Les progrès accomplis, les avancées prévues
Le secteur de la formation professionnelle continue est un marché ouvert dans la mesure où seule une déclaration préalable d’existence, en tant qu’organisme de formation, auprès des services de l’Etat compétents est exigée. Toutefois, les dispensateurs de formation qui bénéficient d’un numéro d’enregistrement correspondant à cette déclaration d’intention sont soumis aux lois et règlements régissant leur activité (livre IX du code du travail). Ces organismes sont soumis au contrôle administratif et financier de l’Etat, exercé le plus souvent a posteriori par les contrôleurs et inspecteurs chargés du contrôle de la formation professionnelle.
Il est apparu nécessaire de renforcer les conditions d’accès au marché de la formation continue du fait du nombre croissant d’organismes souhaitant se déclarer comme dispensateur de formation mais ne réalisant pas concrètement une telle activité (entendue au sens des articles L. 900-2 et R. 950-4 du code du travail). Par ailleurs, certains de ces organismes sont sujets à des dérives diverses (fraude fiscale, détournement de fonds, escroquerie financière, pratiques ou liens avec des organisations sectaires...).
La circulaire du 25 mai 2000 a fort efficacement accru la vigilance par rapport aux organismes de formation susceptibles d’être infiltrés par des organisations sectaires. Les acteurs de la formation professionnelle et notamment les organismes paritaires collecteurs agréés, les fonds d’assurance formation ont été sensibilisés sur ce phénomène lors des demandes de prises en charge d’actions de formation, que ce soit au titre du plan de formation ou du congé individuel de formation.
Des dispositions d’ordre législatif en cours d’examen proposent de transformer la déclaration d’existence en une déclaration d’activité afin de permettre une meilleure lisibilité de l’offre et de la qualité de la formation. Il s’agit pour les services de contrôle, mais aussi pour les organismes financeurs, de mieux identifier la nature, la conformité et la réalité des prestations au regard du champ légal de la formation professionnelle.
Les organismes souhaitant se déclarer devront ainsi apporter la preuve, à l’occasion de la conclusion d’une convention ou d’un contrat de formation que leur activité s’inscrit bien dans ce cadre légal et réglementaire. Cette déclaration d’activité permettra de surcroît de mieux appréhender l’activité d’organismes qui concluent des contrats de formation avec des particuliers et de renforcer la protection des consommateurs.
Les services de contrôle pourront aussi déqualifier toute action liée à une convention ou un contrat de formation professionnelle, dès lors que celle-ci ne répondrait pas aux exigences législatives et réglementaires en vigueur.
En outre, ces services bénéficient d’une amorce de renforcement de leurs effectifs qui doit se poursuivre. Elle s’accompagne d’une optimisation de leur formation initiale et continue pour contribuer à renforcer l’efficacité de leurs interventions.
La vigilance doit se poursuivre et se renforcer, en raison de la complexité croissante des dossiers relatifs à la formation professionnelle auxquels sont confrontés les acteurs de la formation professionnelle : les services de l’Etat, les instances professionnelles et paritaires, les entreprises, les délégués du personnel, les comités d’entreprise et les associations concernées.
C’est ainsi que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la MILS étudient les termes d’une convention de partenariat pour partager réflexions et informations et concevoir ensemble des modes d’intervention visant à prévenir le risque sectaire tant au sein de l’établissement public administratif que des publics qu’il accueille.
Des organismes paritaires collecteurs agréés, des fonds d’assurance formation ont été sensibilisés au phénomène sectaire lors des demandes de prises en charge d’actions de formation, que ce soit au titre du plan de formation ou du congé individuel de formation.
Cet effort sera poursuivi pour informer sur les dérives qui peuvent survenir, qu’elles relèvent de la simple action ne relevant pas de la formation professionnelle continue ou mettent à jour des dérives plus graves (fraude fiscale, détournements de fonds ou d’objet, escroquerie financière ou mentale, pratiques sectaires...). Certains vecteurs favorisent le risque d’implantation sectaire ou ces dérives. Ils révèlent souvent une activité autre que celle de formation professionnelle ou des infractions au droit de la formation professionnelle (publicité, démarchage, transparence comptable, informations des stagiaires...).
Des programmes de formation dont la diversité et les supports se sont accrus avec les technologies de l’information et de la communication ont mis cet aspect particulièrement en lumière. Les principaux vecteurs répertoriés concernent des actions qui visent des objectifs et démarches de développement (ou de confort) personnel, des objectifs et démarches thérapeutiques ou spirituelles. Les deux catégories se rejoignent souvent dans les différents cursus qui sont proposés ou s’imbriquent entre eux.
Les actions sont souvent organisées le week-end, lors de sessions estivales, pour des périodes très courtes organisées sous forme de séminaires, conférences, dans des hôtels par exemple ou a contrario pour des séjours de longue durée (de une à quatre années). Les séjours de longue durée font appel à des conditions d’accueil, d’hébergement et de restauration qui visent à influer sur les facteurs émotionnels (chaleur de l’accueil, nourriture végétarienne, ashrams, lieux calmes et isolés, parfois réputés lieux historiques...).
La durée de ces cycles et cursus permet fréquemment d’accéder à des titres et diplômes, le plus souvent non reconnus par les instances administratives et professionnelles françaises. In fine sont parfois proposés des contrats d’association (création de cabinets privés....). Le prosélytisme, la publicité mensongère ou non conforme aux textes en vigueur, sont aussi très souvent utilisés (références d’ouvrages, livres, poursuite des cursus pour devenir praticien, octroi de financements...).
Ces actions présentées comme stages de formation continue s’adressent à tous les publics et les mélangent (professionnels au sens large, étudiants, personnes individuelles, salariés d’entreprise) sans véritablement distinguer, ni préciser les pré-requis attendus des stagiaires. Très souvent, ces actions sont sans lien direct avec l’acquisition de compétences professionnelles, le maintien d’une qualification reconnue et font parfois appel à des tests ou à des bilans à caractère personnel sans lien avec les compétences visées dans le module de stage. Enfin, la présentation des programmes de formation utilise fréquemment des néologismes, un charabia pseudo scientifique ou pseudo conceptuel, une pensée univoque, un discours abscons ou ésotérique, des méthodes indigentes, mais bardées de certitudes.
Ces caractéristiques nécessitent que les autorités administratives et professionnelles compétentes renforcent leurs outils méthodologiques pour accroître l’efficacité des services face à ces situations, en évitant l’écueil d’un amalgame systématique entre des professions reconnues ou admises, des techniques acceptables en elles-mêmes, et des dérives à caractère sectaire.
Les formations initiales et continues dans le domaine de la Santé et le Secteur médico-social : quelques exemples concrets
Il semble utile de décrire de manière très pratique quelques offres de formation susceptibles de donner lieu à des dérives sectaires. De nombreuses formations sont présentées comme s’adressant aux professionnels de santé, aux travailleurs sociaux, aux éducateurs ou aux enseignants. Les titres et certificats professionnels annoncés - psycho-relaxologue, kinésiologue, sophrologue, praticien en toucher d’éveil - créent la confusion en s’inspirant du registre des professions de santé et de différentes activités de soins.
S’il peut certes exister une demande magique de la part de candidats à la formation professionnelle, une prestation de formation régie par l’éthique doit ne pas répondre à cette attente.
La formation initiale n’est pas exempte de risques
S’agissant des formations initiales, le contenu en est défini par voie réglementaire dès lors que la profession est réglementée. Il incombe aux pouvoirs publics et aux écoles de formation initiale de veiller tant au contenu qu’aux conditions de délivrance des enseignements.
La MILS a appelé l’attention sur le risque que comportent certaines bibliographies conseillées aux étudiants des instituts de formation en soins infirmiers. Les difficultés suivantes ont été identifiées. Les soins proposés par l’enseignement peuvent ne pas respecter les principes de neutralité et de laïcité, l’état de faiblesse des patients peut être exploité, les diagnostics infirmiers inculqués aux élèves infirmières et infirmiers approcheraient sans légitimité la détresse spirituelle des personnes. De manière plus générale, le défaut de bases objectives, sinon scientifiques, a été constaté à l’analyse des contenus.
Quelques exemples de formation continue
Les promoteurs de la synchrothérapie, parfois appelée "Hemisync" la présentent comme une "méthode psychothérapeutique, combinant l’état de conscience modifié d’une personne avec l’application de techniques diverses, telles que l’analyse transactionnelle, la programmation neurolinguistique, l’hypnose éricksonienne, l’analyse jungienne...".
