Sujet : DPS
Audition de : Christian Bernard
En qualité de : commissaire divisionnaire à la direction départementale de la sécurité publique de Saône et Loire
Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)
Le : 24 mars 1999
Présidence de M. Guy HERMIER, Président
M. Christian Bernard est introduit.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Christian Bernard prête serment.
M. le Président : Monsieur Bernard, vous étiez, et vous l’êtes toujours, responsable de la sécurité dans ce département et présent sur les lieux au moment des événements qui se sont déroulés à Montceau-les-Mines. De nombreux témoignages recueillis par la Commission conduisent, en effet, à s’interroger sur l’attitude des forces de l’ordre lors de ces événements. C’est pourquoi nous avons souhaité vous entendre.
M. Christian BERNARD : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ferai un bref exposé des événements vus depuis la direction départementale de la sécurité publique.
Mes services ont été informés, dans le courant du mois d’octobre 1996, de l’organisation d’une réunion du Front National par M. Gérard Collinot - à l’époque conseiller régional et conseiller municipal de Montceau-les-Mines -, avec la venue de M. Bruno Gollnisch. Dans le même temps, un rassemblement de protestation de plusieurs organisations politiques ou syndicales nous a été signalé.
Une réunion préparatoire au service d’ordre s’est tenue à la préfecture, quelques jours avant les faits du 25 octobre, et un dispositif a été arrêté après une large concertation avec M. le préfet, son directeur de cabinet, le directeur départemental des renseignements généraux et moi-même.
Ce dispositif consistait à prévoir une force d’intervention pour le cas où les événements se dérouleraient d’une façon difficile. Une CRS a été demandée à la direction générale de la police nationale, une équipe de maintien de l’ordre composée de vingt fonctionnaires locaux a été constituée et une équipe de surveillance, composée de deux officiers, a été mise sur pied afin d’assurer le suivi des faits se produisant aux abords du centre nautique où se tiendrait cette réunion.
M. le préfet m’a donné des consignes d’intervention. Il m’a demandé d’abord d’assurer personnellement la direction du service d’ordre en lieu et place du commissaire local qui m’assisterait. Il m’a ensuite demandé de ne pas prépositionner sur le site d’éléments de force de l’ordre, qu’il s’agisse de forces de sécurité publique ou de forces de CRS. En aucun cas il ne fallait que l’on puisse dire que la police nationale assurait la protection d’une réunion du Front National.
Les consignes d’intervention étaient simples : nous ne devions intervenir qu’en cas d’échanges physiques, graves et avérés, et sur réquisition. Je devais, bien sûr, tout au long de la soirée, tenir informée l’autorité préfectorale.
Comment s’est déroulée la soirée du 25 octobre 1996 ? Un premier rassemblement de protestation de 300, 350 personnes s’est tenu devant l’hôtel de ville, tout à fait calme, entre 18 et 20 heures. La réunion du Front National a débuté à 20 heures 30. Auparavant, dès 19 heures 30, des membres du service de sécurité du Front National se sont prépositionnés sur le parking qui jouxte le centre nautique où se tenait la réunion, qui rassemblait environ 80 personnes.
Dès la fin du premier rassemblement, une soixantaine de personnes se sont rendues au centre nautique qui se situait à deux kilomètres de l’hôtel de ville, pour y protester à l’entrée.
Je me trouvais alors à la salle radio du commissariat, à l’écoute de mon équipe d’officiers chargés du renseignement ; les CRS prépositionnés à la compagnie de gendarmerie et les éléments de sécurité publique étaient prêts à intervenir.
A 20 heures 45, j’ai été informé qu’un bref contact physique entre les membres du DPS et les contre-manifestants s’était produit à l’arrivée de M. Bruno Gollnisch, avec usage de bombes de gaz lacrymogène. Les individus qui ont chargé pour dégager l’entrée du centre nautique ne portaient, à ce moment-là, ni casque ni bouclier.
Suite à ce premier contact, une jeune fille a été légèrement blessée et conduite à l’hôpital. Mais nous avons appris, le lendemain, que deux autres personnes avaient été blessées au cours de ce premier contact. Trois plaintes ont donc été déposées, avec une incapacité de trois jours.
A la suite de ce premier contact, des jets de projectiles et des insultes ont été échangés, les manifestants croyant avoir affaire à des policiers, puisque lors des jets de projectiles une quinzaine de membres du DPS s’étaient harnachés de boucliers et de casques.
De 20 heures 50 - à l’issue de ce premier contact - jusqu’à 23 heures, nous avons assisté à des montées des membres du DPS vers les contre-manifestants qui reculaient, afin de gagner du terrain sur le parking - mais sans aucun contact physique. Vers 23 heures, voyant venir la fin de la réunion et pensant que des événements plus graves pouvaient se produire, j’ai demandé à M. le préfet de faire avancer les éléments de sécurité publique à côté du site et de mettre en alerte la CRS. Ce qui a été fait immédiatement.
Au moment où nous prépositionnions nos forces, la personnalité quittait le centre nautique et un second contact physique se produisait entre le DPS et les contre-manifestants. Nous intervenions alors avec les sapeurs-pompiers et nous avons été lapidés ; deux véhicules ont été endommagés. Nous protégions les pompiers qui récupéraient un blessé du Front National qui n’a d’ailleurs déposé aucune plainte.
Après 23 heures, des patrouilles générales ont été effectuées sur la circonscription et la fin de service a été officielle à 0 heure trente. Le bilan judiciaire a été le suivant : trois plaintes pour coups et blessures volontaires ; deux noms de responsables présumés du DPS ont été consignés sur ces procès-verbaux qui ont été transmis au procureur de la République de Chalon-sur-Saône, les auditions des responsables présumés ne pouvant être réalisées par mes services, puisqu’ils habitaient en zone de gendarmerie.
M. le Président : Par vos propos, vous confirmez ce que nous ont rapporté les journalistes présents sur les lieux, à savoir qu’un premier contact physique a eu lieu vers 20 heures 45, 21 heures, et qu’il s’est produit entre des membres du DPS " en tenue civile " et les contre-manifestants.
Les journalistes sont ensuite entrés avec Bruno Gollnisch dans la salle pour ressortir peu après. Ils ont alors découvert des membres du DPS habillés avec des uniformes ressemblant à ceux des policiers. Ils nous ont indiqué que pendant une heure, une heure et demie, il y a eu une sorte de régulation entre un groupe de jeunes qui protestaient contre le meeting et les membres du DPS - que l’on pouvait prendre pour des CRS.
Nous nous interrogeons sur le fait que pendant tout ce temps, ce soit le DPS en uniforme qui ait assuré l’ordre sur la voie publique. N’était-ce pas le rôle des forces de police ? Les images diffusées à la télévision révèlent, en effet, non seulement l’absence des forces de l’ordre, mais également le DPS en train de maintenir l’ordre.
M. Christian BERNARD : Nous avions arrêté, sous l’autorité préfectorale, un schéma de travail. Il était entendu que si des faits graves, avérés et généralisés ne se produisaient pas, on ne s’interposait pas. Si nous avions dû nous interposer avant la réunion, nous aurions été contraints, toute la soirée, d’affronter un groupe ou l’autre, les événements se déroulant sur un immense parking qui permet une grande mobilité. L’action de la police aurait été mal comprise.
Si nous avions dû nous interposer à chaud, après les premiers heurts légers, le cas de figure aurait été identique. C’est, à mon avis, la sagesse qui a prévalu. J’ai tenu M. le préfet informé du déroulement des faits tout au long de la soirée ainsi que, de leur côté, les renseignements généraux. En mon âme et conscience, je pense que nous avons agi de la meilleure façon pour la protection de l’ordre public ; j’ai conscience que cela n’était pas parfait et que les images diffusées ne militent pas en notre faveur - mais il convient de resituer l’ensemble des événements de la soirée, qui a été très longue.
M. le Président : M. le préfet a insisté hier sur le fait que les UMI ont fait leur apparition pour la première fois à Montceau-les-Mines. Nous pouvons donc comprendre que vous ayez été surpris. Aujourd’hui, agiriez-vous de la même façon ?
Estimez-vous normal que pendant les meetings du Front National, et en cas de confrontation avec des manifestants, ce soit les membres du DPS - dont les tenues prêtent à confusion - qui assurent l’ordre public ?
M. Christian BERNARD : Je ne trouve évidemment pas normal que les lois de la République soient bafouées. Mais je persiste à penser qu’il n’y avait pas d’autre solution. Si nous nous étions interposés dès le début de la réunion, on nous aurait accusés d’assurer le service d’ordre du Front National, et si nous nous étions interposés à chaud, il est certain que des incidents auraient eu lieu.
Je voudrais tout de même vous signaler que le groupe de jeunes qui nous a bombardés lors de notre intervention finale, prenaient les membres du DPS pour des policiers - ils ressemblaient d’ailleurs plus à des gendarmes mobiles qu’à des CRS, avec leurs casques bleus et leurs blousons ! Si nous étions intervenus les choses ne se seraient donc pas bien passées non plus.
C’est à cette occasion qu’on a découvert un DPS dont on ignorait tout. Je pense sincèrement que l’on a agi le moins mal possible. Quoi qu’il en soit, nous étions prêts à intervenir si, après le premier contact physique, d’autres contacts s’étaient produits ; nous avions, pour cela, fait avancer l’unité en fin de soirée.
M. le Rapporteur : Monsieur le commissaire, notre objectif est non de critiquer ou de mettre en cause le préfet ou les forces de police, mais de décortiquer l’un des principaux événements où le DPS est intervenu sous sa forme la plus paramilitaire ou parapolicière.
Si je comprends la volonté du préfet de ne pas donner l’impression que la police nationale protège une manifestation autorisée d’un parti politique autorisé, nous avons le sentiment que la manifestation des honnêtes gens avait lieu à la mairie, tandis que des petits " loubards " du quartier voisin allaient se " payer " les membres du Front National. Il n’était donc pas question d’intervention, comme vous l’avez dit, pour ramasser des coups puisque ces jeunes prenaient les gens du DPS pour des policiers.
Ce qui m’inquiète, c’est la carence des services de police dans cette affaire, même s’ils ne voulaient pas, et je le comprends, être pris entre le marteau et l’enclume. Vous nous avez confirmé que le DPS s’était prépositionné sur le parking dès 19 heures 30 ; on a donc laissé un service d’ordre d’une formation politique assurer l’ordre sur un lieu public. Cette carence des services de police a été remarquée non seulement par les journalistes indépendants, mais également par les membres du Front National qui se sont plaints de la non intervention des forces de l’ordre lorsqu’ils ont demandé de l’aide. Pourquoi cette absence, compréhensible la première fois mais beaucoup moins la deuxième ?
M. Christian BERNARD : Je voudrais vous préciser que les membres du DPS qui s’étaient prépositionnés sur le parking à 19 heures 30, ne portaient ni casque ni bouclier
– ils ont revêtu la tenue paramilitaire après les premiers heurts, c’est-à-dire après 20 heures 45. Il était donc difficile d’intervenir à ce moment-là.
Quant aux appels à l’aide, M. Bruno Gollnisch a effectivement appelé le commissaire de Montceau-les-Mines, non pas pour lui demander de l’aide, mais pour lui demander d’assurer la protection de la salle. Cet appel a été donné de sa voiture avant son arrivée à Montceau-les-Mines. Il lui a été répondu que les forces de police n’assuraient pas le service d’ordre d’une réunion politique.
M. le Président : Entre 21 heures et 23 heures, vos officiers vous ont-ils informé que les membres du DPS avaient revêtu une tenue différente ?
M. Christian BERNARD : Oui, nous l’avons su à 21 heures. Les communications radio ont eu lieu toute la soirée et étaient immédiatement répercutées à l’autorité préfectorale.
M. Arthur PAECHT : Monsieur le commissaire, je voudrais que l’on se replace dans l’ambiance de cette soirée. Vous êtes au PC, en liaison avec l’autorité préfectorale et les forces de l’ordre sur le terrain. Le premier événement est l’arrivée d’une quarantaine de membres du DPS, en tenue n° 1, qui viennent se prépositionner sur le parking. Vous êtes aussitôt averti.
Je suppose qu’à ce moment-là vous avez essayé de savoir s’il y a un chef, s’ils obéissent à quelqu’un, s’ils sont entourés... Quelles informations précises vous ont été transmises : qu’il s’agissait de personnes en faction ou d’un groupe très organisé ?
