L’instruction judiciaire en matière d’agissements sectaires est confrontée à des écueils spécifiques qui rendent particulièrement malaisé son déroulement.

Le ministère de la Justice impute principalement ces difficultés au caractère souvent imprécis des plaintes. Ce dernier, déploré par la plupart des juridictions, est généralement le résultat direct de l’état de vulnérabilité et de perte des repères sociaux dans lequel les victimes des sectes ont été placées. Or, l’efficacité de l’action pénale repose sur l’établissement de faits concrets, précis et indiscutables, assortis d’une qualification juridique préétablie et adaptée à la réalité de ces faits. Faute de quoi, la preuve d’une atteinte à la personne ou aux biens, surtout si elle s’accompagne d’un début de consentement, est extrêmement difficile à déterminer et rend, par voie de conséquence, insuffisamment fondé l’exercice de l’action publique.

Un tel travail exige du temps et une concentration importante de moyens d’enquête, dont les juges d’instruction ne sont qu’assez rarement pourvus.

La Commission juge qu’il serait intéressant d’établir, à partir de statistiques que la Chancellerie tient, le ratio entre le nombre de plaintes déposées impliquant des agissements sectaires et le nombre d’actions publiques déclenchées. Il serait instructif de comparer les résultats de cette enquête au ratio de droit commun.

L’encombrement que connaît aujourd’hui la plupart de nos tribunaux constitue un obstacle supplémentaire, d’autant plus qu’une des tendances fortes de la vie judiciaire au cours des dernières années tend à ce que les dossiers se plaident de plus en plus sur des arguments de procédure au détriment du fond de l’affaire. Cette évolution joue bien évidemment en faveur d’organisations fortement outillées pour faire face au débat judiciaire et en la défaveur des victimes, le plus souvent isolées, fragilisées et sans aucune préparation aux ressorts de la justice.

On notera que, dans l’affaire de la Scientologie de Lyon, l’ordonnance du juge d’instruction a mis trois ans à parvenir à l’audience, soit à la limite du délai de prescription. Il semble que cette lenteur n’ait été due qu’en partie à l’encombrement du tribunal et qu’on doive y voir également la marque d’un certain scepticisme, les magistrats considérant souvent ce type de dossiers comme relevant plus des services sociaux que d’une juridiction répressive.

Toujours concernant la Scientologie, à Paris, une partie du dossier d’instruction a été perdue ; une enquête de l’inspection judiciaire a été ouverte. À Marseille, enfin, on a pu constater une lenteur surprenante dans la procédure, où semble-t-il, la même mésaventure se serait produite.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr