Présidence de M. Paul Quilès, Président

Accueillant le Général Philippe Mercier, le Président Paul Quilès a tout d’abord indiqué qu’il avait été chef du cabinet militaire du Ministre de la Défense de mai 1994 à août 1995, et qu’il était donc en poste au moment de la préparation et du lancement de l’opération Turquoise. Il a estimé que son intervention constituait un témoignage très utile et complémentaire d’autres témoignages, notamment en ce qui concerne les réflexions préalables sur la nature, la définition et le dimensionnement de cette opération. Il a également considéré que la mission entendrait avec intérêt son analyse de la situation au moment du retrait et de la relève des forces de l’opération Turquoise.

Le Général Philippe Mercier a confirmé qu’il avait effectivement été, dans la période évoquée, chef du cabinet militaire du Ministre de la Défense, M. François Léotard. Il a rappelé que le chef du cabinet militaire du Ministre participe à la gestion politico-militaire des crises, informe le Ministre de l’évolution de la situation ainsi que des options militaires préparées par l’état-major des armées et participe aux cellules de crise qui se tiennent au Quai d’Orsay. Il a fait observer qu’à l’époque, le chef de cabinet militaire participait au conseil restreint qui avait lieu sous la présidence du Premier Ministre.

Le Premier Ministre avait fixé de façon très stricte le cadre de l’opération Turquoise. Il voulait qu’elle ait lieu dans le cadre d’un mandat international, ce qui a été obtenu avec la résolution 929 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies du 22 juin ; il tenait à la participation d’autres pays, ce qui a été obtenu puisque sept contingents africains y ont participé ; il souhaitait que l’opération soit purement humanitaire ; il demandait que cette intervention soit limitée à deux mois, à l’issue desquels la MINUAR, présente sur le terrain, devait prendre la relève ; enfin il avait vivement insisté pour que l’engagement des forces françaises au Rwanda soit progressif, limité, et, pour chacune des étapes, contrôlé par les autorités politiques françaises.

Reprenant les termes de la résolution 929, le Général Philippe Mercier a précisé que la mission visait à mettre fin aux massacres partout où cela était possible, éventuellement par la force et qu’elle avait été placée sous le régime du chapitre VII de la Charte de l’ONU. Il a rappelé qu’au moment du déclenchement de l’opération Turquoise et à la demande du Gouvernement, il avait reçu deux représentants du FPR auxquels il avait expliqué les buts que poursuivait la France et les modalités selon lesquelles cette opération se déroulerait. Ces deux représentants n’ont pas été convaincus, bien que l’entretien ait duré plus de deux heures et qu’il ait répondu à toutes les questions posées.

S’agissant de l’opération, il en a souligné le caractère exemplaire à bien des égards, en raison non seulement de l’exploit technique consistant à projeter 3 000 hommes et 700 véhicules en plein coeur de l’Afrique en si peu de temps, mais de la façon dont le commandement de Turquoise a eu le mérite de définir le cadre réel de l’action et d’adopter une idée de manoeuvre conforme à ce que souhaitaient les autorités politiques. Il a relevé que l’opération se situait dans un cadre particulièrement inhabituel, sans connaissance de la portion du territoire rwandais sur laquelle elle s’engageait, qu’elle ne devait pas s’impliquer dans les combats, mais visait à protéger les populations, éventuellement par la force.

Le commandant de Turquoise a procédé, comme le souhaitait le Premier Ministre, de façon progressive, en effectuant des reconnaissances, puis il a choisi de créer " la zone humanitaire sûre sous protection Turquoise ". Les délimitations de cette zone avaient l’avantage d’être adaptées aux possibilités des forces et d’être vierges de tout affrontement militaire étant donné qu’aucune unité du FPR ne s’y trouvait. Mais, après avoir défini cette zone humanitaire sûre, le commandant de Turquoise a dû faire respecter son intégrité au plan militaire, en interdisant les tentatives d’incursions du FPR, au demeurant limitées, qui ont été soit contrôlées, soit contrées par les forces françaises.

Au-delà du plan militaire, l’opération visait à protéger les populations, à favoriser la reconstitution des services publics rwandais dans certaines zones, à extraire les personnels menacés, à distribuer l’aide alimentaire et à assurer la protection des camps.

