Après nos révélations sur les liens de l’association Positifs avec les milieux pédophiles d’extrême droite (notre dossier intitulé "Connexions dangereuses", Combat face au sida numéro 8), les réactions de nos lecteurs tranchent franchement avec la discrétion d’Ensemble contre le sida et de la Direction générale de la santé.
Si Combat face au sida n’avait pas présenté à l’appui de ses affirmations des documents irréfutables, on aurait peine à les croire. C’est, en substance, une réaction largement partagée par nos lecteurs, qui se scandalisent que des fonds publics - ou du public - soient versés à une association plus que douteuse, qui a développé pendant plusieurs années des liens étroits avec la revue pédophile Gay France, dirigée par des néo-nazis. Notre dossier a provoqué des débats dans plusieurs associations, où les ambiguïtés de Positifs et le contenu de son bulletin Sida Tout Va Bien avait depuis longtemps éveillé une grande méfiance.
Des lecteurs nous ont fait part de leurs consternations devant le silence des grands médias, alors même que les affaires de pédophilie défrayaient la chronique. Cependant, Thierry Meyssan a pu notamment dans France Soir et dans Le Monde dénoncer l’engagement des dirigeants néo-nazis de la revue Gay France, dans laquelle l’association Positifs a tenu, pendant plusieurs années, une rubrique sur le sida. Cette information a été largement reprise par la suite.
Ensemble contre le sida et la Direction générale de la santé n’ont pas réagi publiquement à notre dossier. Cependant, le directeur exécutif d’ECS, Hugues Charbonneau nous a déclaré : "Nous n’avions pas vos informations. Positifs est subventionnée depuis 1994. C’est un groupe qui a une voix un peu à part sur les traitements contre le sida. C’est cela qui nous intéresse. Nous ne pouvions pas dire que, sous prétexte qu’ils ne sont pas dans la voix officielle, nous ne les financerions pas. Sida Tout Va Bien est un journal un peu douteux mais je ne pense pas que nous puissions arrêter ce courant de pensée. Notre financement permettait à un journal alternatif de sortir. Le doute que cela pouvait mettre dans la tête de certaines personnes atteintes par rapport aux traitements leur permettait de se poser des questions."
Hugues Charbonneau nous a indiqué qu’un financement de l’ordre de 40 000 francs était en instance de paiement pour l’exercice 97. "Nous avons demandé à Positifs pourquoi paraître dans ce type de revue. Leur première réponse ne nous a pas paru satisfaisante. L’argument qui consiste à dire que le public de cette revue a aussi droit à une information ne nous satisfait pas du tout. Puis, Positifs nous a fait une réponse moins publique, qui condamnait la revue Gaie France, et qui indiquait qu’ils condamnent toute forme de pédophilie. Nous n’avons pas encore "digéré" cette réponse, qui sera soumise à la commission permanente du Comité associatif sida d’ECS à la rentrée. C’est aux associations de se prononcer pour savoir si nous allons continuer à financer Positifs."
Le directeur exécutif a indiqué que "si les éclaircissements apportés sont satisfaisants, ECS devrait continuer à financer le journal Sida Tout Va Bien". Il a cependant estimé que les associations seront sans doute "frileuses" sur ce dossier. Sur les connexions de Positifs avec Gaie France, revue pédophile, Hugues Charbonneau considère cependant que, "à partir du moment où nous aurions la certitude que Positifs a participé à Gaie France, nous ne pourrions plus les subventionner". En fait, le pseudonyme collectif des conseillers médicaux avait intégré l’ours de la revue fin 1993 - c’est à dire peu de temps avant le premier financement de Positifs par ECS. Il s’agissait bien d’une collaboration régulière et durable (voir ci-contre).
Du côté de la Division sida de la Direction générale de la santé, les financements prévus ont été suspendus. Avant toute décision, les pouvoirs publics entendent vérifier l’ensemble des éléments du dossier.
Au contraire, l’association Positifs a diffusé aux associations et aux institutions un long texte "Au sujet des graves accusations qui ont été portées dans un journal à l’égard de l’association Positifs" (daté du 16 juin). S’affirmant "bouleversée" à la lecture de notre dossier qui "affilie l’association Positifs à des milieux aux moeurs douteuses", "défendant des thèses d’extrême droite", elle s’efforce d’apporter des "explications" aux organismes qui subventionnent le journal Sida Tout Va Bien.
Concernant les aspects médicaux de "l’affaire Positifs", plusieurs médecins nous ont indiqué que la THA, dont Positifs s’était attachée à organiser la promotion, n’est en aucun cas un traitement contre le VIH et qu’il n’y a aucune recommandation officielle pour sa prescription à des malades du sida. Quelques témoignages sur des cas de patients suivis par le Docteur Maurisson au Centre médical Europe à Paris attestent que celui-ci ne leur prescrivait pas, ou fort peu et très tardivement, de traitements prophylactiques, malgré leur état (moins de 200 T4). Plusieurs d’entre eux ont débarqué mal en point dans des hôpitaux parisiens, les médecins s’étonnant qu’ils ne prenaient pas les antiviraux recommandés.
Ensemble contre le sida - dont le point de vue des associations qui participent à son Comité associatif gagnerait à être rendu public - et les pouvoirs publics vont-ils continuer à financer Positifs ? On est surpris d’avoir à poser cette question.
Gilles Alfonsi, Frédéric Chasseloup,Pierre-Louis Marger
L’infiltration néofasciste et néonazie dans la minorité gay
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