Dans son premier rapport annuel, la Mission a choisi de distinguer, entre les mouvements déclarés sectaires par d’autres instances qu’elle-même, trois catégories de groupements :
– les sectes absolues, dont elle a proposé une définition. Ces mouvements militent, quelle que soit l’apparence religieuse, ésotérique ou philosophique dont ils se réclament, pour un ensemble de contre-valeurs incompatibles avec les principes de la démocratie et, s’agissant des personnes physiques, en opposition avec les droits de l’Homme tels qu’ils sont garantis par la Déclaration de 1789 et plusieurs traités internationaux.
– - Les mouvements d’inspiration philosophique ou religieuse qui présentent certains caractères sectaires en contradiction avec les valeurs démocratiques et les droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne l’enfance et le comportement social.
– - Les groupements, anciens ou émergeants, dont l’observation par la voie de la recherche universitaire n’a pas été conduite et dont l’opinion, voire en certains cas les rapports d’enquête d’origine législative, énoncent le caractère sectaire, au moins à titre partiel.
Le rapport de la Mission pour 1999 avait choisi d’étudier deux cas relevant de la première catégorie.
Pour l’année 2000, un chapitre est ainsi consacré à l’étude d’un organisme ou, plutôt dans le cas présent, d’un ensemble d’organismes posant question au regard des compétences attribuées à la Mission interministérielle de lutte contre les sectes.
Ces organismes disposant de statuts juridiques divers ont en commun de se référer dans leurs textes statutaires ou dans leur pratique à la pensée de Rudolf Steiner, polygraphe autrichien (1861-1925) et connue sous le nom d’anthroposophie.
Pour réaliser cette étude et conduire une analyse autonome dans le cadre des prérogatives de puissance publique qui lui sont reconnues par le décret institutif du 7 octobre 1998, la Mission a défini une méthode de travail composée de cinq phases ;
1 - recueillir des éléments d’information provenant de sources distinctes tant publiques que privées.
2 - analyser les données recueillies et les confronter aux textes et documents établis ou écrits par les organismes observés.
3 - rencontrer les responsables de diverses associations rattachables au phénomène étudié afin d’informer les représentants de ces entités de l’intention de la Mission (étant indiqué que toutes les structures susceptibles d’être prises en compte ne peuvent être auditionnées) et leur offrir ainsi la possibilité de s’exprimer par elles-mêmes sur leurs finalités, objectifs et conception de l’action qu’elles et leurs membres conduisent.
4 - établir un compte-rendu de ces rencontres et le porter à la connaissance des associations afin qu’elles puissent faire part à la Mission de leurs commentaires.
5 - procéder à l’étude proprement dite du cas.
Ce choix de méthode indique clairement que la Mission entend exercer son rôle et ses fonctions d’observation, d’analyse et d’orientation des actions de l’Etat sur son champ d’intervention en s’appuyant sur toutes les sources d’information disponibles. L’exercice est difficile. Celui qui vient d’être accompli cette année prouve qu’y compris avec des groupes avec lesquels il paraît possible de dialoguer en partageant le sens des mots, il peut apparaître qu’un même terme soit employé avec une acception différente selon qu’il est utilisé au sein de la structure ou dans le langage commun.
Les entités juridiques, fondées à partir de la pensée anthroposophique qui manifestent une activité sur le territoire national sont nombreuses et variées. Il est cependant possible de classer celles-ci dans trois rubriques définies en fonction de leurs types d’activités économique, sociale ou culturelle :
– La production et la commercialisation de produits agricoles déclarés "naturels" (agriculture biologique, agriculture biodynamique, coopératives et boutiques de commercialisation...)
– - L’économie "solidaire" : aide à des entreprises d’insertion et à la création d’entreprises d’intérêts divers.
– - Le développement social au moyen du logement à vocation sociale, de l’enseignement, de la médecine, de la santé, des arts et de la culture.
Il n’est guère de domaine dont l’anthroposophie se désintéresserait, au moins en intention. Cette démarche implique, quel que soit le degré d’autonomie des mouvements qui s’y réfèrent, une solidarité fonctionnelle qui en assure la cohésion mentale et en soutienne l’expansion.
Faut-il parler de stratégie globale ? En tout cas, l’activité de type bancaire de la société financière "Nouvelle Economie Fraternelle", membre du "mouvement bancaire anthroposophique international", inscrit l’action des associations et entreprises se référant à l’anthroposophie dans le vaste ensemble de l’économie sociale et peut conduire ces entités à être en relation entre elles.
L’étude de cas porte sur trois aspects de l’anthroposophie, observables en France :
– - Anthroposophie et "développement social" : la pratique pédagogique au sein des écoles dites "Waldorf-Steiner",
– - Anthroposophie et "développement social" : la médecine anthroposophique,
– - Une démarche bancaire, moteur d’une stratégie de développement.
Elle se conclut par des appréciations de caractère général.
L’anthroposophie n’a guère fait l’objet, du moins jusqu’à présent, de recherches académiques en France. Outre les représentants de plusieurs mouvements anthroposophiques, la Mission a cependant tenu à entendre le Dr Badewien, auteur de "Waldorfpädagogik-christliche Erziehung ?", Konstanzer theologische Reden 4, (1987) et de "Anthroposophie, eine kritische Darstellung", Konstanz, Friedrich Bahn, (1990). Elle n’a pas pu prendre connaissance de l’étude, probablement fort documentée, du Pr Paul Ariès dont la publication est annoncée dans le courant de l’année 2001.
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