Sujet : DPS
Audition de : François-Xavier S.
En qualité de : ?
Le : 4 mai 1999

Présidence de Mme Geneviève PERRRIN-GAILLARD, Secrétaire

M. François-Xavier S. est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. François-Xavier S. prête serment.

Mme la Présidente  : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. François-Xavier S.. Monsieur, si vous déclarez ne pas avoir fait partie du DPS, vous avez néanmoins été un membre actif du Front National, et il nous apparaît, par ailleurs, que vous auriez eu des activités diverses dans les milieux mercenaires. Telles sont les raisons pour lesquelles notre Commission a souhaité vous entendre ce soir.

M. François-Xavier S. : Madame la présidente, mon propos liminaire se limitera à deux points. D’une part, comme vous venez de le dire, je n’ai jamais été membre du DPS, je ne pense donc pas avoir grand-chose à vous apprendre dans ce domaine ; d’autre part, je suis surpris que cette commission d’enquête relative au service d’ordre d’un parti politique - obligation pour toute personne organisant une réunion publique - soit présidée par l’un des représentants de l’idéologie la plus criminogène de tous les temps. Cela me paraît relever de la mascarade.

Mme la Présidente : Tout d’abord, monsieur S., j’ai précisé que vous étiez membre non pas du DPS, mais du Front National ; je crois donc que vous avez mal compris. Ensuite, je suis, aujourd’hui, la présidente de cette commission d’enquête, je considère donc vos propos comme nuls et non avenus.

M. François-Xavier S. : Vous pourrez néanmoins en faire part au président en titre.

Mme la Présidente : Absolument pas, je suis la présidente de la commission d’enquête au moment où elle vous reçoit, monsieur.

Vous venez de nous dire, monsieur S., que vous n’avez exercé aucune responsabilité au sein du DPS. Connaissez-vous l’existence de ce " Département protection et sécurité " ? Avez-vous eu des relations avec M. Bernard Courcelle, et, si oui, que savez-vous de lui ?

M. François-Xavier S. : Je connais M. Bernard Courcelle comme ayant été le responsable du service d’ordre du Front National. Je vous rappelle que toute personne organisant une réunion publique est tenue d’assurer un service d’ordre et, à ma connaissance, M. Bernard Courcelle a toujours agi dans ce strict cadre. Il assurait la protection des activités politiques publiques du Front National.

M. Jean-Pierre BLAZY  : Je souhaiterais que monsieur S. se présente, qu’il nous dise qui il est, quels sont ses engagements politiques. Madame la présidente a évoqué ses activités de mercenaire, peut-être pourrait-il nous en parler.

M. Thierry MARIANI : Est-ce que cela a un rapport avec le DPS ?

Mme la Présidente : Je vous en prie, monsieur Blazy a posé une question, monsieur S. répondra de la manière qu’il le souhaite. Nous avons des éléments qui nous permettent d’autoriser monsieur Blazy à poser cette question.

M. François-Xavier S. : Je suis prêt à répondre aux questions ayant un rapport direct avec le DPS. Je ne vois pas en quoi ma vie serait de nature à intéresser votre Commission. Beaucoup de fantasmes ont été colportés par les journaux, mais ils ont fait l’objet de droits de réponse de ma part à chaque fois que j’en ai eu connaissance.

M. Jean-Pierre BLAZY : Vous n’avez pas répondu à ma question. Nous aimerions en savoir plus sur vos engagements politiques ; vous dites bien vite n’avoir jamais été membre du DPS, mais vous avez dû avoir des relations avec des membres de ce service d’ordre ?

M. François-Xavier S. : Oui, je viens de vous faire état des relations que j’entretenais avec M. Bernard Courcelle.

M. Jean-Pierre BLAZY  : Connaissez-vous M. Marc Bellier ?

M. François-Xavier S. : J’ai croisé M. Marc Bellier.

M. Thierry MARIANI : Monsieur S., je suis un ancien étudiant de Paris II. L’organisation que vous présidiez à une époque était très présente sur...

M. François-Xavier S. : Vous vous trompez de personne.

M. Thierry MARIANI  : Pourquoi, il y a une différence de prénom ?

M. François-Xavier S. : Très certainement, oui.

M. Thierry MARIANI : Avez-vous, aujourd’hui, des responsabilités politiques ?

M. François-Xavier S. : Je suis simplement conseiller municipal d’Epinay-sur-Seine.

M. Thierry MARIANI : Vous n’êtes donc plus responsable de mouvement...

M. François-Xavier S. : Je n’ai été responsable d’aucun mouvement. Vous devez confondre avec un de mes oncles.

M. le Rapporteur  : Les entretiens que nous avons eus avec certains fonctionnaires de police, journalistes et membres du Front National ont mis en évidence des relations entre le DPS et à la fois la mouvance mercenaire, le milieu des sociétés de gardiennage et, à la marge, les mouvances ultra-nationalistes, voire néo-nazies.

Par conséquent, nous essayons de démonter les rouages du DPS tel qu’il a existé et tel qu’il existe actuellement. Par ailleurs, je m’interroge sur vos activités de mercenaire. Il ne faut tout de même pas oublier que François-Xavier S., membre du Front National aujourd’hui, a fait partie de la garde présidentielle des Comores. On peut donc se demander s’il y a une relation entre ces deux activités.

M. François-Xavier S. : Je comprends tout à fait le sens de vos questions, je vous serais cependant obligé de bien vouloir me poser des questions précises. Vous parlez de mouvance mercenaire, de milieu... Cela veut tout dire et n’importe quoi !

M. le Rapporteur : Dans le cadre de ces activités, quand avez-vous connu Bob Denard ?

M. François-Xavier S.  : Bien avant d’être membre du Front National et d’être au cabinet de M. Jean-Marie Le Pen, puisque j’ai été commandant de compagnie à la garde présidentielle de la République fédérale islamique des Comores de juin 1986 à mai 1989. Et je suis entré au cabinet de M. Jean-Marie Le Pen en avril 1993.

Je suis retourné aux Comores en 1995, après avoir démissionné du cabinet de M. Jean-Marie Le Pen et du Front National, de façon à bien marquer la séparation entre ces deux activités.

M. le Rapporteur : Avez-vous eu, en 1996, un regard sur le recrutement de mercenaires ?

M. François-Xavier S. : Tout ce qui a été publié dans la presse - et dont j’ai eu connaissance - dans ce domaine a systématiquement fait l’objet de droits de réponse de ma part. L’Evénement du jeudi a publié ce droit de réponse - contrairement au Figaro.

Tout ce qui circule dans ce domaine relève du fantasme.

M. le Rapporteur  : Pouvez-vous nous communiquer ces droits de réponse ?

M. François-Xavier S. : Je ne les ai pas avec moi, mais je vous les ferai parvenir.

M. le Rapporteur : En 1997, vous êtes accusé, à tort ou à raison, d’avoir participé à une activité de recrutement en faveur d’une garde rapprochée de M. Denis Sassou N’Guesso au Congo.

M. François-Xavier S. : Je n’ai pas quitté la France à cette époque, mais je connais effectivement des personnes qui y sont allées. Le fait d’avoir des amis qui travaillent dans ces pays conduit certaines personnes à me prêter des activités que je n’exerce pas forcément.

Mme la Présidente : Au cours de cette même année 1997, il semblerait que vous ayez été invité à présider une fête du DPS en Bretagne. Pouvez-vous nous fournir des informations à ce sujet ?

M. François-Xavier S. : Je n’ai aucun souvenir d’une fête du DPS qui se serait déroulée en Bretagne en 1997 - et que j’aurais présidée.

M. Jean-Pierre BLAZY : Je voudrais, madame la présidente, que vous rappeliez à monsieur S. qu’il est sous serment et qu’il doit répondre aux questions. Monsieur S., vous devez répondre clairement : oui ou non, avez-vous participé à cette fête ?

M. François-Xavier S. : Vous souvenez-vous de toutes les réunions publiques ou privées auxquelles vous avez participé ?

Mme la Présidente : Oui, tout à fait.

M. François-Xavier S. : Alors bravo, il faudra me dire comment vous vous y prenez. Mais à brûle-pourpoint, cette question n’évoque rien pour moi.

M. Jean-Pierre BLAZY : Mais on nous a dit que vous aviez présidé cette fête du DPS au nom de M. Jean-Marie Le Pen !

M. François-Xavier S. : Je n’ai jamais rien présidé au nom de M. Jean-Marie Le Pen pour une raison très simple : je n’ai jamais occupé de fonction dans la hiérarchie du Front National me permettant de représenter M. Jean-Marie Le Pen. Les personnes pouvant recevoir une délégation de M. Jean-Marie Le Pen doivent être représentatives du bureau politique, ce qui n’a jamais été mon cas.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Pensez-vous que le DPS est comparable aux services d’ordre des autres partis démocratiques en France ?

