L’analyse des risques découlant de comportements exercés ou d’actes accomplis par les organismes à caractéristiques sectaires ou par leurs membres révèle un grand nombre de traits communs à la plupart des situations rencontrées en matière de mise en relation et de confirmation de la relation initiale entre l’organisme et la personne "ciblée".
Cette observation vaut tout autant pour le risque encouru par une "personne physique" que pour celui qui concerne une "personne morale". La remarque a son importance lorsque l’on observe le phénomène de la mise en relation et ses prolongements induits.
En réponse aux besoins de décodage des rapports établis et entendus entre organisme à caractéristiques sectaires et personne cible, il paraît désormais possible de définir deux grilles d’analyse parallèles. L’une et l’autre sont de nature à faciliter la détermination des domaines à surveiller et des mesures à prendre en rapport avec le risque estimé.
Le but final est la caractérisation du type de "relation contractuelle" établi et la description de l’évolution et des mutations que cette relation implique.
Il convient d’entendre par organisation à caractéristiques sectaires une ou plusieurs entités concourrant ensemble ou séparément à atteindre un objectif centré sur une personne ciblée.
Cette relation de type contractuel va connaître trois étapes :
1 - l’étape d’attirance - séduction
2 - l’étape d’accoutumance-intégration
3 - l’étape de dépendance-coercition
Pour la personne physique, le schéma de déroulement des étapes successives peut être décrit de la manière suivante :
La phase d’"attirance-séduction" se met en place en prenant appui sur un besoin de réponses à des questionnements plus ou moins étendus de personnes en manque de repères, aspirant à un autre mode de vie ou cherchant une sortie à une impasse temporaire, au plan personnel, professionnel ou social.
Les "réponses" apportées par l’organisme sont de fournir du "prêt à penser" ou du "prêt à agir". L’objet de cette première mise en contact est d’apporter d’abord un sentiment de sécurité, d’instaurer un climat de confiance et de susciter une impression apparente de maîtrise du destin personnel.
Les formes de liens initiales s’apparentent ainsi réellement à un contrat, un accord, une entente car la personne sollicitée ou solliciteuse est généralement saine d’esprit et non en état de faiblesse. Le lien est bien souvent formalisé par un achat de produit ou de service, ou un premier engagement à accomplir un travail ou une action au nom de l’organisme apparaissant sous l’aspect d’une entité juridique assurant la fourniture d’une prestation, d’un bien ou garantissant un bénéfice hypothétique ultérieur.
Du point de vue de la personne morale, la phase d’"attirance-séduction" peut se dérouler notamment dans le cadre de préoccupations partagées au sein de l’entreprise ou de l’institution par les dirigeants cadres et salariés autour de la notion de "quête de sens" voire dans le cadre de réflexions sur la "spiritualité en entreprise" ou encore au travers d’approches d’apparence novatrice des notions de développement personnel et d’acquisition de compétences managériales.
L’intervention des prestataires de service, d’animateurs, d’experts extérieurs permet la plupart du temps la mise en oeuvre de cette étape.
La deuxième phase, consistant en une "accoutumance-intégration" vise à confirmer et à consolider le lien établi par un changement d’attitude, d’abord imperceptible, délibérément programmé par l’organisme à caractère sectaire grâce à des techniques de communication sophistiquées ayant pour effet de rendre indispensables de la part de la personne physique ou morale cible, la participation à des formations d’exigence croissante, un engagement personnel ou collectif plus important, une acceptation d’un plan d’évolution contraignant. L’éloignement progressif des repères privés et sociaux antérieurs constitue un signe révélateur, quoique déjà tardif, de l’emprise du mouvement sectaire sur la personne physique. Au plan des personnes morales, la mise en dépendance du groupe visé, entreprise ou institution, commence à paraître au regard de ses partenaires, clients ou usagers. L’objet social de l’entreprise ou la finalité de l’institution sont peu à peu perdus de vue : la recherche de l’expansion économique est détournée peu à peu au bénéfice du mouvement sectaire dont l’incompétence ne peut que conduire à l’échec (faillite, liquidation judiciaire, etc...). S’agissant des institutions, des signes non équivoques commencent à paraître. Certains de ses salariés acceptent de faire passer les injonctions du groupe auquel ils adhèrent avant le cahier des charges de leur emploi : dossiers perdus, correspondances restées sans réponse, tous faits justifiés par une argumentation banale : excès de travail, complexité de la tâche, etc...
L’étape de mise en situation de "dépendance-coercition" parachève la stratégie de l’organisme.
Cette progression dans les étapes fait très fréquemment l’objet de contrats, d’accords successifs.
Or, l’observation des nombreux cas concrets examinés par la Mission le montre. Le contrat passé implique au départ un consentement soit explicite, soit implicite. L’important est donc d’apprécier les conditions dans lesquelles l’organisme sectaire va influencer les consentements successifs en fondant son action sur une progression maîtrisée par lui de la dépendance de la cible.
Cette progression de la dépendance, maîtrisée par un seul des co-contractants, crée un déséquilibre croissant au fur et à mesure que se construit la chaîne continue des contrats.
Ce schéma s’entend dans de multiples domaines d’action dont la liste ci-dessous est nécessairement non exclusive :
– octroi de prêts pour la réalisation d’objectifs à caractéristiques "sectaires" correspondant à l’orientation du prêteur
– - accomplissement de séances de soins thérapeutiques ou suivi médical de longue durée, développement de formations ou assimilés, sans validation scientifique
– - progression professionnelle et sociale dans une pyramide commerciale
– - création et développement de structures ou d’activités à caractère "social" et "solidaire" sans agrément officiel de reconnaissance ou de validité
– - implantation dans une entreprise de méthodes nouvelles de management ou de gestion dont le caractère novateur justifierait l’ignorance dont elles sont l’objet de la part des organes publics et privés de régulation
– - constitution, parfois, de lieux d’expression culturelle et artistique.
Du premier contrat passé librement aux "accords" ultérieurs conclus entre "partenaires" deux facteurs principaux caractérisent l’évolution de la relation contractuelle au seul bénéfice de l’organisme à caractéristiques sectaires :
– un accroissement des exigences d’exécution du contrat s’imposant à la personne en position d’acquéreur de biens, de services ou en attente de bénéfices découlant des termes de ce contrat
– - une augmentation de la dépendance psychologique matérielle et financière
Ce processus manipulatoire qui se déroule dans le temps peut être défini comme un mécanisme d’exploitation progressive d’une situation personnelle d’ignorance des termes d’un contrat passé entre un organisme et une personne, ayant pour but ou pour effet de réduire la liberté d’appréciation ou de décision de cette dernière à partir de la mise en oeuvre d’un contrat initial prolongé par un renouvellement ou une extension ultérieure de celui-ci.
Ce processus s’inscrit en opposition aux principes d’autonomie de la volonté et de loyauté des clauses contenues dans les contrats établis.
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