Présidence de M. Yves FROMION, Vice-Président

M. Gérard Pardini est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Gérard Pardini prête serment.

M. le Président : Nous souhaiterions savoir comment s’est faite votre affectation en Corse, quelles étaient les fonctions qui vous étaient imparties en votre qualité de directeur de cabinet, notamment par rapport aux fonctions par ailleurs dévolues au préfet adjoint pour la sécurité et quelles étaient vos relations avec les autres services chargés d’assurer la sécurité en Corse, tant au niveau local que national.

M. Gérard PARDINI : Je répondrai, en exposé liminaire, aux questions que vous avez évoquées et qui reflètent bien ma situation, à savoir celle d’un témoin de la politique de sécurité, mais non d’un acteur. Les chaînes de commandement, en ce qui concerne les deux départements de Corse, méritent en effet une explication. J’ai été nommé en avril 1998, en Corse, en qualité d’administrateur civil et non de directeur de cabinet. J’ai été nommé chargé de mission auprès du préfet de Corse. Venant du secteur privé, on m’a réintégré parce que j’avais une mobilité à terminer. Le poste de directeur de cabinet était occupé à cette époque.

Jusqu’au départ, fin juin 1998, du directeur de cabinet, qui était celui du préfet Erignac, j’ai aidé l’ensemble des collègues, qui faisaient partie de la précédente équipe, à réorganiser la préfecture, préparer les différentes inspections générales et rédiger un certain nombre de notes sur le fonctionnement administratif des services.

Lors du départ du directeur de cabinet, le préfet Bonnet, qui n’avait pas voulu demander au ministère de l’Intérieur un nouveau poste de sous-préfet, m’a demandé d’assumer les fonctions de directeur de cabinet, ce que j’ai fait à compter de la fin juin 1998.

M. le Président : Lorsque vous avez pris les fonctions de directeur de cabinet, y a-t-il eu un arrêté ?

M. Gérard PARDINI : Non.

M. le Président : Vous êtes ainsi passé de chargé de mission à " faisant fonction " de directeur de cabinet ?

M. Gérard PARDINI : Je suis resté. Il y a eu un décret nommant un administrateur civil en Corse, comme cela existe dans certaines régions...

M. le Président : ...sans préciser toutefois que vous étiez chargé d’assumer les fonctions de directeur de cabinet ?

M. Gérard PARDINI : Tout à fait, puisque c’est intervenu par la suite. Il y a simplement eu un arrêté interne de délégation de signature, arrêté qui permet en fait d’assurer les permanences.

M. le Président : Interne à la préfecture ?

M. Gérard PARDINI : Oui.

M. le Président : Il n’y a eu aucune décision ministérielle vous nommant directeur de cabinet ?

M. Gérard PARDINI : Non, il ne pouvait y en avoir. Soit je restais administrateur civil et donc, ne pouvais occuper un poste territorial, soit j’étais basculé sur un poste territorial et ne pouvais plus être administrateur civil.

M. Robert PANDRAUD : Nous aimerions bien comprendre. De quel corps êtes-vous issu ?

M. Gérard PARDINI : Du corps des sous-préfets.

M. Robert PANDRAUD : Comment avez-vous été nommé sous-préfet et dans quelles conditions ?

M. Gérard PARDINI : J’ai été nommé sous-préfet par décret en 1993 au tour extérieur.

M. Robert PANDRAUD : Quelles étaient vos fonctions précédentes ?

M. Gérard PARDINI : En tant que sous-préfet, j’ai été directeur de cabinet du préfet des Pyrénées-Orientales, puis directeur de cabinet du préfet de la région Basse-Normandie. Ensuite, j’ai entamé une mobilité chez le médiateur de la République, avant d’être nommé en Corse. Pour ne pas interrompre la mobilité, on m’a nommé administrateur civil. Ce cadre existe dans plusieurs régions, où des sous-préfets continuent une mobilité, mais sous la fonction d’administrateur civil. Le poste de directeur de cabinet était occupé lors de ma nomination en Corse.

M. Robert PANDRAUD : Etes-vous resté dans ce poste, chargé des fonctions par arrêté sous-préfectoral, jusqu’au bout ?

M. Gérard PARDINI : Oui, tout à fait.

M. Robert PANDRAUD : Par conséquent, administrativement, vous êtes un faux directeur de cabinet !

M. Gérard PARDINI : Si vous voulez le voir ainsi, oui !

M. Robert PANDRAUD : Monsieur le président, nous sommes obligés de constater, dès le départ, que M. Pardini était dans une situation administrative pour le moins douteuse...

M. le Président : ... Ambiguë...

M. Robert PANDRAUD : ... dans la mesure où son prédécesseur n’était pas encore parti sans doute parce que le ministère de l’Intérieur lui cherchait un point de chute. Mais rien n’aurait empêché le ministre de l’Intérieur de le nommer sous-préfet directeur de cabinet, ce qui aurait pu clarifier les choses, étant donné qu’il est vrai que cela mettait un terme à sa mobilité ainsi faussée. Par ailleurs, il pouvait toujours, à l’issue de son séjour à la préfecture de Corse, prolonger sa mobilité pour régulariser sa situation.

Par conséquent, je suis dans l’obligation de noter, dès le départ, que le préfet Bonnet avait à sa disposition, un directeur de cabinet nommé dans des conditions administratives curieuses.

M. Gérard PARDINI : Mais pas exceptionnelles, semble-t-il, et à la demande du préfet Bonnet.

M. le Président : Il n’était pas inintéressant de lever l’ambiguïté sur ce point.

M. Gérard PARDINI : Tout à fait. La préfecture de Corse était dotée d’un préfet adjoint pour la sécurité. C’est là aussi une institution assez ambiguë, sauf à Paris où la clarté existe.

M. le Président : Pardonnez-moi, j’ai moi-même été chef de cabinet du préfet de police à Paris. Il est le seul de son espèce dans toute la République. Il n’est pas délégué pour la police. Cela n’a rien à voir.

M. Gérard PARDINI : Tout à fait. C’est bien ce que je dis. A Paris, l’institution est très claire. En revanche, les préfets délégués à la sécurité, que l’on peut retrouver ailleurs, n’ont pas forcément la même appellation et leurs fonctions sont différentes.

Héritage du passé, une réunion de police se tenait au niveau de la préfecture de région, alors que le préfet délégué à la sécurité tenait lui-même - et c’était de sa compétence - des réunions de police bihebdomadaires ou hebdomadaires, selon la demande.

J’ai fait supprimer, pour éviter toute ambiguïté, cette réunion sans aucune utilité et redondante. Pour en avoir discuté avec ceux qui y participaient, c’était une réunion bis, une réunion agenda, mais qui mobilisait les gens. Dans le contexte, il me semble qu’il y avait autre chose à faire que de venir encore perdre deux heures à discuter de choses déjà évoquées un ou deux jours avant.

Pour couper également court à toute ambiguïté, il n’y a plus eu de réunions de police tenues par le directeur de cabinet faisant fonction du préfet de région. Les missions essentielles que j’ai accomplies pendant quatorze mois relevaient de la communication, pour une très grande part. Pour des raisons de maladie et de maternité, il n’y avait pas d’attaché de presse auprès de la préfecture de Corse, alors qu’il y avait une communication assez lourde à gérer. Bernard Bonnet y était extrêmement attentif et m’avait donc chargé de ce dossier. Mes autres missions relevaient du fonctionnement traditionnel d’un cabinet de préfet de région.

M. le Président : Participiez-vous aux réunions présidées par le préfet délégué pour la sécurité ?

M. Gérard PARDINI : Rarement. En quatorze mois, j’ai dû y assister trois ou quatre fois. Lors d’un événement, telle qu’une visite ministérielle par exemple, des réunions préalables avaient lieu auxquelles j’assistais. En revanche, j’assistais - ce qui est normal - à toutes les réunions du corps préfectoral qui avaient lieu le soir et à la réunion que le préfet Bonnet tenait avec le préfet Spitzer et le colonel Mazères.

M. le Président : En assistant à ces réunions, vous étiez donc réintégré dans le circuit sécurité par des réunions moins formalisées...

M. Gérard PARDINI : Tout à fait, mais à titre d’observateur, puisqu’avec cet aspect communication très lourd, il fallait avoir un panorama complet. Les réunions du soir que présidait le préfet Bonnet, préalables aux réunions du corps préfectoral qui duraient d’une heure et demie à deux heures et demie selon les jours et les sujets, étaient pour leur part très courtes. Elles duraient au maximum d’un quart d’heure à une demi-heure.

M. Robert PANDRAUD : Vous aviez donc, selon vos propos, le rôle classique d’un directeur de cabinet, travaillant en parallèle avec le préfet délégué pour la sécurité.

M. Gérard PARDINI : En information, mais pas en parallèle.

M. Robert PANDRAUD : Puisque nous sommes dans un monde de " faisant fonction " plus que de titulaires réels, quels étaient vos rapports avec le lieutenant-colonel Cavallier ?

M. Gérard PARDINI : J’ai connu le lieutenant-colonel Cavallier lors de mon arrivée en Corse. Lorsque j’ai été nommé à Perpignan, Bernard Bonnet n’était pas encore préfet de ce département. Je suis arrivé à Perpignan fin mars-début avril 1993, et Bernard Bonnet a été nommé en juin. C’est alors que je l’ai connu. Je n’ai pas connu le lieutenant-colonel Cavallier dans les Pyrénées-Orientales, le préfet me l’a présenté à mon arrivée, au mois d’avril.

M. Robert PANDRAUD : Mais dans les Pyrénées-Orientales, vous étiez directeur de cabinet...

M. Gérard PARDINI : Oui.

M. Robert PANDRAUD : ... et vous n’avez pas connu l’officier commandant la gendarmerie ?

M. Gérard PARDINI : Oui, mais ce n’était pas le lieutenant-colonel Cavallier, c’était un autre officier.

M. Robert PANDRAUD : Entreteniez-vous des rapports avec les autorités de gendarmerie ?

M. Gérard PARDINI : Tout à fait. Je voyais le colonel Mazères tous les soirs autour de la table de travail chez le préfet.

M. Robert PANDRAUD : Rencontriez-vous le colonel Mazères, non seulement lors des réunions, mais également en tête-à-tête ?

M. Gérard PARDINI : Il m’est arrivé de déjeuner, sur un an, trois ou quatre fois avec le colonel Mazères, ce qui me semble tout à fait normal. De la même manière que j’ai pu déjeuner avec d’autres autorités en Corse.

M. Robert PANDRAUD : Même si cela semble tout à fait logique, cela nous ramène à l’affaire qui a défrayé la chronique et qui ne semble, pour sa part, démentie par personne, sauf en ce qui concerne sa motivation éventuelle. Personne ne semble avoir nié que c’est vous qui avez rédigé le tract déposé sur les lieux du délit ou qu’il ait été rédigé dans vos services ? Que pensez-vous de cette affirmation de presse ?

M. Gérard PARDINI : Nous entrons en plein dans le dossier judiciaire.

M. Robert PANDRAUD : Je me dois de vous poser des questions car cela peut interférer sur les relations qui existaient en matière de coordination des forces de sécurité.

M. Gérard PARDINI : Je ne vois pas très bien. J’ai répondu à cela de manière très claire, devant le juge, et cela a été confirmé par témoins. Le tract a été rédigé sous la dictée de Bernard Bonnet. C’est tout ce que j’ai à dire, le reste appartenant au dossier d’instruction.

M. Robert PANDRAUD : C’est ce que nous voulions entendre ; quant à la vérité, il appartiendra au juge de la définir. Ne vous êtes-vous jamais posé le problème, dans cette affaire, du respect de l’éthique que doivent avoir les hauts fonctionnaires ? N’avez-vous pas confondu la réserve inhérente aux hauts fonctionnaires avec un rôle de " shérif " supérieur dans l’île ? Sans vouloir intervenir dans la répartition des décisions, si je me place dans la logique de vos affirmations, n’avez-vous jamais été amené à dire au préfet que vous n’étiez pas d’accord - il y a un devoir de désobéissance - et à en rendre compte au ministère de l’Intérieur, en indiquant que votre supérieur se dévoyait quelque peu ?

M. Gérard PARDINI : Cette question est également au centre du débat judiciaire. On en revient à décrire un contexte de pression. L’appréciation de cette situation est tout à fait différente maintenant qu’au moment où cela s’est passé, dans le contexte de pression et d’instructions que le préfet avait données.

M. Robert PANDRAUD : Etiez-vous en règle pour vos détentions d’armes ?

M. Gérard PARDINI : Tout à fait, contrairement à ce qui a été écrit dans certains journaux.

M. Robert PANDRAUD : Par la préfecture d’Ajaccio ?

M. Gérard PARDINI : Par le ministère de l’Intérieur en ce qui concerne le port d’armes et par l’ancienne préfecture où j’avais acheté une arme.

M. Robert PANDRAUD : Quel type d’armes ?

M. Gérard PARDINI : Par le ministère de l’Intérieur, c’était un revolver de calibre 38 et une carabine Colt, non pas un M16 comme cela a été raconté. Cette carabine ne tire pas en rafales et elle était en règle.

M. Robert PANDRAUD : Démentez-vous, devant nous, le M16 ?

M. Gérard PARDINI : Le M16 est une arme militaire, la carabine Colt une arme civile qui ressemble au M16. Si l’on ne connaît pas les armes, on peut l’appeler un M16 parce que cela y ressemble. Mais toutes ces armes étaient en détention régulière et j’ajoute que beaucoup savaient que cette arme était détenue. Les élucubrations dans les journaux, parlant de possibles mitraillages, sont sans fondement.

M. Robert PANDRAUD : La destruction de la photocopieuse a-t-elle été faite sur ordre ou initiative ?

M. Gérard PARDINI : Sur ordre total. Là aussi, je suis désolé, prenez ma réponse comme un ordre total et très formel. Tous les tenants et aboutissants font partie du dossier de l’instruction qui n’est pas terminée sur cette affaire...

M. Robert PANDRAUD : D’accord. Lorsque vous receviez des instructions, le préfet Bonnet vous disait-il qu’il était couvert par l’autorité ministérielle ou qu’il le disait sur instruction parisienne ?