Cette pratique additionnant diverses techniques a pour conséquence des changements radicaux de personnalité, des abandons de leurs études par de jeunes stagiaires, des ruptures avec l’environnement habituel. D’autres éléments sont à prendre en compte, notamment des séjours coûteux en Amérique du nord proposés sous l’appellation de formations, l’implantation internationale du mouvement comportant des organisations relais installées dans des paradis fiscaux, de manière à assurer l’opacité des flux financiers.
Parmi les offres de développement personnel, une entreprise disposant d’implantations au Canada, en Suisse, en France... et se présentant comme "école de vie pour un mieux-être" propose à la vente des ateliers, des formations professionnelles, des produits pour aider à découvrir et réaliser son plein potentiel. Un atelier intitulé "Apprivoiser les peurs" évoque des méthodes de gestion du stress et de l’angoisse. Il y aurait lieu de s’interroger sur la mise en œuvre d’une telle méthode auprès de personnes présentant des affections telles que l’agoraphobie, des crises de panique. Un atelier "Métaphysique des malaises et maladies" présente une méthode comportant des éléments de diagnostic. Certaines formations ne sont vendues que sur vidéocassette. Des livres pour enfants, des agendas, des jeux de cartes révélant les "obstacles au bonheur" et suggérant des pistes de "retour sur la route du bonheur" complètent la gamme de produits. Il ressort des témoignages et documents dont dispose la MILS que cette entreprise de formation semble couper des personnes fragilisées de leur entourage familial et social, et vise notamment à aliéner leur patrimoine à son profit.
La sophrologie est source de nombreuses interrogations. On se bornera à constater que maintes offres de formation créent la confusion en proposant des titres tels que "sophrologue clinicien", "sophrologue de l’éducation et de la prévention" Ces appellations s’inspirent du titre de psychologue, titre dont la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 fixe l’usage, et qui peut être accompagné ou non d’un qualificatif, le plus souvent "psychologue clinicien", des notions d’éducation à la santé, et de prévention sanitaire. Or, les titres de "sophrologue clinicien", de "sophrologue de l’éducation et de la prévention"ne sont ni homologués ni reconnus.
Au nombre des débouchés commerciaux de la sophrologie, peuvent être recensées des formations de professionnels de santé, parfois des formations d’enseignants qui s’improvisent ensuite psychothérapeutes, des préparations à l’accouchement affichant une dimension spirituelle et des formations en entreprise.
Les tenants du libre commerce spirituel, de l’offre symbolique transnationale, objecteront aisément que les lignes qui précèdent dressent un tableau défavorable à partir d’exemples extrêmes et peu représentatifs. La MILS s’en tiendra donc à quelques questions.
Une formation de quatre ou cinq jours destinée à des cadres dirigeants et comportant en produit d’appel la prestation d’une sophrologue, dont le contenu est remarquable par sa vacuité, justifie-t-elle son coût pharaonique ? Si les tarifs pratiqués révèlent aisément la dimension lucrative de la chose, quelle est la dimension spirituelle, commentée par une éminente sociologue des religions, du yoga ou de la sophrologie dans les préparations à l’accouchement ? La sophrologie constituerait parfois une technique adjuvante, utilisée essentiellement par des sages-femmes ou par des infirmières, dans le cadre du traitement de la douleur. Peut-on exiger que le traitement soit conduit par des professionnels de santé habilités dans le cadre d’un protocole de soins, que les malades ou leurs proches soient informés des techniques mises en œuvre ?
Les formations décrites ci-dessus sont souvent à la frange du sectarisme plus que véritablement sectaires et posent question quant à leur qualité et à leur pertinence. Une offre de formation peut faire problème par le contenu, les méthodes, les objectifs ... sans pour autant être formellement identifiable ou assimilable à un mouvement sectaire.
Il ressort de ces exemples qu’en matière de formation continue, c’est le rôle des acheteurs de formation de mettre en œuvre le nécessaire principe de précaution. Ils peuvent ainsi déterminer, après analyse préalable ou évaluation au retour des stagiaires, s’il convient d’accepter la prestation, d’en modifier les conditions et le périmètre, ou de l’écarter.
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