RENCONTRE AVEC LA COORDINATION DES ASSOCIATIONS VITROLLAISES (CAV)
Maison des syndicats - 27 novembre 1997
Il se dégage de la rencontre le sentiment qu’il y a véritablement une " résistance " à Vitrolles, à travers le milieu associatif qui se bat pour chaque pouce de terrain et sait travailler en concertation, chacun selon sa spécificité. L’expression citoyenne est donc essentiellement associative et il ne faut pas occulter la faiblesse des structures politiques locales.
De son côté, la municipalité FN utilise les mêmes moyens que dans les autres villes : jouer le pourissement des situations générant les conflits, satisfaire immédiatement les besoins de proximité (propreté, voierie), en flattant l’individualisme au détriment de l’intérêt général, développer le sécuritaire, passer des messages forts sur l’immigration et les jeunes par des rejets-boucs émissaires visibles et médiatisés, attaquer les associations culturelles, substituer l’action d’une association proche du FN, Fraternité française, à celle des structures sociales habituelles, développer le discours et la pratique de la préférence nationale.
La résistance structurée autour des activités culturelles, des Droits de l’homme et maintenant d’un centre social, ainsi que la volonté du FN local d’agir vite et par affrontement direct médiatisé, renforcent l’effet vitrine de Vitrolles par rapport aux autres villes gérées par le FN.
Ces effets ont pour conséquence un soutien de la population, de part et d’autre. Soutien à la résistance et aussi à la municipalité. C’est ce qui fera peut-être basculer la ville lors des prochaines élections, si le champ politique est réinvesti par les organisations politiques, et si la Préfecture et le Conseil général apportent un réel soutien et sont intraitables sur le respect des principes républicains.
Contrairement à ce qui se passe dans d’autres villes à municipalité FN, la situation est visiblement très conflictuelle. Mais de ce fait, elle exprime la volonté de résistance, ce qui est finalement porteur d’espoir pour le futur, si les Vitrollais ne sont pas abandonnés à eux-mêmes ...
Voici l’essentiel des interventions de la CAV
Présents : la Courte échelle, Léo-Lagrange, MRAP, Ras l’Front, La Charrette, LDH, SOS Racisme, CFDT communaux, Les Verts (Vitrolles - Aix), Mouvement démocratique vitrollais (MDV), F MJC, PRG, Les Pins Services (régie de quartier), UL CGT, LCR, PCF.
La CAV est fondée en avril 1997 par quarante associations qui se donnent pour objectifs de se doter de locaux et de moyens indépendants de la municipalité FN et de défendre les intérêts et les valeurs du mouvement associatif. Elle organise des actions quotidiennes sur le terrain. Des réunions mensuelles permettent la mise en commun d’informations et la préparation d’initiatives unitaires (manif du 1er Mai, actions de soutien au Sous-Marin, fête de la Musique, grand pique-nique de la Solidarité...).
Si la présence du couple Mégret joue un rôle médiatique incontestable, l’homme-clé est M. Fayard, premier adjoint. C’est la résistance quotidienne au coup par coup qui nous accorde une couverture médiatique. D’où l’importance de la circulation de l’information entre nous et la promptitude des réactions dans l’unité. Mais nous commençons à nous essouffler.
Faut-il pratiquer une politique de la terre brûlée ou résister en réinvestissant le champ social ? Nous sommes en campagne électorale depuis 1992, nous avons le sentiment d’un lâche abandon des politiques. Ils ont abandonné le travail de terrain, seules les associations l’ont assumé. Vitrolles a été vendue au FN par une désastreuse politique de la ville. Les choix municipaux (télé-surveillance, réorganisation des cantines scolaires...) datent d’avant le FN, droite et gauche sont responsables. Les choix nationaux (politique de l’immigration, loi sur la nationalité) pèsent sur la vie politique locale. Aujourd’hui nos relations avec les élus de gauche sont cordiales mais sans plus. Nous portons un sentiment profond de culpabilité qui pèse sur nous de l’extérieur. Vitrolles est montrée du doigt.
On assiste à une lente destruction par la mise en place de la politique de préférence nationale.
La culture est devenue un point d’ancrage de la résistance. Mais les politiques ne mènent aucune action de terrain, rien n’est fait en termes de citoyenneté pour regagner la ville.
Ce sont les associations et quelques Vitrollais qui font tout le travail, et ils sont les premières victimes de la municipalité.
