L’Assemblée nationale décidait, le 9 décembre 1998, la création d’une commission d’enquête sur les agissements, l’organisation, le fonctionnement, les objectifs du Groupement de fait dit " Département Protection Sécurité " (DPS) et les soutiens dont il bénéficierait, à la suite du dépôt de deux propositions de résolution, l’une, le 6 mars 1998 par M. André Aschiéri et plusieurs de ses collègues du groupe radical, citoyen et vert, l’autre, le 7 mai 1998 par M. Robert Gaïa et les membres du groupe socialiste.
Lors des débats1, les représentants de l’opposition dénoncèrent " une manoeuvre " destinée à ressouder les troupes du Front National et à organiser " une sorte de spectacle sur ce dossier ", une " opération politique pour dénoncer des alliances supposées avec le Front National ".
Pour l’opposition, il s’agissait donc d’une " commission d’enquête alibi " totalement inutile dans le mesure où les moyens juridiques permettant de lutter contre les actes délictueux qui pourraient être éventuellement commis existaient et où il suffisait " de faire confiance à nos institutions, à la justice de notre pays, à la police et à la gendarmerie ".
La démarche adoptée par la Commission, fondée sur la volonté de mener une enquête objective, selon une méthode contradictoire et dans la sérénité - ce qui l’a conduit à soumettre ses auditions au régime du secret - apporte un démenti total à ces accusations.
La création de cette commission d’enquête s’inscrivait dans un contexte marqué par les multiples incidents causés par le Front National et son service d’ordre qui apparaissait comme un groupement de fait cultivant l’opacité, mais capable de se livrer à des agissements allant de l’usurpation de fonctions d’autorité à des voies de fait caractérisées, sans que l’on sache toujours si les auteurs de ces faits appartenaient ou non au DPS.
Il était donc légitime que la représentation nationale tente, comme l’indiquait M. Raymond Forni, rapporteur, de réunir des informations précises et incontestables sur les agissements de cette organisation " ...pour savoir si le DPS est au-delà de son apparence, un mouvement dont la nature et les missions le différencient fondamentalement d’un service d’ordre licite " et pour permettre à tout citoyen de disposer d’une information aussi complète que possible.
Le fait même que le DPS continue de faire l’objet d’une surveillance par les renseignements généraux qui pourtant, depuis janvier 1995, n’ont plus pour mission de s’intéresser directement ou indirectement au fonctionnement et à l’organisation des partis politiques, est un élément supplémentaire justifiant la création de la commission d’enquête. La surveillance exercée par les renseignements généraux sur le DPS est en effet fondée sur le fait que ce groupement fait partie de ceux qui " ont [...] recours à une certaine forme de violence, [...] afin de faire prévaloir leurs idées [et] prônent une idéologie à caractère raciste, antisémite et xénophobe, le plus souvent assortie d’appels à la violence ", comme l’a expliqué M. Jean-Pierre Pochon, directeur des renseignements généraux de la préfecture de police et comme l’a souligné également M. Yves Bertrand, directeur central des renseignements généraux : " Nous suivons le DPS, [...] comme tous les groupes à risques qui ressemblent de près ou de loin à des milices et qui peuvent porter atteinte aux institutions de la République ".
Au fil de ses travaux, la Commission s’est heurtée à plusieurs types de difficultés.
Une première série de difficultés résulte de l’ignorance étrange manifestée par certains témoins et par l’indifférence de certains autres.
Ainsi, à la question, posée comme un leitmotiv à tous les représentants de la sécurité publique, concernant l’existence d’un rapport des renseignements généraux sur le DPS, les réponses ont curieusement varié du " il n’y en a pas " au " oui, il a été demandé ", en passant par " peut-être, mais je n’en ai pas eu connaissance " et " il n’y en a pas un, mais plusieurs ".
De la même façon, la Commission n’a pas pu obtenir en temps utile le rapport des renseignements généraux sur les sociétés de sécurité et l’extrême-droite.
Un certain nombre de témoins contactés par la Commission ont exprimé leurs réticences en faisant valoir qu’ils ne disposaient d’aucun élément d’information sur le DPS : le responsable de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a ainsi affirmé n’avoir mené aucune enquête ni sur le DPS ni sur certains fonctionnaires de police susceptibles d’entretenir des liens avec ce service d’ordre.
De même, les syndicats de magistrats ont tous été invités à venir devant la Commission. Seul le syndicat de la magistrature a souhaité être entendu ; les deux autres organisations : l’Union syndicale des magistrats et l’Association professionnelle des magistrats ont indiqué que le sujet de l’enquête n’avait aucun rapport avec l’activité de leur syndicat respectif qui se voulaient apolitiques et axés sur la défense des intérêts professionnels des magistrats.
D’autres se livrèrent à des considérations si générales qu’elles ne contribuèrent pas à apporter de leur part toutes les lumières souhaitables. Le rôle des commissions parlementaires n’est pas toujours bien admis par les représentants de l’exécutif.
En second lieu, la Commission a été confrontée à la difficulté de cerner le DPS. Groupement de fait, cultivant l’opacité, le DPS présente un caractère informel et fluctuant qui donne à ses animateurs entendus par la Commission, la possibilité d’évincer les questions posées et de s’en tenir à une façade de respectabilité qui ne correspond pas à la réalité. Il est également très difficile de tracer la frontière entre ce qui relève du DPS proprement dit et ce qui ne lui est pas imputable, d’autant plus qu’une commission d’enquête a des pouvoirs d’investigations limités s’agissant d’un domaine qui échappe pour l’essentiel à l’administration.
Enfin, la Commission a été confrontée à une difficulté supplémentaire liée aux bouleversements entraînés par la scission du Front National qui est intervenue peu après sa création.
L’exclusion du Front National de M. Bruno Mégret et de ses partisans, la formation par ces derniers d’un autre mouvement baptisé dans un premier temps Front National-Mouvement national ont entraîné la scission du DPS dont une partie des membres, principalement des cadres, rejoignant M. Bruno Mégret, a fondé un nouveau service d’ordre, le DPA (Département Protection Assistance).
Ces bouleversements ont accru les difficultés d’information de la Commission, les dirigeants du DPS arguant, soit qu’ils n’étaient plus responsables, soit qu’ils venaient d’arriver et ignoraient tout de l’organisation du mouvement.
En dépit des obstacles auxquels elle a été confrontée, la Commission s’est attachée à appréhender ce qu’est réellement le DPS en partant des faits. Pour mener son enquête, elle a procédé à de nombreuses auditions : représentants des autorités chargées de la sécurité publique, journalistes, syndicats de policiers et de magistrats, associations, représentants des services d’ordre d’autres partis politiques et, enfin, principaux responsables du DPS et du DPA.
Ses travaux l’ont conduit à constater et à démontrer que le DPS n’est pas un service d’ordre comme les autres mais présente au contraire un danger pour la démocratie que l’apparition du DPA, composé semble-t-il des éléments les plus extrémistes du DPS, ne fait qu’aggraver et dont il faut prendre conscience pour avoir la volonté de le combattre. Puisse ce rapport y contribuer.
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