M. Gérard PARDINI : Il ne l’a jamais dit.

M. Robert PANDRAUD : Aviez-vous des liens familiaux avec le préfet Bonnet ?

M. Gérard PARDINI : Si vous appelez avoir une relation avec sa sœur, oui. Je vis avec sa sœur.

M. le Président : Comment fonctionnait la coordination entre les forces de sécurité à la préfecture ? Quel était le rôle respectif des forces de police et de la gendarmerie ? Une vraie question, qui se pose dans cette affaire, est celle des problèmes - que d’aucuns décrivent comme une guerre des polices - entre la police et la gendarmerie.

Ce phénomène récurrent, pas seulement en Corse, y est cependant aggravé parce que nous avons le sentiment que le préfet Bonnet avait marqué une préférence très nette à l’égard de la gendarmerie, et on laisse entendre qu’il aurait manifesté quelque méfiance, fortement affirmée d’ailleurs, à l’égard de la police. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?

M. Gérard PARDINI : Il y a un décalage entre la réalité et ce que l’on a pu lire dans la presse. De même qu’une confusion a été entretenue dans les médias, voire au sein de la commission sénatoriale, qui a posé la même question. On a entretenu une confusion savante entre police administrative et police judiciaire.

Je suis extérieur au dispositif de police judiciaire, mais j’en ai un retour en étant sur place. Qu’il y ait des tiraillements pour la police judiciaire entre police, gendarmerie et magistrats, c’est de notoriété publique ; en tout cas cela a été décrit comme tel dans les médias. Je me garderai bien de faire un quelconque commentaire de fond car, même faisant fonction de directeur de cabinet et même étant proche du préfet, on ne peut parler de cela sans avoir l’intégralité des éléments en main ; or, seuls l’ont ceux qui sont vraiment en charge de la police judiciaire au niveau central

Quant à la police administrative, c’était la seule évoquée lors des réunions organisées par le préfet délégué en charge de cette coordination et le soir, lors des réunions présidées par le préfet. En matière de police administrative, c’est-à-dire maintien de l’ordre et retour à la paix civile : prévention des attentats, des vols à mains armées et autres, j’ai noté un net changement entre ce que l’on avait pu lire dans les journaux avant le 6 février, date de l’assassinat de M. Erignac, et après où il y a eu une vraie mobilisation.

On ne peut pas non plus comparer les zones de gendarmerie et de police en Corse. La Corse représente quasiment autant que le littoral méditerranéen, avec ses mille kilomètres de côtes, sur lesquels la gendarmerie est en charge de la police de maintien de l’ordre et de la police administrative.

Vous avez une présence policière dans les deux grandes villes Bastia et Ajaccio puisqu’il n’y en a plus à Corte. La protection de bâtiments publics est extrêmement gourmande en personnels. Vous ne pouvez pas additionner, sans faire une analyse beaucoup plus fine, les escadrons, les CRS, les effectifs de la DDSP, et ceux des brigades.

M. le Président : Quant à répondre à la question que je vous ai posée et que je réitère : le préfet Bonnet avait-il une quelconque prévention contre la police ? Vous a-t-il dit ou avez-vous entendu dire que, pour lui, il y avait lieu de ne pas avoir trop confiance dans les forces de police ?

M. Gérard PARDINI : Oui, il l’a dit, mais ce sont des propos que j’avais déjà entendus dans d’autres lieux.

M. le Président : La question est précise, il s’agit de la Corse en l’occurrence.

M. Gérard PARDINI : Oui, mais je ne peux vous rapporter que mon témoignage, qui est sincère sur ce que j’ai vu de manière directe, c’est-à-dire l’action sur le terrain. En matière de police administrative, j’aurais mauvaise grâce à dire que je n’ai rien vu et que j’étais tel le singe sur la branche avec les yeux fermés. En matière de police judiciaire, j’ai entendu de tels propos, de la même manière que, lors des premiers mois de l’affectation du préfet Bonnet, j’ai pu lire des articles de presse dans les quotidiens nationaux quant à l’absentéisme dans la police ou ailleurs.

Je me souviens de l’affaire d’un policier en arrêt de longue maladie et qui a été découvert par ses collègues au départ du semi-marathon d’Ajaccio. A partir de telles affaires, les choses ont été amplifiées, grossies. En ce qui concerne la coordination et l’action concertée de la police et de la gendarmerie, un travail remarquable a été fait pendant ces quatorze mois.

M. le Président : Bien que vous n’ayez pas été directement associé aux affaires de sécurité, quel bilan tirez-vous de l’action du GPS ? Que pensez-vous de cette unité ? A-t-elle rempli les missions qui lui étaient dévolues ? Avait-elle la formation, l’instruction, les équipements lui permettant d’aller dans cette direction et d’avoir quelques espérances concrètes et sérieuses ? Quel jugement portez-vous sur sa dissolution ? En clair, pensez-vous que l’unité étant adaptée à la mission, il n’était pas forcément opportun de la dissoudre ?

M. Gérard PARDINI : Au risque de vous décevoir, j’ai très peu d’éléments. Je suis arrivé en avril et le GPS était déjà dans les cartons. Comme cela a été écrit, il n’a été demandé ni par le préfet Bonnet, ni par la préfecture. Je ne connais du GPS que la composante protection. L’unité correspondante créée par la police nationale, s’appelait l’UPPN et était forte de quarante personnes, dont vingt présentes en même temps. Ces vingt personnes avaient en charge la protection du préfet de Corse, du préfet adjoint à la sécurité, de quelques hauts magistrats de l’île et de diverses personnalités politiques. Il existait donc une incapacité, uniquement matérielle, pour assurer la protection des personnes pouvant être menacées ou devant bénéficier d’une protection.

Une répartition a donc été faite avec la gendarmerie. Les sous-préfets territoriaux par exemple étaient tous protégés par la gendarmerie nationale. La partie protection du GPS, comportait une quinzaine de personnes. J’ai été protégé par deux militaires du GPS pendant une dizaine de mois. Je ne connais que cela.

Sur la partie protection, le travail accompli est en tous points remarquable. D’autres hauts fonctionnaires ont été gardés et protégés par le GPS, notamment le directeur départemental de l’action sanitaire et sociale, le directeur départemental de l’agriculture. Je n’en ai entendu dire que du bien.

Je n’avais aucun élément sur le GPS dans son ensemble. Je n’ai jamais entretenu de rapports avec l’unité GPS en tant que telle.

M. le Président : Quelles étaient vos relations avec le colonel Mazères ?

M. Gérard PARDINI : Celles que l’on peut nouer dans un département, c’est-à-dire des relations de sympathie.

M. le Président : Le rencontriez-vous lors de toutes les réunions chez le préfet ?

M. Gérard PARDINI : Le colonel Mazères venait pratiquement tous les soirs. La disposition des lieux, à la préfecture de Corse, est telle que le bureau du directeur de cabinet fait antichambre pour se rendre chez le préfet. Je voyais donc à la fois le colonel Mazères dans cette antichambre, et ensuite autour de la table pendant un quart d’heure. Il m’est arrivé d’aller déjeuner ou dîner avec lui. Cela a dû se passer trois ou quatre fois en un an, non pas que cela n’aurait pas été agréable de le faire plus souvent, mais nous n’en avions pas le temps. C’est quelqu’un de sympathique. Ce n’est pas un ami, mais une relation de travail cordiale et sympathique.

