Demandes de dissolution du DPS

(Source : AFP, 28-03-97, 16-04-97, 23-04-97).


28-03-97 12h26 - Général - CONGRES-FN-POLICE

Le service d’ordre du FN sévèrement mis en cause par un syndicat de police

PARIS, 28 mars (AFP) - La Centrale unitaire de la police (CUP-S GP) a sévèrement mis en cause, vendredi, le service d’ordre du Front national (FN) qu’il a qualifié de "milice" qu’il "faudrait dissoudre si la preuve est faite que certains de ses membres sont armés

Au cours d’une conférence de presse au siège de la CUP, à Paris, Jean-Louis Arajol, le secrétaire général, a porté de sévères accusations contre le département protection sécurité (DPS) du FN, fort de 3.000 à 7.000 hommes "entraînés notamment au tir", selon lui et "disposant de moyens et d’un budget autonomes".

Le DPS, toujours selon le syndicat de police (représentatif), dispose en outre d’un "fichier des opposants au FN" pour lequel il demande une enquête officielle.

Le syndicat a réitéré ses appels à la "vigilance" avant le congrès du FN, ce week-end, à Strasbourg. Il a confirmé des informations syndicales policières ayant fait état, vendredi matin, de la présence de quelque 2.000 policiers et gendarmes mobilisés à Strasbourg.

16-04-97 16h29 - Général-Politique - FN-SECURITE-PS

François Hollande (PS) pour une dissolution du service d’ordre du FN

PARIS, 16 avr (AFP) - Le porte- parole du PS, François Hollande, interrogé sur les informations selon lesquelles le gouvernement envisagerait de dissoudre le service d’ordre du Front National a déclaré mercredi qu"’il faut une dissolution".

Au cours du point de presse à l’issue du bureau national du PS, M. Hollande a souligné que "ce service d’ordre a été plusieurs fois mis en cause et encore récemment à Strasbourg, où certains militants du FN se sont déguisés en forces de l’ordre, pour se livrer à une chasse à l’égard de ceux qui luttent contre ses thèses".

"On ne peut pas tolérer cela", a ajouté M. Hollande qui a souhaité que si l’enquête menée par I’IGPN (Inspection générale de la police nationale) et par les renseignements généraux "révèle ce que nous pouvons déjà savoir, c’est-à dire que le DPS du FN (Département protection sécurité) est quasiment militarisé et attentatoire aux libertés, il faut qu’il y ait une dissolution".

16-04-97 16h3l - Général-Politique - FN-SECURITE-PRS

Le Parti radical socialiste demande la dissolution du DPS du Front national

PARIS, 16 avril (AFP) - Le Parti radical socialiste (PRS) a demandé, mercredi dans un communiqué, au ministre de l’intérieur Jean-Louis Debré de "dissoudre sans délai" le Département Protection Sécurité (DPS), service d’ordre du Front national.

Le PRS, présidé par Jean-Michel Baylet "dénonce l’organisation para-militaire et les méthodes factieuses de ce groupement de sécurité dont l’uniforme cherche à l’apparenter aux forces de police".

Le PRS souhaite que M. Debré se base "sur la loi de 1936 concernant les milices".

16-04-97 17hO7 - Général-Politique - FN-SECURITE-PS

Jean-Luc Mélenchon (PS) estime que Jacques Chirac a le "devoir de dissoudre" le FN

PARIS, 16 avr (AFP) - Jean-Luc Mélenchon, sénateur PS de l’Essonne et l’un des animateurs de la gauche socialiste, estime mercredi que Jacques Chirac "a le devoir" d’interdire le Front national, en vertu de la loi de 1936, et de la Convention de New York de 1966.

"Le ministre de l’intérieur envisage de dissoudre la milice du Front National en application de la loi de 1936 contre les ligues factieuses", déclare M. Mélenchon dans un communiqué.

"Il reste au ministre à lire le reste de cette loi telle qu’elle est rectifiée depuis 1972", ajoute M. Mélenchon qui précise "qu’en application de la Convention de New York de 1966 contre la discrimination raciale, la loi française prévoit que seront dissoutes toutes les associations qui, soit provoqueraient la discrimination, la haine ou la violence envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non- appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou à encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence".

