Présidence de M. Alain TOURRET, Président
M. Béguin est introduit.
M. le président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du président, M. Béguin prête serment.
M. Vincent BÉGUIN : Je souhaiterais, tout d’abord, vous présenter l’historique de la mutuelle générale des étudiants de l’Est pour bien situer le contexte et préciser par la suite notre sentiment concernant le régime étudiant en général ainsi que notre opinion sur le problème des remises de gestion.
La MGEL a été créée en 1948, après le vote de la loi instituant la sécurité sociale étudiante. La MGEL est à l’origine uniquement basée à Nancy, en situation de monopole dans cette région.
En 1970, les sociétés étudiantes mutualistes sont créées. La MGEL a alors l’occasion de s’implanter sur l’ensemble du territoire Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne où la MNEF s’implante également.
En 1987, date importante pour moi, je découvre la MGEL : celle-ci compte environ 20 000 affiliées en sécurité sociale. A partir de cette date, notre mutuelle a connu un fort développement jusqu’en 1996 avec 92 000 étudiants. Depuis, la situation a légèrement évolué.
Autrefois minoritaire, par rapport à la MNEF, la MGEL représente aujourd’hui 70 % des affiliés dans sa zone géographique. C’est une particularité de la MGEL car, au niveau national, l’ensemble des SMER, les mutuelles étudiantes régionales, sont à peu près à l’équilibre avec la MNEF.
Je compléterai ce rapide aperçu par l’historique du système des remises de gestion dont nous avons bénéficié. Les remises de gestion représentent les sommes que nous reverse la CNAM pour le traitement des dossiers des assurés sociaux que nous assurons pour son compte. Jusqu’en 1985, le principe d’égalité était respecté, chaque mutuelle touchant environ 90 % de la cotisation de chaque assuré social. A l’époque, cela représentait à peu près de 260 francs par affilié. En 1985, un décret a modifié le système d’affectation des remises par capitation et instauré un système de budget global, établi indépendamment du nombre d’affiliés.
Entre 1984 et 1988, le nombre d’étudiants a progressé de 19 %. Dans le même temps, le nombre des affiliés de la MNEF augmente de 1 %, avec des remises de gestion qui progressent de 26 %. Les sociétés étudiantes mutualistes régionales augmentent leurs effectifs de 55 % pour un montant de remise de gestion qui progresse en moyenne de 43 %. En 1988, la MNEF perçoit 338 francs par assuré social et la MGEL, 140 francs, puis 170 francs au cours des années suivantes, après rattrapage.
Entre 1988 et 1991, il n’y a globalement pas d’augmentation des remises de gestion. C’est le creux de la vague pour les mutuelles régionales dont les effectifs progressent. La MNEF entre 1988 et 1992 voit ses effectifs progresser de 31 % et la MGEL de 122 % ; les remises de gestion par assuré social étaient, en 1991, respectivement de 342 francs pour la MNEF et de 170 francs pour la MGEL.
Les chiffres globaux, pour l’ensemble des mutuelles régionales, montrent un effectif qui progresse de 60 % pour un montant moyen de remise de 217 francs en 1991. L’ensemble des mutuelles régionales, notamment celles qui progressaient de manière importante, ont alors connu de graves problèmes liés à cette inégalité. Nous-mêmes avons connu un déficit d’exploitation dans ces années-là : - 3,8 millions en 1990-1991 jusqu’à - 5,3 millions de francs en 1993-1994, avant que le principe d’égalité ne soit établi.
Pendant cette période, nous n’avons jamais dégradé la qualité de nos prestations, mais nous avons dû faire appel, bien entendu, à de nombreux contrats aidés pour permettre d’assurer ce service. Le 31 mars 1992, un arrêté fixe un autre mode de répartition des remises de gestion, mais ne pose toujours pas le principe d’égalité. A l’époque, la MNEF perçoit 335 F et la MGEL 235 F.
Différentes mesures balai permettent un rattrapage pour les années 1988 à 1991. En 1994, la loi du 18 janvier et un accord signé entre la CNAM, la MNEF et les sociétés mutualistes étudiantes régionales instaure enfin le principe d’égalité. Aujourd’hui, le montant est d’environ 320 Fpar assuré social pour toutes les mutuelles.
