La gestion du stationnement de la ville d’AJACCIO soulève de nombreuses difficultés à la fois d’ordre financier et juridique. Plusieurs gérants sont successivement intervenus, la CORSAM (de 1981 à 1990) société d’économie mixte à capitaux régionaux, la SAEM AJACCIO DEVELOPPEMENT (de 1990 à 1995) dont la ville était actionnaire, et depuis 1995, la SEREP CORSE en qualité, à la fois, de fermier (parking DIAMANT), de concessionnaire (stationnement ABBATUCCI) et de gérant (stationnement de voirie).
Les conditions dans lesquelles la commune a repris, en 1988, les droits et obligations de la CORSAM (par suite de la résiliation de la convention de concession et plus particulièrement la reprise des emprunts) sont critiquables.
La mission que la ville a confiée, de 1990 à 1995, à la SAEM AJACCIO DEVELOPPEMENT n’est pas, non plus, convaincante.
Enfin, les conventions passées avec la SEREP génèrent, notamment du fait des graves errements de la gestion de l’ordonnateur, des flux financiers particulièrement défavorables pour les finances communales.
1 - L’INTERVENTION DE LA CORSAM : UNE GESTION TRES COUTEUSE POUR LE CONTRIBUABLE, MARQUEE PAR DES IRREGULARITES ET AYANT TARDE A ETRE DEFINITIVEMENT ARRETEE.
OBS. n° 5 - Par délibération n° 88 du 9 juin 1981 et convention du 18 juillet de la même année, la commune d’Ajaccio confiait à la CORSAM, pour une durée de 20 ans, par concession, la construction du parc de stationnement Diamant (en sous-sol de la place du même nom) ainsi que sa jouissance et son exploitation.
Par délibération n° 13 du 29 mars 1985, et avenant à cette convention du même jour, la commune déléguait à cette même société, pour une durée de 5 ans, la gestion du stationnement de surface "de manière à assurer une exploitation intégrée des diverses formes de stationnement".
Dès le 26 juillet 1984, la CORSAM sous-traitait la gestion complète du stationnement à la société SA PARC, dans des conditions d’ailleurs, qui appellent la critique. Elles sont exposées au chapitre suivant, traitant de la gestion de ce même stationnement par la SAEM Ajaccio Développement.
Mais en 1987, la commune constatait l’échec de la CORSAM "...dont le montant du déficit cumulé de l’exploitation pour la première tranche du parc pour les exercices 1984 à 1986, s’élève à 4,5 MF, soit 3 fois le montant du capital social actuel. Ce qui doit, théoriquement, conduire au dépôt de bilan..." (délibération du 23 octobre 1987).
Dès lors, par délibération du 8 février 1988 et avenant du même jour, la commune met fin à la mission de la CORSAM (parking souterrain et stationnement de surface) à compter du 9 février 1988 et, "pour éviter tout vide juridique, la CORSAM continue d’assurer le bon fonctionnement du service sous le régime de gérant salarié pour la période intermédiaire qui commence le 9 février 1988 et s’achèvera le 31 décembre 1988." Ce régime de gérance n’était en fait consenti que pour le parking Diamant, la gestion du stationnement de surface étant totalement retirée à la CORSAM.
Selon les dispositions de l’article L 2131-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit, notamment, lorsqu’ils ont été transmis au représentant de l’Etat dans le département, la date de réception en préfecture pouvant être prouvée par tous moyens.
Or, la délibération et l’avenant du 8 février 1988, soumis obligatoirement au contrôle de légalité, ne sont parvenus en préfecture que le 17 août 1988, soit près de 7 mois après la date théorique de la fin de la mission de la CORSAM.
Au plan juridique, la situation ainsi créée fait que la délibération du 8 février 1988 n’a été exécutoire qu’à partir du 18 août 1988. Elle ne pouvait donc produire d’effets à la date du 8 février 1988. Par ailleurs, l’avenant du 8 février 1988 ne concernait que le parking Diamant, aucun avenant n’ayant été conclu, même postérieurement, pour la gestion du stationnement de voirie. Enfin, à la fin de la période transitoire de la gérance, le 31 décembre 1988, aucun autre avenant concernant le parking Diamant n’est venu préciser les conditions de la gestion de la CORSAM à partir du 1er janvier 1989. Il en a été de même pour le stationnement de voirie.
La CORSAM ayant continué de gérer le stationnement du parking Diamant et le stationnement de voirie à partir de cette date jusqu’au 31 août 1990, date à laquelle la commune à confié la gérance de l’ensemble du stationnement à la SAEM Ajaccio Développement, sa gestion a donc été exercée sans titre :
pour le parking Diamant, du 9 février 1988 au 17 août 1988 (convention de gérance non exécutoire), puis du 1er janvier 1989 au 31 août 1990,
pour le stationnement de voirie, du 9 février 1988 au 31 août 1990.
En conséquences, au plan financier, la rémunération de gérance (20 750 F TTC par mois) bénéficiant à la CORSAM entre le 8 février et le 17 août 1988, puis du 1er janvier 1989 au 31 août 1990, lui a été indûment versée par la commune, soit un total d’environ 600 000 F. De plus, la CORSAM a continué à percevoir sa rémunération sur le stationnement de voirie au cours de la période indiquée ci-dessus.
Plus grave, alors que les nouvelles modalités de gestion avaient été établies pour sanctionner l’échec de la CORSAM, la commune a en réalité, déchargé celle-ci de l’essentiel de ses obligations contractuelles qui résultait du contrat de concession, pour lui laisser le bénéfice de la seule convention de gérance assortie de sa rémunération. Aucune autre contre-partie financière n’a été exigée de la CORSAM, comme le financement des investissements, que cette société devait, pourtant, réaliser dans le cadre de la concession.
En outre, l’avenant du 8 février 1988 met à la charge de la commune la couverture du risque d’exploitation et la reprise du passif de la CORSAM dans des conditions financières qui se sont avérées particulièrement lourdes pour le budget communal.
OBS. n° 6 - En effet, le bilan du parking Diamant, arrêté à la date du 9 février 1988, présentait un passif de 40,9 MF dont 35,1 MF au seul titre des dettes financières résultant des emprunts réalisés par la CORSAM.
Après examen des conditions de reprise par la ville de ces dettes, la Chambre a en effet constaté que la commune a directement versé à cette société 24,052 MF, à charge pour elle de désintéresser les banques créancières.
Cependant, la CORSAM n’a pas immédiatement reversé cette somme aux banques, puisque la commune a été contrainte de rajouter 459 855 F de complément d’intérêts pour paiement tardif de la part de la CORSAM.
Il semble donc que la CORSAM a utilisé une partie des sommes versées par la commune à d’autres fins que celles fixées par la collectivité.
La commune a, de plus, versé directement 13,858 MF à un autre établissement bancaire, majorés de 1,52 MF d’intérêts complémentaires.
La commune d’Ajaccio a donc versé 39,9 MF au titre des dettes financières qui se montaient, selon le bilan établi après la résiliation du contrat de concession, à 35,1 MF soit, à ce seul titre, un supplément de 4,8 MF.
Au total, quelle qu’ait été la procédure choisie, versement à la CORSAM ou versement direct aux créanciers, ces paiements ont été inutilement coûteux pour la ville du fait des retards de paiement de la société et de la ville, générant des intérêts que la commune a, dans tous les cas, pris en charge.
Ne pouvant financer seule cette reprise des dettes financières de la CORSAM, la commune a, par délibérations n° 88-41, 49 et 79 du 1er avril 1988, décidé de recourir à l’emprunt bancaire au moyen de quatre contrats souscrits auprès de deux établissements financiers, le CLF et la BNP. Trois de ces contrats prévoyaient un différé total de remboursement de deux ans.
L’encours initial de ces emprunts ressortait à 40,091 MF, mais à la suite de la capitalisation des intérêts résultant du différé notamment, c’est en fait un encours de 44,8 MF qui a été inscrit à l’état de la dette de la commune.
