Un an après le déclenchement du génocide au Rwanda, le nouveau gouvernement de ce pays - abandonné à d’insurmontables problèmes par une communauté internationale au mieux indifférente, au pire cynique - est-il tombé dans le piège que lui promettaient, ou lui tendaient, ceux qui ont fait le pari de son échec ?
Ceux qui n’attendaient que la faute pour porter contre ce gouvernement une condamnation définitive ont, au moins provisoirement, gagné. Ce qui vient de se passer au camp de Kibeho n’est pas acceptable. Aucun pays, quelles que soient ses difficultés, ne peut autoriser ou laisser faire le massacre de ses citoyens. Il est encore malaisé de cerner avec précision toutes les responsabilités en jeu, mais les autorités rwandaises devront en répondre. Nous les exhortons à le faire sans délai et sans atermoiements. Une question cependant :
Un an après le 7 avril 1994, date à laquelle le troisième génocide du siècle a débuté - faisant du Rwanda l’une des principales victimes de notre époque -, qu’a fait la communauté internationale pour venir en aide à ce pays exsangue ? La réponse est : rien ! Rien du tout.
Rien, si ce n’est d’exiger qu’il se comporte comme s’il disposait des moyens qu’on lui refuse : respect des droits de l’homme (dont peuvent se dispenser, semble-t-il, le Zaïre ou le Soudan) ; une justice rapide et crédible ; une administration civile efficace ; la sécurité sur tout le territoire ; une politique de logement et de remise en route de l’économie qui permette aux réfugiés de rentrer dans des conditions acceptables...
On demande au Rwanda d’opérer d’abord tous ces miracles, on l’aidera après. Il doit de surcroît supporter sur son sol les repaires de miliciens laissés sur place par Turquoise, le réarmement (par qui ?) des tenants de l’ancien régime à ses frontières, l’impunité dont jouissent les responsables de son malheur, et prendre son mal en patience. Quant au Tribunal pénal international pour juger ceux qui ont incité au meurtre de un million de ressortissants rwandais : patience...
Ceux qui se précipitent aujourd’hui pour disqualifier sans appel le gouvernement de Kigali sont souvent les mêmes qui font obstruction à la disqualification politique des responsables du génocide, et refusent leur arrestation.
Nous exhortons la communauté internationale (chacun de ses États membres, individuellement et collectivement, sous l’égide de l’ONU) à cesser de se moquer du monde - ou plutôt de l’humanité, contre laquelle un crime majeur a été commis, qui n’est ni sanctionné, ni réparé. Rien n’excuse ce qui s’est passé à Kibeho. Rien n’excuse d’avoir laissé se perpétuer une situation qui y conduisait de façon prévisible.
Nous demandons d’abord à la communauté internationale de fournir d’urgence au Rwanda les moyens de répondre aux exigences qu’elle formule. Si l’on veut que ce pays soit exemplaire, il faut l’y aider. Nous demandons à l’Union européenne, dont plusieurs membres ont été impliqués dans cette histoire, d’inventer un soutien à la hauteur des difficultés du Rwanda.
Nous demandons aux autorités rwandaises qu’elles effectuent, avec l’aide de l’Organisation des nations unies, une enquête sur la tuerie de Kibeho et qu’elles sanctionnent de manière exemplaire les responsables.
Agir Ici, Association Non Complice, le Cedetim, Comité de défense des droits de l’homme et de la démocratie au Rwanda, Frères des hommes, Juristes sans frontières, Survie, Vigilance Rwanda.
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