Les locaux municipaux sous convention ont été fermés aux associations, il vous faut convaincre les partenaires financiers de nous aider à rester sur Vitrolles. En particulier, le Conseil général pourrait nous permettre des engagements sur le long terme. Le non-renouvellement des conventions avec la municipalité FN a provoqué un affaiblissement et la fermeture des centres sociaux qui n’ont pu être compensés que par une croissance des interventions ministérielles. Faut-il que l’État se substitue à la carence du FN au risque de renforcer son image de bon gestionnaire ? Pourtant la persistance de l’activité dans les centres sociaux constitue des foyers de résistance indispensables.
Les deux thèmes majeurs de la municipalité FN sont sécurité et immigration. Mise en place des brigades d’intervention rapide et recrutement intensif de policiers municipaux provoquent des dérapages anti-jeunes et racistes. Des verrous sautent (affaire du lycée Pierre-Mendès-France : la secrétaire du lycée soutenue par son proviseur refuse d’inscrire ure élève d’origine maghrébine). Au prétexte de conditions sanitaires et de sécurité, la municipalité supprime les zones de stationnement pour les gens du voyage. La mairie ne délivre aucun certificat d’hébergement, les demandes de régularisations ou de naturalisations sont bloquées. S’ils ne peuvent appliquer légalement leur politique de préférence nationale, ils réussissent à contourner l’obstacle, notamment par leur politique du logement et l’action sociale. Les associations à caractère social disparaissent, faute de subventions, et sont remplacées par l’association Fraternité française. Nous demandons de l’aide pour que le préfet applique les lois. Nous préparons une exposition sur " Vitrolles et ses préjugés ", plusieurs réunions publiques et nous pratiquons la guérilla juridique. Mais il faut être réaliste. On intervient toujours à la marge face aux moyens de propagande de la mairie et à sa politique d’implantation dans les quartiers.
La première réaction du Conseil général a été de nous dire : " On va vous aider pour vous installer et vivre ailleurs ". Les associations ont choisi de rester car le FN se développe grâce à la destruction du lien social, par l’affaiblissement du tissu associatif jusqu’à sa disparition. La municipalité, en supprimant les aires de jeux, en diminuant les interventions de la voirie et des services d’entretien accentue encore les tensions.
Dix-neuf emplois ont été supprimés dans les régies de quartier. Un vrai danger apparaît dans l’implication du FN dans les associations qui acceptent malgré tout de collaborer.
Le FN mène aussi des actions symboliques comme débaptiser des rues, ou lancer une propagande néofasciste de récupération culturelle (Saint-Exupéry).
Plus de quarante cadres des services municipaux ont démissionné ou ont été licenciés, ils n’ont pas été remplacés, ce sont les élus FN qui occupent leurs fonctions et appliquent directement la politique municipale. Les pressions sur les salariés (insultes, cabales, harcèlement téléphonique) sont insupportables.
Les services municipaux sont privatisés. Il faut porter le débat au sein de nos propres associations et faire le lien entre notre statut de salarié, sa défense et le champ politique. Cela exige une formation des cadres et des militants sur le discours et la pratique du FN. Il n’y a plus d’encadrement dans la ville et il n’y a pas d’appel à candidats. La mairie préfère recruter à l’extérieur des proches du FN. Ainsi, elle cherche à recruter un directeur des services techniques. Le ministère de l’Intérieur peut s’y opposer si cette personne n’a pas les qualités requises, malgré la volonté politique de la mairie d’imposer un militant ou un sympathisant FN.
Préfecture et Tribunal administratif peuvent constituer des points de résistance essentiels. L’État doit imposer aux préfets l’exercice effectif de ses devoirs, nous avons le sentiment en ce domaine d’une politique attentiste.
Le MDV, créé quelques mois avant les élections de 1997 pour permettre " l’expression citoyenne dans une alternative politique de gauche " publie un journal, Tamtam, dont l’objectif est de passer de l’expression anti-FN à des propositions constructives, de réinvestir le terrain.
Le MDV est une véritable alternative politique, il permet à tous les citoyens de s’exprimer.
Ce qui a été dit sur les associations est vrai. Beaucoup ne sont plus subventionnées. Seules deux associations ont été aidées par le Conseil général des Bouches-du-Rhône.
Nous essayons de faire bouger les Vitrollais.
Pour le soutien au Sous-Marin, cela a marché. Il y a eu trois cents personnes au pique-nique du 1er Mai. On compte aussi sur un fort tissu associatif qui existait avant.