Le Général Philippe Mercier a remarqué qu’à partir du 20 juillet, date d’un cessez-le-feu de facto du FPR, l’opération était devenue à dominante humanitaire, en liaison étroite avec les organisations non gouvernementales. Il a rappelé que les règles d’engagement et de comportement dans ce genre d’opération revêtaient une importance considérable et nécessitaient, sur l’ensemble du théâtre, une cohérence de comportement de tout le personnel, dans le respect de l’esprit de la mission. Malgré un cadre flou à tous les niveaux, chacun devait connaître les limites et les marges d’initiative qui étaient consenties. A cet égard, des dispositions très claires et très précises avaient été données sur l’attitude à adopter vis-à-vis des forces armées rwandaises, des forces du FPR et des milices.

Le Président Paul Quilès a fait observer que certains membres d’organisations humanitaires, comme le Docteur Bradol, entendu la veille, avaient considéré que l’opération Turquoise n’aurait pas dû être une opération humanitaire car le drame était d’une telle ampleur que le Rwanda avait besoin d’autre chose. Selon eux, une opération de neutralisation des auteurs du génocide et des assassins aurait été nécessaire. Il a alors demandé au Général Philippe Mercier ce qu’il pensait de cette thèse et de la situation qui prévalait au Rwanda au second trimestre 1994.

Estimant qu’en dehors des objectifs de recherche de la vérité, la mission avait certainement aussi une vertu pédagogique, M. René Galy-Dejean a jugé que les fantasmes apparus à propos du rôle de la France résultaient, dans de nombreux cas, de l’ignorance des faits ou d’une méconnaissance des problèmes, et que, par conséquent, il conviendrait de montrer que certaines idées méritaient d’être corrigées.

Il a rappelé que le Docteur Bradol, représentant de MSF, reprochait à Turquoise d’être restée " neutre " et considérait cette neutralité comme une erreur majeure.

Il a souhaité prolonger la question du Président en demandant au Général Philippe Mercier si l’opération Turquoise aurait dû, comme MSF paraissait le penser, empêcher totalement le génocide, c’est-à-dire désarmer les belligérants puisque le génocide était dû à la présence de factions armées, et occuper la totalité du Rwanda, village par village, quartier par quartier pour procéder à ce que le Président a appelé la " neutralisation " et qu’il a qualifié de " désarmement ". Il lui a également demandé, à condition que les règles internationales d’intervention dans un pays souverain le permettent, ce qu’aurait représenté l’interdiction du génocide en termes de moyens militaires dans les conditions d’occupation totale du Rwanda et de désarmement des belligérants qu’il venait d’évoquer ?

Le Général Philippe Mercier a tout d’abord estimé que la réponse, qu’il ne souhaitait pas esquiver, dépassait le cadre des responsabilités du chef d’état-major de l’Armée de terre, et même des armées dans leur totalité, puisqu’elle posait le problème du droit d’ingérence.

Il a considéré que, si la communauté internationale avait souhaité conduire une opération qui n’était pas seulement humanitaire, comme dans le cas de Turquoise, ni de maintien ou de rétablissement de la paix, mais d’imposition de la paix, il aurait d’abord fallu qu’elle s’en donne les moyens. Une telle opération dans un pays de petite taille au relief très tourmenté, où la densité de population est égale à celle de la Belgique, où il y a des maisons partout et où l’habitat est très dispersé, et dans la mesure où les combats et les massacres avaient lieu sur tout le territoire, aurait nécessité -en première analyse- au moins de 40 à 50 000 hommes. Il a ajouté qu’il était déjà un peu tard pour mettre fin aux massacres au moment où la décision a été prise et qu’il aurait fallu la prendre plus tôt, sans doute au mois d’avril.

Il a estimé que les ONG faisaient un mauvais procès en prétendant que l’opération Turquoise avait été neutre. Certes, elle l’a été dans son comportement, comme cela a été souhaité et décidé vis-à-vis du FPR, dans les cas où il ne cherchait pas à entrer dans la zone humanitaire sûre. Elle a été neutre vis-à-vis des forces armées rwandaises constituées, car c’était encore l’armée d’un pays souverain. Le contingent Turquoise n’avait pas les moyens de s’opposer aux mouvements des forces armées rwandaises. Mais tout ce qui était incontrôlé, quel que soit le parti d’appartenance, et tous les miliciens ont été désarmés. Les barrages ont été désorganisés.

Il a rappelé que si, dans les premiers jours de l’opération, le grand camp tutsi de Nyarushishi près de Cyangugu avait été sécurisé, c’est bien parce que la présence française y avait rapidement fait régner l’ordre. Les exemples de ce type ne manquent pas. Les instructions étaient très strictes quant à l’attitude à avoir envers tous les éléments incontrôlés, car il faut se souvenir de la position de la communauté internationale qui était extrêmement réservée à l’époque à l’égard de cette intervention humanitaire.

Il a fait observer que, lors de l’entretien avec les deux représentants du FPR, les questions posées exprimaient la crainte d’une opération " cheval de Troie ", ou d’une reconquête de Kigali, et que, malgré le rappel du mandat de la communauté internationale, ces représentants étaient persuadés qu’on allait faire la guerre chez eux, surtout en considération de l’arrivée d’équipements lourds. Il leur a expliqué que le mandat des Nations Unies prévoyait un " éventuel recours à la force ", dans la mesure où les FAR et les miliciens incontrôlés étaient armés, et où le FPR voulait entrer, également armé, dans la zone humanitaire sûre. Il a expliqué que la France avait une certaine expérience des interventions humanitaires avec le Cambodge, la Somalie et la Bosnie. Il a également rappelé que, dans les opérations humanitaires les plus désintéressées, qui constituent l’aspect nouveau de la gestion contemporaine des crises, les belligérants armés peuvent prendre à partie ceux qui agissent sur le terrain et qu’il est extrêmement difficile de faire face à ce type de situation. Le fait d’être armé ne traduisait pas une intention de reconquête du Rwanda.

M. René Galy-Dejean a souligné l’importance de la réponse fournie par le Général Philippe Mercier. Il a estimé que le Docteur Jean-Hervé Bradol devait savoir que pour obtenir ce qu’il souhaitait, et qu’il a reproché à la France de ne pas avoir recherché, il eût fallu envoyer au Rwanda de 40 à 50 000 hommes alors qu’il a été difficile de mobiliser 15 000 hommes pendant la guerre du Golfe.

Le Président Paul Quilès a rappelé, sans se faire l’avocat de personne, que le Docteur Bradol avait souligné que la France n’était peut-être pas le pays le mieux placé pour entreprendre l’opération Turquoise, que la communauté internationale aurait dû le faire et qu’il imputait à cette dernière la responsabilité de l’inaction face au génocide. Il a par ailleurs précisé que, lors d’un entretien téléphonique qu’il avait eu la veille avec M. Boutros Ghali, celui-ci lui avait indiqué qu’il ne pourrait pas venir devant la mission pour des raisons juridiques, liées au fonctionnement de l’ONU, mais qu’il était par contre prêt à lui donner par écrit des informations, dont certaines déjà fournies portent sur l’attitude des Etats-Unis et le blocage imposé à l’organisation mondiale. Une directive présidentielle américaine, appliquée pour la première fois lors de la crise rwandaise, expliquerait la non-participation américaine.

Il a fait observer que le refus d’engager une opération lourde relevait de la responsabilité de la communauté internationale, plus exactement de l’ONU et notamment des Etats-Unis qui ont bloqué les initiatives en ce sens, pour des raisons d’ordre psychologique et financier.

Le Général Philippe Mercier a rappelé que les Etats-Unis, à l’époque, sortaient de la crise somalienne et a estimé qu’ils mettront longtemps à vouloir s’intéresser de nouveau à des opérations de rétablissement ou d’imposition de la paix, ainsi que l’a bien montré leur engagement très tardif sur le théâtre de Bosnie-Herzégovine.

M. Jacques Myard a souligné que les critiques relatives à l’opération Turquoise ont été formulées de façon générale : " La communauté internationale n’a pas agi suffisamment, n’est pas intervenue, n’a pas neutralisé, etc. ". Rappelant que le Général Philippe Mercier avait indiqué que les forces françaises avaient sécurisé un camp tutsi, et même plusieurs, il a émis la suggestion que le rapport de la mission rappelle la chronologie diplomatique et celle de l’intervention des forces

M. Jean-Louis Bernard a souhaité avoir des précisions sur les membres du FPR que le Général Philippe Mercier avait rencontrés, leur niveau de responsabilités, les conclusions des entretiens et l’évolution de leurs convictions.

Le Général Philippe Mercier a indiqué qu’il ne se souvenait pas de leurs noms. Il s’agissait de représentants d’un bon niveau, âgés de 30-35 ans, comme dans l’équipe de Paul Kagame. Il avait trouvé des interlocuteurs extrêmement attentifs qui avaient posé des questions nombreuses et précises, allant toujours dans le sens précédemment indiqué : " N’avez-vous pas l’intention de reconquérir le Rwanda ? Ne venez-vous pas soutenir les forces armées rwandaises en débandade ? ". Il a souligné qu’à son avis, il ne les avait pas convaincus et a rappelé qu’il avait eu le sentiment qu’ils étaient repartis sceptiques.

M. Bernard Cazeneuve a souhaité savoir si les émissaires du FPR avaient demandé quelles mesures la France entendait prendre pour empêcher les massacres de Tutsis. S’interrogeant sur la position du FPR au moment de l’opération Turquoise, il a remarqué qu’il n’avait pas demandé d’action plus énergique pour éviter les massacres de Tutsis et qu’il semblait essentiellement préoccupé des incidences politiques que pourrait avoir notre intervention, plus que de son incidence humanitaire.

Le Général Philippe Mercier a indiqué que ce qui venait d’être dit lui semblait bien résumer la teneur de la conversation qu’il avait eue. Les préoccupations des représentants du FPR étaient avant tout politiques et il n’y a pas eu, de leur part, de demande de secours dans tel ou tel camp regroupant des Tutsis.

M. Bernard Cazeneuve a demandé des précisions sur la date de cet entretien.

Le Général Philippe Mercier a répondu qu’il lui faudrait vérifier. Il a rappelé que les massacres avaient commencé le 7 avril, que l’entretien s’était déroulé début juillet, au moment où se mettait en place l’opération Turquoise.

M. Bernard Cazeneuve a fait observer que les interlocuteurs du général Philippe Mercier s’étaient comportés en stratèges politiques et militaires, et a souhaité savoir si les considérations humanitaires qui auraient pu inspirer leur démarche, compte tenu de l’ampleur des massacres, avaient été ou non évoquées ?

Le Général Philippe Mercier a répondu que les massacres avaient été évoqués, mais qu’il n’y avait pas eu de demande ou de souci exprimé en matière de protection ponctuelle de tel ou tel camp.

M. Bernard Cazeneuve a considéré que les propos suivants auraient pu être tenus, même par des stratèges et des politiques : " Ne vous mêlez pas de la guerre ; laissez-nous franchir un certain nombre d’obstacles militaires pour arriver jusqu’à Kigali, mais partout où vous êtes, faites en sorte que les massacres ne se produisent pas, que les pertes humaines soient les moins nombreuses possibles ".

Le Général Philippe Mercier a souligné que ces considérations n’avaient pas été évoquées de leur part parce qu’il avait indiqué aux représentants du FPR que l’objectif de la France était bien de mettre fin aux massacres.

Le Président Paul Quilès a souhaité savoir de quelles sources d’informations le Général Philippe Mercier disposait en tant que chef de cabinet militaire du Ministre de la Défense et ce qu’il savait notamment de la situation des camps de réfugiés.

Le Général Philippe Mercier a indiqué que le cabinet du Ministre disposait des sources de la direction du renseignement militaire et des fiches quotidiennes, quelquefois biquotidiennes, établies par les forces sur le terrain, puis synthétisées par l’état-major des armées (EMA). Des informations complémentaires qui venaient des autres services de renseignements étaient traitées au niveau de la cellule de crise qui regroupe au Quai d’Orsay tous les ministères intéressés par la situation dans le pays considéré. Le cabinet avait en outre connaissance des options militaires que transmettait l’EMA. L’une des préoccupations principales de la direction du renseignement militaire et de l’état-major des armées était de connaître l’emplacement des camps les plus menacés puisqu’il s’agissait d’une mission humanitaire qui devait mettre fin à des massacres. Cela n’a d’ailleurs pas été très facile. Au cours de la première phase de reconnaissance, une carte plus précise des camps a permis de répartir les efforts des forces déployées dans les trois groupements au sein de la zone humanitaire sûre.

M. Bernard Cazeneuve a demandé des éléments d’information complémentaires sur les circonstances des massacres de Bisesero.

Le Général Philippe Mercier a répondu qu’il n’avait pas d’informations à ce sujet.

Le Président Paul Quilès a demandé, à propos de l’attentat contre l’avion présidentiel, si dans les semaines qui avaient suivi, le Général Philippe Mercier avait eu communication de documents ou d’informations particulières qui permettaient de privilégier telle ou telle thèse ?

Le Général Philippe Mercier a précisé qu’il n’avait pas eu communication de documents permettant de privilégier telle ou telle thèse. A titre personnel, il a estimé que la thèse d’un attentat commis par les forces armées rwandaises lui paraissait insensée.

M. Bernard Cazeneuve lui a alors demandé pourquoi cette thèse lui paraissait insensée et, par conséquent, pourquoi l’autre thèse, celle de la responsabilité du FPR, lui paraissait sensée ?

