI : Sur les sociétés de gardiennage, il en existe 70 qui ont été identifiées par les renseignements généraux de la préfecture de police comme ayant des liens avec l’extrême-droite - je n’ai pas dit avec le DPS car cette donnée étant trop typée et trop nette, on ne peut pas aller jusqu’à ce niveau et ce degré de précision, en l’état actuel des choses. Peut-être y a-t-il une enquête menée au niveau national qui peut faire apparaître d’autres sociétés comme pouvant avoir des liens avec l’extrême-droite, puisque je n’ai parlé que de celles qui concernent l’Ile-de-France.
Y a-t-il des fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires de police qui sont membres du DPS ? Je n’ai pas connaissance de la chose au moment où je vous parle, mais je voudrais vous dire simplement que j’ai pris l’assurance, avant de me rendre à votre convocation, de demander au directeur de l’Inspection Générale des Services s’il avait connaissance de procédures qui auraient pu être élaborées à titre administratif et qui mettraient en cause des fonctionnaires de police dans des relations qu’ils pourraient avoir avec le DPS ou avec l’extrémisme de droite d’une façon plus générale. Il m’a répondu par un écrit de sa main : " Il n’y a pas d’affaires en cours ou passées concernant le DPS à l’Inspection Générale des Services de la préfecture de police. "
Nous avons trois affaires qui sont en fait des affaires d’extrême-droite et sont pendantes à l’Inspection Générale des Services, à ma demande. Il y a une affaire Pattedoie, une affaire Guérand et une affaire Bailleul. La première affaire concerne l’interpellation et le placement en garde à vue, en 1997, du gardien Bernard Pattedoie, secrétaire national de la FPIP, qui avait été l’auteur d’un coup de feu à l’intérieur d’un restaurant asiatique, 45, rue Championnet dans le dix-huitième arrondissement. Il n’est pas, à notre connaissance membre du DPS. Il est extrémiste de droite et détaché permanent à la FPIP.
La deuxième affaire concerne Carine Guérand, qui a été entendue par le service régional de police judiciaire de Rouen. Elle était agent administratif affectée à la sous-direction des affaires immobilières et mobilières de la préfecture de police. Elle a été entendue, en qualité de témoin, dans le cadre d’une affaire criminelle, puisqu’elle était la concubine de Régis Kerhuel, membre d’un groupe de skinheads qui avait, en 1990, au Havre, fait ingurgiter à un malheureux Mauricien un mélange de bière et de soude qui avait provoqué sa mort.
La troisième affaire implique un certain M. Gérard Bailleul, ex-agent technique contractuel à la direction de la logistique, qui exerçait d’ailleurs des fonctions syndicales au sein d’un groupement syndical démocratique et républicain. Nous nous sommes aperçus qu’il avait, en quelque sorte, un comportement personnel extrêmement différent des orientations générales du syndicat auquel il appartenait - le Syndicat Général de la Police (SGP). Il avait ainsi affiché dans les locaux de la direction de la logistique un tract intitulé " repentailles ", comportant des propos à caractère raciste et antisémite. Il a été mis fin, sans délai, sur mes ordres, au contrat qui le liait à l’administration, indépendamment, bien entendu, des poursuites judiciaires qui sont pendantes et du jugement moral que l’on peut porter sur ces faits. Je dois dire que cette décision a été prise en accord complet et immédiat avec le syndicat et son secrétaire général, qui tombait véritablement des nues en découvrant une telle affaire.
Voilà ce que l’on peut dire sur les affaires en cours entre l’extrême-droite, au sens général du mot, et les fonctionnaires de police.