Après cette petite présentation, je vous donnerai notre sentiment concernant les remises de gestion. Pour nous, le principe d’égalité doit être respecté de manière stricte entre les mutuelles. Nous pensons qu’une mutuelle étudiante qui assure un service donné, quelle que soit sa zone géographique, a les mêmes contraintes d’organisation. Elle peut avoir des coûts de gestion différent qui dépendent de son organisation et de ses performances, mais doit être rétribuée de la même façon pour un service identique.
En revanche, nous sommes partisans de la fixation d’un montant négocié entre les partenaires, caisse d’assurance maladie, MNEF, mutuelles étudiantes régionales, et calculé sur la base de données telles que le coût des assurés sociaux dans les caisses primaires. Ce montant doit être, à notre avis, réaliste et assujetti à des objectifs de productivité et de qualité. En tant que société privée, nous sommes tout à fait conscients qu’au vu de l’augmentation générale des dépenses de sécurité sociale, il est logique de demander aux mutuelles régionales de faire des efforts de productivité. C’est un fait que nous nous contestons pas.
A cet égard, je reviendrai sur le montant fixé en 1994, qui nous a beaucoup été reproché. Je tiens à préciser que nous n’avons jamais insisté pour obtenir un tel montant. En revanche, nous avons toujours souhaité que le principe d’égalité entre les mutuelles étudiantes soit respecté et que le montant accordé de remise de gestion soit réaliste.
En fonction d’un montant qui serait fixé par accord négocié entre les différents partenaires, nous pensons que chaque mutuelle doit faire preuve, avec les montants alloués, d’ingéniosité pour offrir aux étudiants le meilleur service, en fonction bien entendu d’un cahier des charges établi par le ministère de tutelle, et fixant des objectifs de qualité et de productivité.
Une autre de nos exigences serait que le système, quelle que soit la manière dont il est instauré, soit durable pour nous permettre de faire des prévisions budgétaires sur cinq ans, sans qu’il y ait en permanence des remises en cause.
Une autre idée consiste à se servir de la comptabilité analytique mise en place dans les mutuelles pour calculer le montant de ces remises de gestion. Pour nous, la comptabilité analytique doit rester un outil de gestion interne et ne doit pas servir à ce calcul. Cela, à notre avis, risquerait de donner une prime à la mauvaise gestion. Une mutuelle qui gérerait mal ses assurés sociaux, avec des coûts de gestion et de production élevés, toucherait des remises de gestion élevées. Cela ne nous semble pas de bonne méthode.
Je terminerai enfin mon exposé par la politique, au sens noble du terme, conduite par notre mutuelle.
Nous considérons que le rôle d’une mutuelle étudiante va bien au-delà de sa simple mission de caisse de sécurité sociale qui, bien entendu, reste importante. La mutuelle, à notre avis, a une mission plus générale, qui est de faciliter l’intégration de l’étudiant dans la société.
Différents rapports, en particulier celui du CREDES, ont attiré l’attention des pouvoirs publics sur le mauvais état de santé des étudiants. Cela est dû à ce qu’ils vivent dans un univers instable, qu’ils sont victimes du stress causé par l’inquiétude à propos de leur vie professionnelle future et qu’ils ont également des revenus irréguliers.
Cet état de santé nous préoccupe. C’est pour cela que nous pensons que le devoir des mutuelles, en plus d’assurer le traitement de l’assurance maladie, qui est l’aspect curatif du problème, est de développer tous les services qui peuvent, d’une manière ou d’une autre, aider l’étudiant à mieux vivre dans la société. Cela passe, bien entendu, par la prévention contre les maladies, où nous assurons notre rôle dès que cela est possible, en menant toute action utile - par exemple, la prévention contre le SIDA, l’alcoolémie, etc. -, mais cela passe également par tout ce qui peut permettre l’intégration dans la vie associative. C’est pourquoi nous développons les partenariats avec des associations. Nous améliorons les conditions de vie des étudiants, nous participons à la rédaction du guide des étudiants en relation avec les organismes parapublics. Nous avons également créé des services " jobs et stages ", des services de logement ; nous avons négocié des partenariats pour obtenir des réductions chez les commerçants ou dans les transports en communs. Nous avons ainsi été les premiers à obtenir des tarifs dans les bus à Nancy, où il n’existait aucun tarif pour les étudiants.
Pour nous, ces deux aspects, prestations d’assurance maladie et développement des services, sont indissociables. Nous estimons qu’il nous faut nous préoccuper à la fois de l’aspect médical et curatif, mais aussi de l’étudiant avant qu’il ne soit malade. A notre sens, le fait qu’une mutuelle régionale subventionne une association sportive contribue à améliorer les conditions de vie, et à faire reculer les maladies.
En conclusion, au vu des résultats obtenus par notre mutuelle depuis une dizaine d’années, il semble que notre politique concernant les services apportés aux étudiants réponde bien à leurs attentes. Cela est d’autant plus vrai qu’il n’y a pas de renouvellement par tacite reconduction. Chaque année lors de l’inscription, il suffit à l’étudiant qui n’est pas satisfait de cocher une case pour changer de mutuelle. La sanction serait donc immédiate si nous ne remplissions pas notre mission.
M. le Président : Nous vous remercions de cet exposé introductif très complet.
Vous êtes le président de la MGEL. Etes-vous élu ou nommé ? Quel est votre statut par rapport à celui d’un directeur général ?
M. Vincent BÉGUIN : Les statuts de notre mutuelle sont en accord avec le Code de la mutualité. En ce qui concerne l’organisation au sein de la MGEL, nous avons une assemblée générale élue, constituée de délégués élus parmi les adhérents. L’assemblée générale élit à son tour le conseil d’administration, qui lui-même élit son président.
M. le Président : Faut-il être étudiant pour être président ?
M. Vincent BÉGUIN : Traditionnellement, oui.
M. le Président : J’ai là votre curriculum vitae. Je ne pense pas que vous soyez encore étudiant à 33 ans. C’est le sens de ma question.
M. Vincent BÉGUIN : Non, je ne le suis plus. C’est la conjoncture qui a voulu cela. Ce n’est effectivement pas l’usage, il est plutôt de tradition que les présidents soient étudiants, ce qui n’est plus vrai, dans mon cas, depuis quelques années.
M. le Président : Il n’y a pas d’obligation statutaire ?
M. Vincent BÉGUIN : Ce n’est pas une obligation dans nos statuts.
M. le Président : Êtes-vous rémunéré par la mutuelle ?
M. Vincent BÉGUIN : Aucunement, je suis totalement bénévole. Je ne touche aucune rémunération et aucun membre du conseil d’administration de la MGEL ne touche de rémunération alors que nos statuts prévoient cette possibilité dans le cas de membres qui seraient salariés, pour compenser une perte qu’ils pourraient subir par ailleurs, mais nous n’avons jamais voulu appliquer cette règle parce que nous considérons que c’est la porte ouverte à des abus.
M. le Président : Mais vos frais sont remboursés ?
M. Vincent BÉGUIN : Les frais de déplacement, bien sûr.
M. le Président : Je vous remercie de ces précisions. Votre activité mutualiste vous demande combien de temps ? Nous avons reçu un administrateur de la MNEF qui disait travailler 11 à 12 heures par jour. Est-ce votre rythme de travail ?
M. Vincent BÉGUIN : Je mentirais si je vous disais cela. Cela me prend en moyenne une à deux heures par jour, parfois, une partie de mes soirées ainsi que mes week-ends. Mais je pense que le fonctionnement de la mutuelle repose en grande partie sur le travail des services administratifs, du personnel d’encadrement et des employés, qui font très bien leur travail et fournissent régulièrement des comptes rendus d’activités, ce qui me permet de me tenir au courant de tous les dossiers.
M. le Président : En tant que président, exercez-vous un véritable contrôle de ce que font vos administratifs ?
M. Vincent BÉGUIN : Oui, bien sûr. Le personnel d’encadrement, que ce soient les chargés de développement de chaque ville, les responsables d’agence ou les gestionnaires me dressent régulièrement un compte rendu d’activité, tant en ce qui concerne l’état de la trésorerie, que les résultats, le nombre d’affiliés ou encore l’état des liquidations pour savoir s’il n’y a pas de retard dans le traitement des feuilles de soins dans certaines villes. Je suis tenu au courant régulièrement, ainsi que tous les administrateurs qui le souhaitent.
M. le Président : Hormis l’activité de remboursement des soins, il y a les activités annexes dont vous avez indiqué qu’elles étaient très importantes...
M. Vincent BÉGUIN : Tout à fait.
M. le Président : Vous avez une vision très large des activités mutualistes. Ces dernières sont-elles prises en charge directement par la mutuelle ou par des sociétés indépendantes ? Par exemple, comment faites-vous pour le logement social ?
M. Vincent BÉGUIN : La question est intéressante. En fait, les deux cas se rencontrent.
Nous avons toujours voulu conduire une politique de développement d’un certain nombre de services. Vous citiez le cas du logement. Nous sommes fiers d’avoir, par exemple, fait reculer dans l’Est de la France les vendeurs de listes d’adresses qui font payer très cher un service qui est nul, consistant simplement à fournir des adresses à l’étudiant qui ne reçoit aucun service en contrepartie. Nous offrons ce service gratuitement, que ce soit du côté des propriétaires ou des étudiants.
Tant qu’un service se développe pour répondre à un besoin et qu’il s’inscrit directement dans l’objet de notre mutuelle, sans dégager des marges bénéficiaires, qu’il reste un service au sens premier du terme, c’est la MGEL qui s’en charge directement.
Par contre, lorsque le service devient important et que, pour répondre correctement à la demande étudiante, nous avons besoin de le professionnaliser, nous créons une filiale. Cela a été le cas de MGEL-Logement. Il y existe donc le service logement qui est simplement un fichier d’adresses et MGEL-Logement qui est une union économique et sociale.
M. le Président : Qu’est-ce qu’une union économique et sociale ?
M. Vincent BÉGUIN : C’est une société dont le conseil d’administration est géré aux trois quarts par des partenaires sociaux, donc des membres des communautés publiques ou associatives.
M. le Président : L’une des questions que se pose la commission concernant ce logement social étudiant est de savoir s’il revient aux étudiants de gérer et de créer le logement social ou si cela doit être délégué à des organismes d’HLM. Qu’en pensez-vous ?
M. Vincent BÉGUIN : Les deux peuvent être complémentaires. Le logement social des HLM répond à un besoin évident de l’ensemble de la population des étudiants.
Pour leur part, lorsque les mutuelles étudiantes gèrent des organismes qui permettent d’avoir accès au logement, elles le font de manière très ciblée. Notre politique est de créer des logements dans le but de les proposer aux étudiants à des loyers très faibles de manière à favoriser plutôt les étudiants les plus défavorisés. Nous organisons nos résidences étudiantes avec l’idée d’offrir un service complet à l’étudiant : nous avons un employé qui gère la résidence et qui, en même temps, gère une salle de sport, une salle d’informatique, ou autre.
C’est donc un service que nous proposons dans des proportions qui n’ont rien à voir avec les offres que peuvent fournir les HLM. Nous ne pourrions prendre en charge le logement d’un nombre d’étudiants trop important. Donc, le CROUS ou les organismes d’HLM ont nécessairement aussi leur rôle à jouer.
M. le Président : D’un coté, vous parlez de l’augmentation des membres appartenant à des mutuelles - même si elle est faible, on constate une augmentation dans pratiquement toutes les mutuelles - et, de l’autre, vous soulignez la dégradation très forte de la santé des étudiants. N’avez-vous pas le sentiment d’un certain échec de votre action ?
M. Vincent BÉGUIN : Votre question amène deux réponses.
Nous avons constaté, en effet, une nette progression du nombre d’affiliés. Par contre, actuellement, nous assistons plutôt à une démutualisation. Le nombre d’étudiants adhérant aux mutuelles baisse. Nous pourrons y revenir.
Par contre, la dégradation de la santé des étudiants, qui serait l’échec de notre politique, est, à mon avis, difficilement imputable au seul fait des mutuelles. La société, en général, en est certainement responsable. Cette dégradation est liée au chômage qui se profile à l’horizon pour les étudiants à la fin de leurs études, aux maladies graves qui sont apparues, etc. Actuellement, elle se constate surtout avec l’augmentation des maladies psychologiques, psychiatriques ou neuro-psychiatriques. Nous assistons à de nombreux suicides. C’est cet aspect du problème qui est, à mon avis, un phénomène général de société.
M. le Président : Nous avons beaucoup entendu parler de ce phénomène qui préoccupe les commissaires, qui sont parents et qui ont été étudiants. Que préconisez-vous pour remédier à ce stress de plus en plus fort, à ces besoins psychiatriques, à l’absence de prise en charge du coût de la consultation, par exemple, car ce sont des consultations qui coûtent cher ?
