Sujet : DPS
Audition de : Guy Konopnicki
En qualité de : Journaliste à L’Evènement du Jeudi
Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)
Le : 31 mars 1999
Présidence de M. Guy HERMIER, Président
M. Guy Konopnicki est introduit.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Guy Konopnicki prête serment.
M. Guy KONOPNICKI : Comme d’autres journalistes, je me suis intéressé au Front National à partir du moment où il a joué un rôle important dans la vie publique, notamment lorsqu’il a eu, ici même, une représentation parlementaire. Au départ, nous avons été un petit nombre à estimer qu’il fallait l’observer de plus près pour savoir s’il ressemblait effectivement aux organisations d’extrême-droite que nous avions connues précédemment, dont l’une, qui constituait une des fondations du Front National, avait été dissoute à la suite de violences en 1973.
Au moment où se constitue ce qui, finalement, s’appellera le DPS, les choses s’organisent sur un principe qui ne ressemble pas à ce que l’on trouve généralement en matière de dispositif de sécurité dans les partis républicains ; en effet le DPS est, au départ, constitué par une circulaire interne selon laquelle " les noyaux du DPS, département par département, sont responsables devant le président du parti - c’est-à-dire M. Jean-Marie Le Pen - et lui seul. " Cela ressemble plus à une garde prétorienne qu’à un service d’ordre.
Il est également précisé qu’il existe un noyau dans chaque département qui doit disposer de tous les moyens nécessaires, sans plus de précisions sur ces moyens ; mais quand on parle de moyens en matière de défense et de sécurité, on peut imaginer un certain nombre de choses.
Puisque nous sommes dans le cadre d’une Commission d’enquête parlementaire - ce dont je me réjouis -, on peut se poser des questions qu’il est difficile de poser par écrit dans la presse, compte tenu des lois sur la presse, même si je les ai évoquées dans Les filières noires et dans un certain nombre d’articles de L’Evénement du Jeudi.
Tout d’abord, dans deux affaires où il y avait mort d’homme : l’une, à Marseille - l’assassinat d’un jeune homme pendant un collage d’affiches du Front National -, l’autre, à Toulon - la mort d’un adjoint au maire, M. Jean-Claude Poulet-Dachary - j’ai été surpris de constater que, contrairement à ce que faisaient les journalistes d’investigation, les magistrats ont cessé d’enquêter sur le DPS lui-même.
Dans l’affaire de Marseille, ma surprise - sans froisser personne ici -, est la suivante : quand un juge d’instruction constate à Créteil qu’il y a des fausses factures ou des choses suspectes, il se fait mandater pour aller au siège d’un parti politique et voir si quelque chose correspond. C’est arrivé deux fois tout près d’ici. Or, quand on a trouvé trois armes entre les mains de M. Robert Lagier, aujourd’hui condamné, et de ses comparses, il n’y a pas eu, à ce moment-là, d’investigation systématique chez les membres du DPS, voire au siège marseillais du Front National. Ils ont eu tout le temps, avant d’être interrogés - ils ont été interrogés - de prendre toutes les dispositions pour que l’on ne trouve rien. Il n’y a pas eu de perquisition à toute vitesse, comme on aurait pu le faire puisqu’il y avait mort d’homme, flagrant délit. Donc on n’a rien trouvé, sinon que les trois colleurs d’affiches étaient tous les trois porteurs d’armes. Or, la protection des actions de collage d’affiches fait partie des missions du DPS. Il y a quand même une relation entre cela et les armes.
Il en va de même dans l’affaire Poulet-Dachary. J’ai été amené à faire récemment dans L’Evènement le récit de la situation dans laquelle s’est trouvé le substitut Albert Lévy à Toulon. Il a fallu que le substitut Albert Lévy renonce à des perquisitions parce que le juge d’instruction s’y opposait, mais aussi à la mise en examen et à la garde à vue prolongée de trois membres du DPS. On a estimé que ce n’était pas la peine de poursuivre, que ce n’était pas la bonne piste. On n’a d’ailleurs pas trouvé de piste depuis. Il s’est trouvé, à l’époque, qu’un préfet avait contesté publiquement le rapport du médecin légiste qui concluait à l’assassinat de M. Jean-Claude Poulet-Dachary.
Je constate pour ma part que le Front National, si prompt à me faire des procès, ne m’en fait pas lorsque j’écris dans Les filières noires que cet assassinat ressemble étrangement au scénario de la nuit des longs couteaux, c’est-à-dire qu’un homme, ayant servi le Front National dans l’opposition, devient, pour des raisons qui tiennent à sa vie privée, un gêneur à partir du moment où M. Jean-Marie Le Chevallier devient respectable et maire de Toulon. J’ai écrit cela. Or, on me fait des procès pour des détails ridicules et insignifiants. Mme Le Chevallier, par exemple, avait porté plainte parce que j’avais seulement évoqué deux ou trois aspects de son activité professionnelle : une agence immobilière qui louait des châteaux et qui était associée à un réseau minitel pour des loisirs dont je disais simplement qu’ils n’étaient pas conformes à l’idée que les chrétiens traditionalistes, dont elle fait partie, se font de la morale. Elle a porté plainte pour cela. J’ai dû effectivement payer des dommages civils, qui ont été d’ailleurs annulés puisque M. Le Chevallier s’était fait justice lui-même en utilisant le bulletin municipal pour me répondre, ce qui, en principe, ne se fait pas. En revanche, lorsque je parle d’un meurtre, que j’évoque très clairement, noir sur blanc, l’hypothèse d’une intervention d’un organisme dépendant du Front National, il n’y a strictement aucune réaction. Je pense que cela a une signification.
Ensuite, j’ai été amené à travailler sur deux ou trois autres aspects avec Stéphane Ravion du Vrai Journal, qui concernent, en marge du DPS, les activités de ses responsables.
Il s’agit évidemment de M. Bernard Courcelle et de la rocambolesque affaire tchétchène ; affaire de trafic d’armes qui intervient au moment où des policiers, membres du Front National, sont arrêtés pour détention de stocks d’armes important. Le rapport entre ces deux affaires est, pour l’instant, une coïncidence, dont j’ai su qu’elle avait intéressé un magistrat qui n’a pas eu la possibilité d’aller jusqu’au bout, parce qu’il était très difficile d’établir un lien matériellement. Les policiers ont fait une enquête. C’est quand même une coïncidence étrange : quinze jours seulement s’écoulent entre les deux affaires et nous savons qu’au moins deux membres importants du Front National sont liés à des activités concernant le commerce des armes, et ces deux personnes sont chapeautées par une troisième, M. François-Xavier Sidos, qui se trouvait à l’époque au cabinet de M. Jean-Marie le Pen. Il n’y est plus aujourd’hui, puisqu’il est mégretiste. M. François-Xavier Sidos, qui était aussi commandant en second de la dernière opération de Bob Denard aux Comores, interpellé par la police de l’air et des frontières à son retour des Comores, chapeautait d’une part, le Front National de la police - c’était sa fonction - et, d’autre part, M. Bernard Courcelle, pour ses activités internationales - c’était aussi sa fonction. Or, tous deux se retrouvent, dans un cas, avec des incarcérations et des mises en examen pour détention d’armes et, dans l’autre, dans une affaire dont nous avons rendu compte dans L’Evénement, évoquée également par le Nouvel Observateur et Canal Plus, qui est la vente et la non-livraison d’armes au gouvernement tchétchène.
J’ajoute que je dispose d’une étrange pièce. Lorsque j’ai tourné un film pour Arte, Bienvenue à Vitrolles, j’ai été amené à interviewer le chargé de mission pour la sécurité au cabinet de Mme le maire, M. Patrick Bunel. A un moment donné, après l’interview sur les questions vitrollaises, il nous a dit off : " J’ai des choses à vous dire. " Il voulait se défausser de quelques affaires concernant le DPS. Nous étions off, mais, que voulez-vous, mon cameraman a oublié d’appuyer sur le bouton de la caméra. Donc, ce off n’est pas filmé - on voit un pied, les caméras étant au sol -, mais il est enregistré.
Or, étrangement, M. Patrick Bunel nous dit : " On est peut-être à trois semaines des premières arrestations dans le DPS. " Je ne sais pas de quoi il s’agit...
M. le Rapporteur : Quand cela ?
M. Guy KONOPNICKI : Nous avons tourné du 14 février au 14 mars 1998, pendant la campagne des élections cantonales à Vitrolles. C’était il y a un an. Cette interview - je peux le vérifier parce qu’il y a un timecode sur les bandes vidéo - est l’une des dernières et doit donc dater du jeudi ou du vendredi, donc du 12 ou 13 mars.
A ce moment-là, effectivement, l’affaire Courcelle concernant la Tchétchénie était sortie. Elle venait d’être publiée par quelques journaux, dont le nôtre. Il régnait une grande inquiétude.
M. Yves NICOLIN : C’est tout ? Nous n’apprenons pas grand-chose de cet off.
M. Guy KONOPNICKI : Tout de même, le responsable de la sécurité de M. Bruno Mégret dit plusieurs choses.
Premièrement, il dit qu’il a lui-même demandé audience à M. Jean-Marie Le Pen sur le fonctionnement du DPS car plusieurs aspects l’inquiétaient. Tout d’abord, certaines pratiques de " cow boy ", dit-il, qui avaient amené, par exemple, à l’usurpation de la qualité de policier pendant le congrès du Front National à Strasbourg.
Puis, il était inquiet des activités de M. Bernard Courcelle et de ses contacts internationaux. Il s’agit donc de ce qui est apparu avec la Tchétchénie mais qui, sans doute, ne concernait pas seulement la Tchétchénie, car nous n’avons connu cette affaire que parce que les armements n’ont pas été livrés au gouvernement tchétchène et parce que ce sont les proches du général Doudaïev qui ont alerté quelques journalistes français de cette affaire, notamment Mme Marie Bennigsen, la personne qui a servi d’interprète entre le gouvernement tchétchène et ses prétendus vendeurs d’armes. Il se trouve que la société qui était censée livrer les armes se trouve en Croatie, ce qui n’est pas rien, et que cette même société est intervenue dans des guérillas africaines. Il s’agit d’un trafic et non, comme M. Bernard Courcelle l’a prétendu, d’une simple initiative de solidarité envers les Tchétchènes - initiative de solidarité qui ne serait, de plus, pas exactement conforme aux positions prises par M. Jean-Marie Le Pen dans cette partie du monde. On ne peut pas dire que l’on est solidaire des Tchétchènes et de M. Jirinovski, parce que, entre les deux, il y a quand même des armes, des bombardements et quelques morts ! Il me semble difficile d’admettre que cette initiative ait un caractère politique, prise par solidarité avec un peuple. A mon avis, il s’agit de bien autre chose, c’est-à-dire d’une affaire financière qui a été arrêtée pour des raisons politiques. C’est pourquoi les armes n’ont pas été livrées. Quant à savoir ce qu’il est advenu du million de francs d’acompte versé en Suisse, à ce jour, personne ne nous a fourni de réponse. Tout ce que l’on sait, c’est que ce million de francs a bel et bien été versé. Les différents enquêteurs en ont eu la preuve de la part du gouvernement tchétchène.
M. le Président : Pour des raisons politiques internes au Front National ou à l’Etat français ou autres services spéciaux ?
M. Guy KONOPNICKI : Cela peut être effectivement pour des raisons politiques liées à l’intervention des services spéciaux. Je penche plutôt, pour ma part, vers une hypothèse de raisons politiques liées au Front National lui-même. En effet, M. Bernard Courcelle avait présenté aux Tchétchènes comme garant moral son supérieur hiérarchique direct au sein du Front National, M. François-Xavier Sidos. Il est vrai que celui-ci a également des liens avec des services, puisqu’on le voit paraître dans des opérations internationales comme le coup d’Etat avorté des Comores, mais, selon le témoignage de Mme Marie Bennigsen, il s’est présenté en tant qu’homme du Front National. Or, au moment où se négocie cette affaire, M. Jean-Marie Le Pen fait plusieurs voyages à Moscou, dont un pour assister au mariage de son ami Vladimir Jirinovski, lequel, comme on le sait, est totalement opposé à l’indépendance de la Tchétchénie ou de quelque zone que ce soit à l’intérieur de la Fédération de Russie et campe sur une position dure et extrémiste. Je pense tout à fait vraisemblable qu’il y ait eu, de ce côté-là, pression politique, disant qu’il fallait arrêter cela, que l’on ne pouvait pas être des deux côtés à la fois, d’autant qu’il y avait déjà eu sur d’autres problèmes internationaux, dans une autre partie du monde, des divergences fortes au sein du Front National ; en effet, un certain nombre de dirigeants du Front National ou de proches, dont Alain Sanders, éditorialiste de Présent, avaient organisé le recrutement de volontaires et, semble-t-il, des aides assez solides pour une organisation qui s’appelle la Force croate, organisation nationaliste extrémiste croate assez minoritaire. Il s’agit d’un petit groupe organisé en commando qui avait joué un rôle dans les conflits armés. La divergence a été très forte puisque, comme vous le savez, M. Jean-Marie le Pen est allé à Pale rencontrer les extrémismes serbes et il est le seul homme politique français à avoir participé à Belgrade à un congrès d’un parti ultra-nationaliste - extrémiste par rapport à M. Slobodan Milosevic, ce qui est tout de même un exploit ! Donc, on est habitué à trouver ce genre de contradictions, les uns choisissant une guérilla, les autres une autre. Ces contradictions ne recoupent pas exactement, d’ailleurs, l’actuelle scission. A mon avis, on retrouve les deux options dans les deux camps.
M. le Président : Au-delà des exemples que vous citez, quelles sont vos sources concernant le Front National et plus particulièrement le DPS, ? Qui avez-vous rencontré ? Comment travaillez-vous ? Je vous rappelle que nous sommes sous le régime du secret.
M. Guy KONOPNICKI : J’ai plusieurs méthodes.
L’une est classique : à chaque fois que sort une affaire, on essaie de voir les fonctionnaires de police et les magistrats qui en ont la charge. On obtient ainsi un certain nombre de renseignements. Pas toujours.
Ensuite, on voit directement les intéressés. Ce n’est pas toujours facile pour moi, parce que je n’ai pas une très grande popularité auprès des cadres du Front National. Mais certaines personnes parlent. Par exemple, lorsque quelqu’un se trouve dépossédé d’une responsabilité, même s’il reste fidèle à son chef, il finit toujours pas raconter des choses.
Pour l’anecdote, je vous dirai que je suis revenu au journalisme en travaillant sur Les filières noires. Elu conseiller régional vert de l’Ile-de-France, j’avais interrompu mes activités de journaliste politique. J’avais au conseil un vis-à-vis qui m’avait connu lorsque j’étais journaliste et que je travaillais déjà sur le Front National pour un journal, hélas disparu, qui s’appelait Le Matin de Paris. Il s’agit de M. Roger Holeindre. Or, ce dernier avait été dépossédé de ses responsabilités s’agissant de la sécurité du parti au bénéfice de M. Bernard Courcelle et,... disons que cet homme était assez souvent en mal de confidences. Voilà, par exemple, une source. A partir de là, on en trouve d’autres. Il y a eu aussi les transfuges du Front National, dont M. Lorrain de Saint Affrique avec qui j’ai beaucoup parlé en travaillant sur mon livre.
Enfin, il existe aussi des policiers républicains - dont, même sous le secret, je ne citerai pas le nom - qui, de temps en temps, ont des choses à dire. On s’aperçoit éventuellement que les informations qu’ils détiennent suscitent l’indifférence de leurs supérieurs ou des magistrats, mais pas celle des journalistes. C’est une méthode classique, elle aussi.
M. le Président : Dans les affaires de Toulon et de Marseille, vous pensez donc que les magistrats n’ont pas mené les procédures à leur terme ?
M. Guy KONOPNICKI : S’agissant de Toulon, c’est même l’opinion d’un magistrat dont j’ai écrit - ce que je répète et je pense qu’au moins un député du Var a, ici, connaissance des faits - qu’on l’a traité en pestiféré, en gêneur - le substitut Albert Lévy -, notamment parce qu’il s’était intéressé de trop près à l’affaire Poulet-Dachary et au rôle du DPS.
Il est vrai que dans une autre affaire, l’assassinat de Mme Yann Piat, il avait une position hétérodoxe par rapport au parquet de Toulon, qu’il a, en plus, exprimée dans le cadre de l’audience. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles il a été mis dans une situation extravagante, mais il est clair qu’un juge d’instruction qui, sur les réquisitions du substitut Albert Lévy, menait l’enquête dans une direction, s’est arrêté. Il avait mis des membres du DPS en garde à vue ; la garde à vue s’est arrêtée et on a refusé de diligenter les perquisitions au domicile des membres du DPS et au Front National. Quelque temps plus tard, le substitut lui-même se trouve mis en examen pour, semble-t-il, son intervention dans une autre affaire et pour des pièces qu’il aurait communiquées à l’un de mes confrères. Mais je pense vraiment qu’il y a eu une forte pression, à Toulon, pour que l’on n’aille pas jusqu’au bout de l’affaire Poulet-Dachary, dont il est tout de même avéré qu’il s’agit d’un assassinat.
Les pistes concernant le milieu homosexuel, le règlement de comptes, etc., n’ont rien donné. La seule qui donnait comme un frémissement dans l’enquête, était la piste DPS. Et quand je dis que c’était la nuit des longs couteaux, aucune action en justice n’est intentée contre moi, alors que pour des faits beaucoup plus anodins...
Dans l’affaire de Marseille, les choses sont différentes parce que cela s’est passé à toute vitesse : des coups de feu dans la nuit, un mort, on arrête des gens, on perquisitionne chez eux, comme s’il s’agissait de particuliers ayant tiré. Pour que l’on entende un responsable du Front National, M. Bruno Mégret, lors du procès, il a fallu que les parties civiles le demandent et que la défense l’accepte. Mais cela n’est pas venu du ministère public. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours trouvé que c’était une curiosité juridique, à laquelle je n’ai trouvé aucune explication, pas même de la part du Garde des sceaux, élu de cette région. On n’a jamais considéré, à ce moment-là, la responsabilité du Front National et de son organisme de sécurité, le DPS, en tant que tel. C’est quand même curieux !
M. le Président : Comment l’expliquez-vous ?
M. Guy KONOPNICKI : Les magistrats ne sont pas des machines, leur volonté compte. Quand un juge d’instruction découvre, par exemple, une affaire qui concerne un parti de pouvoir, il est très motivé pour aller jusqu’au bout. Cela a été le cas pour ce que l’on a appelé " les affaires ". En l’occurrence, la motivation politique, n’était pas très forte de la part des magistrats, que cette affaire embarrassait plutôt.
Je pense aussi qu’un magistrat opérant à Marseille - ville, monsieur le Président, que vous connaissez bien pour en être député - est, comment dire ?... dans une situation de tension par rapport au Front National et, éventuellement, hésite avant d’entrer dans ses locaux aux aurores en compagnie de policiers ou de gendarmes, même quand il y a mort d’homme. Aurait-il été découragé par sa hiérarchie au moment des faits ? Je n’en sais rien. Je n’ai aucune information précise à ce sujet. Mais c’est une hypothèse.
Il y a quand même des histoires curieuses. Dans l’affaire de Paris, l’identité des skinheads qui ont jeté ce jeune marocain à la Seine est fournie à la police par le DPS ; cela veut dire qu’ils ont un fichier précis. L’explication selon laquelle ils les ont repérés parce qu’ils ont pris l’autocar affrété par la fédération Front National de la Marne pour aller à la manifestation du 1er mai à Paris me semble peu satisfaisante. Je comprends que la police ne soit pas allée plus loin puisqu’on lui fournissait les coupables mais, enfin, quiconque connaît un peu les partis politiques sait qu’en général, on ne fait pas monter un élément perturbateur dans l’autocar. Or, ce qu’ont dit les condamnés à leur procès est tout de même clair : l’un a été membre du Front National, et tous disent qu’ils ont été utilisés à plusieurs reprises pour des collages d’affiches. Il y a donc quelque part une liste d’individus que l’on peut utiliser pour certaines opérations. On a été content d’avoir le bout de la liste qui correspondait à l’assassinat de Brahim Bouarram à Paris, mais on n’est pas allé plus loin non plus !
M. le Président : Comment appréciez-vous les conséquences de l’évolution du Front National sur le DPS ? Quelle est votre opinion à ce sujet ?
M. Guy KONOPNICKI : C’est une scission. Je pense que les mêmes principes d’organisation vont fonctionner des deux côtés. D’un côté, on s’affole davantage. Nous venons d’en avoir la preuve dans la rocambolesque affaire de Bruxelles : un député européen interpellé avec un arsenal dans sa voiture, un permis de port d’armes périmé, etc. ! Cela prouve qu’il existe une paranoïa assez forte dans les milieux lepénistes. Elle se renforce tous les jours parce qu’ils ont tout de même perdu ces jours-ci l’élu municipal le plus important qu’ils comptaient dans leurs rangs. La seule municipalité lepéniste aujourd’hui est celle d’Orange, à moins que cela ne change, là aussi. C’est un coup assez rude, compte tenu de la tendance naturelle à la paranoïa que l’on peut constater chez le chef. On peut le dire ici : quand on emploie le mot paranoïa dans les journaux, il y a plainte, on se contente donc de le suggérer, mais c’est assez évident quand on observe le personnage.
Compte tenu de cela, cette phase de décomposition peut être assez inquiétante ; il y a les règlements de comptes concernant l’argent, dont une part concerne la justice, mais il peut se passer d’autres choses...
M. le Président : Inquiétante ?
M. Guy KONOPNICKI : Inquiétante, car on a déjà vu des rivalités à l’extrême-droite provoquer des affrontements violents. Dans ce cas, il y a un patrimoine à se partager. On ne peut pas exclure des dérives violentes.
M. le Président : Certains responsables de la police ou des renseignements généraux estiment que la scission du Front National et ses conséquences au sein du DPS créent une situation, notamment en Ile-de-France, qui permettrait à des groupes extrémistes
– skinheads, GUD, etc. - qui étaient plus maîtrisés dans la situation antérieure, de prendre une place dans le DPS. Avez-vous un avis sur cette question ?
M. Guy KONOPNICKI : Pendant un temps, le Front National tenait à sa façade de respectabilité. Il a donc effectivement écarté, parfois violemment, des groupes qu’il utilisait au début des années 1980 avec le célèbre batskin. On recrutait des skinheads pour protéger les manifestations. Cela s’est arrêté surtout après l’affaire du 1er mai 1995 et de la noyade dans la Seine. Avant, il y avait eu des fâcheries avec des groupes violents, notamment le célèbre GUD qui avait été écarté. Il y avait une séparation nette entre le Front National de la Jeunesse (FNJ), son organisation, Renouveau Etudiant (RE) et le GUD.
Aujourd’hui, dans la mesure où existent deux organisations, qui, d’une part, s’affrontent et, d’autre part, n’ont plus tout à fait le dispositif de sécurité à peu près bien huilé que M. Bernard Courcelle avait mis en place, il est tout à fait possible que ces groupes entrent à nouveau en action, d’autant plus que ces milieux ont toujours des comptes à régler entre eux et que la situation actuelle en fournit éventuellement l’occasion, notamment pour le GUD.
C’est certainement à cela que les policiers pensent. Ils savent que le GUD a repris son entraînement paramilitaire qui semblait interrompu depuis quelque temps, qu’il s’est restructuré. J’ai vu un reportage photo d’un photographe invité par le GUD, qui paraîtra peut-être - je dis " peut-être " parce que, pour ma part, je suis hostile à sa publication : si le GUD invite un photographe à son entraînement, c’est qu’il veut faire sa publicité et je n’ai personnellement pas très envie que l’on utilise notre journal pour cela. Ce reportage, tout récent, montre l’entraînement paramilitaire - avec battes de base-ball, matraques, casques portant la croix celtique - le folklore habituel du GUD, mais je pense que cela signifie quelque chose, le message étant : " Voyez, nous sommes encore là. "
M. le Rapporteur : Où a lieu cet entraînement ?
M. Guy KONOPNICKI : Dans une usine désaffectée de la banlieue parisienne - lieu, m’a-t-on dit, connu des services de police.
M. le Président : Tout est théoriquement connu des services de police.
M. Guy KONOPNICKI : Il existe malheureusement de très nombreuses usines désaffectées en région parisienne.
M. le Rapporteur : Avez-vous le sentiment que M. Bernard Courcelle était plus un soldat de fortune qu’un militant du Front National et que son départ risque de rendre les mouvements de protection du Front National beaucoup plus dangereux parce que non contrôlés ?
M. Guy KONOPNICKI : Soldat de fortune, à mon avis, pas tout à fait. On n’accepte pas d’être le chef du service de sécurité du Front National en ayant des opinions franchement républicaines. Mais il est exact que c’est un professionnel de la sécurité, qu’il a même été employé par un établissement public. Nous savons tout cela. Je ne pense pas que c’était d’ailleurs pour protéger une personne en particulier comme on le dit. Il faudrait le vérifier, mais cela paraît une interprétation fantasque. Mais c’était un professionnel.