M. François-Xavier S. : Ce qui est certain, c’est que le Front National a été beaucoup plus agressé que n’importe quelle autre organisation politique. Il a donc été conduit à assurer le service d’ordre de ses réunions. Je vous répondrai donc en affirmant : oui, il y a une différence. Les militants bénévoles, certainement plus nombreux que dans les autres partis - en général, les partis politiques paient pour assurer la sécurité de leurs réunions - doivent être capables de gérer les obligations liées à un service d’ordre.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Ce qui me surprend, c’est que le Front National subit des agressions. Avez-vous une idée sur la question ? Savez-vous pourquoi ce parti est agressé ?

M. François-Xavier S. : Je ne connais pas les raisons des agresseurs ! Simplement, je sais que certaines organisations, telles que Ras l’Front et le Scalp, sont spécialisées dans l’agression du Front National - ils empêchent ainsi les représentants de ce parti de s’exprimer démocratiquement.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKCHE : Pensez-vous que le Front National véhicule des idées analogues à celles des autres partis politiques démocratiques ?

M. François-Xavier S. : Un des rôles des partis politiques est précisément de véhiculer des idées, une certaine conception du monde, une volonté politique. Pour moi, les idées que véhicule le Front National sont tout à fait conformes à la morale, à la démocratie et aux droits de l’homme.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Le Front National est donc agressé à tort.

M. François-Xavier S.  : A mes yeux, oui. Mais il y a des tas de raisons politiques qui peuvent conduire à des agressions de ce type. Il est évident que le Front National dérange les autres partis en prétendant avoir une action politique réelle et peser sur le cours de la vie politique, alors qu’il ne participe pas aux combines des autres partis.

Dans l’esprit des manipulateurs des organisations qui se font un métier d’être anti-Front National, cette raison-là est à mon avis déterminante.

M. Thierry MARIANI : Monsieur S., une remarque en premier lieu : la majorité des militants assurant le service d’ordre, quel que soit le parti auquel ils appartiennent, sont des bénévoles. Je l’ai assuré à une certaine époque pour le RPR, et je pense qu’il en est de même à la CGT.

En 1997, vous avez démissionné du cabinet de M. Jean-Marie Le Pen. Quels sont, aujourd’hui, vos liens avec lui ? Seconde question, comment vous positionnez-vous par rapport à la scission du Front National ?

M. François-Xavier S. : J’ai quitté le cabinet de M. Jean-Marie Le Pen fin 1997. Depuis, je n’ai plus de rapports avec lui. Quant à mon positionnement dans les affaires actuelles, je ne vois pas en quoi cela a un rapport avec votre Commission.

M. Thierry MARIANI  : Le DPS est divisé. Vous dites ne plus avoir de rapports avec M. Jean-Marie Le Pen depuis 1997, en avez-vous davantage avec l’autre tendance ? De quel côté penchez-vous ?

M. François-Xavier S.  : C’est personnel. Ce vers quoi je penche n’a rien à voir avec le DPS.

Mme la Présidente : Veuillez répondre à la question de monsieur Mariani, s’il vous plait.

M. François-Xavier S. : Mais je suis en train d’y répondre : je ne vois pas en quoi cela concerne votre Commission !

Mme la Présidente  : Je vais vous poser la question différemment : êtes-vous plus proche du DPS ou du DPA ?

M. François-Xavier S. : Je n’ai pas d’éléments là-dessus, vous me parlez du DPA...

M. Thierry MARIANI : N’avez-vous jamais travaillé avec ?

M. François-Xavier S.  : Non, dites-moi ce que c’est.

Mme la Présidente : Allons-nous être obligés de vous dire, monsieur S., ce qu’est et ce qu’était le DPS ? Ce serait tout de même surprenant ! Vous avez travaillé au cabinet de M. Jean-Marie Le Pen, vous devez donc savoir ce qu’est le DPS. Vous devez également lire la presse et donc savoir qu’il y a aujourd’hui le DPS et le DPA.

Etes-vous plus proche du DPS ou du DPA, sachant qu’il s’agit de deux services d’ordre, le premier tendance Le Pen et le second tendance Mégret ?

Par ailleurs, vous n’étiez pas sans savoir, lorsque vous étiez au cabinet de M. Jean-Marie Le Pen, que ce service d’ordre existait. Quelle vision en aviez-vous ? Il nous a été rapporté que ce service d’ordre dépendait directement de M. Jean-Marie Le Pen : pouvez-vous nous dire comment il était organisé et quel rôle M. Jean-Marie Le Pen et vous-même y jouiez ?

M. François-Xavier S. : L’organisation du DPS était la suivante : un responsable national, M. Bernard Courcelle, des responsables régionaux et départementaux, et des militants.

En ce qui concerne la dépendance du DPS à M. Jean-Marie Le Pen, vous n’êtes pas sans savoir que dans un mouvement politique présidé par un président à forte personnalité, le lien de dépendance affective et psychologique est direct entre l’ensemble des adhérents et le président. A ce titre, on peut dire que le DPS dépendait directement de M. Jean-Marie Le Pen. Les militants du DPS sublimaient l’image de M. Jean-Marie Le Pen.

Enfin, vous me demandez si je suis plus proche du DPS ou de ce que vous appelez le DPA ; je suis incapable de vous répondre, je ne suis ni membre de l’un ni membre de l’autre - à supposer qu’il ait une existence aussi formelle que vous semblez le dire.

Mme la Présidente  : Etes-vous toujours membre du Front National ?

M. François-Xavier S. : Je suis adhérent du Front National - et vous allez me demander " lequel " - Mouvement National.

M. Thierry MARIANI  : Si vous ne pouvez pas vous souvenir d’une manifestation qui a eu lieu en 1997, vous pouvez certainement vous souvenir de la manifestation qui a eu lieu samedi dernier 1er mai : vous défiliez le matin ou l’après-midi ?

M. François-Xavier S. : Samedi dernier, j’étais non pas à Paris, mais dans le Sud. Je ne défilais donc pas.

M. Jean-Pierre BLAZY  : Etiez-vous présent à Marignane ?

M. François-Xavier S. : Absolument.

M. Jean-Pierre BLAZY : M. Bruno Mégret ne vous a-t-il pas confié une fonction au comité central ?

M. François-Xavier S. : M. Bruno Mégret ne m’a confié aucune fonction, j’ai été élu au comité central.

M. Jean-Pierre BLAZY : Pouvez-vous nous préciser vos responsabilités à ce comité central ?

M. François-Xavier S. : Aucune. Je n’ai aucun mandat particulier, aucune fonction particulière.

M. Thierry MARIANI  : Et dans l’organigramme du parti ?

M. François-Xavier S. : Aucune.


Mme la Présidente
 : Lorsque vous étiez au cabinet de M. Jean-Marie Le Pen, connaissiez-vous le budget du DPS ? A qui servaient ces fonds ? Comment, d’après vous, tout cela fonctionnait ?

M. François-Xavier S. : J’ai toujours entendu M. Bernard Courcelle se plaindre de l’absence de budget, ne serait-ce que pour rembourser les frais d’essence à des personnes qui n’ont pas d’argent et qui viennent, à titre bénévole, assurer le service d’ordre. A ma connaissance, il n’y avait donc pas de budget spécifique au DPS.

Mme la Présidente : Vous avez eu, je le suppose, connaissance des événements qui se sont déroulés à Montceau-les-Mines où des membres du DPS, qui ont été filmés et photographiés, sont intervenus parce que, soi-disant, ils ont été agressés. Ils étaient équipés de casques et de boucliers. Qui payait tout cela ? Le Front National ? Les militants ?

M. François-Xavier S. : Je ne sais pas. Tout ce que je peux vous dire, c’est que cet équipement sert à se protéger contre les cailloux lancés par les contre-manifestants.

Cela dit, je n’étais pas présent à Montceau-les-Mines, j’en ai donc la même connaissance que vous - ce qui a été rapporté par les médias. Des journalistes m’ayant raconté comment les participants à cette réunion ont été agressés, je suppose que les membres du DPS ont tenté de faire cesser ces agressions.

Mme la Présidente : Qui finançait l’achat de ces casques et boucliers ?

M. François-Xavier S. : Je ne sais pas.

Mme la Présidente : Aviez-vous connaissance du budget du Front National ?

M. François-Xavier S.  : Non. Demandez au trésorier.

M. le Rapporteur : Personne n’ignore que la famille S. s’inscrit dans l’histoire du mouvement nationaliste après la guerre. Par conséquent, avant d’adhérer au Front National, veniez-vous d’une mouvance plus nationaliste que ce parti, ou était-ce simplement votre première action politique ?

M. François-Xavier S.  : Je n’ai jamais été membre d’une association politique ou d’un parti politique avant d’adhérer au Front National.

M. le Rapporteur : En tant que lieutenant, vous avez été réserviste activé. Quel a été votre passé militaire en tant qu’officier ?

M. François-Xavier S. : J’ai été officier de réserve de l’armée de l’air, puis instructeur parachutiste de réserve. Mes activités de réserve se sont limitées à cela.

Mme la Présidente : Monsieur S., je vous remercie.

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1 Mme Fiammetta Venner a indiqué postérieurement à son audition que les matraques utilisées par les membres du DPS étaient identiques aux matraques utilisées pour le bétail.

2 Par courrier du 28 mars 1999, M. Philippe Lecardonnel a démenti cette information : cf. p.346.