Le FN est apparu en 1985 et nous avons été trop lents au démarrage. Pour le FN, Vitrolles est une expérimentation qui vise la région tout entière. Localement nous sommes trop faibles, il nous faut des relais, une aide financière pour nous lier aux autres villes.
Pour le FN, Vitrolles est un enjeu national. La réponse des forces politiques n’est pas à la mesure de l’investissement du FN. Il faut se souvenir que la droite soit est restée neutre, soit a appelé à voter FN. On assiste à une incroyable progression des actes anti-jeunes, les gens se lâchent, des milices se constituent. Par exemple, on a vu des membres du FNJ dormir dans les locaux municipaux pendant la campagne des législatives : la police n’est pas intervenue.
Une partie de la population adhère aux principes de l’Ordre nouveau. Beaucoup de gens pensent ne pas s’être trompés. Il faut monter des contre-feux, pour le plaisir de vivre ensemble, pour la reconnaissance de la différence de l’autre.
Les gens ressentent le poids de la politique du FN, mais ils ne sont pas prêts à se mobiliser car ils font la comparaison avec l’ancienne équipe municipale. Il faut expliquer les failles de la gestion municipale du social : si la municipalité cesse de subventionner les associations, les centres sociaux et que le Conseil général se substitue à sa carence, où va l’argent ? Beaucoup de questions se posent. Qui finance les procès de la mairie ? Qui peut contrôler de l’extérieur les recrutements ?
Il y a eu cent quarante-cinq licenciés par la mairie, plus les dix-neuf de la régie de quartier. Cent personnes ont été embauchées. Ce n’est pas difficile, ceux qui gênent ou qui déplaisent sont remplacés. C’est ce qui s’est passé à la Maison de Quartier.
La municipalité a embauché trois contrôleurs, des bénéficiaires de RMI qui pratiquent en toute illégalité de véritables enquêtes policières. La mairie a embauché plus de quarante agents pour la police municipale qui constitue une agence de renseignements pour le FN. Il faudrait rechercher leur lien avec le DPS. Toutes les demandes effectuées auprès des CCAS sont renvoyées vers Fraternité française.
Douze associations bidons sont nouvellement subventionnées.
Il y a une volonté de privatiser des services avec reconcentration (passage de 15 grands services à 4). Le service technique n’existe plus, sauf pour les interventions rapides. Le service de ramassage des ordures ménagères sera bientôt privatisé. Il y a eu beaucoup de départs, mais aussi de grosses promotions internes, parfois surprenantes au vu des compétences requises. La préférence est toujours donnée aux militants ou aux sympathisants du FN.
Il est nécessaire de diffuser des informations précises budgétaires et financières sur la dilapidation des fonds publics. Les impôts locaux ont diminué de 0,1 % alors que le mètre cube d’eau a augmenté de 2 F.
Les gens sont trompés et ils ne le savent pas.
RENCONTRE AVEC DES LYCEENS DU LYCEE MENDES-FRANCE
27 novembre 1998
Une jeune lycéenne, dont les parents sont originaires du Maghreb, relate sa mésaventure au secrétariat du proviseur du lycée Pierre-Mendès-France de Vitrolles : " Avec la tête que tu as, tu ne vas pas t’inscrire en terminale ! "
La jeune fille raconte son combat, en vue du procès qui doit avoir lieu le 13 janvier. Un bus sera loué pour s’y rendre.
Une association de lycéens (FIDL) se constitue. Des professeurs se sont engagés aux côtés des élèves. L’action est plus facile au lycée Jean-Monnet.
Un voyage a été organisé du 24 octobre au 2 novembre en Allemagne, en Pologne et en Autriche pour aller " à la rencontre de l’Histoire, dans des camps de concentration ".
Un compte rendu a été fait au lycée.
Le FNJ n’intervient pas au lycée Jean-Monnet. Les élus FN se rendent aux conseils d’administration, escortés par la police municipale, et sont accueillis par des haies du déshonneur, formées par des élèves, des enseignants et des parents d’élèves, qui leur tournent le dos.
Au lycée Mendès-France, la cafétéria a été fermée.
Le combat est quotidien et souvent isolé. Peu de lycéens se mobilisent, la FCPE n’est plus présente dans le lycée.
Il y a aussi des problèmes avec les ramassages scolaires (deux élèves du lycée Jean-Monet refusées par un chauffeur).
Les lycéens semblent désemparés, peu encadrés, peu conseillés, même si des professeurs s’investissent dans leur combat.
Rapport du Comité national de vigilance contre l’extrême droite
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