Peu importe les raisons tenant à ses opinions dans son embauche. Il a clairement été engagé pour rationaliser les choses, éviter les dérives et veiller à la présentation : blazer bleu, etc. Selon eux, cela présentait mieux, mais j’ai filmé au cours d’une manifestation à Marseille des gens en blazer bleu et j’ai trouvé qu’en gros plan, tels que nous les avons montrés sur Arte, ils n’avaient pas l’air très rassurant.
Il y a eu quelques bavures quand ils se sont pris pour la police elle-même au Creusot ou à Strasbourg, mais M. Bernard Courcelle tenait un peu les choses. Dans la situation d’affolement qui est la leur actuellement, compte tenu de l’absence d’un professionnel de ce type à la tête de ce service, tout est effectivement possible.
M. le Président : Vous considérez que M. Jean-Pierre Chabrut n’est pas un professionnel ?
M. Guy KONOPNICKI : Ce n’est visiblement pas le même profil. Comme il s’agit maintenant de règlements de comptes internes, les hommes qui ont été placés des deux côtés l’ont été en fonction de critères extrêmement politiques et de leur fidélité à chacun des deux chefs. Cela prime maintenant sur toute autre considération, c’est-à-dire qu’assurer la sécurité de M. Bruno Mégret, c’est le protéger de M. Jean-Marie Le Pen.
M. le Rapporteur : Mais pourquoi avoir préféré M. Jean-Pierre Chabrut, qui nous a paru le moins performant des hommes du DPS, à M. Eric Staelens, par exemple ? M. Jean-Pierre Chabrut nous paraît avoir un parcours assez atypique. Il n’a pas spécialement travaillé dans le renseignement ni chez les mercenaires. Il a effectué un séjour de six mois en Angola avec ELF qu’il n’a pas très bien expliqué, mais il ne nous a pas paru avoir l’envergure d’un Courcelle. Il nous a semblé un peu falot.
M. Guy KONOPNICKI : Désormais, les considérations de fiabilité surpassent les considérations de capacité, politiques ou professionnelles. Dans les deux structures, c’est la fidélité à l’employeur qui prime. Dans toute scission, même politique, il y a le moment où chacun fait son choix - et il y a eu des surprises. M. François-Xavier Sidos en est une, même s’il existait de vieux affrontements entre le clan Le Pen et le clan Sidos, il y a trente ou quarante ans. Au moment de la scission, il est de l’autre coté. On le savait quelques mois avant, mais cela ne correspondait pas à son profil.
M. Jean-Marie Le Pen a des surprises dans sa propre famille. Mme Marie-Caroline Le Pen, sa fille préférée, celle qui a été privilégiée dans les partages, celle qui avait la disposition d’un appartement à Saint-Cloud - qu’elle n’a plus d’ailleurs - se retrouve de l’autre côté.
Ensuite, il y a ceux - ils sont nombreux parmi les élus et responsables du Front National - qui, à l’instar de M. Peyrat hier et de M. Jean-Marie Le Chevallier aujourd’hui, envisagent tranquillement de s’en aller et d’essayer de se refaire une santé dans d’autres forces politiques.
Pour chacun, l’essentiel maintenant, en termes de sécurité, sera d’avoir un homme de confiance, qui ne sera peut-être pas un homme remarquable dans son domaine, professionnel de l’armée, de la police et du renseignement, mais auquel tout pourra être demandé, notamment de savoir ce que fait l’autre, ce qui est leur principale préoccupation actuellement.
M. Robert GAÏA : Je voudrais revenir sur votre enquête concernant Vitrolles et sur les liens entre le DPS et la police municipale. Qui est qui ? Est-ce que la police municipale est le DPS ? Ou le DPS l’a-t-il investie ? En quoi peut-on dire qu’à Vitrolles il existe une organisation de type paramilitaire ?
M. Guy KONOPNICKI : En ce qui concerne Vitrolles les choses ont été organisées ainsi : le chargé de mission du cabinet du maire, M. Patrick Bunel, est un ancien militaire de carrière ; il était sergent, a servi longtemps en Afrique et a également fait partie du bataillon français des forces des Nations Unies en Bosnie. Quand il a quitté le service actif, il est allé, m’a-t-il dit, volontairement voir M. Bruno Mégret parce qu’il se sentait politiquement proche et qu’il l’admirait ; celui-ci l’a engagé comme garde du corps et chauffeur, ce qui me semblait - je le lui ai dit - en dessous de sa qualification. Il m’a répondu qu’il s’occupait aussi des questions de sécurité et qu’il avait vocation à s’en occuper pour l’ensemble du Front National et donc de prendre la place de Courcelle.
C’est en cela que la scission ne recoupe pas toujours les rivalités qui ont pu exister avant, puisque M. Patrick Bunel ambitionnait de prendre la place de M. Bernard Courcelle, ce que M. Jean-Marie Le Pen a refusé, puisqu’il n’allait pas donner à un fidèle de M. Bruno Mégret la charge de le protéger, lui. Là-dessus, M. Bernard Courcelle a, dans la scission, fait le choix que l’on sait, qui n’était pas forcément le choix attendu, en tout cas par M. Patrick Bunel.