M. le Président : N’avez-vous pas le souvenir d’avoir assisté ou participé, avec le colonel Mazères, à une opération de nuit sur une baraque, sur la route des Sanguinaires ?

M. Gérard PARDINI : Oui, cela a été déclaré.

M. le Président : Bien que le connaissant peu, vous êtes parti dans une aventure dont vous pouvez peut-être nous dire quelques mots.

M. Gérard PARDINI : Oui. Les deux affaires sont liées. Cela fait partie de l’aspect judiciaire qui est également en cours d’examen.

M. le Président : On ne vous demande pas...

M. Gérard PARDINI : Je vais être clair. La tentative, faite sur cette " paillote ", répondait à une instruction formelle de Bernard Bonnet. Les scellés, fussent-ils judiciaires, sont publiés puisque ma déclaration, faite lors de la garde à vue, a été publiée dans un livre. J’ai expliqué quel avait été l’enchaînement. Bernard Bonnet a voulu cette opération. Elle a été faite non pas pour qu’il y ait une destruction, mais parce qu’il y avait une réunion le lendemain à laquelle participait le secrétaire général en charge du dossier, et qu’un dégât même minime aurait permis de prendre un arrêté d’interruption de travaux sur cet établissement. Cela faisait un établissement en moins, la demande de Bernard Bonnet étant " d’aider " le génie.

M. Robert PANDRAUD : Cela avant l’accord passé avec les élus.

M. Gérard PARDINI : Avant l’accord passé avec les élus, mais qui n’en était pas un.

Mme Nicole FEIDT : Un point de détail. Quand vous partiez ainsi, portiez-vous votre arme ?

M. Gérard PARDINI : Pas du tout.

Mme Nicole FEIDT : Est-ce dans les habitudes du corps préfectoral de procéder ainsi ?

M. Gérard PARDINI : En cas de menaces, oui. Le préfet Bonnet et les sous-préfets étaient armés en Corse. Mais on ne se promenait pas avec une arme à la ceinture.

M. le Président : Je reviens sur l’affaire que nous évoquions sur la route des Sanguinaires. Que le préfet ait pu donner instruction au colonel Mazères présente une certaine logique, puisqu’il a ensuite réédité l’exploit un peu plus tard, lui ou ses hommes. Mais comment se peut-il que l’on vous ait demandé d’aller faire ce genre de chose à vous, fonctionnaire du corps préfectoral, administrateur civil avez-vous dit, mais faisant fonction de directeur de cabinet du préfet en l’occurrence ?

M. Gérard PARDINI : A moi et au colonel Mazères.

M. le Président : Oui, mais le colonel Mazères est un militaire. On pourrait dire que c’est son " métier ", mais vous ?

M. Gérard PARDINI : Pouvez-vous comprendre une idée qui va peut-être vous faire sourire : protéger son préfet qui voulait y aller lui-même ?

M. le Président : Vous nous dites que le préfet avait l’intention d’aller lui-même...

M. Gérard PARDINI : C’est ce qu’il avait dit au colonel Mazères et cela figure sur procès-verbal.

M. le Président : Avez-vous eu des contacts avec la DGSE dans le cadre de vos fonctions de directeur de cabinet ?

M. Gérard PARDINI : Aucun. De manière nette. Comme je vous l’ai dit au début, j’avais pris la décision, en accord avec le préfet Bonnet, de ne pas laisser planer l’ombre d’une possibilité qu’il y eût une deuxième réunion de police qui aurait pu être mal interprétée. En effet, j’avais, dans mon passé administratif, fait un séjour de dix-huit mois dans la partie civile de la DGSE. Ce passage figure dans l’annuaire du corps préfectoral, il n’est donc pas du tout occulté.

M. le Président : On ne le considère pas comme une tare !

M. Gérard PARDINI : Non, mais dans le contexte corse, ce passage pouvait être exploité. J’y ai coupé court ainsi. Il n’y a eu aucun contact avec la DGSE...

M. Robert PANDRAUD : Vous avez parlé de toutes les forces de police, sauf des RG. Or, dans toutes les préfectures de France et de Navarre, le directeur de cabinet a des rapports privilégiés avec les renseignements généraux.

M. Gérard PARDINI : Aucun. C’est Bernard Bonnet qui traitait directement avec le directeur régional des renseignements généraux. Je n’avais aucune relation directe avec les chefs de service de la police, tout passait par le préfet délégué, lequel préfet délégué me faisait passer des messages...

M. Robert PANDRAUD : Vous étiez donc un directeur de cabinet qui ne tenait pratiquement jamais de réunions de coordination de police, ce qui peut s’expliquer par l’existence du préfet délégué, qui ne s’occupait pas de police, et qui en bon samaritain, suppléait le préfet dans une mission de police très active...

S’agissant de l’épisode de la route des Sanguinaires, reconnaissez que pour quelqu’un de non averti de la situation en Corse, il est bizarre que personne n’ait pensé que les conditions avaient changé, notamment après l’accord passé à tort ou à raison avec les élus et qui a eu une telle publicité qu’il en est devenu un véritable accord sur la durée d’existence des paillotes. Ou alors le préfet Bonnet a maintenu ses instructions, envers et contre tous, quel que soit l’accord passé avec les élus et signé par le secrétaire général.

Je vais être plus précis. On aurait très bien pu concevoir qu’avant l’accord, envoyer des gendarmes brûler une paillote ou envoyer un commando du génie était une question d’appréciation et de moyens. Mais cet accord est un fait nouveau. Vous avez dit être allé aux Sanguinaires avant l’accord. Mais pour l’autre paillote, pourquoi n’avoir pas discuté avec le colonel Mazères de la possibilité d’aller voir le préfet pour lui dire : " non seulement on va commettre une action dont on peut discuter la légalité, mais surtout sur le plan de la moralité individuelle, on va aller à l’encontre d’un accord conclu entre votre premier collaborateur, le secrétaire général, et les élus " ?

M. Gérard PARDINI : Il faut croire que le préfet a donné des instructions plus que formelles après cet accord, qui n’en était pas un. Le papier, tel qu’il est revenu au secrétaire général, n’était pas celui qu’il avait proposé aux élus. C’est peut-être l’un des facteurs qui ont poussé le préfet à réitérer ses instructions au colonel.

M. le Président : Quelles étaient les différences entre les deux papiers ?

M. Gérard PARDINI : Une dernière ligne était ajoutée, que je n’ai plus en tête, mais c’était dans le style " nous démolirons si les circonstances le permettent... " Il y avait une échappatoire, une ligne de plus, qui faisait que ce qui était écrit au-dessus n’était plus si évident.

M. le Rapporteur : Vous nous avez dit que la fonction de préfet adjoint était ambiguë. Pouvez-vous préciser cette appréciation et nous dire si vous pensez qu’un dispositif dans lequel les fonctions du préfet adjoint seraient exercées par le directeur de cabinet du préfet vous semble plus opérationnel et efficace que le dispositif actuel ?

M. Gérard PARDINI : C’est, à mon avis, plus complexe que cela. Le préfet délégué tient sa légitimité de la simple délégation de signature de deux préfets, ce qui complique encore les choses. S’il n’y avait qu’un seul préfet et un seul département en Corse, le problème pourrait s’analyser en termes différents. De plus, on se trouve dans un cas de figure très particulier, c’est-à-dire avec un préfet de Corse, qui a été préfet délégué à la sécurité, et un préfet de Haute-Corse qui vient de quitter ces fonctions pour prendre les fonctions de préfet de département.

Quelle que soit la vertu des uns et des autres, sans une institution et des pouvoirs propres, vous ne pouvez les empêcher d’exercer leurs pleines compétences. En effet, les deux préfets de département conservent leurs compétences entières en matière d’ordre public. Ou alors le préfet adjoint à la sécurité a un charisme tel qu’il en impose à ses deux collègues, mais le terme délégué pose déjà problème, car vous ne pouvez penser que, hiérarchiquement, il y ait une différence entre les uns et les autres.

Reste un second aspect à évoquer. Les deux départements corses sont soumis à des problèmes d’ordre public et de terrorisme assez forts. La question qui doit se poser est la suivante : les préfets de département ont-ils plus intérêt à conserver la compétence en matière d’ordre public, qu’à faire un découplage complet ? Un préfet de police qui tirerait ses compétences d’une loi ne serait-il pas un confort plus grand ? Ce n’est pas Gérard Pardini en son nom qui dit cela ; c’est une réflexion de science administrative, de sociologie ou de politique. Si cette voie n’est pas suivie, il faut opter pour celle qui existe dans des départements ou des régions comme Toulouse où il n’y a pas de préfet délégué : quelqu’un gère l’administration de la police et le directeur de cabinet fait lui-même la coordination.

Il y a deux aspects des choses à voir. En termes de rationalité administrative, quand vous avez une simple délégation que vous tenez d’autres personnes, vous aurez, quelle que soit la bonne volonté des uns et des autres, un jour un conflit. Quand je parle de conflit, ce n’est pas en termes de dysfonctionnement. Je vous donne un exemple précis que l’on peut étendre à d’autres départements. Vous avez vingt forces mobiles à répartir, dix et dix dans chaque département. Un événement se passe dans l’un des deux départements, il faut alors prélever trois ou quatre forces dans le département du Nord pour le faire arriver au Sud. Il faut donc négocier. Le préfet délégué ne peut pas imposer... Ou alors il a un tel charisme qu’il dira que c’est ainsi. Il laissera hurler l’un des deux préfets qui se trouvera " déshabillé ". Je vous laisse imaginer ce que cela peut donner. A mon avis, c’est une perte de temps.

Reste un problème politique beaucoup plus difficile. Ce découplage présente-t-il un avantage ? Le problème de la Corse est spécifique, cela va entraîner une deuxième discussion qui est : faut-il maintenir deux départements ? On risque d’enchaîner les problèmes...

M. le Rapporteur : .. ou les questions. Précisément l’une des raisons du dérapage qui s’est produit n’est-elle pas que le dispositif n’a pas véritablement fonctionné ? D’ailleurs, le préfet adjoint à la sécurité en poste à l’époque, M. Spitzer, nous l’a confirmé. L’ensemble des compétences et l’autorité que détenait le préfet adjoint, ont très vite passé sous la responsabilité du préfet lui-même.

M. Gérard PARDINI : Oui.

M. le Rapporteur : N’est-ce pas l’une des raisons qui a amené aux problèmes que l’on a connu ? Je précise ma question. Quel était le climat dans lequel vous avez mené votre action ? Y a-t-il eu cet effet de " bunkérisation " évoqué dans la presse ? La conjonction de l’autorité extrêmement forte du préfet lui-même, de cette pression permanente et de l’échec sur la question des paillotes - puisque les élus viennent à la préfecture demander d’ajourner les destructions -, n’ont-ils pas contribué à créer un climat favorable aux opérations menées de façon illégale ?

M. Gérard PARDINI : Il y a eu non seulement des instructions précises, mais aussi des pressions, il y a eu un contexte. La demande du préfet, aussi bien au colonel Mazères qu’à moi-même, n’est pas exprimée un matin pour l’après-midi. Il en a parlé pendant des jours et des jours. Le mois de février marque un retournement très mal vécu. J’ai parlé au juge d’un climat d’exaspération. C’est le terme qui convient. Bernard Bonnet a tellement incarné l’Etat qu’il l’a incarné dans toutes ses composantes. Il a été à la fois l’Etat justice, l’Etat fiscal, alors même qu’il n’avait ni les compétences, ni les pouvoirs. Mais son image était telle que, par exemple, quand le citoyen de base recevait une amende à payer, pour lui, l’Etat, c’était Bernard Bonnet. Quand la justice était accusée d’être trop lente, on disait " si Bernard Bonnet était le procureur, cela ne se passerait pas ainsi. "

C’est un tel climat qui a suscité le problème. Il y a eu un retournement dans l’opinion publique locale qui peut se comprendre car on était en période d’élection, dans un contexte de préannulation avec des élus qui voulaient changer d’orientation. Il y a eu aussi, et Bernard Bonnet y a été très sensible, un basculement dans les médias nationaux. A cette époque, on a commencé à lire, dans les grands hebdomadaires et la presse quotidienne, que l’Etat de droit c’était bien, mais qu’il fallait peut-être faire autre chose. Il y avait ces milliers de mises en recouvrement, mais étaient-elles opportunes ? Ne pouvait-on pas faire les choses différemment ? Il y avait également, dans le contexte policier, des arrestations massives, mais qui ne concernaient que la police judiciaire. Tout cela a fait que son action a été contestée et il s’est senti contesté. L’affaire des paillotes avec l’épisode sur une plage où des élus étaient présents, l’engagement qui n’en était pas un...

Il est très difficile d’en parler maintenant, à froid. On peut alors imaginer ce qu’il aurait fallu faire pour que cela n’arrive pas. C’est beaucoup moins évident dans le contexte dans lequel cela s’est passé. Je ne fais pas un plaidoyer, mais j’ai aussi tenté d’analyser les choses.

M. le Rapporteur : A ce moment-là, manifestement - c’est notamment le préfet Lemaire qui nous l’a dit - il n’y avait, autour de M. Bonnet, aucune autorité capable de lui dire non sur un certain nombre de choses. Il n’y avait donc pas de contradiction dans le dispositif.

M. Gérard PARDINI : Non.

M. le Rapporteur : Comment avez-vous vécu et compris le rôle des élus dans cette affaire des paillotes ? Je crois que c’est vous qui les avez reçus...

M. Gérard PARDINI : Oui, avec le secrétaire général. Cela a été assez particulier parce qu’une partie de l’émotion est venue du fait de la présence des véhicules blindés de la gendarmerie, qu’aucune autorité n’avait commandée. J’avais passé une grande partie de la matinée au téléphone avec des journalistes et des élus, qui me demandaient ce qu’il se passait, si on allait refaire Aleria. Je leur demandais " pourquoi Aleria ? " et ils me répondaient que le préfet avait envoyé les blindés.

Je suis allé me renseigner auprès du préfet adjoint qui m’a dit n’avoir rien demandé et j’ai passé une partie de la journée à démentir la présence de blindés.

M. Robert PANDRAUD : Etaient-ils là ou non ?

M. Gérard PARDINI : Oui.

On a demandé au colonel Mazères qui a dit ne pas être non plus informé. On a alors pensé que cela pouvait faire partie du fantasme car il y avait une unité du génie avec des engins porte-chars, pour les bulldozers et les pelles mécaniques. Je me suis dit qu’il y avait peut-être une confusion dans l’esprit des gens. Le lendemain matin, j’ai alors été réellement stupéfait, quand dans un des journaux quotidiens régionaux, j’ai vu les deux blindés.

M. Robert PANDRAUD : C’étaient les VVRG.

M. le Rapporteur : Ils étaient en essai.

M. Gérard PARDINI : Oui. Cela a été dit à Bernard Bonnet, à Francis Spitzer et à moi-même. Les engins affectés en Corse ont trente ou trente-cinq ans. Si on veut qu’ils soient entretenus et opérationnels, il faut les faire rouler cent kilomètres par semaine. Pour ce faire, il existe deux itinéraires, un par une route en montagne, un autre par le bord de mer. La personne qui commandait le détachement, semble-t-il, n’en avait référé à personne et avait cru bien faire de les faire aller là-bas.

M. Robert PANDRAUD : C’est peut-être vrai, mais c’est totalement invraisemblable.

M. Gérard PARDINI : Je pense que c’est vrai. Mais les élus, surtout l’un qui a invectivé les forces présentes, ont réagi... Je crois que la mère de l’un des locataires de paillote était fonctionnaire à l’Assemblée de Corse. Tout cela a contribué à créer l’émotion.

M. le Rapporteur : Vous étiez en charge de la communication et des relations avec la presse. Quelle est votre appréciation sur le contenu et les orientations de la presse locale en Corse, notamment par rapport au mouvement nationaliste ? M. Bonnet était, semble-t-il, extrêmement attentif à l’image qu’il pouvait donner : vous donnait-il des orientations très précises en termes de communication ?

M. Gérard PARDINI : Le problème de la presse régionale est un vieux problème. On a souvent dit qu’elle était très complaisante, mais il faut aussi faire la part des choses. J’ai été en poste et vous-même lisez la presse régionale dans d’autres départements. En règle générale, elle s’abstient de mettre en cause les élus. La presse régionale est généralement assez pudique quand il s’agit d’affaires locales. La succession de révélations, depuis des mois, aboutissait à citer des noms. Il est évident, surtout en Corse où l’on n’aime pas beaucoup citer des noms, que la presse régionale n’a pas la même latitude qu’un média national.

Bernard Bonnet, d’ailleurs, avait fait le choix de s’appuyer beaucoup plus sur la presse nationale que régionale. C’était le sens des instructions qu’il m’avait données. Lui-même se chargeait de toutes les grandes interviews. Je préparais les dossiers de presse, mais il recevait en tête à tête les journalistes. Il m’est aussi arrivé d’en rencontrer avec lui. Mais les instructions données étaient claires. Il s’agissait de montrer l’avancée que représentait l’action de l’Etat par rapport à ce que l’on avait pu connaître, mais surtout de faire connaître en permanence le bilan de l’Etat de droit. Il fallait communiquer en permanence sur ce qui était fait. Beaucoup de choses étaient occultées. Il fallait aussi rappeler sans cesse que le Trésor public n’est pas la préfecture, etc.

M. le Rapporteur : Aviez-vous mis en œuvre un dispositif particulier pour " contrer " les conférences de presse, les rassemblements - on a parlé des journées de Corte ? Des mesures étaient-elles prises pour obtenir des informations, les conférences de presse semblant se tenir en toute impunité ? Etait-ce une préoccupation importante pour le préfet Bonnet ?

M. Gérard PARDINI : Le préfet Bonnet s’en était préoccupé et avait donné des instructions très précises au préfet adjoint et à tous les directeurs de services de police et de gendarmerie pour qu’il y ait un dispositif efficace de prévention, lequel dispositif repose sur la présence constante sur le terrain. Sans avoir vu le document, je pense que le préfet adjoint a dû rédiger une note interne aux services de police pour évoquer ce genre de dispositif. Cela faisait partie effectivement des préoccupations de Bernard Bonnet.

M. le Rapporteur : Que tel journaliste, sur le plan local, confirme par exemple ou authentifie une action illégale, pour vous, était-ce encore du journalisme ou était-ce proche de la complicité ?

M. Gérard PARDINI : Je n’ai pas eu à analyser d’éléments de cet ordre puisque je n’ai eu à connaître aucune conférence de presse clandestine en quatorze mois. Je ne me permettrai pas de faire un commentaire, n’ayant pas vécu ce cas de figure.

M. le Rapporteur : Etes-vous d’origine corse ?

M. Gérard PARDINI : Oui, tout à fait.

M. le Rapporteur : Pensez-vous que ce que l’on appelle la corsisation des emplois est un problème ou pas en Corse ?

M. Gérard PARDINI : Il y a beaucoup de fonctionnaires d’origine corse en poste dans l’île. Il ne m’a pas paru qu’il y avait une quelconque ségrégation en ce sens. Toutefois, si l’on veut remettre en cause le principe, on va s’attaquer à l’un des piliers de la République qui est l’égalité dans l’accès aux charges publiques. Je n’ai trouvé aucun ostracisme. Ce n’est pas parce que tel ou tel directeur, qui n’est pas originaire de l’île, est nommé qu’il y a forcément un sentiment anti-corse.

M. le Président : C’est plutôt le contraire. Si j’ai bien compris les propos de M. le Rapporteur, nous avons le sentiment que, dans certains services administratifs - par exemple, la police, la sécurité publique - il y a une proportion de Corses importante...

M. Gérard PARDINI : Comme dans tous les départements du Midi, où les fonctionnaires originaires de ces départements veulent être affectés.

M. le Président : Ne considérez-vous pas que, sur l’île elle-même, cette forte proportion de fonctionnaires originaires du territoire est un handicap ? On a beaucoup parlé de porosité de la police. Sur ce point, d’ailleurs, le préfet Bonnet lui-même est très sévère, en tout cas, il nous l’a dit. La porosité tient pour une bonne part aux origines insulaires de certains fonctionnaires. On parle principalement des fonctionnaires de base, qui sont très mêlés à la population en raison de leur famille. Ne pensez-vous pas que cela puisse être un handicap ?

M. Gérard PARDINI : C’est plus compliqué que cela à analyser. Dans une première analyse, il est vrai que sur cent fonctionnaires de police, quatre-vingts sont d’origine corse ; on pourrait faire le même constat à Marseille, dans le Languedoc, ou ailleurs... On peut se dire que, lors de telle ou telle opération, il risque d’y avoir une fuite, mais il faut aller beaucoup plus loin. Comment en est-on arrivé à une telle défiance ? En arrivant en Corse, on a trouvé une fonction publique dans un état assez calamiteux, que ce soit la police ou d’autres administrations, de même que la préfecture.

L’Etat, pendant des dizaines d’années, n’a pas défendu ses propres agents et ses propres structures. Comment voulez-vous qu’un fonctionnaire de base, qu’il soit policier ou agent de l’équipement ou de la DDASS, s’investisse à fond, sachant qu’il ne sera pas protégé ? Vous ne pourrez jamais empêcher totalement ce que l’on peut appeler la porosité. Si les choses en valent la peine, les truands et les terroristes trouveront toujours un point faible ou un maillon d’entrée dans un dispositif. C’est la vie humaine et c’est un risque.

M. le Président : Nous sommes d’accord sur le fait que la régionalisation de l’administration est une constante que l’on peut retrouver, mais avec une intensité variable. Cependant, la Corse - et les Corses le revendiquent eux-mêmes - a quand même une spécificité très forte. La situation est difficile au regard de la sécurité, avec les problèmes que l’on connaît dans les enquêtes, le climat particulier dans l’île où l’action de la police et de la justice se heurte à la loi du silence.

Dans ce contexte-là, qui n’est ni celui du Limousin ni même celui de Marseille, ne croyez-vous pas qu’une corsisation forte de l’administration est un handicap ?

M. Gérard PARDINI : Franchement, je ne le pense pas. C’est plus un problème de fond et de crédibilité de l’Etat qui doit défendre ses fonctionnaires.

M. le Président : Pensez-vous que l’ensemble des fonctionnaires se sentent menacés ? Certains, auditionnés ici, ont laissé entendre que la pression n’était pas aussi forte que d’autres veulent bien le laisser entendre. Certains sont peut-être plus aptes que d’autres à résister à la pression, ils n’ont pas la même perception de la pression.

M. Gérard PARDINI : Il ne s’agit pas forcément de menaces. Il a tout de même fallu, dans cette préfecture, faire remonter à un moment donné, l’examen de l’ensemble des permis de construire et des certificats d’urbanisme de tout le département pour voir ce qui se passait. Convenez que c’est tout de même anormal. Un laisser-aller général s’est installé ; le fonctionnaire de base de l’équipement a vu, pendant vingt ou vingt-cinq ans, délivrer des permis qui étaient illégaux ou des certificats d’urbanisme que l’on n’aurait pas dû délivrer, ou inversement ne pas les délivrer à des gens qui auraient pu les avoir, et que, ce faisant, personne n’a été sanctionné.

Quand on discute avec des gens dans la rue, c’est ce que l’on ressent profondément. On peut effectivement décider que plus aucun fonctionnaire de police ou de gendarmerie corse n’exercera en Corse, mais je ne suis pas sûr que ce soit un gage d’efficacité.

M. le Président : Je comprends ce que vous dites et j’y adhère pour partie, mais le préfet Bonnet ne paraissait pas avoir la même analyse que vous puisque lui-même se défiait de la police, du fait même de la porosité, celle-ci s’expliquant pour une bonne part par le fait de l’existence de liens trop forts. Il y a quand même là quelque chose de contradictoire. Vous n’êtes pas d’accord avec le préfet Bonnet ou ceux qui disent que la corsisation de l’administration...

M. Gérard PARDINI : Je n’ai jamais dit cela. La porosité existe dans tous les services, mais on pourrait en trouver des exemples ailleurs. Vous me demandez si, en Corse, on peut y faire quelque chose...

M. le Président : La porosité existerait-elle de la même façon s’il y avait moins de fonctionnaires corses ?

M. Gérard PARDINI : Je ne le pense pas. Si des pressions sont exercées, elles seront plus fortes et plus faciles à exercer sur des gens qui n’ont aucune famille près d’eux. Mais mes propos restent très subjectifs.

M. le Rapporteur : Face à cette attitude de laisser-aller général qui a prévalu pendant des années, la réaction du fonctionnaire n’est-elle pas, soit le découragement et la " démission ", soit l’utilisation d’autres méthodes, y compris illégales ? N’est-ce pas également l’un des éléments explicatifs ?

M. Gérard PARDINI : Peut-être. Le découragement des fonctionnaires existe effectivement. On l’a remarqué dans pratiquement tous les services. Il y a justement eu un regain d’espoir lorsqu’on a parlé de l’Etat de droit et de réformer l’Etat, mais cet effort doit être prolongé sur des années et des années. Il faut contrebalancer des dizaines d’années.

M. le Rapporteur : Pensez-vous qu’en Corse, il y a une tradition de l’Etat, de la fonction publique consistant à utiliser des méthodes illégales en raisons de difficultés qui paraissent insurmontables ? Peut-il y avoir une tentation assez forte de recourir à des méthodes qui ne sont pas celles de la légalité ? Pensez-vous que ce qui a été fait avec les paillotes a pu se faire dans le passé pour régler d’autres problèmes ?

M. Gérard PARDINI : Non. Ce qui est du domaine du possible, ce sont les fréquents règlements de comptes entre personnes. Je ne parle pas de règlements de comptes mortels, mais de rivalités commerciales se réglant souvent à coup de bombes.

M. le Rapporteur : Est-ce que l’Etat lui-même a une tradition " barbouzarde " ?

M. Gérard PARDINI : J’ai quitté la Corse en 1974, après mon baccalauréat et j’y suis retourné en 1998. J’ai rédigé une déclaration en garde à vue car on commençait à dire que les gendarmes avaient fait sauter le bâtiment de la direction départementale de l’équipement à Ghisonaccia. On peut tout penser, toutefois je ne vois pas les gendarmes aller faire sauter ce bâtiment, mais cela a été dit.

M. Robert PANDRAUD : En Corse, il n’y a jamais eu d’opérations barbouzardes ?

M. Gérard PARDINI : A ma connaissance, non.

M. le Rapporteur : N’aviez-vous pas la crainte, au moment du retournement de conjoncture, que l’orientation ferme de l’Etat et du gouvernement en Corse ne se délite un peu ? Pendant toute cette période, l’une de vos préoccupations - de même que pour M. Bonnet - n’était-elle pas de " maintenir " la pression pour éviter un possible retournement et le retour à une politique de compréhension, voire de compromission ?

M. Gérard PARDINI : Toutes les initiatives que le préfet prenait étaient relativement médiatisées. On n’a jamais autant parlé de la Corse que pendant ces quatorze mois, et encore maintenant. C’était effectivement un des moyens employés pour ne pas faire oublier.

M. le Président : Pour revenir à l’affaire de paillote, étiez-vous au courant de la décision prise et des instructions qui, semble-t-il, avaient été données par le préfet Bonnet aux gendarmes ?

M. Gérard PARDINI : Oui. Je savais que le préfet avait donné des instructions très précises au colonel Mazères, et que lui-même avait donné des assurances au préfet sur la réalisation de cette opération. En revanche, je ne savais pas que, dans la nuit du 19 au 20 avril, cette opération allait se faire.