Par ailleurs, vous nous dites que certains membres du DPS ont revêtu, un peu plus tard, une tenue paramilitaire. Comment cela s’est-il passé ? Ces personnes avaient-elles des sacs à côté d’elles, ou s’agissait-il de personnes différentes ?
Enfin, avez-vous eu l’impression d’avoir affaire à des personnes entraînées, formées, qui obéissaient à des ordres ?
M. Christian BERNARD : Le centre nautique est un bâtiment construit à l’écart de la ville sur un très grand parking avec accès libre. Il y a une piscine qui était alors ouverte au public ; il y avait donc un mouvement de personnes étrangères au Front National et au groupe de contre-manifestants ; la situation n’était donc ni très claire ni très figée.
Les membres du DPS sont arrivés en voiture - notamment dans une Espace - et ont pris position sur le parking, mais pas d’une façon militaire. Les changements de tenue se sont faits sur le parking près des voitures, les tenues étant dans les coffres.
Lorsque les manoeuvres des membres du DPS casqués nous ont été relatées, il m’a paru évident qu’il existait une véritable coordination laissant penser qu’il ne s’agissait pas d’une improvisation. Le maintien de l’ordre, ça s’apprend. Nous les avons notamment vus regagner un rond-point pour fluidifier le trafic et pouvoir extraire la personnalité, manoeuvre qui n’est pas innée.
M. Arthur PAECHT : Vous nous dites, donc, que la piscine était ouverte et que, de ce fait, de nombreuses personnes étrangères à la fois au Front National et au groupe de contre-manifestants étaient présentes. Cela n’aurait-il pas dû vous inciter à reprendre possession des lieux pour protéger les personnes qui étaient là, puisque vous saviez qu’il y avait manifestation et contre-manifestation ?
M. Christian BERNARD : Nous n’étions pas sûrs que la contre-manifestation aurait lieu. A l’issue de la réunion qui s’est déroulée devant l’hôtel de ville, les partis politiques et les syndicats n’ont pas incité les manifestants à aller au-devant du Front National. Au contraire.
M. Arthur PAECHT : La contre-manifestation était donc spontanée ?
M. Christian BERNARD : Spontanée, je ne sais pas, mais elle n’était pas annoncée.
M. Arthur PAECHT : Vous ne saviez pas que des personnes du service d’ordre allaient venir en uniformes, avec des casques et des boucliers ? C’était vraiment l’effet de surprise !
M. Christian BERNARD : Les renseignements généraux nous avaient parlé du DPS, mais personne n’était capable de dire qui allait venir, combien, comment et dans quelle tenue.
M. le Président : Lorsque vous l’avez appris - vers 21 heures -, vous avez immédiatement prévenu le préfet ?
M. Christian BERNARD : Bien sûr.
M. le Président : Et cela ne vous a pas incité à intervenir ?
M. Christian BERNARD : Non, nous nous en sommes tenus au schéma initial, dans la mesure où il n’y a plus eu de contacts physiques après les premiers heurts ; les manifestants reculaient chaque fois que le DPS avançait - et inversement. Le second contact physique a eu lieu lorsque le service d’ordre a voulu extraire la personnalité, mais, là, nous étions sur place - ce qui a certainement permis aux événements de ne pas dégénérer.
M. Arthur PAECHT : La piscine était-elle fermée ?
M. Christian BERNARD : Oui, elle a fermé à l’heure habituelle, vers 22 heures.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Monsieur le commissaire, il n’est pas rare, lorsqu’une manifestation du Front National est annoncée, que des contre-manifestations soient prévues. Il n’est pas rare non plus que certains contre-manifestants aillent au plus près de la réunion pour manifester encore davantage leur hostilité à l’encontre du Front National. C’est visiblement ce qui s’est passé à Montceau-les-Mines.
N’avez-vous à aucun moment imaginé que des contre-manifestants pourraient se rendre au centre nautique ? Dans l’affirmative, avez-vous tenté de discuter avec ces personnes ? Avez-vous pu identifier s’il s’agissait de jeunes loubards ? Les renseignements généraux ou les policiers ont-ils pris contact avec les personnes qui se rendaient sur les lieux de la réunion ?
M. Christian BERNARD : Bien entendu, nous avions prévu qu’il pouvait y avoir une contre-manifestation et c’est la raison pour laquelle M. le préfet avait demandé une CRS.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Les renseignements généraux vous ont-ils donné des informations ?
M. Christian BERNARD : Bien sûr, nous étions en contact radio.
S’agissant de votre deuxième question, le groupe de personnes qui s’est rendu au centre nautique n’était certainement pas composé que de loubards - les blessés, de jeunes étudiants ou jeunes travailleurs, n’en étaient d’ailleurs pas.
Pour le reste, j’ai rendu compte de toutes les informations que je possédais, et mon collègue des RG en a fait autant.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Parmi les contre-manifestants, avez-vous identifié une tête de file ? Ne les avez-vous pas contactés pour les dissuader de se rendre au centre nautique ? J’ai l’impression qu’on a laissé faire cette contre-manifestation tout en sachant que cela pouvait tourner mal, puisque une compagnie de CRS avait été appelée !
M. Christian BERNARD : Il n’y avait aucune tête de file. Il s’agissait d’une manifestation très inorganisée, très confuse. Ils sont arrivés chacun de leur côté, à pied ou en voiture, et nous n’avons eu aucun contact avec eux.
M. le Président : Je voudrais revenir sur les membres du DPS habillés dans des tenues comparables à celles des forces de l’ordre. Il y a là un problème d’usurpation d’uniforme ; y a-t-il eu des poursuites ?
M. Christian BERNARD : Nous avons enregistré trois plaintes pour faits de violence sur trois jeunes contre-manifestants. Nous avons identifié deux personnes pouvant être des dirigeants, au moins sur le terrain, de ce groupe. Tout cela a été consigné en procédure et transmis au procureur de la République de Châlon-sur-Saône, étant entendu que ces gens n’étaient pas domiciliés sur notre ressort géographique.
M. le Rapporteur : Certes, mais il s’agit là de plaintes pour coups et blessures et non pas pour port d’armes prohibé ou pour usurpation d’uniformes.
M. Christian BERNARD : Les plaintes pouvaient très bien déboucher sur ce chef d’accusation, en faisant apparaître que l’équipement des membres du DPS était proche de celui des forces de l’ordre. Il était tout à fait possible de poursuivre. Mais c’est au parquet de décider.
M. le Président : D’après nos renseignements, il ne l’a pas fait. On peut penser que l’état d’esprit de l’époque a justifié le fait qu’il n’y ait pas de poursuites.
M. Christian BERNARD : Avec le recul, - je connais, par la presse, les événements survenus ailleurs - on peut voir les choses autrement. Mais il convient de ne pas oublier que les faits se sont déroulés il y a trois ans et que l’on ne savait pratiquement rien de ce groupe. Nous avons essayé de gérer au mieux.
M. Arthur PAECHT : Ce n’est pas une attaque personnelle, mais nous avons l’impression que les forces de l’ordre se sont comportées davantage en forces de contemplation qu’en forces d’interposition. Cela est d’autant plus grave que les contre-manifestants ont pu penser que les forces de l’ordre étaient vraiment présentes pour s’interposer. A la lumière de cette expérience, ne pensez-vous pas qu’il aurait fallu occuper ce parking et ne pas laisser les membres du DPS en prendre possession ?
M. Christian BERNARD : Les lieux ne sont vraiment pas faciles à tenir et une compagnie n’y aurait pas suffi. En outre, il ne s’agissait pas de manifestations très organisées : d’un côté, il y avait le DPS, très compact, et, de l’autre, des électrons libres qui jetaient des pierres.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les jeunes qui ont soi-disant regretté notre absence étaient persuadés de nous jeter des pierres, pensant avoir affaire à des policiers ! Et le Front National qui a crié à la " non assistance à personne en danger " a employé des méthodes qui ont pu laisser croire que... le danger n’était peut-être pas là.
M. Arthur PAECHT : Vous voulez dire qu’ils se sentaient protégés ?
M. Christian BERNARD : Non, mais ils se sentaient en supériorité physique par rapport aux jeunes.
M. Arthur PAECHT : Avez-vous l’impression qu’ils se sentaient protégés par les forces de l’ordre ?
M. Christian BERNARD : Non, puisque l’organisateur du meeting a ensuite déposé une plainte contre M. le préfet pour non assistance à personne en danger.
M. le Président : Le ministre de l’intérieur de l’époque nous a dit, lors de son audition, que c’était ces événements qui l’avaient conduit à s’interroger sur la question de la dissolution du DPS. En outre, un journaliste nous a rapporté que, interpellant le directeur de la police nationale de l’époque, celui-ci lui aurait répondu que ces éléments étaient regrettables et qu’il fallait que l’on soit plus vigilant pour que cela ne se reproduise pas. Y a-t-il eu une enquête de commandement ?
M. Christian BERNARD : Non.
M. le Président : Ma question ne visait pas votre action, je voulais simplement savoir s’il y avait concordance entre ce que l’on nous a dit et la réalité.
M. Christian BERNARD : J’ai simplement rendu compte par un rapport.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Au regard de ce que vous avez appris lors de cet événement, pensez-vous que les membres du DPS ont eu une attitude provocatrice, et qu’ils profitent de ces contre-manifestations pour se faire remarquer ?
M. Christian BERNARD : Je ne saurais répondre à votre question, mais je ne suis pas sûr qu’ils tirent un grand bénéfice de ce type d’agissements dans l’opinion départementale. Quant à la provocation, elle venait des deux côtés. Les jeunes sont arrivés avec des cailloux et des canettes de bières ; il y a eu une mêlée au départ ; ça va très vite. Ce n’est jamais très tranché en maintien de l’ordre.
Referions-nous la même chose ? Je ne sais. C’est sur le terrain qu’on sent les choses.
On nous reproche de ne pas être intervenus, mais compte tenu de nos connaissances et de la topographie du terrain, nous ne pouvions rien faire d’autre. Sauf à s’interposer, mais à quel prix ? Et au bénéfice politique de qui ? Nous aurions dû affronter les manifestants, faire bouclier et recevoir tout ce qui volait !
M. Arthur PAECHT : Vous vous demandez " au bénéfice politique de qui ". Mais l’action du service d’ordre se fait au bénéfice de la sécurité publique. Elle n’est jamais envisagée en fonction d’un quelconque bénéfice politique.
M. Christian BERNARD : Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le député. Mais l’on finit par inhiber les forces de l’ordre, qui sont en permanence en train de peser leurs actions en se demandant quelle sera l’analyse de ce qu’elles font ou ne font pas... ! Effectivement, nous sommes uniquement au service de la loi. C’est évident.
M. le Rapporteur : Pourquoi le centre nautique a-t-il été choisi comme lieu de réunion ? Etait-ce parce qu’il est éloigné de la ville ? Etait-il susceptible d’être mieux tenu ?
Par ailleurs, combien étaient les manifestants et quels étaient les effectifs des forces de l’ordre ? Combien de temps auraient mis ces forces de l’ordre pour se déplacer de leur position au lieu de la bagarre si celle-ci avait pris un tour plus dramatique ?
M. Christian BERNARD : Nous ne sommes pas intervenus sur le choix du centre nautique. C’est la mairie de Montceau-les-Mines qui a loué cette salle. Nous n’avons pas été consultés.
Les manifestants étaient une soixantaine, alors que l’on comptait une quarantaine de membres du DPS, dont quinze en tenue paramilitaire. Les forces de l’ordre étaient composées de vingt fonctionnaires de sécurité publique et d’une CRS de quatre-vingts policiers environ. Enfin, s’agissant du temps d’intervention, les forces de l’ordre étaient stationnées à vue, soit à cinq minutes.
M. André VAUCHEZ : Monsieur le commissaire, vous confirmez donc que la tenue que portaient certains membres du DPS ce soir-là pouvait être confondue avec les uniformes des policiers. Ne pensez-vous pas que le fait de porter ces vêtements est provocateur ?
M. Christian BERNARD : Il s’agissait d’une tenue proche de celle portée par les gendarmes mobiles - casque bleu, blouson foncé et pantalon d’une couleur un peu différente. Est-ce provocateur ? Evidemment, ce n’est pas une tenue dans laquelle il est habituel de se promener. Je dois dire que l’effet de surprise a été total : c’est à Montceau-les-Mines qu’on les a vus dans cette tenue pour la première fois.
M. le Président : Monsieur le commissaire divisionnaire, je vous remercie.
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