Sujet : DPS
Audition de : Gérard Boyer et Bruno Beschizza
En qualité de : secrétaire général du syndicat Alliance et président du syndicat Synergie officiers
Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)
Le : 3 mars 1999
Présidence de M. Guy HERMIER, Président
MM. Gérard Boyer et Bruno Beschizza sont introduits.
M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, MM. Gérard Boyer et Bruno Beschizza prêtent serment.
M. le Président : Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à l’audition de M. Gérard Boyer, Secrétaire général du syndicat Alliance, et de M. Bruno Beschizza, Président du syndicat Synergie Officiers, qui ont souhaité être entendus ensemble. Le syndicat Alliance représente les corps de maîtrise et d’application de la police, tandis que Synergie Officiers représente les corps de commandement et d’encadrement. Vos syndicats ont obtenu respectivement 32,1 % et 26 % des voix dans leur catégorie aux dernières élections professionnelles.
Je commencerai par une question d’ordre général. Notre commission d’enquête a pour objet d’examiner si le fonctionnement de ce service d’ordre du Front National qu’est le DPS, tombe sous le coup de la loi et notamment de la loi du 10 janvier 1936. Avez-vous, vous-même, une opinion sur cette question et comment envisagez-vous ce DPS ?
M. Gérard BOYER : Nous avons une opinion toute simple, monsieur le Président : à partir du moment où le DPS exerce ses activités sur la voie publique, comme nous avons pu le voir lors de certains meetings organisés par le Front National, nous pensons qu’il appartient aux forces de police de procéder à des interpellations et à des vérifications d’identité. J’estime que c’est ce qui aurait dû être fait, notamment à Strasbourg, où ce service d’ordre est intervenu sur la voie publique. Je crois que l’on ne peut pas, dans une démocratie, laisser à un service d’ordre le soin d’exercer la sécurité d’un parti politique sur la voie publique, de surcroît lorsqu’il s’agit, comme c’est le cas en l’occurrence, du Front National. Cette fonction relève de la responsabilité de la police nationale, et certainement pas du DPS !
En deuxième lieu, pour ce qui nous concerne, - et je crois que je peux parler au nom des deux organisations - nous pensons qu’il ne faut pas tout focaliser sur le DPS mais plutôt étudier ses ramifications par l’intermédiaire du Front National et de l’entrisme que ce parti peut mener au sein de la police nationale. J’ai rendu publique à la télévision, il y a quelques mois, une liste de policiers, délégués du Front National, qui se livraient véritablement à des activités politiques en faveur de leur parti. En effet, on peut raisonnablement penser - et c’est là qu’il est extrêmement difficile d’établir un lien et c’est pourquoi je le dis avec beaucoup de réserves - que, si ces gens-là ont des activités au sein du Front National et qu’ils font de l’entrisme dans la police nationale, ils sont membres du DPS. Il faut cependant avouer que, sur le DPS, nous manquons singulièrement d’informations, probablement parce qu’au sein des services de police, on n’a pas très souvent procédé à l’interpellation de ses membres lorsqu’ils exerçaient leurs activités sur la voie publique.
M. le Président : Vous parlez d’entrisme dans la police nationale : comment se manifeste-t-il ?
M. Gérard BOYER : En véhiculant certaines idées que vous connaissez aussi bien que moi. J’ai d’ailleurs apporté quelques tracts que je vous remettrai, émanant d’un individu qui a été incarcéré depuis pour des affaires de droit commun.
Ensuite, le fait d’installer, ainsi que nous l’avons vu lors des élections professionnelles de 1995, ce qui n’était pas un syndicat de police, en l’occurrence le FNP (Front National de la Police), qui a été dissous et remplacé par Solidarité police, qui n’était toujours pas un syndicat de police tel qu’on peut l’entendre dans une démocratie mais, purement et simplement, un parti politique sous couvert de syndicalisme, participe aussi de l’entrisme que j’évoquais.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Depuis les événements de Strasbourg, donc depuis 1997, avez-vous eu connaissance de faits de même nature ? Dans le réseau qui est le vôtre sur le territoire français, avez-vous eu vent d’événements lors desquels les membres du DPS seraient intervenus sur la voie publique et si oui, lesquels ?
Par ailleurs, avez-vous des informations à nous apporter concernant le port d’armes, l’armement des membres du DPS ? Savez-vous quelque chose sur d’éventuels entraînements ?
Enfin, avez-vous connaissance d’actes délictueux ou de braquages qui pourraient voir une relation avec l’extrême-droite et le DPS ?
M. Gérard BOYER : Concernant les activités du DPS sur la voie publique, aucun élément nouveau n’a été porté à ma connaissance. J’ai l’impression qu’elles ont marqué un arrêt.
S’agissant du port d’armes, ce qui me surprend un peu c’est que, alors que le DPS n’existe pas d’aujourd’hui, qu’il était apparu publiquement plusieurs mois avant les événements de Strasbourg, et que ce phénomène, bien que difficilement palpable, soit connu, il n’y ait jamais eu d’interpellations, ni de directives claires à son sujet. Je dois dire que c’est assez surprenant ! Pour notre part, concernant la question du port d’armes, nous avons une position extrêmement claire : nous ne voyons pas de quel droit les membres du DPS pourraient porter des armes et pourquoi il n’y aurait pas interpellation et déféré immédiat. Il y a là quelque chose que je ne parviens pas à saisir.
M. le Président : Vous pensez à des cas précis ?
M. Gérard BOYER : Il n’y a jamais véritablement rien eu, car toute la difficulté que nous avons à réunir des faits concrets et des preuves matérielles tient au fait que personne, à ma connaissance, n’a jamais été interpellé par des services de police.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Et vous n’avez pas d’explications ?
M. Gérard BOYER : Non, si ce n’est que j’ai l’impression qu’à un moment donné, tout le monde a fermé les yeux.
Concernant certaines personnes impliquées dans des affaires de droit commun, et plus précisément M. Frédéric Jamet, puisque c’est à lui que je faisais allusion tout à l’heure, il faut savoir que, bien qu’il soit connu des services de police, au moins pour ses activités au sein du Front National et pour les idées qu’il véhiculait, il n’a jamais, à ma connaissance, fait l’objet de la part de l’administration, durant les sept ou huit ans d’exercice de ses activités dans la police, du moindre rappel à l’ordre. Je ne l’ai jamais vu passer en conseil de discipline...
Nous avons également eu le cas d’un fonctionnaire de police sur Paris qui avait abandonné son véhicule administratif, avec, à son bord, deux jeunes stagiaires de police, au voisinage de la pelouse de Reuilly où se tenait la fête des " Bleu Blanc Rouge ". Ceci avait motivé une demande de traduction devant le conseil de discipline du SGAP (Secrétariat général pour l’administration de la police) mais, à ma connaissance, il n’y a pas été donné suite. Il s’agissait d’un responsable du FNP. Je crois, d’après les éléments dont nous disposons, que c’est davantage en creusant le sujet des ramifications internes du Front National dans la police, qui est en train de se réactiver au travers d’un semblant de syndicat de police dont les tracts circulent depuis la fin de l’année dernière, que nous parviendrons peut-être à remonter jusqu’au DPS. Je suis, pour ma part, prêt à vous remettre, monsieur le Président, ces documents.
M. le Président : Très volontiers !
M. Bruno BESCHIZZA : J’aimerais juste revenir sur le cas Jamet. Comme je siège pour mon corps en commission administrative paritaire depuis cinq ans, je peux témoigner qu’à l’époque, M. Frédéric Jamet était détaché permanent au FNP. Son dossier avait été examiné dans le cadre d’une commission administrative paritaire (CAP) d’avancement et vous pouvez facilement comprendre l’attitude de tous les élus du personnel réunis autour de la table qui refusaient de le faire passer ! Ce qui nous a cependant beaucoup étonnés
– puisqu’il n’y a que deux syndicats d’officiers qui sont représentatifs et siègent en CAP -, c’est que, à la dissolution du FNP, il ait obtenu un tel reclassement. M. Frédéric Jamet a, en effet, été reclassé dans un service dit " d’élite ", un office central, c’est-à-dire dans un service de pointe, qui touche des domaines financiers importants puisqu’il traite de grosses affaires de stupéfiants. Je vous avoue que, lors d’une discussion que j’ai eue avec son chef de groupe de l’époque, ce dernier m’avait confié qu’il se refusait à l’emmener en perquisition parce qu’il s’en méfiait. De là à vous dire que cela servait le Front National, le FNP ou le DPS, c’est un pas que je ne franchirai pas parce que l’on n’en sait rien. Mais il est certain que l’individu en lui-même posait déjà problème puisque ses propres collègues de groupe ne voulaient pas travailler avec lui.
La seule question qui se pose est donc de savoir comment ce syndicaliste, avec une telle connotation a pu être reclassé, alors que, s’il y a effectivement dans la police une tradition de reclassement des syndicalistes aux postes de leur choix, M. Frédéric Jamet était, pour nous, tout sauf un syndicaliste. Il y a effectivement eu un mélange de genres dans le traitement de son dossier.
M. le Président : De quel service s’agissait-il ?
M. Bruno BESCHIZZA : L’office central des stupéfiants, l’OCTRIS (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants), qui dépend de la Direction centrale de la police judiciaire, a une vocation nationale et travaille sur des cas impliquant de gros trafiquants où, très souvent, les sommes en jeu sont colossales.
Concernant les entraînements, il s’agit effectivement d’un problème de fond. Je n’ai pas eu, non plus, de retour au sujet d’entraînements de type paramilitaire organisés. Mais, une autre question se pose : peut-on empêcher ces gens-là de s’entraîner à titre individuel ? La police a effectivement des clubs d’entraînement aux arts martiaux et au tir. Que certains policiers ayant appartenu au FNP ou faisant parti du Front National les fréquentent, c’est possible mais on ne peut pas décréter qu’ils ne doivent pas le faire : c’est effectivement toute la difficulté, y compris dans l’encadrement. De même, concernant la gestion des personnels, certains gardiens ou gradés posent des jours de récupération à la date de la fête des " Bleu Blanc Rouge ". Je ne peux pas, moi, refuser d’accorder ces jours qu’ils peuvent parfaitement utiliser à s’occuper de leur famille ou à d’autres activités... Je ne peux pas, en tant qu’officier, porter un jugement de valeur, et c’est toute la difficulté.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Avez-vous entendu parler de rencontres qui pourraient avoir lieu, soit au château de Neuvy-sur-Barangeon, soit dans des forêts proches de Paris ?
M. Bruno BESCHIZZA : En 1994, il y a effectivement eu des rencontres ; c’était alors la fameuse mode des reconstitutions de petites batailles guerrières dans des bois avec des pistolets à peinture... Je connaissais les idées de certains fonctionnaires, je sais qu’ils allaient, ensemble, exercer ces activités mais je me vois mal adresser un rapport à mes supérieurs hiérarchiques là-dessus, alors que tout ce que je sais ne relève que de discussions de cafétéria et qu’on ne peut pas préjuger des propos tenus autour d’un café.
M. Jean-Pierre BLAZY : Précisément à propos de hiérarchie, si je vous ai bien compris, vous avez regretté l’absence de directives suffisamment claires et nettes pour permettre aux services de police de contrôler le DPS, et déploré l’existence de ce service d’ordre qui outrepasse ses fonctions. Vos propos - et on le voit d’ailleurs avec l’affaire Jamet pour une certaine période - laissent à penser que les connivences ne se situent pas uniquement au niveau de la base mais peut-être également au niveau de la hiérarchie. Quel est votre sentiment sur cette question et avez-vous des noms de personnes, en-dehors de M. Frédéric Jamet, qui auraient des liens directs avec le DPS ?
M. Gérard BOYER. On ne peut peut-être pas parler de complicités ou de complaisances. Souvent, je me demande s’il ne s’agit pas simplement de laisser faire. On l’a vu lors des élections professionnelles en 1995, lorsque le Front National s’est reconstitué avec Solidarité police, organisation contre laquelle nous avions engagé, à l’époque, une action en justice. On a l’impression que l’on privilégie la politique de l’autruche où tout le monde enfouit la tête sous le sable pour ne pas voir alors que nous avions donné l’alerte, non seulement au niveau de l’encadrement de la police nationale, mais aussi à celui de l’administration.
Quand on dépose une liste pour une élection professionnelle et qu’elle s’appelle Front National de la Police, cela démontre bien qu’il ne s’agit pas seulement d’un syndicat de police. Or, la liste, après moult interrogations qui ont duré plusieurs heures, a fini par être admise et considérée comme valable, prétendument pour éviter un recours devant le tribunal administratif ou le Conseil d’Etat. Cela ne me paraît pas une attitude très courageuse : mieux vaut s’exposer à un recours, quitte à le perdre, que de permettre à certaines personnes d’aller à des élections, de bénéficier de structures, de dispenses syndicales, de moyens financiers et de faciliter leur implantation. Tel est, en effet, le résultat auquel on a finalement abouti, depuis 1995, jusqu’à la dissolution du FNP puis la reconstitution de Solidarité police. La liste que je vais vous remettre comprend les noms de gens qui bénéficiaient de dispenses syndicales tout simplement parce qu’on les avait laissé se présenter alors que l’on connaissait leurs activités.
La personne à laquelle j’ai fait allusion tout à l’heure, M. Laurandeau, qui avait abandonné son véhicule aux abords de la fête des " Bleu Blanc Rouge " - ce que tout le monde savait puisqu’il y a un dossier à son sujet qui devait permettre de le traduire devant un conseil de discipline, ce qui n’a jamais été fait... - est toujours en fonction et poursuit probablement ses activités syndicales.
M. Bruno BESCHIZZA : Si vous me permettez de compléter le développement de M. Boyer, j’ajouterai, sur les agissements du DPS et le mélange des genres sur le terrain, que, malheureusement, le problème ne concerne pas uniquement le DPS. Il se pose avec tous les services de sécurité. Lorsque vous montez un service d’ordre, que ce soit autour d’un événement festif ou d’une manifestation plus officielle, il est difficile de déterminer ce qui est voie publique et ce qui ne l’est plus. Nous sommes également confrontés à ce problème avec les services de sécurité étrangers, notamment ceux des ambassades, dont on sait qu’ils sont sur la voie publique, armés. Il y a toujours une difficulté parce qu’en certains endroits, l’autorité de police ne peut pas être l’autorité décisionnaire et que, souvent, il faut que ce soit le préfet en personne qui décide quoi faire.
Avec le DPS, c’est la même chose. Le commissaire sur place, confronté au service d’ordre, ne va pas prendre la décision, par lui-même, d’aller interpeller un membre d’un service de sécurité : il attendra un aval d’une autorité plus haut placée et cette façon de procéder peut être généralisée à tous les services de sécurité.
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Tout à l’heure, vous laissiez entendre que la situation relevait essentiellement d’un " laisser-faire ". Mais, derrière ces noms qui reviennent de façon récurrente, n’y a-t-il pas d’autres personnes, dont on ne parle pas, et qui font partie du milieu des stupéfiants et des sectes ?
M. Gérard BOYER : Sincèrement, sur ce point, je ne suis pas en mesure de vous répondre. Cependant, je suis d’accord avec vous pour dire que, pendant que nous nous focalisons sur le DPS et sur certaines personnes que nous connaissons comme appartenant au Front National, par leurs activités et par les sanctions disciplinaires qu’elles ont encourues, telles que M. Frédéric Jamet ou M. Jean-Paul Laurendeau, il s’est mis en place un véritable maillage qui existe encore puisqu’il s’est aujourd’hui reconstitué autour des " Amis de la police nationale " et qui comprend un réseau de délégués très important.
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Si vous le voulez bien, je vais préciser ma question. D’après les personnes que nous avons auditionnées et interrogées sur les organisations de meetings des différents partis politiques, il semblerait que les moyens financiers du DPS soient importants. En effet, on peut penser que les membres du DPS, armés, dotés d’uniformes, entraînés et encadrés, bénéficient de sources de financement autres que celles des partis démocratiques ou que les quelques héritages ou donations de personnes généreuses à leur égard. Il faut remonter la filière : puisqu’ils disposent de tant de moyens, et que certaines personnes se trouvent impliquées dans des problèmes de stupéfiants, peut-être conviendrait-il de chercher des sources de financement ailleurs...
M. Gérard BOYER : On peut raisonnablement le penser. Ainsi, pour revenir à l’affaire Jamet, on sait que l’un de ses complices qui, si je me souviens bien, répond au nom de Patrick Guillermic est tombé pour des affaires de hold-up. Donc il est permis de supposer qu’il y a imbrication.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous n’avez aucun fait concret à nous rapporter ?
M. Gérard BOYER : Cette affaire-là est un cas concret puisque M. Patrick Guillermic est incarcéré à la prison de la Santé, me semble-t-il.
M. le Président : Il faisait partie de l’équipe qui a braqué le restaurant Pétrossian.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Et c’est bien pourquoi vous vous demandez pourquoi rien n’a été fait avant ?
M. Gérard BOYER : Oui ! En tant que syndicalistes et policiers républicains, nous avons eu du mal à comprendre comment on pouvait laisser se mettre en place, au sein de l’institution, un groupement comme le Front National de la Police, sans aucune réaction de la part de l’administration.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Et l’aviez-vous dénoncé de façon officielle ? Avez-vous, à un moment donné, attiré l’attention de votre hiérarchie sur ce fait ?
M. Gérard BOYER : Oui, en novembre 1995, me semble-t-il, à partir du moment où le FNP s’est vraiment constitué. On savait qu’existait un groupement autour de la FPIP (Fédération professionnelle indépendante de la police) mais c’est alors que nous nous sommes vraiment aperçus, pour ainsi dire du jour au lendemain, qu’il y avait une organisation réellement structurée qui existait et qui se découvrait brutalement à l’approche de ces élections professionnelles. A ce moment-là, à peu près tous les syndicats se sont montrés unanimes pour réagir vivement, ce qui n’a pas empêché qu’il y ait tout de même une liste aux élections professionnelles, dotée de moyens, puisque le fonctionnement des syndicats est, en partie, financé aujourd’hui par des deniers publics.
M. le Président : Cela a permis la constitution du maillage dont vous avez parlé. Vous avez également évoqué les Amis de la police. De quoi s’agit-il ?
M. Gérard BOYER : Pour reprendre très rapidement l’histoire, nous avons eu d’abord le FNP qui a été dissous, puis Solidarité police contre laquelle nous avions, au nom du syndicat Alliance, engagé des poursuites judiciaires et qui a totalement disparu. Finalement, on voit poindre aujourd’hui - j’ai eu les documents, il y a une quinzaine de jours mais ils remontent à la fin de l’année 1998 - les Amis de la police nationale.
M. le Président : Cela apparaît comment ?
M. Gérard BOYER : Qu’il s’agisse des Amis de la police nationale ou des amis du FNP, ils se manifestent par des tracts distribués dans les boîtes aux lettres et dont j’ai quelques exemplaires. Plus précisément, ces tracts sont distribués dans les boîtes aux lettres de particuliers de la région de Perpignan.
M. le Président : Vous avez parlé de maillage : il s’agit bien d’un maillage au sein de la police, auquel les Amis de la police nationale participent ?
M. Gérard BOYER : Absolument, monsieur le Président ! Il y a deux associations : les Amis de la police et les Amis du FNP. Les Amis du FNP sont constitués en association loi 1901 dont le siège social est à Brunoy où était également situé le siège du FNP, puis, par la suite, celui de Solidarité police. En outre, Brunoy était la ville où résidait M. Jean-Paul Laurendeau qui est un des responsables du Front National. Les Amis de la police nationale ont leur siège à Nanterre, 10 rue du Télégraphe.
M. le Président : Mais ces deux organismes se manifestent à l’intérieur même de la police ?
M. Gérard BOYER : Ils viennent seulement de démarrer. Leur activité nous a été signalée par nos adhérents du Languedoc-Roussillon et principalement de Perpignan : il semblerait qu’il y ait eu des envois - je parle au conditionnel car cela reste à démontrer - au domicile de certains fonctionnaires de police. Je n’en ai pas les preuves matérielles mais c’est une affaire à suivre de très près.
M. Jean-Pierre BLAZY : Ma question se situe dans le prolongement de tout cela. Entre ces réseaux qui fonctionnent, mais qui sont tout de même un peu volatiles, et la FPIP, qui est une organisation syndicale, existe-t-il des liens directs au niveau des responsables ? M. Philippe Bitauld ou d’autres responsables de la FPIP sont-ils dans ces réseaux ?
M. Gérard BOYER : D’après les informations que nous avons, mais qui encore une fois, ne correspondent à rien de palpable, on m’a toujours dit que le problème de la naissance du Front National de la Police résultait d’une divergence de vue entre M. Philippe Bitauld qui aurait été mégrétiste et les créateurs du Front National qui étaient plutôt de la tendance Le Pen. Ce sont les éléments concrets qui démontrent que les liens entre le Front National et la FPIP sont très étroits.
Un incident assez grave s’est produit dans le XVIIIème arrondissement de Paris, où était le siège de la FPIP, il y a à peu près un an je crois. Un fonctionnaire de police, détaché permanent de ce syndicat, tout simplement parce qu’il lui déplaisait d’être servi par un jeune vietnamien dans un restaurant où il était allé dîner le soir, a tiré précisément sur l’image d’un jeune vietnamien assis sur un arbre dans la fresque qui ornait le mur. Ce fonctionnaire est passé en conseil de discipline et, je tiens à vous rassurer, il a été révoqué.
M. le Président : C’est tout de même préférable !
M. Gérard BOYER : Mais, pour revenir à votre question, les liens sont très étroits entre le Front National et la FPIP.
M. Jean-Pierre BLAZY : M. Philippe Bitauld appartient-il lui-même au Front National ? Je le connais puisqu’il a été élu dans ma commune, mais non pas en tant que représentant du Front National : il dirigeait une liste qui comportait un grand nombre de fonctionnaires de police. Il a été le seul élu de sa liste, puis il a déménagé. Mais, en tout cas, il ne revendiquait jamais une quelconque appartenance au Front National.
M. Gérard BOYER : Nous n’avons pas d’éléments concrets sur son appartenance au Front National ; en revanche nous en avons sur celle de son entourage.
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Y a-t-il des régions ou des départements qui vous paraissent faire davantage parler d’eux ? On évoque souvent, à propos de l’action du Front National, la région parisienne mais peut-être avez-vous connaissance d’événements moins spectaculaires qui se dérouleraient dans d’autres départements ?
M. Gérard BOYER : Il y a effectivement des régions sensibles telles que la Picardie, le midi de la France, notamment les Bouches-du-Rhône.
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Et le Midi-Pyrénées ?
M. Gérard BOYER : Pas particulièrement, sauf peut-être un peu le Languedoc-Roussillon et les Pyrénées-Orientales.
M. André VAUCHEZ : En tant que policiers, avez-vous des preuves manifestes que le DPS vous empêche d’exercer votre mission de sécurité sur le terrain et, si oui, est-ce que cet empêchement peut venir de l’entrisme pratiqué par le DPS dans les forces de police ?
Enfin concernant l’argent, puisque, même si, paraît-il, ces gens sont souvent bénévoles, tout cela doit tout de même avoir un coût, n’avez-vous pas une idée de sa provenance ?
M. Bruno BESCHIZZA : Je répondrai à vos deux premières questions par la négative et tout particulièrement à la seconde. J’ai fait partie d’une unité de maintien de l’ordre où l’on peut connaître les hommes que l’on commande puisque, à un moment donné, ils sont toujours amenés à se livrer, même s’ils conservent toute liberté d’agir à leur guise en dehors tant que cela ne nuit pas au service. Or je peux dire que, dans le cadre d’un maintien de l’ordre ou d’un service d’ordre, je n’ai jamais eu une seule attitude d’opposition d’un gardien de la paix sous prétexte qu’il aurait des liens avec telle ou telle personne. C’est une constatation qui s’applique finalement à tous les partis.
M. André VAUCHEZ : Mais n’êtes-vous pas parfois gênés par la présence du DPS ?
M. Bruno BESCHIZZA : Vous nous avez demandé des éléments de preuve mais nous n’en avons pas.
La seconde question est fondamentale. Effectivement puisque M. Boyer parlait d’entrisme, nous ne sommes pas plus à l’abri des sympathisants du Front National que ne l’est le reste de la société française, mais jamais je n’ai eu connaissance de problèmes d’officiers qui, dans leur commandement, auraient été confrontés à des refus d’obéissance de la part des gardiens. C’est fondamental : il y a quand même un esprit maison que l’on retrouve dans les résultats des élections professionnelles puisque, après avoir beaucoup parlé du FNP, on a vu que son score relativisait beaucoup la force que l’on voulait bien prêter à ses idées dans la police nationale...
M. André VAUCHEZ : Et sur l’argent ?
M. Bruno BESCHIZZA : Là-dessus, je ne sais rien !
M. le Président : Messieurs, nous vous remercions.
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