Le Général Philippe Mercier a considéré qu’il semblait insensé pour les forces armées rwandaises de déclencher un attentat contre leur Président. Toute thèse consistant à impliquer plus ou moins directement des éléments français dans cet attentat est tout aussi impensable, compte tenu des efforts considérables et constants déployés par la France pour améliorer le fonctionnement de la démocratie au Rwanda, notamment en soutenant l’Etat rwandais tout en exerçant des pressions sur le Président Habyarimana.

M. Bernard Cazeneuve a considéré que la fraction la plus extrémiste des FAR aurait pu commettre cet attentat pour des raisons qui tenaient justement au rôle particulier joué par la France dans le cadre de la négociation des accords d’Arusha. Ces accords conduisaient en effet à une démocratisation du régime et privaient ainsi le clan le plus extrémiste, proche du Président Habyarimana, d’un certain nombre de privilèges dont il avait disposé jusqu’alors. Il n’y a donc pas de lien à établir a priori entre la thèse de la responsabilité des FAR et celle d’une participation française à l’attentat. Les extrémistes hutus auraient pu commettre l’attentat contre le Président Habyarimana, justement parce que ce dernier avait été considéré par la partie française comme l’un des éléments les plus favorables à la démocratisation et que la réunion de Dar Es-Salam, qui avait eu lieu la veille, l’avait conduit à rompre avec les extrémistes.

Le Général Philippe Mercier a estimé cette thèse cohérente. Il a indiqué que lorsqu’il parlait des forces armées rwandaises, il désignait des personnes fidèles au Président Habyarimana et que les extrémistes ont toujours recours à des moyens extrêmes pour arriver à leurs fins.

M. Bernard Cazeneuve a demandé à nouveau au Général Philippe Mercier ce qui, selon lui, militait en faveur de la thèse d’un attentat commis par le FPR.

Le Général Philippe Mercier n’a pas souhaité se laisser entraîner dans un débat dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants et a rappelé qu’il était convoqué en tant que chef du cabinet militaire de M. François Léotard pour l’opération Turquoise.

M. Bernard Cazeneuve a fait néanmoins observer au Général Philippe Mercier qu’il avait émis une hypothèse sur un sujet à l’égard duquel la mission se montrait d’une très grande curiosité chaque fois qu’un interlocuteur l’évoquait et que, même si cet interlocuteur n’était pas directement compétent pour répondre au regard de ce qu’avaient été ses fonctions, la mission désirait en savoir davantage.

Le Général Philippe Mercier a indiqué qu’il avait émis une hypothèse concernant une époque pendant laquelle il n’était pas au cabinet de M. François Léotard.

M. Charles Cova a observé qu’il s’agissait avant tout d’une interprétation a contrario de M. Cazeneuve et que le Général Philippe Mercier n’avait jamais dit qu’il privilégiait la thèse d’un attentat commis par le FPR.

Le Président Paul Quilès a souligné que personne n’avait encore apporté d’éléments permettant de privilégier une thèse, factuellement et objectivement.

Il s’est dit étonné que, sur un attentat commis avec des armements dont l’utilisation paraissait surprenante dans la région et qui avait provoqué la disparition d’un équipage français et de deux chefs d’Etat, puis déclenché des massacres qui se sont transformés en génocide, quatre ans plus tard, on ne sache toujours rien. Chacun présente sa thèse ou son hypothèse, ce qui explique pourquoi le rapporteur poursuit quelque peu ses investigations sur ce sujet.

Evoquant les contacts entre FPR et forces françaises, et les affrontements qui les auraient opposés, M. Michel Voisin a estimé troublant que le FPR ait manoeuvré de nuit, ce qui n’est pas l’habitude des troupes africaines, et s’est demandé si des personnels blancs ne l’auraient pas encadré.

Le Général Philippe Mercier a indiqué qu’il n’avait jamais eu d’information à ce sujet. Il savait que les troupes du FPR était très bien entraînées, même à l’infiltration et à l’attaque de nuit. Mais il a précisé qu’il n’avait jamais eu aucune preuve ou suspicion d’une quelconque implication de troupes extérieures encadrant le FPR. Le FPR formait une petite armée expérimentée, courageuse et bien équipée, qui a prouvé ces qualités par la suite. Une partie du FPR a franchi la frontière du Rwanda pour progresser largement vers l’ouest. Les forces armées rwandaises ont subi des pertes effroyables dans leurs combats contre le FPR.

M. Jacques Myard a demandé combien d’hommes avaient été perdus par les FAR.

Le Général Philippe Mercier a souligné qu’il faudrait faire la somme des pertes subies lors des offensives de 1990, et surtout de juin 1992 et de février-mars 1993, qui ont été contenues par les FAR avec beaucoup de difficultés.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr