1. LE REGIME DE LA LOI DU 3 MAI 1880

L’article 4, alinéa 3, de la loi du 3 mai 1880 disposait que les pouvoirs, attribués au juge d’instruction par le Code d’instruction criminelle, qui appartenaient alors à la Chambre ou à la commssion d’enquête ainsi qu’à leur président, ne pouvaient pas être délégués.

Toutefois, en cas de nécessité, la Chambre ou la commission avaient le droit de faire procéder, par voie rogatoire, à des devoirs d’instruction spécialement déterminés.

L’article 4, alinéa 4, précisait que cette commission rogatoire ne pouvait être confiée qu’à un conseiller à la cour d’appel ou à un juge du tribunal de première instance du ressort dans lequel le devoir d’instruction devait être rempli.

Les commentaires doctrinaux de cette disposition sont laconiques. Aucune commission rogatoire n’a été requise avant la fin mai 1996, semble-t-il.

Cette loi du 3 mai 1880 a posé en principe que l’enquête parlementaire s’exerce suivant le mode inquisitorial de procéder du juge d’instruction (rapport Nothomb sur l’article 4, Pasinomie 1880, p. 188).

Toutefois, alors que les investigations de ce juge sont réputées secrètes, les séances de l’enquête parlementaire consacrées à l’audition des témoins et des experts sont publiques, sauf décision contraire (article 3, alinéa 3).

En outre, chacun des membres de la Chambre a le droit d’assister à l’enquête, même lorsqu’elle se déroule à huis clos (article 3, alinéa 2).

Dans la conception adoptée en 1880, le magistrat commis était uniquement le continuateur des travaux de la commission d’enquête, comme celle-ci est la continuatrice des travaux de la Chambre. Ce magistrat devait donc entendre les témoins et les ex-perts publiquement, sauf décision contraire.

En outre, il devait tolérer pendant ses travaux la présence de membres de la Chambre qu’ils soient ou non membres de la commission d’enquête.

Pour le ministre de la Justice de l’époque, M. Bara, cela allait de soi ! (Pasinomie 1880, p. 187 ; voir aussi l’exposé des motifs du projet de 1864, Doc. Chambre n o 50, 1864-1865 ; les Pandectes belges V°, Enquête parlementaire n os 33-34, Salefranque, L., Note sur les commissions d’enquête parlementaire en Belgique, Bulletin de la Société de législation comparée 1893, pp. 595 à 602).

Lorsque les devoirs accomplis par le juge commis n’étaient pas publics, seule la commission d’enquête pouvait décider d’en dénoncer le contenu au procureur du Roi, semble-t-il.

Quels pouvaient être les cas de nécessité justifiant cette commission rogatoire ? On pense aux cas où il y a lieu de condamner à une amende le témoin défaillant ou à décerner mandat d’amener contre lui (article 80 du Code d’instruction criminelle).

En outre, le concours d’un juge commis aurait été nécessaire pour prescrire une enquête à un officier de police judiciaire ou pour obtenir le concours de plusieurs d’entre eux afin de perquisitionner dans divers locaux, en même temps.

En effet, la commission d’enquête n’avait pas la faculté de déléguer ses pouvoirs à des officiers de police judiciaire.

2. LE REGIME DE LA LOI DU 30 JUIN 1996

L’article 4 de la loi du 3 mai 1880 a été profondément modifié, notamment pour ce qui concerne les commissions rogatoires.

Désormais,

1. celles-ci sont obligatoires lorsque la mesure d’instruction porte atteinte à certains droits fondamentaux de l’individu : la liberté d’aller ou de venir, la protection des biens matériels, le domicile, le se-cret de la correspondance violé par l’écoute, la prise de connaissance et l’enregistrement de communications et de télécommunications privées. Dans ces cas, le magistrat commis se conforme aux articles 35 à 39 et 90ter à 90 novies du Code d’instruction criminelle ;

2. les autres mesures d’instruction peuvent faire, elles aussi, l’objet d’une commission rogatoire, même si la commission d’enquête est en mesure de les accomplir elle-même. Il suffit que les devoirs d’instruction soient préalablement déterminés.

Le magistrat judiciaire désigné par le premier président de la cour d’appel est placé sous la direction du président de la commission pour l’accomplissement de ces devoirs d’instruction (article 4, § 2, alinéa 2). Ce magistrat établit un rapport écrit consignant les résultats de son instruction (article 4, § 2, alinéa 2).

Puisque la loi nouvelle impose le concours d’un instructeur judiciaire pour accomplir certains actes L., Note sur les commissions d’enquête parlementaire en Belgique, Bulletin de la Société de législation comparée 1893, blz. 595-602). portant atteinte aux droits fondamentaux de l’individu, on peut soutenir que ce magistrat n’est plus uniquement le continuateur des travaux de la commission d’enquête. Il y joue un rôle spécifique qui obéit à des règles propres. Il apprécie s’il existe des raisons suffisantes pour porter une atteinte aux droits fondamentaux des individus. C’est là un acte juridictionnel.

S’il ordonne une telle mesure d’instruction, il veille à son exécution en l’accomplissant lui-même ou en déléguant un officier de police judiciaire ayant qualité pour l’exécuter. Ces devoirs ne peuvent plus se faire en public. Toutefois, lorsqu’il descend sur les lieux, le magistrat peut être accompagné de la partie requérante : la commission d’enquête, son bureau ou son président.

Cet instructeur judiciaire doit transmettre un rapport écrit consignant les résultats de sa mission. Ce rapport restera secret ou sera déclaré public par décision de la commission d’enquête (article 3, alinéas 4 et 5).

L’instructeur judiciaire peut être entendu comme témoin, publiquement ou à huis clos, suivant la décision que prendra la commission d’enquête (article 3, alinéa 3, et article 8).

Si, au cours de son instruction, le magistrat instructeur découvre l’existence ou la preuve d’une infraction, relative ou étrangère à la matière pour laquelle il est requis, doit-il la dénoncer directement au procureur du roi sur la base de l’article 29 du Code d’instruction criminelle ou au président de la commission, lequel la dénoncera au procureur général sur la base de l’article 10nouveau de la loi du 3 mai 1880 ?

La question a donné lieu à diverses prises de position que la commission n’a pas eu à apprécier pour régler un cas concret survenu dans le cadre de ses travaux.

Les mêmes considérations semblent devoir s’appliquer aux enquêtes exécutées à la demande de la commission par les comités permanents P ou R prévus par la loi du 18 juillet 1991.

Cette interprétation de l’article 4 nouveau de la loi, entend restaurer une règle de sagesse élémentaire : chacun doit agir en suivant la procédure qui lui est habituelle.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be