Or, le comptable communal n’ayant reçu dans sa caisse que 39,9 MF au titre de ces emprunts, ce sont donc près de 5 MF que la commune a dû financer sur ses ressources propres.
La reprise des dettes financières de la CORSAM a donc coûté près de 10 MF au contribuable ajaccien.
Ce coût de la reprise n’est cependant pas le seul qu’ait eu à supporter la commune, d’autres charges, du fait des dérives de coûts d’aménagement, s’y étant ajoutées.
En effet, le coût constaté de la réalisation des immobilisations du parking DIAMANT au 31 décembre 1986 était de 41,15 MF. Or, dans la délibération de résiliation de la concession (voir ci-avant), le maire d’Ajaccio indiquait que la prévision initiale de ce coût avait connu un dépassement de 3,4 MF, soit 9,85 %, imputable "aux dépenses imprévisibles de la CORSAM", dont 300 000 F dus aux seuls frais financiers intercalaires.
La Chambre s’interroge, en l’absence de réponse du maire, sur le caractère imprévisible de telles dépenses. Cette dérive doit être, en outre, majorée du coût de la réalisation d’équipements, soit 1,275 MF, non compris dans le bilan de fin de concession, mais antérieurement et directement pris en charge par la ville, en contradiction, d’ailleurs, avec les dispositions de la convention de concession.
Au total, la commune a financé indûment la prestation d’une société, la CORSAM, dont elle était mécontente, au point de lui retirer la concession, mais sans exiger, en contre-partie, les investissements auxquelles cette société était astreinte.
De plus, la commune ayant pris en charge le passif de la CORSAM dans des conditions financières très défavorables pour elle, la Chambre ne peut que s’interroger sur l’effet de telles "sanctions" et sur le soutien de fait ainsi apporté à la CORSAM.
Une gestion approximative de cette affaire, une absence de réactivité de la direction municipale face à des problèmes financièrement lourds, laissés sans solution pendant des mois (la gestion du stationnement n’a été retirée à la CORSAM, en fait, que le 31 août 1990, soit 30 mois après la décision de résiliation de la concession du 8 février 1988 (voir ci-avant) , laissaient mal augurer d’une gestion sereine et financièrement équilibrée du service public du stationnement sur Ajaccio.
L’intervention de la CORSAM a donc été extrêmement lourde pour le contribuable ajaccien.
Pourtant, aux termes de la délibération du 28 mai 1984, l’ordonnateur précisait " pour parler clair, aucune charge ne pèsera sur le contribuable ajaccien ...(le parking du DIAMANT) sera entièrement payé par celui qui l’utilise ".
On ne devait, cependant, pas en rester là, la fin de la gestion de la CORSAM n’ayant pas été l’occasion, pour la commune, de s’engager dans une gestion sérieuse du service public de stationnement.
2 - L’INTERVENTION DE LA SAEM AJACCIO DEVELOPPEMENT : UNE GESTION INCONSISTANTE PROVOCANT DE NOUVEAUX COUTS.
OBS. n° 7 -Par deux contrats de gérance du 31 août 1990, la gestion du stationnement (parking Diamant et voirie) est rétroactivement confiée au 1er août 1990, pour une durée de quatre ans, à la SAEM Ajaccio Développement (SEM AD), société d’économie mixte au capital de 2 MF, détenu à 65 % par la ville d’Ajaccio.
A l’instar de la CORSAM, qui avait sous-traité la gestion du stationnement à la SA PARC à compter du 26 juillet 1984 et pour une durée de deux ans renouvelable, sous préavis de 6 mois, la SEM AD qui se substituait à la CORSAM, informait la SA PARC, par lettre du 30 juillet 1990, de son intention de poursuivre avec elle, jusqu’au 31 décembre 1990, "...la mission d’assistance et de gestion que lui avait confiée la CORSAM. Ce laps de temps permettra de nous rencontrer afin de discuter les bases d’un nouveau contrat". De fait, en raison des conditions contractuelles de renouvellement du contrat CORSAM/SA PARC, le sous-traitant disposait d’une période de gestion s’achevant le 25 juillet 1991.
Cette sous-traitance est critiquable tant en droit que du point de vue de la gestion de l’ordonnateur.
En effet, malgré l’annonce d’un nouveau contrat liant la SEM AD et la SA PARC, celui-ci n’a jamais été établi pour une nouvelle période s’ouvrant à compter du 26 juillet 1991. Dans sa réponse, le maire indique que la SEM AD avait, en fait, l’intention de reprendre, seule, la gestion du stationnement, mais l’étude lancée dans ce but n’a jamais abouti. Dès lors, la SEM AD s’est contentée de proroger de trois en trois mois, par simple lettre, et parfois rétroactivement, la gestion de la SA PARC consentie par la CORSAM.
Ce mandat fictif était à la fois, contraire aux dispositions contractuelles et, du fait de la précarité qu’elle introduisait dans la relation, à la bonne gestion d’un service public délégué.
La SA PARC, véritable gestionnaire du stationnement du fait de l’étendue de sa délégation, percevait des sociétés délégantes successives une rémunération pour ses prestations, qui était partie intégrante de leurs charges d’exploitation. Les sociétés CORSAM et SEM AD percevaient, à leur tour, une rémunération de la part de la commune.
Dès lors, la convention de sous-traitance ne prévoyant pas que la société délégante fasse son affaire du coût de ses éventuels sous-traitants, cette rémunération était donc, in fine, supportée par la commune qui en réalité, payait deux fois la même prestation.
Cette critique est valable, d’ailleurs, aussi bien pour la période de sous-traitance SEM AD/SA PARC que pour celle de la CORSAM/SA PARC.
Du fait de l’intervention de la SA PARC, la SEM AD ne peut donc être considérée que comme une société écran entre la commune et le véritable gestionnaire des parkings. La SEM AD assurait le transit des flux financiers entre la commune et la SA PARC, abondant ainsi sa trésorerie pendant toute la période de "sa gestion".
D’ailleurs, évoquant le bilan d’activité de la SEM AD, l’un de ses administrateurs, représentant un partenaire financier au conseil d’administration, constatait que " les quatre exercices 1991 à 1994 n’ont rien prouvé sinon à maintenir trois salaires ... " (délibération du conseil d’administration du 22 novembre 1995).
Il a été mis fin à l’intervention de la SEM AD, ainsi qu’à celle de la SA PARC, le 31 juillet 1995, date à laquelle est intervenue la nouvelle société de gestion du stationnement, la SEREP. La SEM AD a été liquidée à la fin de cette même année.
Son intervention a, bien sûr, été coûteuse pour la commune à proportion :
– du surcoût, en terme de rémunérations, soit 700 000 F par an,
– de la perte de capital lors de la liquidation : 65 % de 2 MF, participation de la commune, soit 1,3 MF,
- de la participation de la ville au passif de liquidation, soit 300 000 F.
La Chambre souligne l’inconsistance du mandat confié à la SAEM AJACCIO DEVELOPPEMENT qui apparaît véritablement comme un simple démembrement de la direction municipale et comme une nouvelle cause de charges financières pour la commune et donc le contribuable ajaccien.
Une nouvelle fois, une opération qui était placée sous les meilleurs auspices (le maire adjoint aux finances au moment de la création de la SEM, en 1991, nourrissant "les plus grandes ambitions quant à la réalisaiton (par la SEM AD) de projets de grande envergure), a échoué par le manque de rigueur dont a fait montre la direction municipale et par l’inutile et coûteuse complexité des montages juridiques réalisés pour gérer ce service public.
Comme pour ce qui était de l’intervention de la CORSAM et en l’absence de réponse de la commune sur ce point, la Chambre s’interroge sur l’intervention de la SEM AD et son maintien artificiel pendant près de 4 ans.
L’intervention plus sérieuse de la SEREP n’a cependant pas permis de clarifier, enfin, la gestion du stationnement ajaccien. Si le délégataire du service public s’est comporté, cette fois-ci, en professionnel, la commune a, en revanche et par une décision inattendue et incohérente, mis en péril l’équilibre financier du nouveau contrat.
3 - L’INTERVENTION DE LA SEREP : UNE GESTION PLUS RIGOUREUSE MAIS DESEQUILIBREE PAR UNE DECISION AUSSI INATTENDUE QU’INCOHERENTE DE LA COMMUNE.
a- Une gestion plus rigoureuse.
OBS. n° 8 - C’est par une délibération du 23 juin 1994 que le conseil municipal d’Ajaccio adopte le principe de la délégation de service public du stationnement payant de la ville. Elle autorise le maire à engager la procédure d’appel d’offres concurrentes.
Il s’agit, cette fois ci, non seulement de reprendre la gestion du parking Diamant et celle du stationnement de voirie, mais de compléter cet ensemble par la construction et la gestion d’un nouveau parking situé place Abbatucci, au centre-ville.
En outre, la rénovation des équipements et l’amélioration des installations du parking Diamant et du stationnement de voirie sont projetées. Ces rénovations étaient nécessaires puisque, en 1995, un rapport de la SOCOTEC, société de contrôle technique concluait globalement à un dysfonctionnement des équipements du parking Diamant et notamment de ses équipements de sécurité présentant un fort coefficient d’obsolescence.
Plusieurs sociétés répondent à cette procédure, déclarée toutefois infructueuse le 20 mars 1995 par la commission ad hoc, qui préconisait d’élargir la consultation à d’autres prestataires. Le 3 mai suivant, la commission est saisie de trois propositions, celle de la SEM AD, de la SA PARC et celle de la SEREP, cette dernière société n’ayant pas participé à la première consultation déclarée infructueuse. Le 11 mai, la commission considère l’offre de la SEREP, société gérant de nombreux parkings sur le continent, comme la meilleure, et le 29 mai une délibération du conseil municipal entérine ce choix.
Les délégations de service public (pour l’affermage du parking du DIAMANT, la concession du parc souterrain ABBATUCCI et la gérance du stationnement de surface) sont ainsi confiées, par conventions en date du 12 juillet 1995, à la société SEREP CORSE, filiale de la SEREP, cette dernière ayant choisi de gérer le stationnement à Ajaccio par l’intermédiaire d’une entité ayant son siège en Corse.
Les engagements financiers de la SEREP, évalués en avril 1995 pour un montant total de 27,6 MF, concernent :
5,8 MF de travaux d’amélioration du parking Diamant,
18,9 MF pour la réalisation du parking de la place Abbatucci,
2,8 MF pour l’aménagement de la place Abbatucci elle-même une fois le parking réalisé.
En contre-partie, les délégations octroyées par la commune ont une durée de 15 ans pour le stationnement de voirie et le parking Diamant, et 30 ans pour le futur parking Abbatucci. La SEREP prévoyait, par ailleurs, chaque année 5,5 MF de dépenses d’exploitation.
Pour sa part, la ville devait une participation à la SEREP, évaluée à 50,25 MF TTC sur la durée de la concession, en contre-partie de l’encaissement direct, assuré par la ville, des recettes du stationnement de voirie. Cependant, la participation annuelle de 2,15 MF sur les 15 premières années du contrat de 30 ans du parking de la place Abatucci est ramenée à 1,2 MF sur les 15 autres afin de tenir compte de l’amortissement de ses équipements à partir de cette période.
Il apparaît donc nettement que le financement de la construction du projet de parking Abbatucci a conduit à sur-équilibrer la gestion du stationnement de voirie afin d’assurer l’équilibre d’ensemble de la concession.
Les contrats des trois modes de stationnement sont donc économiquement interdépendants. Un niveau élevé de rémunération de la gérance du stationnement de surface a été convenu en contre-partie des investissements que la SEREP doit réaliser dans le cadre de la concession Abbatucci.
Nonobstant ces équilibres économiques, ce contrat est néanmoins défavorable à la commune en terme de gestion.
En effet, les marges de manœuvre de l’ordonnateur qui souhaiterait le cas échéant renégocier substantiellement les termes de l’une des conventions se trouvent en effet singulièrement réduites dès lors que cette renégociation est susceptible de remettre en cause l’économie générale de la délégation.
Les inconvénients d’une telle interdépendance sont, d’ailleurs, soulignés par la circulaire du ministère de l’intérieur (n° 82-111 du 15 juillet 1982) sur le stationnement payant.
Dans sa réponse, le maire indique que les dispositions contractuelles lui permettent de revoir, tous les cinq ans, les dispositions financières arrêtées. Certes, mais il apparaît que ces modifications ne peuvent remettre substantiellement en cause l’équilibre général de la convention, sans que le délégataire ne demande, in fine, une compensation financière.
La Chambre relève par ailleurs que la durée des délégations est excessive, notamment pour la convention de gérance d’une durée de 15 ans. En effet, la durée recommandée pour ce type de gestion est de 6 ans (circulaire précitée et annexe "durée des contrats en matière de services publics locaux" de la circulaire Intérieur du 7 août 1987 relative à la gestion par les collectivités locales de leurs services publics locaux ).
Le conseil juridique de la commune avait formulé des réserves sur ces points, mais il convient de constater que ses recommandations n’ont pas été suivies d’effet.
Les conséquences de l’interdépendance des contrats vont d’ailleurs être clairement mesurées du fait de la curieuse décision de la ville ayant empêché la réalisation du parking Abbatucci.
b- Une décision aussi inattendue qu’incohérente, financièrement défavorable, mais toujours sans solution au printemps 2000.
OBS. n° 9 - Par délibération du 21 juin 1996, le conseil municipal a adopté la proposition de classement, au titre des "Espaces Boisés", des platanes de la place Abbatucci nonobstant l’engagement pris par la commune, un an auparavant, de confier à la SEREP l’aménagement de la place en parc de stationnement souterrain.
Cette délibération, justifie, certes, ce classement par la qualité des végétaux qui constituent "un très bel ensemble de platanes centenaires en centre-ville... et ... un intérêt majeur dans le paysage urbain...". Elle n’évoque cependant pas, ni l’engagement pris avec la SEREP, ni les conséquences juridiques et financières d’une telle décision.
On reste confondu devant une décision d’une telle légèreté, alors qu’étaient engagées les études de réalisation d’un stationnement souterrain dont le caractère indispensable pour l’amélioration de la circulation en centre-ville avait été maintes fois clairement exprimé par la direction municipale.
On l’a compris, cette décision rend impossible, pour la SEREP, l’exécution de la convention de concession du 12 juillet 1995. En conséquence, cette société est empêchée de réaliser les investissements pour lesquels elle s’était engagée en contre-partie de la sur-rémunération de la gérance du stationnement de voirie : l’économie générale de la délégation se trouve donc bouleversée au préjudice des finances communales et au bénéfice de la SEREP.
Pour tenter de corriger ce déséquilibre, le conseil municipal, par délibération du 9 décembre 1996, autorisait le maire à signer un avenant (dit n° 2, le n° 1 ayant été signé au début de 1996 pour prendre en compte certains ajustements à la convention). La signature de l’avenant a eu lieu le 12 février 1997.
Les principales dispositions de ce texte entérinent l’abandon du parking Abbatucci (avec un projet de construction sur un autre emplacement) et son remplacement partiel par un redéploiement de places de stationnement payant en surface (Hôtel de ville et Amirauté). Elles réduisent à 14,4 MF l’obligation d’investissement de la SEREP au lieu des 27,6 MF initialement prévus (soit - 48 %), mais allègent de seulement 22 % la rémunération due par la ville.
Cet avenant modifie substantiellement l’économie de la convention d’origine. Il ne peut donc être assimilé à des dispositions permettant la poursuite de l’exploitation dans les conditions financières initialement arrêtées. Il constitue, en revanche, un nouveau contrat qui aurait dû respecter les règles de mise en concurrence édictées par l’article L 1411.1 du code général des collectivités territoriales.
Le Préfet de la Corse-du-Sud a d’ailleurs, le 13 août 1997, déféré cet avenant devant le Tribunal administratif de Bastia ; cette juridiction a, le 7 novembre 1997, partiellement annulé les dispositions de l’acte, le Préfet ayant interjeté appel de cette décision à fin d’annulation totale de l’avenant. L’affaire est toujours pendante.
Une renégociation des conventions est cependant actuellement en cours entre la commune et la SEREP aux fins de rééquilibrer l’économie de la délégation. Cependant, contrairement à la réponse du maire, c’est paradoxalement la SEREP qui a pris l’initiative de cette négociation et non la commune, nonobstant les charges financières qui pèsent sur elle du fait de sa décision.
Bien qu’initiée par la SEREP dès décembre 1997, une fois connue la décision du Tribunal administratif, les termes de cette renégociation n’ont reçu un accord de principe du maire qu’en date du 29 juillet 1999. Les nombreuses relances de la SEREP sont donc restées sans réponse, pendant un an et demi.
Cette attitude laxiste de la commune s’est d’ailleurs poursuivie, puisque la Chambre note, qu’à la date de rédaction de la présente lettre d’observations (mai 2000) et malgré l’accord de principe de 1999, les nouvelles dispositions contractuelles n’ont toujours pas été soumises à l’approbation du conseil municipal, malgré un engagement écrit du maire fixant la date d’examen avant le 31 décembre 1999.
Le déséquilibre financier de la convention d’origine, aggravé du fait de la décision de la commune, pèse toujours sur elle. Elle prend, ainsi, le risque, en ne réagissant pas, de voir la SEREP lui réclamer le remboursement de frais déjà engagés dans le cadre de la réalisation des travaux d’études du parc Abbatucci (1,8 MF). De même, le paiement d’une indemnité pour résiliation sans faute (prévue par les dispositions de l’art. 45 "cessation anticipée" de la convention de concession) que la SEREP évalue de 13 à 17 MF et celui de la valeur des investissements non-amortis évalués à 8 MF, pourraient être inclus dans la même réclamation.
Encore une fois, cette attitude de la commune est révélatrice, à la fois du manque de suivi et de l’absence d’évaluation de ces décisions, ainsi que de son manque de réactivité face à une situation qu’elle a pourtant créée et qui lui est particulièrement défavorable.
c- Un déséquilibre financier aggravé par l’insuffisance, connue mais non corrigée, des recettes tirées du stationnement.
OBS. n° 10 - Le déséquilibre financier structurel de la délégation qui résulte pour l’essentiel de l’abandon, de fait, de la construction du parc Abbatucci, est de surcroît aggravé par le niveau anormalement bas des recettes perçues ou reversées à la commune : il en est ainsi des recettes "horodateurs" (c1) et des recettes constituées par la surtaxe tirée de l’affermage du parking Diamant (c2).
c1) S’agissant des recettes tirées du stationnement de surface, la SEREP indique, sans que cela soit contesté par la commune, que leur niveau " est anormalement bas par rapport à la moyenne des villes françaises ". La société précise que la configuration géographique de la ville, dont le centre est situé à flanc de colline, pousse à la concentration du stationnement de surface sur un périmètre réduit et saturé.
Ces conditions, qui devraient être favorables à une bonne rentabilité des parcs de stationnement, n’y conduisent cependant pas. La négligence, vraisemblablement en raison de l’absence de consignes précises et suivies de leur hiérarchie, dont font manifestement preuve les agents municipaux de la régie de recettes des halles et marchés, chargés de la surveillance du stationnement et de la verbalisation des contrevenants, a ici un effet inverse.
Un constat de carence a bien été fait par la commune, en 1997. Ainsi les recettes des horodateurs se sont élevées à 1,3 MF en 1996 et 1,65 MF en 1997. Pour cette dernière année, la recette réelle, pour chacune des 860 places de voirie, ressort à 1 900 F, alors qu’en améliorant la politique de surveillance, la ville pense pouvoir parvenir à une recette de 3 500 F, soit plus de 3 MF en année pleine (le double des recettes réelles).
Pour autant, aucune mesure corrective n’a été, à ce jour, effectivement mise en place. Encore une fois, aucune action curative n’est prise par la ville malgré son propre constat conduisant à un diagnostic clair.
c2) La rédaction originelle de la convention d’affermage ne prévoyait pas de surtaxe pour le parking Diamant. Elle a été instituée par l’avenant n° 1 de 1996 pour "couvrir les frais d’amortissement financier du Parc engagés par la Collectivité".
Son montant, fixé par la commune, est égal à 0,50 centimes pour les deux premières heures de stationnement, ou à 4 F sur le tarif mensuel d’abonnement, ou encore à 10% du tarif HT des emplacements commerciaux ou publicitaires.
D’une part, ses règles de calcul manquent de lisibilité. En effet, l’application des conditions fixées par l’avenant donne un produit de la surtaxe égal à 5% des recettes. D’autre part, son montant réel est nettement inférieur puisqu’il ressort à, respectivement, 1,14 % et 3,5 % des recettes encaissées en 1996 et 1997, ce qui est nettement inférieur au taux de 16 % observé pour d’autres parkings souterrains.
Or, l’annuité de remboursement en capital des emprunts souscrits pour le financement du parc Diamant, que la surtaxe est sensée couvrir, s’élève, pour 1996 et 1997, à plus de 3 MF alors qu’elle n’a été que de 44 819 F en 1996 et de 168 244 F en 1997.
Contrairement aux termes de l’avenant n° 1, cette surtaxe ne couvre donc pas les amortissements. Dès lors, le budget de la ville et donc les contribuables, doivent compenser l’insuffisance du financement des amortissements qui n’a pas été mis à la charge des usagers du parking Diamant.
Cependant, la Chambre souligne que le contrat offre la possibilité de procéder à une révision du montant de la surtaxe, puisqu’il stipule que (art. 27 modifié par l’avenant n° 1) "...les montants de la surtaxe sont déterminés chaque année par la Collectivité ..."
La ville n’y a toujours pas procédé.
d- Des documents financiers manquant de lisibilité.
OBS. n° 11 - Bien que participant tous économiquement de l’exécution de la délégation de service public du stationnement payant de la ville d’AJACCIO, ces flux sont retracés dans le budget principal pour les "horodateurs" et dans un budget annexe pour le "parking DIAMANT" au risque d’affecter la lisibilité, voire même la cohérence des opérations budgétaires ainsi décrites.
Il est nécessaire que les opérations en cause, certes juridiquement indépendantes mais économiquement liées, apparaissent en recettes et dépenses dans un budget annexe unique "stationnement payant".
Par ailleurs, les documents comptables et financiers de la SEREP, soumis au contrôle de la commune, manquent de transparence. Ils ne permettent notamment pas à la commune :
– de vérifier la cohérence des frais de structure de la SEREP,
– de contrôler les charges de personnel,
– et de vérifier la nature exacte des dépenses financées par les emprunts.
Au terme de l’analyse relative à la gestion du service public de stationnement, il apparaît que la ville n’a pas su gérer correctement ce service qui, industriel et commercial, aurait dû être équilibré en recettes et en dépenses. Pourtant, les maires successifs n’ont cessé de le déclarer lors de la réalisation des diverses étapes du dossier qui viennent d’être exposées.
Au contraire, une absence de suivi, des montages juridiques complexes et inutiles, des décisions soit incohérentes, soit tardives, soit encore inexistantes malgré la connaissance des enjeux et l’annonce des solutions, ainsi qu’une absence de stratégie clairement définie en la matière, ont amené ce dossier à une situation inverse de ce qu’elle aurait dû être.
Sans que les installations qui lui avaient été annoncées comme imminentes et utiles n’aient été complètement réalisées, cette gestion s’est avérée, en effet, extrêmement coûteuse pour le contribuable ajaccien, puisque de 1988 à 1998, le service du stationnement aura grevé le budget communal de plus de 44 MF.
Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc
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