Sur le défilé du 1er mai, je voudrais qu’il n’y ait pas d’équivoque entre nous : je n’ai nulle tendance à considérer ce défilé comme un défilé " popote ", comme un défilé banal, comme un défilé dont on doit prendre l’habitude et contre lequel on ne peut pas s’élever ! Moi, je constate des faits qui sont archivés dans la mémoire des renseignements généraux et de la direction de la sécurité publique : depuis telle année, le défilé se déroule de telle façon. Il se déroule sous le regard du public et des caméras, il est largement diffusé et on voit qui le compose, comment les gens se comportent, quel est l’âge moyen des participants. Effectivement, la sociologie de ce défilé peut évoluer au fil des années - il y a plus ou moins de personnes âgées selon les moments -, mais tout ceci est public.
Ce défilé s’inscrit dans le cadre des 1 200 à 1 500 manifestations revendicatives - le terme étant pris au sens large -, qui se déroulent à Paris et il faut, compte tenu du nombre de personnes qu’il rassemble - de 5 000 à 15 000 - savoir où il peut avoir lieu. Il a lieu un 1er mai, dans une rue calme à cette date, et ne constitue donc pas de gêne pour les parisiens. Même s’il neutralise une partie de la voie publique, ce n’est que pour un temps contrôlé, ce qui nous permet d’engager le minimum de forces possible et d’en libérer pour assurer d’autres missions ailleurs. Tout le dispositif a été, bien entendu, soumis, par le préfet de police, à l’appréciation successive de plusieurs ministres de l’intérieur : je dirai qu’il n’y en a pas un seul à qui je n’ai demandé, directement ou par la voie de son cabinet : " Que fait-on, cette année, pour le défilé du 1er mai ? ". Je reviens à ce que je disais tout à l’heure : si la décision était prise d’interdire le défilé ou de le faire sur un autre itinéraire, il faudrait " engager le combat " avec dix, vingt, trente unités de renfort, ce qui ne serait, ni simple, ni facile.
Sur la presse, je répondrai que nous la respectons. La préfecture de police conduit une politique de communication depuis que je suis préfet de police, et j’ai suivi en cela mes prédécesseurs. Cette politique s’inspire d’un principe de transparence, ce qui signifie que tout ce qui peut être dit est dit. Nous taisons ce qui peut nuire à l’honneur des personnes ou au développement d’une enquête. A cette exception près, tout est dit et je crois pouvoir indiquer que les journalistes parisiens, provinciaux et nationaux qui nous consultent sont accueillis au service de communication de la manière la plus cordiale, la plus ouverte, et que nos services leur fournissent toute la documentation dont ils ont besoin, dans cet esprit de transparence auquel nous sommes très attachés.
Dans l’information au bénéfice du Gouvernement et dans un esprit de sauvegarde de la sécurité nationale, tous les éléments d’information doivent être pris en compte. Il y a, comme on dit en termes de renseignement, du renseignement ouvert et du renseignement fermé. Il est tout à fait évident que la presse constitue une source de renseignements ouverts extrêmement précieuse et que nous aurions mauvaise grâce - nous serions des imbéciles - si nous ne la lisions pas, ne la découpions pas, ne l’utilisions pas à notre profit, parce qu’elle comporte très souvent des analyses pertinentes et des dossiers réalisés par d’excellents enquêteurs ! Nous en faisons donc notre profit, et nous les validons et les évaluons. C’est dans cet esprit que je cite comme un élément matériel, que j’ai d’ailleurs contredit, l’article d’Alain Sanders auquel je faisais allusion dans mon propos introductif : nous l’avons pris comme un élément descriptif du Front National et du DPS et nous avons contredit ou, au contraire, approuvé sur certains points ses allégations.
Pour autant, on ne peut schématiser les choses en disant que les renseignements généraux se contentent de la presse pour réunir leurs informations. Ce n’est nullement le cas et je peux indiquer que, dans les milieux extrémistes de droite comme de gauche d’ailleurs, ou encore dans les milieux terroristes, des techniques de pénétration sont appliquées, qui sont extrêmement fines et extrêmement dangereuses, par recrutement d’agents et infiltration de fonctionnaires. Vous pouvez donc être assurés que nous allons très au-delà de l’aspect de surface dans le contrôle des événements qui pourraient présenter un caractère grave pour la sauvegarde de la République. Nous allons très loin et c’est d’ailleurs tout à fait notre devoir.
M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Monsieur le préfet, j’aimerais que vous puissiez nous donner un récapitulatif des faits signifiants constatés par les forces de police et ayant fait l’objet d’un début de procédure judiciaire, c’est-à-dire pour lesquels les procureurs ont été saisis, et, le cas échéant, ont ouvert des poursuites, afin que nous puissions ensuite, avec le ministère de la justice, voir, dans les limites de notre compétence, ce qu’il en est advenu. Ce serait très intéressant dans la mesure où cela qualifierait un certain nombre de faits.
Au-delà de la violence physique dont ont pu faire preuve les membres du DPS, j’aimerais savoir si vous avez des éléments d’information sur le contenu idéologique de leur formation. En d’autres termes, est-ce que des documents ou des manuels liés à l’entraînement et ayant un contenu idéologique ont pu être saisis ?
M. Philippe MASSONI : Je considère cela comme une commande et je vais essayer de satisfaire votre demande, monsieur le député.
M. le Président : Monsieur le préfet, je n’ai pas le sentiment que vous m’ayez répondu sur la question de savoir si M. Bernard Courcelle avait vraiment joué un rôle dans l’arrestation des meurtriers de Brahim Bouarram...
M. Arnaud MONTEBOURG : Ni sur les enquêtes de commandement...
M. Philippe MASSONI : J’ai pris bonne note de votre requête à laquelle je ne peux pas satisfaire à l’instant, mais je vais les retrouver.
M. Arnaud MONTEBOURG : ... ni sur l’analyse des conséquences du meurtre de Brahim Bouarram pour la suite de l’organisation de la manifestation.
M. le Président : En effet, y a-t-il eu un début de réflexion sur une éventuelle interdiction du DPS, à la suite de cette affaire ?
M. Philippe MASSONI : On a regardé évidemment ce qui s’était passé. Une enquête judiciaire a aussitôt été ouverte et, pour répondre immédiatement à votre question, je confirmerai que M. Bernard Courcelle, selon ce que m’a dit le directeur de la police judiciaire, a fourni des informations, par procès-verbal, qui ont permis de faire progresser l’enquête. Je n’en sais pas davantage. C’est une affaire qui relève des autorités judiciaires et qui a été conduite sous l’autorité d’un juge d’instruction : la justice pourrait vous en dire plus, ou le directeur de la police judiciaire, ou le chef de la brigade criminelle qui a conduit l’enquête. Je ne connais pas le détail des déclarations. Je sais que M. Bernard Courcelle a fait des déclarations et M. Patrick Riou, directeur régional de la police judiciaire, m’a confirmé qu’elles avaient été fort utiles.
Par ailleurs, nous avons bien entendu fait une analyse de l’affaire de la salle Wagram, navrante et totalement inattendue. Je vais m’efforcer de retrouver les documents qui permettraient, éventuellement, de mieux cerner ce que nous avons pensé à l’époque d’un telle initiative.
Maintenant, sur la question de savoir, s’il fallait interdire le défilé du 1er mai, à partir de cet incident Bouarram, je dirai d’une manière très factuelle que l’enquête judiciaire n’a pas établi, à ma connaissance, qu’il y ait un lien direct entre l’organisation de la manifestation qui passait par là et le fait qu’un groupe de skinheads de Reims ait jeté à l’eau M. Brahim Bouarram. Pour être clair, je n’ai pas connaissance du fait que l’enquête judiciaire ait impliqué les organisateurs du défilé lui-même dans cette affaire. Voilà ce que je peux vous dire en l’état actuel de mes connaissances du dossier.
M. le Président : Monsieur le préfet, nous vous remercions.
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