M. le Président : Mais vous saviez que le préfet avait lui-même donné des instructions au colonel Mazères ?

M. Gérard PARDINI : Oui. Il est clair que le préfet est le point de départ de cette opération.

M. Robert PANDRAUD : Vers quelle date aurait-il donné ces instructions ?

M. Gérard PARDINI : Elles ont été données à plusieurs reprises, plusieurs semaines avant l’opération.

M. Robert PANDRAUD : Pour une opération aussi simple, voire simpliste pour des militaires, il a fallu une préparation aussi longue que ce qu’on lit dans la presse, c’est-à-dire un mois, avec des jerrycans camouflés dans le maquis, etc. Quand on voit la paillote et son état et que l’on sait ce que peuvent faire des militaires, tout cela me parait être une histoire de " charlots ". C’est vrai que le colonel Mazères et vous-même auriez pu faire mieux... Vous ne pensez pas comme le soutient le préfet Bonnet, qu’il y a eu une machination dirigée contre lui dans laquelle figureraient les gendarmes ou d’autres ?

Vous avez bien dit que les instructions du préfet Bonnet étaient très précises et réitérées ?

M. Gérard PARDINI : Oui.

M. Robert PANDRAUD : Mais qui a eu l’idée ? Car il y a risque potentiel pour la vie d’un homme dont on écrit qu’il est une balance des flics.

M. Gérard PARDINI : Je vous l’ai dit tout à l’heure. Cela a été écrit sous sa dictée.

M. Robert PANDRAUD : Sous la dictée du préfet Bonnet ?

M. Gérard PARDINI : Tout à fait. Avec un témoin.

M. le Président : En plus de vous ?

M. Gérard PARDINI : Oui.

M. Robert PANDRAUD : Le colonel Mazères ?

M. Gérard PARDINI : Oui.

M. le Président : Est-il vrai que la défaillance technique qui a conduit à la blessure des hommes qui ont été mettre le feu est due au simple fait qu’ils ont oublié de remuer les jerrycans ? Ceux-ci auraient été stockés plusieurs jours dans des trous, ce qui aurait déshomogénéisé le mélange et l’essence se serait vaporisée, créant l’accident.

M. Gérard PARDINI : C’est ce que j’ai lu, mais n’étant ni présent ni mêlé à la préparation de l’affaire, je serais bien en peine de vous donner les éléments techniques.

M. Robert PANDRAUD : Mais vous maintenez que le préfet Bonnet aurait donné les instructions directes à la gendarmerie pour qu’elle le fasse elle-même ?

M. Gérard PARDINI : Oui.

M. Robert PANDRAUD : On aurait pu imaginer des circuits plus longs. Par exemple, le préfet dit à la gendarmerie ou à la police de recruter trois Marocains pour mettre le feu à la paillote. On les expulse le lendemain matin et on envoie une commission rogatoire internationale. (Rires)

M. le Président : Pour quelles raisons avez-vous souhaité être nommé en Corse ?

M. Gérard PARDINI : Bernard Bonnet a été nommé en février et je suis arrivé en avril. Des atterrissages spontanés dans la fonction publique, en préfectorale, je n’en connais pas beaucoup...

M. Robert PANDRAUD : Surtout dans les conditions administratives dans lesquelles vous avez été nommé !

M. Gérard PARDINI : J’avais félicité Bernard Bonnet lors de sa nomination et il a dit à plusieurs personnes souhaiter me faire venir. Il m’a demandé si j’étais d’accord, ce à quoi j’ai répondu oui. J’étais à l’époque en fonction dans le secteur privé.

M. le Président : C’est ce que nous n’avons pas bien compris, parce que vous étiez en mobilité.

M. Gérard PARDINI : J’étais en mobilité chez le médiateur de la République, mobilité interrompue pour aller dans le secteur privé, où j’étais secrétaire général de la Compagnie des signaux.

M. le Président : Etes-vous revenu de votre plein gré ? Comment êtes-vous arrivé à réintégrer l’administration ?

M. Gérard PARDINI : Après plusieurs discussions avec Bernard Bonnet qui m’a dit qu’il souhaitait...

M. le Président : Vous avez interrompu votre disponibilité pour réintégrer l’administration et vous faire nommer en Corse, à la demande explicite du préfet Bonnet.

M. Gérard PARDINI : Je ne vois pas comment j’aurais pu demander au ministère de l’Intérieur d’être nommé sur tel poste, en Corse.

M. le Président : Vous aviez des relations très privilégiées avec le préfet. Quelle était la nature de ses relations avec le pouvoir politique central, c’est-à-dire les ministères, notamment le ministère de l’Intérieur et Matignon ?

M. Gérard PARDINI : Vous connaissez le fonctionnement préfectoral. Même étant dans l’antichambre, les portes sont fermées. Mais il avait en ligne, de manière très régulière, le ministère de l’Intérieur, et vice versa. Soit que lui-même appelle, soit que le directeur de cabinet ou le conseiller qui suivait les affaires corses l’appelle pour avoir des informations. Une revue de presse était d’ailleurs faxée chaque jour au ministère de l’Intérieur et à Matignon.

Il avait aussi en ligne, de manière régulière, le cabinet du Premier ministre. Il m’est arrivé, en son absence, de décrocher et d’avoir tel ou tel cabinet ministériel, et de lui retransmettre l’appel.

M. le Président : Comment, médiatiquement, puisque vous étiez chargé de la communication, avez-vous décidé avec le préfet de présenter l’affaire de la paillote ? Quelle parade avez-vous imaginé puisque, l’un et l’autre, vous saviez qu’il s’agissait d’une action illégale ? Dès que l’affaire a pris la dimension que vous savez, comment avez-vous décidé de la régler ?

M. Gérard PARDINI : C’est très simple. Bernard Bonnet a réagi en appelant d’abord le maire de la commune concernée en lui disant qu’il accorderait une autorisation provisoire à M. Féraud. Cela a été fait sur initiative du préfet pour qu’il y ait un acte. M. Féraud a reçu de la DDE, sur instruction du préfet, une lettre disant qu’il était réintégré dans le sort commun des autres exploitants illégaux, et qu’il avait un sursis jusqu’au 31 octobre, mais ceci avec un acte. Il n’y en avait pas jusqu’à présent.

Par ailleurs, il convenait de dire à la presse que l’on ne voyait pas pourquoi la préfecture aurait dû être concernée par cette affaire, puisqu’un accord avait été trouvé avec les élus. Telle était la ligne de communication arrêtée par le préfet.

M. le Rapporteur : Que M. Cavallier a fait voler en éclats ?

M. Gérard PARDINI : Apparemment oui, car j’ai découvert que M. Cavallier était allé voir M. Bonnet, ce dont ni l’un ni l’autre ne m’ont tenu informé. J’ai découvert ensuite, sur procès-verbal, que des dispositions avaient été prises pour que cela s’arrête à côté, c’est-à-dire apparemment dans mon bureau. Ensuite l’affaire judiciaire s’est enchaînée.

M. Robert PANDRAUD : Connaissiez-vous le procureur d’Ajaccio ?

M. Gérard PARDINI : Oui, mais comme on peut connaître une personne dans le cadre de relations administratives.

M. Robert PANDRAUD : Et le juge d’instruction ?

M. Gérard PARDINI : Pas du tout.

M. le Président : M. Gérard Pardini, nous vous remercions pour votre témoignage.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr