Une évolution très nette du système des drogues en Russie et dans l’ensemble de la Communauté des Etats indépendants (CEI) s’est produite à partir de 1995 : la fabrication, la collecte, le transport et la distribution de stupéfiants sont totalement passés sous le contrôle de structures criminelles organisées importantes, ayant souvent un ensemble d’activités intégrées (banques, produits chimiques et pharmaceutiques, structures off-shore) et des ramifications internationales étendues. Le transit assuré par les pays de l’ex-URSS ne concerne plus seulement l’opium afghan auquel se mêlait celui d’Asie centrale, ni même des opiacés divers en provenance du Triangle d’or et du sous-continent indien. On voit apparaître aujourd’hui des filières impliquant des organisations latino-américaines et africaines.
Le marché intérieur de la consommation de drogues a continué à croître et à s’enrichir de nouvelles substances : en particulier la cocaïne et le LSD se banalisent ; la mixture tirée artisanalement de la paille de pavot perd du terrain au profit de produits se rapprochant de plus en plus de la morphine ou de l’héroïne. Ils sont fabriqués dans de tout nouveaux laboratoires que les Ukrainiens, principaux fournisseurs de paille de pavot, ont mis sur pied par souci de ne plus voir leur échapper la valeur ajoutée des produits finis.
La prise en main du trafic par la mafia
Au début de la Perestroïka, le "Milieu" traditionnel continuait à mépriser le trafic de drogues, même si ses représentants les plus éminents parmi les "Voleurs dans la Loi" et les "Autorités" consommaient eux-mêmes divers stupéfiants. L’approvisionnement étant laissé aux "petits", des amateurs et des clans familiaux pouvaient encore profiter de cette manne. Avec l’effondrement de l’URSS, en 1991, les structures criminelles se sont d’abord investies dans le pillage généralisé de l’ancienne propriété d’Etat. Les guerres politico-mafieuses auxquelles ont donné lieu la répartition du butin ont retardé leur prise en main du trafic des drogues. Des clans d’Asie centrale ont pu profiter de ce vide momentané pour commercialiser leur production et celle qu’ils importaient d’Afghanistan ; des familles ukrainiennes ont pu exporter leur paille de pavot ; des Caucasiens ont pu créer des réseaux de distribution de drogues synthétiques au moyen de structures relativement modestes. Cependant, les choses ont lentement évolué. Les signes de l’apparition de "gens sérieux", comme on aime à les appeler dans la région, n’ont pas tardé à être perçus : ce furent des cadavres d’étudiants et de narcotouristes, récolteurs de marijuana jusque là tolérés dans la vallée de la Tchou (Kazakhstan, Kirghizstan) ; l’élimination par police interposée ou liquidation directe de quelques clans azéris ou caucasiens en liaison avec les bouleversements politiques dans leurs régions d’origine ; enfin, l’exécution, au moyen d’un attentat à la bombe, d’un trafiquant local comme "Aliocha le bossu" au Tadjikistan. Aujourd’hui, avec la rationalisation du programme de privatisation et l’accroissement des mesures de sécurité prises par les "nouveaux riches" contre les vols ou les enlèvements, les activités liées à la drogue sont devenues attirantes pour les grandes structures criminelles.
Bien qu’il n’existe pas de synthèse rassemblant les statistiques des différents services, les chiffres provisoires donnés par la douane et le ministère de l’Intérieur (MVD) permettent, à défaut d’un état des lieux, d’appréhender les lignes de force suggérant que la situation s’est dégradée en 1996. Ainsi, les différents services du MVD ont enregistré 97 800 délits liés à la drogue, c’est-à-dire 21 % de plus que l’année précédente.
La région où le plus grand nombre de délits (5 991) dans ce domaine a été enregistré est celle de Krasnodar, zone de transit entre l’Asie centrale et le Caucase et située en lisière de tous les conflits du sud de l’ex-URSS. Avec 5 656 délits, Saint-Petersbourg, elle aussi région frontalière, arrive en seconde position. Sur le plan national, la rubrique la plus importante des délits liés à la drogue (20 000) concerne "la préparation illégale de substances stupéfiantes, leur transport, leur stockage en vue de leur commerce illicite". Cette dernière sous-catégorie de délits a augmenté de 74,3 % en un an. Il est d’autant plus étonnant que les volumes saisis par la police soient, quant à eux, toujours en chute libre. En 1996, la police n’aurait mis la main que sur 18 734,4 kg de "substances narcotiques", ce qui représente une baisse de 10, 5% par rapport aux saisies de l’année précédente. Les saisies provenant de cultures illicites (2 709 kg) auraient connu une diminution plus forte encore : 65,6 %. Cette tendance à la baisse, observée depuis deux ans et qui est en contradiction complète avec les autres chiffres concernant le trafic et la consommation montrent, pour le moins, une lassitude de la police, peut-être une baisse de ses moyens et très certainement aussi un niveau important de corruption. Les conséquences de cette dernière ne peuvent plus être dissimulées dans les statistiques par de multiples arrestations de "lampistes", car les trafiquants individuels, familiaux et claniques traditionnels, cèdent de plus en plus la place à des structures plus puissantes.
Les douanes et les dérivés du cannabis
Les statistiques de la police sont d’autant moins crédibles que les douanes, quant à elles, font état d’une nette aggravation de la situation. Durant les neuf premiers mois de l’année 1996, les chiffres des saisies et des interpellations avaient déjà dépassé ceux de toute l’année 1995 : 6 856,66 kgs de drogues et 233 interpellations. En ce qui concerne les psychotropes les chiffres n’étaient pas encore disponibles au début de 1997 mais, en 1995, 6 457,304 kg et 2 804 652 ampoules et pilules de substances psychotropes, ont été saisies. Les responsables des douanes estiment qu’en deux ans, l’activité de transit des drogues par la Russie a été multipliée par trois. Mais ils font remarquer que la nature de ce transit s’est modifiée : au transport par courriers, en diminution, se sont ajoutées les compagnies de transport. Il est impossible d’affirmer que tous les responsables de ces dernières soient au courant, mais il est certain que la plupart des structures organisées importantes disposent en toute légalité de leurs propres banques, compagnies d’assurance, magasins, sociétés off-shore et bien sûr entreprises de transport. Les mules arrêtées sont en majorité des Russes et des Ukrainiens suivis de Lituaniens et de Kazakhs. Ces passeurs, souvent liés à des agences de voyage qui desservent ce qu’en Russie on appelle "l’étranger lointain" (c’est-à-dire les pays qui n’appartenaient pas à l’ancienne URSS), se rendent surtout au Vietnam, au Brésil et en Chine. Au cours des derniers mois de l’année 1996, le pays de transit favori des passeurs a été Cuba (du fait de l’existence des lignes d’Aeroflot) et les plus grosses prises ont été effectuées sur des gens se rendant en Allemagne.
Les principales substances saisies en volume restent le haschisch, qui transite en quantité de plus en plus importante à destination de l’Europe de l’Ouest, et la paille de pavot. Pour les neuf premiers mois de 1996, il n’y a eu que 49 affaires concernant le haschisch mais 1 816,81 kg saisis (contre 56 affaires et 41,56 kg en 1995). Ces saisies portant sur des envois principalement destinés aux Pays-Bas, n’ont pas été opérées à l’entrée du territoire russe et il ne semble pas qu’il s’agisse de livraison contrôlée. La principale destination proche, demeure les Pays Baltes. La Lituanie et l’Estonie continuent à recevoir des envois en petites quantités, essentiellement par voie ferrée. Cependant, en 1996, on a commencé à saisir dans ces pays de grosses quantités transportées dans des conteneurs maritimes arrimés sur des camions. Les provenances "traditionnelles" du haschisch restent le Kazakhstan et le Kirghizstan, auxquelles s’ajoute le Turkménistan. Il existe encore un courant de trafic par automobiles en provenance des zones productrices. La drogue produite dans le sous-continent indien arrive plutôt par avion, dans des bagages à double fond, en utilisant les lignes régulières civiles vers l’Asie centrale. En 1995 encore, des transbordements s’effectuaient dans ces aéroports pour des avions se rendant en Suisse. En 1996, le haschisch qui transite est envoyé dans la région de Moscou pour être, semble-t-il, conditionné et réexpédié par la route vers les Pays-Bas.
Le circuit de la marijuana est très similaire. C’est une drogue qui a de multiples provenances et trouve des débouchés importants sur le marché russe. On relève cependant une importante filière ukrainienne qui livre via la Biélorussie et la région de Rostov sur le Don (sud de la Russie) où, dès 1995, une tonne de marijuana en provenance d’Ukraine avait été saisie. Les clans organisés d’Asie centrale ne délaissent pas pour autant le marché russe de la marijuana. Dans l’Extrême-Orient russe (le Primorié), ce sont des structures mafieuses qui se chargent de la marijuana en provenance du Vietnam qu’elles acheminent à bord de navires militaires ou de bateaux de commerce. Au cours de ces deux dernières années, une liaison permanente a été également établie avec le Nigeria qui envoie vers la Russie des conteneurs par bateau. La première saisie qui a attiré l’attention sur cette filière a été faite par les douaniers belges, durant l’été 1995 : ils ont découvert "l’herbe" à Anvers dans un chargement de noix de cajou que transportait le bateau Woermann Expert. Le chargement allait à Saint-Petersbourg et était destiné à la compagnie Gloria (holding qui contrôle plusieurs banques, des compagnies off-shore et des structures russes d’import-export et qui est officiellement spécialisée dans le commerce de médicaments, dont le siège est à Moscou).
Les douaniers belges se sont entendus avec leurs collègues russes pour organiser une livraison contrôlée. A Saint-Petersbourg, 1 260 kg de marijuana ont été saisis. Une autre cargaison de cette drogue a été découverte par les douaniers allemands à Hambourg. Ils avaient monté une opération conjointe avec participation du contre-espionnage russe. Cette fois, trois tonnes de marijuana ont été saisies et quelques personnes interpellées : deux collaborateurs de Gloria, un ressortissant des Pays-Bas (pays auquel le chargement était destiné) et un Equatorien. Une autre saisie de marijuana dans un conteneur maritime (près de 2 t) a eu lieu à la fin de l’année 1996 à Zelinograd, dans la région de Moscou : quatre personnes ont été arrêtées, deux femmes russes, un ressortissant équatorien et un autre costaricain.
Les réseaux de la cocaïne
Il semble que les grandes structures mafieuses, après avoir testé les routes avec le trafic de haschisch et de marijuana, se soient investies dans celui des drogues dures, en particulier de la cocaïne. Selon Interpol, les saisies de cocaïne en Russie se sont élevées à 375 kg en 1995. Les envois importants de cette drogue sont en transit pour l’Europe de l’Ouest (2 t de cocaïne bolivienne ont été ainsi acheminées par un gang israélien en 1995), tandis que de petites quantités sont destinées à la consommation intérieure, en particulier celle de cercles de nouveaux businessmen des grandes villes comme Moscou et Saint-Pétersbourg. Selon un rapport de la DEA, un gang connu comme "L’organisation de la jeunesse dorée", autrefois spécialisé dans la criminalité classique, s’est reconverti dans la distribution de la cocaïne au nouveaux riches moscovites. Il est approvisionné par un réseau de Russes (une organisation criminelle d’Odessa) qui achète la drogue à des Colombiens à Miami. Des courriers de différentes nationalités sont régulièrement arrêtés à l’aéroport de Moscou. Ainsi, en 1995, on relève les affaires suivantes : en mai un Bosniaque avec 2 kg ; en juin un Belge résidant en Afrique du Sud avec 7 kg ; en juillet un Hollandais qui projetait de continuer son voyage par route jusqu’aux Pays-Bas, avec 11,8 kg ; en septembre un Nigérian avec 3 kg. Les saisies se sont poursuivies au même rythme durant l’année 1996. A l’étranger, on a également arrêté des passeurs qui s’apprêtaient à s’embarquer pour la Russie : en avril un Camerounais était arrêté avec 4,5 kg à Buenos Aires ; en juin un Russe au Brésil avec 4 kg ; le même mois, un Britannique à Rio de Janeiro avec 18 kg. Il est probable que les ports russes, même si aucune grande saisie depuis celle d’une tonne de cocaïne à la frontière entre la Russie et la Finlande (février 1993), n’a été effectuée, sont utilisés par les mafias colombiennes. Les autorités vénézuéliennes ont saisi, en avril 1995, 188 kg de cocaïne sur un bateau en partance pour la Russie.
La présence en Russie d’Amado Carrillo, chef du cartel de Juárez (décédé en juin 1997), révélée par le témoignage du chauffeur du général Gutiérrez Rebollo, "Tsar antidrogues" mexicain arrêté en février 1997 pour corruption, a été annoncée par le magazine mexicain Proceso. Même si Carrillo est officiellement "mort" depuis juin 1997, on est en droit de se demander si les cartels mexicains ne comptent pas mettre à profit les relations commerciales entre la Russie et le Mexique, dont la discussion a été l’objet de la visite au Kremlin, en décembre 1996, du ministre des Affaires étrangères mexicain, José Angel Gurría. Au début du mois de février 1997, la DEA révélait que le patron d’un cabaret de Floride avait négocié avec plusieurs officiers de l’ex-armée rouge liés à des organisations criminelles, l’achat d’un sous-marin russe à propulsion classique de classe Tango, d’avions et d’hélicoptères, "destinés à acheminer de la cocaïne en grande quantité aux Etats-Unis et en Russie".
Le marché intérieur des drogues
La paille de pavot (1 259,8 kg saisis et 229 interpellations en 1996) continue à alimenter le marché pour être transformée localement en un produit très artisanal, proche du kompot polonais. Mais les Ukrainiens qui sont les principaux fournisseurs de la matière première, ont visiblement décidé de ne plus abandonner aux Russes la valeur ajoutée de la transformation et de se donner des chances supplémentaires de résister à la concurrence. Ils élaborent en effet soit chez eux, soit en Russie, des produits qui se rapprochent de plus en plus de l’héroïne, ce qui leur permettra de conquérir d’autres marchés. Cette évolution montre aussi qu’une centralisation des activités liées au trafic s’est également produite en Ukraine et que la collecte de matière première, ainsi que très probablement le transport, sont maintenant entre les mains des mêmes trafiquants qui jugent bon de risquer des investissements. Ces activités ne sont sans doute pas étrangères au fait que l’on soit passé en Russie de 308 laboratoires découverts (toutes drogues confondues) en 1994 à 355 en 1995.
Les saisies d’ephedra vulgaris (plante), du précurseur qui en est tiré (éphédrine) et de son homologue synthétique (éphédrone) n’ont cessé de progresser au cours des trois dernières années. La douane russe a saisi 1 828 kg d’éphédrine en 1996. La plupart de ces saisies correspondent à des produits importés en Russie. Plusieurs affaires ont concerné des transports de cette substance dans des navires de guerre de la base de Vladivostok ou d’autres bases au nord de la région du Primorié (Extrême-Orient). La plupart de ces navires partis du Vietnam (notamment de la base russe de Kamrani), rentraient a Vladivostok. Dans un cas, les douaniers ont découvert avec la drogue des munitions de fusils d’assaut Kalachnikov ainsi que des explosifs et des détonateurs.
La région de l’Extrême-Orient russe inquiète sérieusement la douane et le département de lutte contre la criminalité organisée de la FSB (ex-KGB). Depuis une date récente, les contrebandiers chinois ont commencé à étendre leur influence dans la région côtière et dans celle de Vladivostok, en distribuant notamment des drogues de synthèse sous forme de comprimés. Ces comprimés, qui ne sont pas considérées localement comme une drogue dangereuse, sont le plus souvent des dérivés d’éphédrine produits massivement dans le nord de la Chine. En 1995, la police a saisi 500 kg d’éphédrine chinoise et près d’une tonne d’autres drogues dans la région de Khabarovsk.
Le marché intérieur qui est en pleine expansion devient une cible de la grande criminalité organisée. Même l’assistance aux détenus toxicomanes et aux petits dealers (consistant à acheminer de la drogue dans les camps et dans les prisons) est assurée par les organisations criminelles. De nouvelles drogues de synthèse ont notamment fait leur apparition sur le marché. Le LSD, connu depuis deux ou trois ans, continue de poser des problèmes aux forces de police qui ont du mal à l’identifier. Il est généralement utilisé en plaçant sous la langue un papier imbibé. En avril 1996, les postiers de la poste internationale de Moscou ont découvert 500 doses de LSD dans un colis sous forme d’un bloc de timbres caché entre des pages de livres. Le LSD, ainsi que l’ecstasy, sont très répandus à Moscou où ils sont vendus en grandes quantités et quasi ouvertement dans les boîtes de nuit et les casinos. La plupart des affaires connues ont montré que les fournisseurs de ces deux drogues en provenance des Pays-Bas ou d’Allemagne, étaient surtout des Polonais, parfois des Américains et des Hollandais. Les autorités évaluent le nombre de doses de LSD vendues dans la seule ville Moscou en 1996 à plusieurs centaines de milliers.
Le deal de rue est, quant à lui, aux mains des Azerbaïdjanais qui sont traditionnellement les principaux vendeurs de fruits et légumes sur les marchés de la capitale. Mais ils sont concurrencés par des étudiants africains dont la situation financière est devenue catastrophique depuis le changement de régime. Selon les autorités, les Nigérians sont les plus impliqués dans le trafic : ils ont monté des réseaux efficaces et astucieux de vente d’héroïne et de cocaïne dans les quartiers étudiants et les résidences universitaires de la capitale.
On observe une intensification de la contrebande de médicaments détournés et de psychotropes par des sociétés diverses qui jouent habilement des lacunes législatives en matière d’échanges économiques internationaux. Ces produits de synthèse meilleurs marché ou ces médicaments détournés, sont vendus dans les rues du centre ville souvent par des réfugiés venus du sud de la Russie et des républiques de l’ancienne URSS, ou par des retraités qui ne disposent d’aucune ressource. Ce sont souvent ces dealers qui fournissent les consommateurs les plus jeunes (entre 12 et 16 ans).
La consommation de drogues parmi les enfants et la jeunesse a pris un caractère dramatique, tout particulièrement chez les jeunes filles. A Saint-Pétersbourg, des estimations effectuées dans des établissements scolaires ont montré qu’entre 15 % et 30 % des élèves, selon les établissements, consomment régulièrement des drogues. Dans cette région et parmi cette classe d’âge, ce sont les champignons hallucinogènes qui rencontrent un succès grandissant. Ils sont ramassés dans les forêts autour de Saint-Pétersbourg pour être vendus en grande quantités aux collégiens et aux étudiants. Ces champignons provoquent une accoutumance rapide qui favorise le passage à la consommation des drogues dures recherchées par les trafiquants dans le but d’élargir leur marché. L’autre conséquence de cette toxicomanie massive parmi les jeunes et du développement de la consommation des drogues dures injectées est la propagation du SIDA qui prend des proportions importantes en Russie. Selon le professeur Vadim Pokrovsky du Centre scientifique méthodologique russe de lutte contre le SIDA, le nombre de personnes séropositives serait de 100 000 à la fin de l’année 1997, dix ans après la découverte du premier cas en Russie et de 500 000 un an plus tard. Toutes les régions, même les plus reculées de la Sibérie septentrionale, sont aujourd’hui touchées. On a recensé 2 000 malades du SIDA, parmi lesquels beaucoup de toxicomanes, ce qui signifie au moins 10 000 malades dans les faits, toujours selon le professeur Pokrovsky.
"Volonté politique"...contrecarrée par les lobbies
La création d’une Commission interministérielle de contrôle des drogues en 1994 avait été annoncée avec éclat. Présidée par un vice-Premier ministre, elle devait agir dans le cadre d’un plan quinquennal de renforcement de la lutte antidrogues. Mais la Commission n’a guère existé que sur les papiers officiels qui y font régulièrement référence. D’autre part tous les membres de la Commission n’ont pas été nommés et aucun budget n’a été affecté à son fonctionnement. Son premier président a été Sergueï Chakhraï, auquel a succédé Youri Yarov et aujourd’hui le vice-Premier ministre Victor Illiouchine. Le programme que la Commission était censée mettre en oeuvre avait tout de même été élaboré. Il englobait la plupart des aspects de la question des drogues prévoyant même la création de cliniques spécialisées et de structures d’accueil pour les enfants. Rien de tout cela n’a vu le jour. Pas même la loi qui est pourtant prête depuis plus d’un an sur "La circulation légale et illégale de narcotiques". Le parlement est sans doute peu pressé de se lancer dans l’examen d’une loi issue de réelles réflexions, notamment de médecins, qui soulèvera controverses, accusations et intenses lobbying. En attendant, la seule activité antidrogues est celle des organes répressifs de l’Etat qui "expédient les affaires courantes".
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