Après l’élection de Mme Catherine Mégret, M. Bruno Mégret a demandé à M. Patrick Bunel de s’installer à Vitrolles. Celui-ci n’est pas originaire des Bouches-du-Rhône ni du Midi. Fils d’agriculteurs en Normandie, dans l’Orne ou le Calvados, il est toujours propriétaire de l’exploitation agricole de ses parents. Donc, a priori, il n’avait rien à faire dans le Midi, sinon pour faire de Vitrolles une ville vitrine, une ville modèle. C’est une mission politique.
Il a recruté assez habilement sa police municipale. Celle-ci existait déjà du temps de la précédente mairie. A deux personnes près, qui ont été écartées, elle ne grouillait pas d’amis de la précédente majorité municipale. C’était un milieu - même le noyau de départ -, qui était plutôt ravi de voir arriver le Front National aux affaires. J’ai rencontré un policier municipal qui m’a expliqué qu’il était membre du parti socialiste auparavant, parce que le maire était socialiste. Aujourd’hui, il est membre du Front National, mais, cette fois, en accord avec ses idées.
M. le Président : Il était multicarte...
M. Guy KONOPNICKI : On connaît cela ailleurs : la carte du maire, réflexe de fonctionnaires municipaux, ce sont des choses qui existent...
Le hasard fait que presque tous les fonctionnaires engagés dans la police municipale, selon les méthodes de recrutement admises par le code des communes, sont proches du Front National. C’est étrange, mais cela a fonctionné de cette manière. Comment ont-ils fait techniquement ? Je pense que c’est assez simple. Des policiers municipaux de Vitrolles disent participer, à titre militant et personnel en dehors de leurs heures de travail, à l’encadrement et à la sécurité des réunions du Front National. Ce qui est leur droit.
Je peux témoigner que, lors d’un meeting de clôture des élections régionales dans les Bouches-du-Rhône, qui avait lieu au Stadium de Vitrolles, M. Patrick Bunel cumulait deux fonctions. A l’extérieur, la police municipale assurait la sécurité sur la voie publique et aux accès de la réunion, en filtrant tout de même les entrées - par exemple, notre voiture avec l’équipe et les caméras a été fouillée par la police municipale - puis, quand le DPS qui assurait la sécurité de la réunion a voulu nous fouiller, le même responsable de la police municipale et responsable de la sécurité du meeting a dit aux membres du DPS que ce n’était pas la peine de nous fouiller, la police municipale l’ayant déjà fait. Il y avait donc une coordination assez simple puisque le même chef s’occupait des deux.
A Vitrolles, j’ai également constaté des situations assez étonnantes. Je pense notamment à une personne qui nous explique, face à la caméra, qu’elle a été chargée pendant un an d’infiltrer l’ancienne majorité municipale. Elle a donc adhéré à la structure associative qui avait été constituée par l’ancien maire, M. Jean-Jacques Anglade, et elle a participé pendant un an aux réunions de la section socialiste de Vitrolles ainsi qu’à d’autres réunions. Cette personne se trouve mariée avec le responsable des équipes de collage d’affiches du Front National.
Cela nous l’avons filmé et produit sur Arte le 6 mai 1998 : pendant qu’elle raconte, une de nos équipes accompagne des colleurs d’affiches en action, avec une assez belle interview de jeunes intellectuels à cheveux courts. On peut écouter un jeune homme, très franchement skin, expliquer son attachement aux racines celtes du peuple français - ce qui en Provence est particulièrement piquant -, avec un très bel accent marseillais parce que c’est un pauvre gamin des quartiers nord de Marseille et raconter qu’il a adhéré au Front National " parce que les étrangers étaient mieux notés que lui à l’école et que c’était forcément parce que le maître favorisait les étrangers ". A considérer la manière dont il parle le français, je crains que ce ne soit pour d’autres raisons...
On peut observer l’articulation entre le collage d’affiches à Vitrolles, Marignane et alentour, et la police municipale assurant la logistique pour vérifier que la voie est libre ; ensuite opèrent les équipes.
Il y a d’ailleurs une curiosité dans les départements du Midi qui me surprend un peu : c’est le non-respect de la loi sur le collage sauvage lors des campagnes électorales. Il existe d’autres régions dans lesquelles certains candidats déposent une plainte par affiche posée.
M. le Président : Il faut être celtes pour cela !
M. Guy KONOPNICKI : Il faut être celte, ce doit être ça. Ce doit être la celtitude des candidats d’Ile-de-France qui fait qu’ici, des candidats sont condamnés à payer des amendes assez élevées pour ce genre de choses.
M. le Président : Certes, il existe une différence entre le Midi et le reste du pays de ce point de vue. Cela coûte d’ailleurs cher aux pouvoirs publics et aux candidats, parce qu’il faut beaucoup d’affiches !
M. le Rapporteur : Nous avons écouté les gens de la FPIP, qui ont protesté de leurs sentiments franchement républicains. A votre avis, pourquoi y a-t-il eu cette tentative de déstabilisation de la FPIP par le Front National ?
M. Guy KONOPNICKI : Dans les milieux du syndicalisme policier, il y a des affaires et des oppositions qui remontent très loin, à l’époque où M. Jean-Pierre Stirbois, secrétaire général du Front National, avait tenté un coup de force sur les organisations policières syndicales les plus classées à droite. Il avait échoué. Il y avait eu, à l’époque, des règlements de compte assez violents. C’était en 1983-1984.
Il y avait eu des affaires d’infiltration de la police par le PFNE qui se sont traduites par l’affaire des foyers Sonacotra de Nice, ainsi que l’affaire de l’attentat contre un journal que je connaissais bien, qui venait de publier ce que nous appelions la liste des canailles, c’est-à-dire la liste de vos collègues en contact avec le Front National dans leur circonscription et leur département, juste après cette explosion mystérieuse revendiquée plus tard par une personne arrêtée dans l’affaire des foyers Sonacotra de Nice.
Un moment donné, ils ont effectivement décidé de créer leur propre syndicat parce qu’ils n’arrivaient pas à prendre la main, ni sur la FPIP, ni sur aucune autre organisation. Ils ont donc créé le Front National de la police avec les problèmes juridiques que l’on connaît et les succès relatifs que l’on sait dans certains commissariats.
M. le Rapporteur : Pourquoi cet échec vis-à-vis de la FPIP qui est assez connotée à droite ?
M. Guy KONOPNICKI : A mon avis, pour des raisons très politiques. Ils sont, en effet, très connotés à droite mais, en même temps, porteurs d’un corporatisme syndical policier. Cela fait partie de leur idéologie de ne pas se soumettre étroitement à une organisation ou un parti. De plus, d’autres sensibilités d’extrême-droite, plus marginales, existaient aussi au sein de la FPIP. C’est ce qui est apparu dans l’affaire des foyers notamment. Je pense que cela tient essentiellement à cela.
Il y a eu aussi une mésentente à l’intérieur de la direction du Front National, car cela ne touchait pas seulement les milieux policiers mais aussi d’autres organisations syndicales. Le principe mis en place par MM. Jean-Marie Le Pen et Jean-Pierre Stirbois a plus tard été combattu par M. Bruno Mégret qui, lui, voulait créer des organisations syndicales baptisées Front National, en commençant dans la police, l’administration pénitentiaire, etc. Cette conception de syndicats Front National est vraiment sortie de la délégation générale dirigée à l’époque par M. Bruno Mégret. C’était le principe. Cela a failli marcher. Auparavant le Front National penchait plus pour des infiltrations de syndicats faciles à approcher. Ce fut le cas de certains syndicats : Force ouvrière, FPIP, ou encore CFTC. Cette dernière avait d’ailleurs réagi très vivement en 1995, allant jusqu’à prononcer l’exclusion de militants de la mouvance Chrétiens solidarité, intégristes du Front National qui avaient tenté des infiltrations de leur côté car, évidemment, il y avait là des possibilités. Il y avait, d’une part, les réactions des confédérations chaque fois que le Front National tentait une infiltration et il y avait, parallèlement, la politique de M. Bruno Mégret, qui était d’afficher les couleurs du Front National jusque dans le syndicalisme et de promouvoir des organisations syndicales dénommées Front National de la Police, Front National de l’administration pénitentiaire et, pourquoi pas, Front National de la métallurgie s’il avait pu le faire. Il a créé aussi le mouvement pour l’enseignement national, par exemple, et d’autres choses de ce genre. C’était une ligne politique visant à aller vers une confédération dans toutes les catégories de salariés. Je pense que, deux ou trois ans après, il n’en reste plus grand-chose.
M. le Président : En dehors de cette phrase prononcée devant votre caméra cachée, il n’y a rien d’autre ?
M. Guy KONOPNICKI : Nous n’étions pas en train de jouer les caméras cachées. Il s’agissait d’une caméra oubliée.
Il y a donc cette phrase : " On est sans doute à trois semaines des premières arrestations. " M. Patrick Bunel règle là son compte avec M. Bernard Courcelle et le décrit comme un incapable. Il dit également une chose, qui est assez drôle, mais qui peut avoir son importance maintenant : il parle de la paranoïa de M. Jean-Marie Le Pen pour qui, selon lui, la confiance passe avant la capacité, ce qui expliquerait que certains responsables du DPS ont, certes, des états de service émérites dans tous les coups de main de l’extrême-droite, mais ont une moyenne d’âge supérieure à cinquante ans, dit-il, évoquant les vieux baroudeurs de l’extrême-droite - sans toutefois remonter jusqu’à l’OAS parce que cela ferait nettement plus de cinquante ans de moyenne d’âge désormais.
Il parlait également des moeurs de corps de gardes, légèrement alcoolisées des services d’ordre, qui lui semblaient dangereuses dans la préparation de manifestations. En revanche, lorsque nous lui avons posé la question des armes et des matériels, il a été très évasif, tout en disant tout de même qu’il y avait des maniaques des armes, que cela lui semblait relever du folklore et qu’il fallait arrêter cela.
M. le Président : Nous vous remercions.
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