OBS. n° 21 - Le service de l’eau de la ville d’Ajaccio a été concédé, par convention du 19 septembre 1974 prenant effet au 1er janvier 1975, pour une durée de 20 ans, à la société Compagnie des Eaux et de l’Ozone (CEO), filiale de la Compagnie Générale des Eaux (CGE) connue, aujourd’hui sous le vocable de Groupe Vivendi. Ce contrat de concession a été modifié par deux fois, mais de façon mineure, le 29 juin 1981 et le 21 juillet 1987.
La gestion du service de l’assainissement est déléguée, également à la CEO, à partir du 1er janvier 1976 pour une durée de 19 ans, le contrat étant renouvelable par tacite reconduction par période de dix ans.
Les deux contrats expiraient donc le 31 décembre 1994.
Dans sa précédente Lettre d’observations définitives du 16 juillet 1991, la Chambre relevait que la gestion de l’eau ainsi consentie était déséquilibrée au profit du concessionnaire, sans que ce dernier soit, en outre, conduit à respecter l’ensemble de ses obligations. Elle concluait que la ville aurait avantage à profiter de l’échéance du contrat de concession au 31 décembre 1994 pour rééquilibrer la délégation auprès du partenaire de son choix dans un sens qui lui serait plus favorable.
En effet, la ville y a procédé.
Pour l’eau, l’acceptation, par délibération du 27 novembre 1992, d’un "schéma directeur" d’aménagement de ce service proposé par la CEO, s’est traduite par la conclusion d’un nouveau contrat le 3 décembre 1992 avec cette même société. Ce nouveau contrat était donc conclu deux ans avant le terme du précédent contrat, le régime de l’affermage étant substitué à celui de la concession et sa durée portée de 20 à 25 ans.
Pour l’assainissement, la ville a dénoncé le contrat le 8 avril 1993 pour, en définitive, conclure une prorogation de ce même contrat de 10 ans supplémentaires.
Ces modifications contractuelles n’ont cependant pas corrigé les errements antérieurement constatés car, près de dix ans après, les mêmes observations peuvent être à nouveau faites. De plus, ces changements, exécutés dans des conditions juridiques irrégulières, appellent de nouvelles critiques.
Enfin, la Chambre souligne les difficultés qu’elle a rencontré pour obtenir des informations et précisions de la direction municipale sur les modalités de mise en œuvre de la délégation des services publics de l’eau et de l’assainissement.
C’est ainsi que la commune a été dans l’incapacité d’expliquer les termes de la délibération du conseil municipal du 27 novembre 1992 relative à l’adoption d’un nouveau schéma directeur de l’eau.
L’argument avancé par le maire dans sa réponse, les cadres communaux alors responsables de la négociation et de la contractualisation des délégations ayant depuis quitté leurs fonctions, n’est pas convaincant.
La reprise complète de ces dossiers par la nouvelle équipe de direction aurait dû être effectuée, ce qui aurait évité à l’ordonnateur de faillir à son obligation d’assurer la continuité du service public.
1 - LA GESTION DE L’EAU : UN CONTRAT DESEQUILIBRE, MARQUE PAR DES IRREGULARITES, DES APPROXIMATIONS ET UN MANQUE DE SUIVI ET DE REACTIVITE DE LA PART DE LA VILLE.
a- Une anticipation de la fin de la convention de concession contraire aux intérêts de la commune.
OBS. n° 22 - A la suite de la délibération du 27 novembre 1992 précitée, le maire s’engageait, le 3 décembre 1992, dans le nouveau cadre contractuel de l’affermage avec la CEO. Or, à cette date, le contrat de concession signé en 1974, n’était qu’à deux ans de son terme. Le maire justifiait ce nouvel engagement par " l’urgence " qu’il y avait à entreprendre, dans le cadre du schéma directeur de la rénovation de l’usine de traitement du SALARIO, proposé par le concessionnaire, des " investissements importants " et notamment des travaux " nécessaires à la prévention de risques sanitaires et à la mise aux normes nouvelles par une adaptation du traitement de l’eau ...".
Or, la CEO affirme avoir éliminé le risque sanitaire dès 1993. Il n’était donc pas nécessaire, pour la ville, de dénoncer la convention de concession existante pour l’exécution de travaux qu’en tout état de cause les stipulations de ce contrat (articles 39 et suivants) obligeaient la CEO à réaliser.
Par ailleurs, aux termes de la délibération et en raison de l’urgence invoquée, l’ensemble des travaux devait être exécuté " dès 1995 ". Or la construction de l’usine de traitement de la CONFINA, qui a remplacé le projet de rénovation de l’usine du SALARIO, n’a commencé qu’en 1996. L’usine n’est opérationnelle que depuis la fin août 1999.
La Chambre constate en conséquence :
– que l’urgence, exposée par le maire le 27 novembre 1992 à son conseil municipal, justifiant l’anticipation de la dénonciation de la convention de concession de l’eau, n’était pas réellement fondée,
– qu’en délibérant ainsi, le conseil municipal a renoncé aux avantages qui auraient résulté, à l’échéance normale de la convention de concession, soit fin 1994, de l’obligation de mise en concurrence prévue par la loi du 29 janvier 1993 dite loi SAPIN.
Certes cette loi, votée en décembre 1992, n’a été promulguée qu’en janvier 1993 : elle n’était donc pas applicable au cas particulier.
Toutefois, ses dispositions et notamment l’obligation substantielle de mise en concurrence qu’elle introduisait, ne pouvaient être, à cette date, ignorées ni du concessionnaire ni de la commune. D’ailleurs, celle-ci les invoque pour justifier, au même moment, la non dénonciation, dans les délais contractuels, de la convention d’assainissement (voir infra).
Dès lors, il apparaît en conséquence à la Chambre, qu’en anticipant la dénonciation de la convention de concession, la commune a renoncé aux avantages qui auraient résulté d’une mise en concurrence.
La commune a, de surcroît, durablement hypothéqué son indépendance en acceptant un contrat d’affermage la liant pour 25 ans supplémentaires au même partenaire.
Enfin, le dispositif contractuel adopté pour la mise en place de la nouvelle convention d’affermage a, par ailleurs, irrégulièrement permis à la commune d’abonder, en décembre 1992, son budget principal d’une somme de 15 MF versée par la CEO. Ce budget a pu ainsi éviter d’être exécuté en déficit, ce qui aurait été contraire aux dispositions de l’article L 1612-14 du code général des collectivités territoriales.
b- Irrégulièrement acquis par la ville, le versement, par la CEO, de 15 MF en sa faveur, constituait pour elle une raison supplémentaire d’anticiper le terme de la concession de 1974.
OBS. n° 23 - Aux termes de l’article 5-1 du nouveau contrat d’affermage intitulé " participation du fermier aux travaux d’amélioration et de renforcement ", les travaux de réhabilitation des trois unités de production et ceux relatifs au réseau sont estimés à 69 MF HT (74,5 MF TTC). Le fermier à titre de "participation aux travaux ", s’est engagé à mettre à la disposition de la collectivité une somme de trente cinq millions de francs.
Toutefois, compte tenu des subventions alors attendues par la collectivité, de l’ordre de 54,5 MF au total, " il s’avère que la participation du fermier visée ci-dessus excède d’environ 15 MF le financement de cette opération. Dans ces conditions, il est convenu que le fermier versera à titre de droit d’usage, à la collectivité la somme de quinze millions de francs (15 MF) au plus tard le 10 décembre 1992. "
Ces dispositions, établissant ainsi le versement du droit d’usage de 15 MF, sont uniquement prévues au contrat parce que les financements escomptés pour les travaux du schéma directeur sont excédentaires. Contrairement à ce qui est allégué par la CEO, le versement en cause ne trouve donc directement pas de contrepartie dans le programme de travaux.
D’ailleurs, il est étonnant que le fermier veuille ainsi financer des travaux, puisque, aussi bien ce dernier que la commune ont affirmé avoir leur financement déjà assuré par les différentes subventions publiques. La participation contractuelle du fermier était donc mécaniquement excédentaire.
Certes, la CEO tente de justifier cette redevance par l’occupation du domaine public des ouvrages nécessaires au service des eaux. Cette explication a posteriori ne peut être retenue car, d’une part, elle contredit les termes du contrat ci-dessus rappelés et, d’autre part le contrat ne prévoit pas le paiement d’une redevance d’occupation du domaine public.
L’amortissement de cette somme de 15 MF, versée au budget principal de la commune, est effectué par l’instauration, au profit de la CEO, d’une prime fixe semestrielle de 45 F par compteur. Contrairement, encore, à ce qui est soutenu par la CEO, ce mécanisme de compensation financière a directement pour effet de mettre à la charge de l’usager de l’eau des dépenses étrangères à la prestation qu’il paye.
La ville n’a pas fait de réponse sur ce point.
La Chambre constate, en conséquence, l’irrégularité du versement en cause qui, aux termes mêmes du préambule de la délibération précitée, apparaît véritablement avoir été au centre de la négociation menée avec la CEO. Face aux difficultés budgétaires notoires de la commune, notamment générées par une gestion approximative des services publics (voir ci-avant), ce versement constituait pour elle une raison supplémentaire de soustraire le contrat d’affermage à l’obligation d’une mise en concurrence.
c- Un abattement de 14,7% du prix de base de l’eau aux modalités de calcul et au fondement juridique incertains, coûteux pour la commune.
OBS.n° 24 - Le contrat d’affermage, dans son article 32, stipule que "jusqu’à la mise en service de la nouvelle station de traitement du SALARIO, le prix de base du M3 d’eau défini ci-dessus (hors prime fixe) subira un abattement de 14,7 % ". La délibération disposait, pour sa part qu’" à la mise en service des nouvelles installations de traitement du SALARIO prévue en 1995, le prix du M3 sera majoré de 0,67 F pour tenir compte du surcoût inhérent aux traitements supplémentaires installés aux différents points de production indispensables pour délivrer une eau de qualité conforme aux nouvelles normes européennes ".
Ainsi, la délibération prévoyait une minoration du prix de l’eau avant la mise en service de l’usine du Salario. Le contrat, sans toutefois reprendre les termes de la délibération , majore le prix de l’eau après la mise en service de l’usine. Minoration et majoration sont cependant identiques puisque les 0,67 F/ m3 de majoration de la délibération égalent les 14,7 % de minoration du prix de l’eau prévue au contrat.
La commune n’a pas été en mesure d’apporter d’éclaircissement sur ce mécanisme d’abattement/majoration.
La CEO explique, dans sa réponse, que l’augmentation de 14,7% du prix de l’eau se justifie car " l’eau produite au puits de Balleone et au puits de Prunelli subit, dans la solution CONFINA, un traitement supplémentaire de pré et post-ozonation ainsi qu’une reminéralisation beaucoup plus onéreuse ... ".
Cette justification a posteriori est probablement pour partie recevable.
Mais force est de constater que, pas plus que la majoration de la délibération, cette justification ne figure au contrat qui n’en précise pas davantage les éléments du calcul. Les précisions apportées en ce sens par la CEO à l’occasion de son audition devant la Chambre n’ont pas été convaincantes. De surcroît, l’article 32 de la convention d’affermage n’a pas été modifié pour tenir compte de l’abandon du projet du SALARIO en faveur de celui de la CONFINA. Celui-ci apportait d’autres solutions techniques susceptibles d’apporter des correctifs aux dispositions économiques du contrat initial.
En l’absence d’avenant explicitant et mettant en harmonie les dispositifs ci-dessus mentionnés qui se sont appliqués sans cela, le fondement juridique de la disposition en cause est donc incertain.
S’il n’était pas corrigé, ce mécanisme d’abattement/majoration du prix de base du M3 d’eau, contribuerait manifestement, avec la majoration des primes fixes, à l’amortissement par la CEO de sa participation de 35 MF, mais sans fondement technique. Il serait rapidement très avantageux pour la CEO.
En effet, en 1998, le prix du M3 d’eau était de 4,4923 F après abattement. La suppression de l’abattement de 14,7 % procurait au fermier, pour cette seule année, sur la base d’une consommation totale de 5 200 000 M3, une recette supplémentaire de 4 025 284 F. Sur la période résiduelle du contrat (19 ans), la CEO percevrait ainsi, sans qu’il soit tenu compte de l’accroissement prévisible du nombre de compteurs, de la consommation annuelle d’eau et de l’augmentation contractuelle du prix de l’eau, un montant total d’environ 76 MF.
Ces 76 MF viendront, bien entendu, s’ajouter au montant cumulé, sur toute la durée du contrat (à nombre constant de compteurs), du produit de la majoration des primes fixes, soit 55,8 MF (11,16 MF par an de 1993 à 1998).
Au total et à la fin du contrat, s’il n’est pas mis fin à ce mécanisme, la CEO percevrait sur les usagers du service de l’eau, en contre-partie de la mise à disposition de la commune des 35 MF (dont 15 MF en faveur de la section de fonctionnement du budget principal), un montant de 131,8 MF, somme correspondant au remboursement d’un emprunt de 35 MF sur 25 ans à un taux de 14,5 %. Or les taux des OAT étaient en 1992 de 8,1 %. A ce jour, ils sont proches de 5 %.
La commune paye ainsi douloureusement les sommes mises à sa disposition par la CEO pour lui permettre d’équilibrer son budget.
d- L’usine de la CONFINA : une opération engagée alors que l’ensemble de ses financements n’était pas acquis, mal maîtrisée et dont la mise en œuvre a été différée du fait de l’irrespect, par la commune de ses obligations contractuelles.
OBS.n° 25 - Le schéma directeur de gestion de l’eau initialement proposé par la CEO et adopté par le conseil municipal par la délibération de 1992 précitée est substantiellement différent de celui qui est, à ce jour, mis en œuvre.
En effet, par délibération du 23 juin 1994 le conseil municipal décide l’abandon des travaux prévus sur le SALARIO et la construction d’une nouvelle usine de traitement, l’usine de la CONFINA. Le montant total des travaux passe ainsi de 69 MF HT (valeur 1993) à 89,8 MF HT (valeur 1996), en augmentation de 30 %.
Contrairement aux termes de la délibération n° 96/101 du 25 octobre 1996 portant " choix de la société chargée de la construction de l’usine de la CONFINA " et autorisant le maire à signer le marché correspondant, les subventions n’étaient toujours pas, à cette date, acquises en totalité.
Le maire souligne que s’ils n’étaient pas définitivement acquis, les financements avaient été actés de manière formelle notamment par le comité de programmation du DOCUP. Or le document cité par le maire porte sur le financement du SALARIO et non sur la CONFINA dont le coût est substantiellement différent.
On observe ainsi que l’ambiguïté est toujours maintenue dans ce dossier. Les changements d’orientation de la direction municipale, qui ne sont pas critiquables, en eux-mêmes, car ils relèvent bien de sa responsabilité politique, n’ont jamais été juridiquement et financièrement consacrés.
Le conseil municipal a choisi la société OTV et le marché (n° 54/96) a été passé le 6 novembre 1996 alors que le conseil d’administration de l’Agence de l’eau de méditerranée n’a décidé d’accorder sa conséquente subvention de 16,8 MF que le 5 décembre suivant. La Chambre constate en conséquence que la procédure suivie par l’ordonnateur est irrégulière.
Irrégulièrement engagée, cette opération s’est avérée, en outre, mal maîtrisée jusqu’à conduire à une mise en œuvre différée, la commune n’ayant pas su respecter ses obligations contractuelles.
Comme cela a été mentionné ci-avant, la conclusion du nouveau contrat d’affermage avec la CEO en 1992 était notamment justifiée par l’urgence des travaux à réaliser. Or le marché de construction de l’usine de la CONFINA n’a été passé qu’en 1996 et les délais n’ont de surcroît pas été tenus. L’usine de la CONFINA aurait dû être réceptionnée au plus tard le 28 mai 1998. En réalité, elle n’est opérationnelle que depuis la fin août 1999.
Par délibération du 15 avril 1999, le conseil municipal a, sur la demande de l’entreprise OTV et compte tenu des "sources de décalage non imputables à la société OTV", décidé de "proroger les délais de construction de l’usine d’eau potable de la CONFINA jusqu’au 28 mai 1999", cette prolongation des délais ayant été contractualisée par avenant n° 1.
En fait, le retard dans la réalisation du chantier de la CONFINA incombe pour l’essentiel à la commune. En effet, selon les justifications produites par l’entreprise OTV le cours du déroulement du marché semble bien résulter des défaillances de la ville dans ses obligations contractuelles : il en est ainsi des délais d’obtention du permis de construire et des difficultés d’accès au chantier et de fourniture d’énergie (eau et électricité) au maître d’ouvrage, l’OTV.
A la lecture de l’avenant examiné par le conseil municipal du 15 avril 1999 et signé le 19 juillet 1999 on est confondu par le fait que, en lançant cette opération, la commune n’ait pas fait en sorte que l’accès au chantier soit effectif en réalisant les opérations d’acquisition foncière bien en amont de l’ouverture du chantier. De même l’approvisionnement en eau, en débit suffisant, n’a pas pu être assuré pour effectuer les premiers essais des installations et la fourniture d’électricité a dû être différée de quatre mois, le branchement d’alimentation prévu n’ayant pu être réalisé.
A cet égard, la société OTV souligne " que le décalage entre les volumes de facturation et la durée de mobilisation des moyens mis en œuvre sur la chantier a directement été à l’origine de la mise en redressement judiciaire du sous-traitant en charge des travaux de génie civil et de bâtiment ".
La Chambre souligne donc la mauvaise gestion de ce chantier par la commune dont les services techniques assuraient la maîtrise d’œuvre, préjudiciable aux usagers du service public de l’eau, aux contribuables ajacciens et aux salariés de l’entreprise directement touchée par les défaillances du maître d’oeuvre.
De surcroît, elle relève que la commune s’expose ainsi à des réclamations, pour préjudice complémentaire en ce qui concerne OTV et pour modification a posteriori des règles de concurrence de la part des soumissionnaires non retenus. En effet, aux termes du dossier de consultation des entreprises, le délai initial de 18 mois pour la réalisation du chantier constituait un " critère important de sélection " des candidats.
2 - LA GESTION DE L’ASSAINISSEMENT : UNE CONVENTION IRREGULIEREMENT RECONDUITE DONT LES ELEMENTS NE PEUVENT ETRE CORRECTEMENT CONTROLES PAR LA VILLE.
OBS n° 26 - La commune a dénoncé, le 8 avril 1993, la convention de délégation de l’assainissement la liant à la CEO depuis le 1er janvier 1976 pour une durée de 19 ans. Or, cette dénonciation a été faite dans des conditions non conformes aux dispositions contractuelles (article 32). Celles-ci prévoyaient que la dénonciation devait intervenir, pour faire échec aux dispositions de la clause de tacite reconduction, au plus tard le 31 décembre 1992. Cette dénonciation n’étant pas, dans ces conditions, opposable à la CEO, la ville a accepté de reconduire le contrat initial pour une période complémentaire de 10 ans s’achevant le 31 décembre 2004, portant la durée totale de la présence de l’opérateur dans ce dossier à 29 ans.
Dès lors, à double titre, la reconduction du contrat est irrégulière.
Pour justifier cette dénonciation tardive, la ville observe que " ... la résiliation ainsi faite par la ville s’entendait comme une application des dispositions de la loi SAPIN laquelle n’autorise la reconduction que dans deux cas précis et pour une durée d’un an ".
La Chambre relève que la commune reconnaît avoir agi en prenant en considération au 31 décembre 1992 (date limite de dénonciation du contrat) les dispositions à venir de la loi SAPIN, ce qui confirme l’observation faite précédemment relative à la dénonciation anticipée du terme de la convention de concession du service de l’eau
En effet, la tacite reconduction donne naissance à un nouveau contrat qui ne peut prendre naissance que si la législation en vigueur ne s’y oppose pas. En l’espèce, en venant à échéance le 31 décembre 1994, le renouvellement de la convention d’affermage devait, conformément aux dispositions d’ordre public de l’art. 40 de la loi SAPIN, être soumis à publicité et concurrence. La ville aurait alors profité de la mise en concurrence pour obtenir le meilleur service au meilleur coût. Dès lors, en spécifiant que les nouvelles dispositions légales ne lui permettraient plus d’avoir recours à la reconduction du contrat que dans des cas extrêmement limités, la ville indique clairement sa préférence : elle allait à la reconduction du contrat précédent avant la promulgation de la loi et elle renonçait à toute mise en concurrence de l’opérateur.
Dans ces conditions, il n’apparaît pas que la ville ait préservé ses intérêts en agissant légèrement au plan juridique et en confiant pendant 29 ans la gestion de son assainissement au même fermier.
Si cela avait été le cas, la commune aurait donc dénoncé le contrat en cause dans les délais contractuels.
Le conseil juridique de la commune avait fait des recommandations en ce sens à l’ordonnateur qui, à l’évidence, n’en a pas tenu compte.
Par ailleurs, il ressort des pièces produites, que les comptes-rendus financiers établis par la CEO, sur une seule page, ne peuvent raisonnablement pas permettre à la commune de comprendre les flux de dépenses et de recettes de l’exploitation. Ainsi, les niveaux de tarifs, leur éventuelle révision lorsque les paramètres contractuels le justifient, l’organisation du service, les effectifs employés, ainsi que, le cas échéant, les gains de productivité, etc... ne sont pas clairement appréciables par la commune qui, en conséquence, ne peut pleinement exercer sa mission essentielle de contrôle du délégataire.
Les affirmations en sens contraire de la CEO ne sont pas convaincantes :
– la pièce justificative produite dans le cadre de la réponse aux observations provisoires concerne l’eau et non pas l’assainissement ;
– la CEO ne justifie en aucune façon produire par ailleurs les "éléments de base" prévus par la convention ; en tout état de cause, la commune n’a transmis que la seule page d’information financière précitée.
Au total, la gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement ne déroge pas aux principes de gestion mis en pratique dans d’autres services par la ville et déjà observés. Les insuffisances juridiques et techniques qu’ils présentent caractérisent, une fois encore, l’absence de suivi des dossiers par la direction municipale et son absence de réactivité face à des difficultés connues et génératrices, car non solutionnées, de dysfonctionnements et de surcoûts.
Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc
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