1 - SORTIR DE L’ISOLEMENT

À l’issue des entretiens qu’il a eus à Orange, Vitrolles, Marignane, Toulon et Nice, le Comité National de Vigilance a essentiellement relevé le sentiment d’isolement ou d’abandon exprimé par les collectifs locaux ou les associations.

Leur travail s’effectue dans des conditions modestes et quasi clandestines, qui font penser à des réseaux de résistance cachés au cœur de zones occupées.

De ce point de vue, la généralisation, l’extension des comités locaux et départementaux de vigilance partout en France dans le courant de l’année 1998 est une première réponse. Elle devrait permettre un décloisonnement des comités les plus impliqués dans la lutte contre l’extrême droite, avec la mise en place de liens d’informations et d’échanges sur l’ensemble du territoire national.

L’organisation à l’automne 1998 des Assises nationales des comités locaux de vigilance contre l’extrême droite devrait être l’occasion de structurer davantage l’ensemble de ces réseaux avec des moyens qui restent en partie à définir.

2- FAIRE EVOLUER LES SITUATIONS POLITIQUES LOCALES

Le reproche majeur formulé par les interlocuteurs locaux concerne le personnel politique.

À Orange et Vitrolles, on en dénonce la médiocrité. À Marignane et Nice, on en regrette l’absence. À Toulon, on vit encore l’effondrement du système Arreckx.

Les demandes s’adressent surtout aux sièges nationaux des partis politiques " faites le ménage, renouvelez les élus, tapez du poing sur la table, venez sur place vous rendre compte ", etc.

On retrouve dans ces propos à la fois beaucoup d’amertume, voire de colère, à l’encontre des anciens élus, de droite ou de gauche, mais aussi beaucoup de désillusion ou de désespoir pour l’avenir.

Les interlocuteurs, notamment ceux structurés en collectifs, n’attendent plus rien de particulier des partis politiques traditionnels et s’organisent ou se présentent même en alternative politique et citoyenne locale.

Si la démarche des collectifs locaux a toute sa légitimité en raison du contexte politique particulier à chacune des villes visitées, le Comité national de vigilance n’en appelle pas moins les directions nationales des partis politiques qui en sont membres à se pencher sur le problème de leurs représentations locales, et à veiller à ce que la préparation politique des municipales de 2001 fasse l’objet d’une attention et d’un suivi plus importants.

3 - OBTENIR UN VERITABLE SOUTIEN DE L’ETAT, DES COLLECTIVITES ET DES ADMINISTRATIONS

Dans l’énoncé des diverses exactions, des dérives ou des attaques menées par les municipalités FN, revient souvent le reproche d’un attentisme des administrations, voire d’une connivence.

L’État est appelé à maintes reprises à jouer son rôle d’arbitre, de garant de la légalité républicaine.

La réalité est parfois édifiante : hésitations, réticences d’un sous-préfet ici, attentisme d’un service social là, indifférence d’une municipalité voisine ou d’un Conseil général ou régional, difficultés relationnelles avec la police ou la justice, blocages de dossiers (embauches d’emplois-jeunes, demandes d’aides), lenteurs administratives ou mauvaise volonté manifeste.

Tous les exemples qui nous ont été cités, expliqués, développés, nous paraissent relever de dysfonctionnements plus ou moins graves.

Le Comité national de vigilance demande aux plus hautes autorités de l’État, au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur, au ministre de la Justice, au ministre des Affaires sociales, au ministre de la Culture, au ministre du Logement, au ministre de la Jeunesse et des Sports, au ministre de l’Éducation nationale, notamment de donner des instructions aux préfets et aux services déconcentrés afin que des enquêtes soit menées, des dossiers, en souffrance diligentés, des conseils juridiques ou administratifs prodigués, des aides accordées, afin que disparaisse le sentiment d’abandon ou de défection de l’État de droit, et pour que l’État républicain joue un rôle plus actif de défense et de riposte à toutes les actions menées par l’extrême droite.

Le Comité national de vigilance demande aussi au Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, aux Conseils généraux du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes, aux municipalités de ces départements, de mettre en œuvre une solidarité plus active à l’égard de toutes celles et tous ceux qui se trouvent démunis dans leur combat quotidien contre l’extrême droite.

Il s’agit souvent de demandes modestes et limitées mais qui conditionnent la survie des associations et des collectifs : subventions, conseils juridiques, comptabilité, aides et soutiens divers. Rien n’est négligeable, bien au contraire.

Le Comité national de vigilance demande à toutes les collectivités publiques comme aux organismes privés intéressés par les actions de résistance des collectifs du Sud-Est de les contacter directement pour leur proposer logistique. C’est aussi comme cela que se gagnent les batailles.

4 - INFORMER LES CITOYENS SUR LA VIE QUOTIDIENNE DANS LES VILLES A GESTION FN

Au-delà de ses actions d’information (assises des comités locaux, bulletin Vigilance lnfo, colloques, tribunes et interviews, manifestations ...), le Comité national de vigilance souhaite que les grands médias nationaux se penchent davantage sur les situations dénoncées par les associations et collectifs du Sud-Est.

L’attractivité médiatique des couples Mégret ou Le Chevallier doit être dépassée pour que de véritables dossiers d’information soient consacrés à la situation des personnels et des services communaux, des écoles et des cantines scolaires, des bibliothèques municipales, des lieux de culture, des centres sociaux, des centres de loisirs, des associations résistantes et des associations de collaboration, des pressions et violences verbales et physiques, des contentieux administratifs et judiciaires, qui sont autant de preuves à charge de la nocivité de la présence FN et de la gestion des collectivités publiques par l’extrême droite.

Pour que jamais on ne dise : " On ne savait pas ".

Rapport du Comité national de vigilance contre l’extrême droite