"Cette décision, selon la loi, relève des obligations du président de la République", poursuit M. Mélenchon pour qui la dissolution du seul service d’ordre du FN serait une "demi-mesure" qui n’aurait "ni sens ni efficacité".

mh/sa

16-04-97 l8h52 - Politique-Général - FN-SECURITE

Mme Trautmann favorable à la dissolution du service d’ordre du FN

STRASBOURG, 16 avr (AFP) - Le maire PS de Strasbourg, Catherine Trautmann, s’est prononcé, mercredi, en faveur d’une dissolution du service d’ordre du Front national, le "Département protection-sécurité" (DPS).

"Le doute n’est plus permis sur le caractère de milice du service d’ordre du FN qui se révèle être un service de désordre national. Sa dissolution est une évidence politique", a affirmé Mme Trautmann dans un communiqué.

Mme Trautmann souligne qu’elle soutient la position de la Fédération autonome des syndicats de police (FASP) "qui avait interpellé le ministre de l’intérieur cet automne après les évènements de Monceaux-les-Nfines".

"Il y a eu depuis les incidents de Strasbourg avec l’interpellation de 4 militants du Front national dont un élu régional et trois membres du service d’ordre pour usurpation de fonction de policier", note le maire de Strasbourg.

Les quatre hommes ont été reconnus coupables et condamnés au lendemain du Xe congrès du FN à Strasbourg à un an de prison avec sursis.

Le gouvernement envisage de dissoudre le DPS, le ministre de l’intérieur, Jean-Louis Debré, attendant les résultats d’une enquête effectué par I’IGPN (Inspection générale de la police nationale) et par les Renseignements généraux.

Les policiers visionneraient actuellement des cassettes vidéo où l’on voit les membres du DPS casqués intervenir de nuit à Monceau-les-Nfines en novembre dernier.

23-04-97 1lh59 - Politique - FN-STRASBOURG

"Justice et Libertés" met en place un comité de vigilance départemental anti-FN

STRASBOURG, 23 avr (AFP) - Le collectif "Justice et Libertés", qui regroupe une centaine d’associations mobilisées contre le Front National en Alsace, a mis en place un comité de vigilance départemental anti-FN, a-t-on appris mercredi auprès de ses responsables.

Ce comité regroupe plusieurs associations du collectif dans l’esprit du Comité national de vigilance contre l’extrême-droite à Paris. Il vise, à l’approche des législatives anticipées, à riposter encore plus fermement sur le terrain "contre les méthodes et la propagande" du FN.

Par ailleurs, "Justice et Libertés" a lancé une pétition réclamant l’interdiction du service d’ordre du FN, le DPS (département protection-sécurité) et en particulier de sa branche UMI (unité mobile d’intervention), car "on ne peut accepter que les milices du FN fassent la loi dans les rues", selon les initiateurs de cette pétition.

"Justice et Libertés" avait initié avec deux autres collectifs bas-rhinois la grande manifestation anti-FN du week-end de Pâques à Strasbourg qui avait réuni 50.000 personnes.


Demande de dissolution du DPS

(Source : Le Figaro, 24-05-97)


1 700 "bénévoles" assurent sa sécurité

FN : POLEMIQUE SUR UN SIMPLE "SERVICE D’ORDRE"

Un syndicat de police y voit plutôt une "milice" et demande sa dissolution

Le service d’ordre du Front national est-il une "milice politique" dont les agissements contredisent la loi de 1936 sur les groupes de combat ? Certains policiers estiment que le Département protection sécurité (DPS) du parti de Jean-Marie Le Pen n’est pas une simple organisation de militants destinée à assurer la sécurité lors des réunions, mais un véritable groupuscule paramilitaire. Un syndicat policier suggère purement et simplement son interdiction.

Jean-Louis Arajol, le socrétaire général de la Centrale générale de la police (SGP-CUP), qui vient à nouveau de diffuser un communiqué en ce sens, affirme : " Tous les partis ont des services d’ordre mais la DPS est différent. C’est une société autonome qui dispose d’un budget propre, qui possède un fichier des opposants au FN." Le SGP- CUP compte apparemment exploiter ce qu’il appelle " l’ambiguité juridique " du DPS pour demander sa dissolution.

Les membres du DPS ne s’entraînent pas seulement au tir, poursuit Jean-Louis Arajol, ils portent des uniformes paramilitaires et sont formés à la répression des émeutes. Souvenez-vous de leurs boucliers contre les manifestants à Montceau-les-Mines. Souvenez-vous aussi des quatre agents du DPS qui avaient prétendu être des policiers pendant la congrès du FN à Strasbourg. C’est un danger pour la République. Nous avons fait la ménage en récusant le syndicat FN Police. Que Jean-Louis Debré on fasse autant à s’on niveau. Contacté par Le Figaro, Bernard Courcelle, l’ancien parachutiste qui dirige le DPS réplique : " Ce sont les fantasmes bien connus d’Arajol. Nous dissoudre ? Mais nous ne sommes même pas une association. Nous faisons partie intégrante du FN , les hommes sont des volontaires bénévoles. Alors qu’au RPR et à l’UDF ce sont souvent des policiers d’active en civil qui portent leur arme de service et leur carte de circulation, et qui sont payés 1 500 F par jour en liquide. Est-ce mieux ? "

" Disponibles pour servir "

Le SGP-CUP a réclamé une enquête au ministère de l’intérieur. Dans l’entourage de Jean-Louis Debré, on indique toutefois qu’aucune procédure de dissolution n’a été lancée". Notre source ajoute " Le DPS n’a pas d’existence juridique, il ne peut donc pas étre dissous." En revanche, une vingtaine de responsables départementaux du DPS ont été contactés par les Renseignements généraux dans le cadre d’un complément d’information demandé par le ministre de l’intérieur après la parution de nombreux articles de presse.

Fort de 1 700 membres réguliers et d’un réservoir potentiel de 3 800 autres " immédiatement badgeables ", le DPS a vu le jour au début des années 80 sous le nom de "disponibles pour servir". Selon son patron, il comprondrait des unités mobiles d’intervention (UMI) spécialement chargées de contenir les manifestants anti-FN et de protéger les élus du FN lorsqu’ils se déplacent. Ces unités étaient intervenues le 26 octobre 1996 à Montceau-les Mines sur ordre du secrétaire général du Front national, bruno Gollnisch. Ses hommes étaient vètus de treillis bleu marine CRS, de casques à visière en plexiglas, de boucliers rectangulaires en polycarbonate et de bombes lacrymogènes, le tout " acheté individuellement par les volontaires eux-mèmes ", tient à préciser Bernard Courcelle.

La loi du 10 janvier 1936 impose la dissolution de tous les groupes qui "provoqueraient des manifestations armées dans la rue " ou qui, " en dehors des sociétés de préparation au service militaire, présenteraient la caractère de groupes de combat ou de milices privées ". Sont également prohibées les associations "appelant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe, en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée".

Stéphane MARCHAND


Demande de dissolution du DPS

(Source : Libération, 13-11-97)


DISSOUDRE ? MISSION QUASI IMPOSSIBLE

Plusieurs syndicats de policiers demandent la mise hors la loi du DPS.

Evoquée au printemps, la dissolution du Département Protection Sécurité, le service d’ordre du FN, pourrait revenir à l’ordre du jour. Mis en examen pour "violences en réunion" et "injures publiques" pour avoir agressé une candidate PS, Annette Peulvast-Bergeal, en mai à Mantes-la-Jolie, Le Pen sera jugé le 20 novembre par le tribunal correctionnel de Versailles.

Pour l’occasion, le FN sonne la mobilisation générale. Des tracts appellent les militants à venir soutenir leur leader dans sa "résistance face à l’oppression" et le secrétaire général, Bruno Gollnisch, lance dans un journal interne : "Ce procès est une infamie politique et unemonstruosité juridique ( ... ), nous ne nous laisserons pas faire ! Tous avec Jean-Marie Le Pen ! Pour leur faire entendre le juste courroux du Peuple de France". De quoi réveiller le ministère de l’Intérieur.

En avril, au lendemain du Xe congrès du FN à Strasbourg, une rumeur circulait déjà : Jean-Louis Debré, alors ministre de l’intérieur, aurait reçu un rapport de l’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale (la police des polices) et des Renseignements généraux proposant la dissolution du DPS en Conseil des ministres. François Hollande, porte- parole du PS, plaidait alors pour la dissolution en jugéant le DPS "quasiment militarisé et attentatoire aux libertés".

C’était aussi tombe sous l’avis d’un syndicat de police, le SGP-CUP. "A nos yeux, cette milice politique tombe sous le coup de la loi de 1936 sur les ligues factieuses, assure toujours Jean-Louis Arajol, son secrétaire général, les Directions centrales des renseignements généraux [ DCRG ] et de la police nationale nous avaient confirmé qu’une enquête était en cours. " La CUP est revenue régulièrement à la charge, notamment lors d’une audience en juillet avec le nouveau ministre de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement. "Le ministre nous a dit qu’il allait étudier sérieusement le problème, affirme Arajol, puis, plus rien. On a appris il y a quinze jours qu’il n’y avait eu qu’une enquête simple, sur un service d’ordre ordinaire, et rien de plus. Nous ne comprendrions pas que le nouveau gouvernement ne fasse pas cette enquête sur la dissolution du DPS et ne la rende pas publique, quitte à créer une commission d’enquête parlementaire comme sur le SAC", le Service d’action civique, en 1982. Secrétaire général d’initiative républicaine et ancien responsable de la Fasp (Fédération autonome des syndicats de police), Richard Gerbaudi réclame lui aussi la dissolution de cette "Milice qui recrute dans les stands de tir et les sociétés de gardiennage".

Les premières demandes de dissolution remontent à l’automne 1996, après que, "l’unité mobile d’intervention" du DPS, dotée d’un équipement semblable à celui des CRS, eut dispersé brutalement des militants anti-FN à Montceau-les-Mines. "Le commissaire de police avait reçu l’ordre de ne pas déployer de forces. Nous avons pris l’initiative de faire le nettoyage nous-mêmes", commentait alors Bruno Gollnisch ;

Au printemps, Jean-Louis Debré s’était en fait contenté de demander à la DCRG un rapport sur les débordements de Strasbourg. Trois membres du DPS avaient été condamnés à un an de prison avec sursis pour contrôles des identités en se faisant passer pour des policiers. Quant à l’éventuel rapport sur la dissolution du DPS, s ’il a jamais existé, il a disparu dans les déménagements.

Chevènement n’entend pas dissoudre, mais les éventuels débordements du DPS seront, eux, impitoyablement poursuivis, assure la Place Beauvau. La surveillance du DPS est elle-même devenue délicate depuis que les Renseignements généraux ont ordre de ne pas s’intéresser aux partis politiques légaux. Le seul moyen de travailler, explique un fonctionnaire des RG, c’est de surveiller les milieux extrémistes dans lesquels puise le DPS. Et de suivre tel skin qui va donner ponctuellement un coup de main au FN.

Des policiers motivés travaillent discrètement sur le sujet. Avec le risque que le FN, qui a des oreilles dans la Grande Maison, donne l’alerte et que la hiérarchie laisse choir les hardis fonctionnaires. Les policiers savent que le service d’ordre du FN s’équipe chez les fournisseurs du ministère de l’intérieur et savent à quoi ressemblent leurs grenades lacrymogènes et leurs pistolets à balles de caoutchouc. Ils connaissent aussi les stands de tir où ils s’entraînent et le nom du militant qui écoute les fréquences radio de la police. Mais rien de cela ne peut être consigné dans un rapport.

Le dernier obstacle est juridique : le DPS n’est pas une association et n’a pas de statut autonome. "On ne peut pas dissoudre une organisation qui n’existe pas légalement, souligne un enquêteur. Pour dissoudre le DPS, il faudrait dissoudre le Front national, et ça, c’est un autre problème".

R.D et F.J


Demande de dissolution du DPS

(source : Le Monde, 21-02-98)


ENQUETE SUR LE DPS, SERVICE D’ORDRE MUSCLE DU FRONT NATIONAL

Depuis 1994, le parti d’extrême droite organise méthodiquement son département protection sécurité, fort d’environ 1 700 membres. A ses côtés, prospèrent des groupuscules de militants et des skinheads. Des députés de la majorité souhaitent la création d’une commission.

FAUT-IL créer une commission d’enquête parlementaire sur le Département protection sécurité (DPS), le service d’ordre officiel du Front national (FN) ? Une soixantaine de députés, tous issus de la majorité, ont d’ores et déjà signé un texte, émanant du Réseau Voltaire, qui s’est fait une spécialité de la lutte contre les mouvements d’extrême droite et leurs débordements. Le Syndicat général de la police (SCP), majoritaire dans la région parisienne chez les gardiens de la paix, s’est associé à cette demande.

Il s’agirait de créer " une commission d’enquête de vingt-cinq membres pour faire toute la lumière sur les agissements et objets du groupement de fait dit "Département protection sécurité", et pour déterminer les protections et soutiens dont il a pu bénéficier ". Selon ses auteurs, l’initiative ne devrait toutefois pas aboutir avant les prochaines élections cantonales et régionales, les 15 et 22 mars.

Depuis l’arrivée officielle de Bernard Courcelle à sa tête, en mai 1994, le DPS a pourtant multiplié les efforts d’honorabilité. L’ancien parachutiste était celui qui allait mettre de l’ordre au sein du service d’ordre. Il a fait circuler une note à destination des membres du DPS, 1 700 environ, exigeant qu’ils ne compromettent pas le FN par leurs agissements. Il s’est efforcé d’écarter les éléments troubles les plus voyants.

Anciens militaires ou policiers

" J’ai viré des tas de cons incontrôlables, tous les skins, les néo-nazis qui venaient du PNFE [Parti nationaliste français et européen] ", revendique- t- il aujourd’hui. Il rappelle notamment que c’est grâce à son intervention que la police avait pu mettre la main sur les meurtriers de Brahim Bouraam, jeté dans la Seine, le 1er mai 1995, par des skinheads après le passage de la traditionnelle manifestation du Front national célébrant Jeanne d’Arc.

Bernard Courcelle a d’autre part favorisé le recrutement de " professionnels " de la sécurité, de préférence aux militants sans formation, dans les six zones géographiques délimitées pour l’organisation du DPS. Selon une source policière, dix-huit des responsables départementaux actuels du service d’ordre sont d’anciens militaires, gendarmes ou policiers.Dix autres viennent de la sécurité privée.

L’exemple du Maine-et-Loire illustre bien cette tendance.Le DPS a été placé sous la responsabilité d’un colonel de gendarmerie en retraite, agé de 59 ans. Le 12 décembre 1997, c’est à lui que le Front national avait confié la direction du service d’ordre pour la venue de Carl Lang à Poitiers. L’ex- officier avait envoyé au préfet de la Vienne un fax détaillant son dispositif, et le prévenant qu’en cas d’agressions de contre- manifestants il ferait dégager par la force !

"La priorité, c’est la gestion de la foule, la sécurité des meetings et des lieux", affirme Bernard Courcelle. "Ce n’est qu’après que vient celle de nos militants.Nous ne faisons pas de formation au tir ou au sports de combat, même si certains ont pu s’y adonner à titre personnel."Le patron du DPS réfute les témoignages qui contestent l’éta d’esprit irréprochable de ces bénévoles qu’il oppose aux "mercenaires", utilisés par les autres partis. Il met aussi en cause les "infiltrations" des Renseignements généraux, du PS, du PC, jusqu’au coeur de son service d’ordre.

Les exemples de dérapages, petits ou gros, sont pourtant nombreux, outre les graves incidents survenus à Strasbourg ou à Mantes-la-Jolie. Les membres du DPS ne sont pas toujours aussi respectueux de la loi que leur chef l’exige publiquement. Le 14 novembre 1997, plusieurs d’entre eux ont tenté de se soustraire à un contrôle d’identité, à Mende en Lozère. Un autre, connu pour être un ancien activiste néo-nazi, est soupçonné par la police d’organiser des entraînements au tir, officiellement interdits par Bemard Courcelle, dans une propriété familiale, en Ille-et-Vilaine.

Dans certaines régions, le DPS est toujours placé sous l’autorité d’individus qui ne sont pas que des spécialistes du service d’ordre. C’est par exemple le cas en Alsace, où il est dirigé par un ancien gardien de la paix, membre de la Fédération professionnelle indépendante de la police (syndicat d’extrême droite), âgé de quarante et un ans. Cet homme a, par ailleurs, été membre de l’Association de fidélité à la patrie alsacienne (HVE-Heimattreue Vereinigung Elsass), dissoute le 2 septembre 1993. HVE organisait des camps d’entrainement paramilitaire. Elle fut interdite, notamment en raison, est-il noté au Journal officiel, de " sa participation à des cérémonies pronazies célébrant les "combattants européens" sous l’uniforme allemand de la dernière guerre et à des rencontres avec d’anciens SS français ".

Militants en "civil"

Avec leurs blazers, les membres du DPS - des bénévoles, souligne Bernard Courcelle - sont aisément reconnaissables. Ils ne sont pourtant pas les seuls à assurer le service d’ordre des grandes manifestations du Front national. Concurrence ou complémentarité, On Y trouve aussi et toujours des gens moins "présentables", skinheads, militants du Front national de la jeunesse, ou encore Hell’s Angels. Ces intervenants non officiels se chargent de faire, éventuellement, le " sale boulot ". Il y a aussi les Unités mobiles d’intervention (UMI), créées en 1992 dans la région Provence-Alpes-Côte d’azur. Leur tenue et leur rôle les apparente à des agents de maintien de l’ordre.

Les hommes du DPS opèrent rarement seuls. Ils sont appuyés par des militants en " civil ", moins faciles à distinguer. Souvent, la confusion règne. Lors de l’échauffourée de Mantes-la-Jolie, pendant la Campagne électorale pour les législatives, par exemple, plusieurs contre-manifestants ont signalé leur présence, au cours des interrogatoires de police. Pascal Echegu à la fois plaignant et prévenu devant le tribunal correctionnel de Versailles, raconte l’intervention musclée d’hommes armés de matraques et de coups de poing américains. " La plupart d’entre eux étaient en tenue, dit-il mais ils étaient accompagnés d’hommes en civil, que nous avions repérés pendant la Campagne électorale ".

Malgré ses déboires judiciaires, le Département protection sécurité et son chef ne se sentent pas vraiment menacés d’interdiction. Devant cette Perspective, Jean-Marie Le Pen avait eu, en avril 1997, cette menace à peine voilée : " Il appartiendrait alors à chaque citoyen mis en danger d’assurer sa légitime défense. " En dépit des zones d’ombre, les renseignements généraux n’ont pour l’instant jamais préconisé la dissolution du DPS.

Pascal Ceaux


BRUNO MEGRET MET EN PLACE SA PROPRE GARDE RAPPROCHEE

Le DPS est le bras armé de Jean-Marie Le Pen. Il espionne Bruno Mégret et ses copains. " Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, auteur du livre "Le Front national, histoire et analyses", est catégorique. Le Département protection sécurité ne se limite pas à des tâches de service d’ordre. Il fait aussi du renseignement pour le compte d’un chef auquel il est personnellement dévoué, constituant au sein même du FN une sorte de police politique. A l’intérieur du groupe, ses membres traduisent parfois les trois lettres DPS par "Dépendre du président seulement".

Cette vocation pour le renseignement est ancienne. Elle remonte à l’origine du DPS, à l’époque ou il était dirigé par le capitaine Jean Fort, alias " colonel Janbart ", un ancien membre de l’OAS (Organisation armée secrète). Malgré les dénégations répétées de Bernard Courcelle, le département protection sécurité a pris pour habitude de constituer des dossiers sur des adversaires présumés du Front national. Le Canard enchaîné a révélé qu’il avait même bénéficié, un moment, de l’aide d’un inspecteur des renseignements généraux qui l’alimentait en informations issues des archives de son service.

Sur fond de rivalité politique de plus en plus affirmée entre Bruno Mégret et le président du Front national, le DPS peut-il vraiment rester neutre ? Bernard Courcelle, confirmé dans ses fonctions de responsable du DPS par Jean-Marie Le Pen, après l’affaire de livraison d’armes aux Tchétchénes, à laquelle il avait été mêlé, nie par avance, toute accusatio de partialité. " Nous n’avons pas vocation à travailler pour des chapelles, proclame-t-il aujourd’hui. Nous ne faisons pas de politique interne. Les gens du service d’ordre n’ont pas à subir les luttes de tendances. "

Cela n’empêche pas Bruno Mégret de constituer autour de sa personne un embryon de service d’ordre, bien distinct du SO officiel. Dans les grandes manifestations,ou les importants déplacements électoraux, ce sont encore les DPS de la région dans laquelle il fait étape qui s’activent autour de l’officiel numéro deux du Front national. Mais lui-même a sa garde rapprochée. Elle rassemble principalement d’anciens membres du Groupe union défense (GUD), dont certains l’aurait rejoint à la mairie de Vitrolles (Bouches-du-Rhône), tel cet ancien activiste néo-nazi qui s’est récemment installé à l’Hôtel de Ville, comme enquêteur social pour la municipalité. Plusieurs d’entre eux, dont Patrick Bunel, le responsable des services de sécurité de Vitrolles, ont d’ailleurs été mis en examen, après l’agression commise contre des routiers en grève dans la nuit du 4 novembre 1997.

P. Ce.


Demande de dissolution

(source : Journal officiel)


ASSEMBLEE NATIONALE - Séance du 19 novembre 1997

Service d’ordre du Front national

M. le président. La parole est à M. Bernard Madrelle.

M. Bernard Madrelle. Monsieur le ministre de l’intérieur, dans une édition récente, le journal Libération a rapporté des déclarations attribuées à un membre du DPS, le département protection sécurité. Le quotidien affirme avoir vérifié l’authenticité des propos de son interlocuteur, un ancien militaire batpisé Dominique. Son témoignage indique que les membres du DPS sont des "frappeurs" et qu’existe en son sein une armée parrallèle, une petite légion. Cette structure militarisée comterait plus de 2 000 membres, dont beaucoup seraient armés et enfreindraient la loi sans état d’âme.

Plusieurs syndicats de policiers ont demandé la dissolution du DPS. Qu’entendez- vous faire, monsieur le ministre, à l’égard d’une organisation qui nous rappelle les heures sombres de notre histoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M.le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur .

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’intérieur . Vous avez raison M. le député, de souligner les débordements auxquels donnent lieu les agissements souvent provocateurs de ce prétendu service d’ordrese dénommant lui-même département protection sécurité.

Un député du groupe socialiste : des SS !

M. le ministre de l’intérieur . Il comporte en son sein des éléments au passé trouble, bien qu’il soit évidemment un peu plus clair à mes yeux.

Robert Pandraud. Pourquoi ?

M. le ministre de l’intérieur . Il entraine également derrière lui des activistes detype skinheads dont on a vu les débordements potentiels notamment le 1er mai 1995 quand un jeune marocain a été jeté dans la Seine. Chacun se remémore certains incidents qui se sont produits à Strasbourg ou à Mantes-la Jolie.

Je précise cependant que la loi de 1936 comporte, pour toute dissolution, des critères extrèmement précis et stricts et que, naturellement, cette loi ne peut être mise en oeuvre que sous le contrôle du juge.L’étude de ceprétendu DPS montre d’ailleurs qu’il en existe autant que de régions que de départements.

La meilleure manière d’agir, selon moi, est de réprimer énergiquement tout débordement, tout délit, toute infraction sans aucune faiblesse.

Jean-Michel Ferrand. c’est la moindre des choses !

M. le ministre de l’intérieur . Il faut rappeler que le port d’armes illégal est...

Plusieurs députés du groupe RPR et du groupe UDF. Illégal !

M. le ministre de l’intérieur . Bien entendu interdit. (rires et exclamations sur les bancs du groupe RPR et du groupe UDF) J’ai dit bien entendu !

Encore faut-il le sanctionner.

Il convient de rappeler également que toute ressemblance entretenue avec les uniformes ou les équipements de la police nationale tombe sous le coup du code de procédure pénal et que chaque délit, chaque infraction, chaque manquement à la loi doit être énergiquement réprimé.


ASSEMBLEE NATIONALE - Séance du 2 mars 1998

Sécurité publique

(Sécurité des biens et des personnes- front national - service d’ordre)


8064. - 22 décembre 1997. - M. Daniel de Boisserie appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les agissements du service de sécurité du Front national, le département protection sécurité. Cette milice a été partie prenante dans plusieurs incidents particulièrement graves comme ceux de Mantes-la-Jolie au printemps de 1997 ou de Montchanin-Le Creusot. De nombreux reportages télévisés ou d’articles parus dans la presse ont démontré que ce groupe paramilitaire bénéficie d’équipements similaires à ceux des compagnies républicaines de sécurité ou des compagnies de gendarmerie mobile, créant ainsi une réelle confusion -dans l’esprit de nos concitoyens. L’utilisation dévoyée des valeurs de la République - liberté, égalité, fraternité - constitue notamment une menace pour les institutions. Compte tenu des lois du 10 janvier 1936 et du 1er juillet 1972 relatives aux associations ou groupements de fait qui provoquent la discrimination, la haine ou la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou à une religon déterminée, -il lui demande donc s’il entend prononcer la dissolution du DPS.

Sécurité publique

(Sécurité des biens et des personnes- front national - service d’ordre)

8118. - 22 décembre 1997. M. Georges Hage attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les agissements du service d’ordre du Front national. Condamnations judiciaires, témoignages de personnes agressées, reportages journalistiques, rapports établis par des services de l’Etat ou par désorganisations syndicales de police, nombreux sont les événements et les documents montrent que le DPS met en cause la démocratie et l’exercice lues, libertés républicaines, ce ui le rend passible de la loi du 10 janvier 1936. Il lui demande en conséquence si le Gouvernement a procédé à une enquête sur l’organisation et le fonctionnement de ce service d’ordre et les suites qu’il entend y apporter.

Réponse.

 L’honorable parlementaire attire l’attention du Gouvernement sur les incidents graves Provoqués par le " département protection sécurité" (DPS) et demande quelles mesures seraient susceptibles d’y remédier. La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices prévoit sept cas de dissolution administrative d’associations : celles qui provoquent les manifestations armées dans la rue ; celles qui ont le caractère de groupes de combat ou de milices privées ; et cin cas non pertinents en l’espèce, s’agissant de l’éventuelle dissol ution du &laqno;dé artement protection sécurité » du Front national. Pour répréhensibles qu’ils soient, les agissements du "départernent protection sécurité " n’ont pas, paru rassembler les critères exigés par la loi et la jurisprudence (Conseil d’Etat, 27 novembre 1936, La Croix de fer et Briscard) qu’ils puissent permettre de procéder à une mesure de dissourtiuorn administrative qui doit demeurer un acte exceptionnel. En particulier, les actions particulièrement condamnables de certains membres de ce département, qui sont incontestables, ne conferent pas à l’ensemble de l’ organisation le caractère de groupe de combat ou de milice privée défini par la loi. Les procédures judiciaires sont donc à privilégier. Le Gouvernement veille à ce que tout fait repréhensible dont se rendraient coupables des membres de ce service d’ordre donne lieu à des poursuites pénales. Cette organisation fait l’objet, en tout état de cause, d’une attention toute particulière.

Dossier du Réseau Voltaire

"Le DPS : une milice contre le République"