M. Vincent BÉGUIN : Il n’existe malheureusement pas de recette miracle pour endiguer ce phénomène de manière drastique. En revanche, nous y participons tous les jours en améliorant la vie de l’étudiant, en lui offrant un service complet en un seul lieu, en lui facilitant les démarches administratives.
Nous offrons, par exemple, un service emploi qui permet d’organiser des débats sur l’emploi des étudiants, d’offrir des formations à des taux très avantageux sur les techniques de recrutement. Nous mettons à la disposition des étudiants - c’est peut-être moins vrai ces dernières années avec l’augmentation de l’informatisation à domicile - des ordinateurs pour que les étudiants puissent taper leur CV. Ce sont des exemples assez anecdotiques mais c’est ce que nous essayons de faire tous les jours. Même lorsque nous offrons des places de cinéma ou de concert à tarif réduit, c’est dans le but d’instaurer un mieux vivre pour les étudiants.
Toutes ces actions aident certainement l’étudiant mais, il est vrai, dans une mesure qui est difficilement chiffrable au vu de la dégradation de la société en général. C’est un phénomène plus profond et il est difficile de répondre en tant que mutuelle de manière radicale et visible à ce phénomène.
M. Jean-Pierre BAEUMLER : Vous êtes en train de réaliser une opération immobilière à Mulhouse dont le maire me disait combien il était satisfait de votre travail. Peut-être pourriez-vous nous parler de la situation de ces structures qui prennent en charge la construction de logements pour étudiants, leur situation financière notamment ?
Vous essayez de veiller à ce que les loyers soient les plus bas possibles, mais vous devez malgré tout rencontrer les mêmes problèmes que les logements HLM aujourd’hui. Vous avez dû emprunter à un taux du même ordre et l’évolution de ces loyers doit être sensiblement inférieure à l’évolution des charges de ces emprunts.
M. Vincent BÉGUIN : Il est utile de préciser que ne nous sommes jamais propriétaires des logements. Notre filiale logement travaille uniquement en sous-location, ce qui nous permet de diminuer nettement le risque financier.
M. Jean-Pierre BAEUMLER : Vous n’êtes pas propriétaires. Comment cela se traduit-il concrètement ?
M. Vincent BÉGUIN : Concrètement, dès la construction nous entrons en partenariat dans un projet avec un organisme HLM ou autre, à qui nous louons les logements pour un ensemble de résidences. Nous sommes donc locataires et nous sous-louons aux étudiants. Notre problème principal est celui du taux de remplissage de ces résidences qui, d’après les derniers chiffres que j’ai eus, est très satisfaisant.
M. le Président : Vous arrivez à vous en sortir ? Cela m’étonne.
M. Vincent BÉGUIN : Avec ce principe, nous arrivons à nous en tirer puisque nous touchons un léger bénéfice sur la sous-location qui permet largement de couvrir nos frais, mais nous n’avons pas d’investissement concernant ces résidences.
M. Jean-Pierre BAEUMLER : Vous avez retracé l’évolution des remises de gestion. Le montant fixé aujourd’hui vous paraît-il réaliste ? Prend-il véritablement en compte les dépenses qu’entraîne la gestion des assurés dont vous avez la responsabilité ? Vous permet-il de dégager des excédents que vous employez dans les diverses activités que vous développez ?
Nous avons entendu la semaine dernière un de nos collègues député, qui avait été responsable d’une mutuelle. Un de nos actuels collègues n’avait-il pas des responsabilités également au sein de votre structure ?
M. Vincent BÉGUIN : Tout à fait, puisque Jean-Luc Warsmann, actuellement député, a été directeur général de la mutuelle jusqu’en 1996.
M. André ANGOT : Il sera auditionné la semaine prochaine.
M. Vincent BÉGUIN : Pour répondre à votre question concernant les remises de gestion, nous pensons qu’actuellement, le taux qui a été fixé est satisfaisant. Je pense même qu’il serait possible de réaliser des gains de productivité et de baisser légèrement dans les années à venir le montant de ces remises de gestion.
Pour calculer ce montant, il faut savoir que par rapport aux caisses primaires qui font un travail classique de sécurité sociale, nous remplissons tout de même une mission spécifique. Nous sommes les seuls organismes de sécurité sociale à avoir un taux de renouvellement de l’ordre de 20 % par an. Cela veut dire que pour chaque étudiant qui s’inscrit, il faut ouvrir de nouveaux droits, ce qui est une opération longue et compliquée. Nous avons également un rôle pédagogique à remplir. Ainsi, la plupart des étudiants qui acquièrent leur majorité sociale remplissent une feuille de maladie pour la première fois et, souvent, il faut les aider à la remplir correctement. Notre rôle est donc un peu différent de ce que peuvent faire les autres centres de sécurité sociale.
Concernant le calcul du taux de ces remises, votre question sous-entend le problème de la comptabilité analytique. Il est possible de mettre en place une comptabilité analytique. Cependant, dans le cas du traitement des assurés sociaux, elle est assez difficile à réaliser parce que lorsque l’on traite une feuille de soins, on le fait pour la part sécurité sociale et pour la part mutuelle. Calculer précisément le temps passé par une décompteuse sur tel ou tel aspect, sachant que c’est la même personne qui fait le décompte, et que nous ne faisons aucune distinction entre l’affilié au régime de base non mutualiste et l’étudiant mutualiste, de manière à ne pas contrevenir aux règles d’égalité et faire le ratio entre les deux est donc très difficile.
Dans le cas où serait mise en place une comptabilité analytique basée sur des clefs de répartition, qui seraient de toute manière subjectives, celles-ci varieraient énormément d’une année à l’autre. Nous avons récemment connu un accroissement important du nombre des ayants droit majeurs autonomes (ADMA) en raison de la majorité sociale des étudiants à dix-huit ans, auquel il nous a fallu faire face brusquement d’une année sur l’autre. Nous n’avions absolument pas prévu cette augmentation très importante des affiliés. C’est le genre de problèmes qui font que nous avons du mal à faire la distinction entre les deux activités.
Depuis que les remises de gestion ont été réajustées, la MGEL obtient des résultats positifs. Au-delà des réserves obligatoires qui nous sont imposées, il est vrai que cela nous permet de développer tout un ensemble de services, mais ce développement se fait aussi bien sur le montant des remises de gestion que sur celui des cotisations, qui est encore plus élevé que celui des remises de gestion que nous percevons.
M. le Rapporteur : La concurrence entre les mutuelles étudiantes régionales ou nationales, a, semble-t-il, entraîné des augmentations très élevées des dépenses de communication pour toutes ces mutuelles. D’après les chiffres fournis par l’IGAS, ces dépenses d’information et de communication dans la gestion de votre mutuelle atteindraient 19 % des dépenses et correspondraient à 70 % de la marge mutualiste, en volume financier.
En clair, les inspecteurs de l’IGAS estiment que vos dépenses de communication et de promotion ne peuvent pas avoir été financées par la seule marge mutualiste et l’ont donc été par les remises de gestion. Car si cela avait été le cas, la marge mutualiste, c’est-à-dire le rapport entre la cotisation des adhérents et les prestations de couverture complémentaire, n’aurait été pratiquement consacrée qu’à cela.
Quel est votre commentaire sur ce point ?
M. Vincent BÉGUIN : Nous avons répondu au rapport de l’IGAS à ce sujet. Mais le budget global des produits de la MGEL s’établit aux alentours de 73 millions. Le budget global de communication est d’environ 7 millions.
Dans ce budget de communication, 19 % seulement, soit 1,3 million sont réellement des dépenses de communication, par exemple, telles que la campagne de rentrée universitaire pour essayer, il est vrai, d’attirer les étudiants vers nous plutôt que vers la concurrence. C’est le système de concurrence qui veut cela.
Les autres dépenses sont, comme je vous le disais tout à l’heure, ce qu’un article appelait une accumulation de dépenses modiques. On pourrait répondre qu’il vaut mieux des dépenses modiques qu’une accumulation de dépenses somptuaires. Elles sont, en fait, réalisées pour financer tous les services dont je vous ai parlé, les partenariats pour obtenir des réductions pour les étudiants ou encore les partenariats avec les associations. Nous ne donnons jamais directement d’argent aux associations, en général, notre participation se fait en nature - édition d’affiches, de tracts - de promotion de leurs activités. Il est donc vrai que nous faisons vivre le milieu associatif, avec ce budget de communication global. En outre, ce budget de communication comprend également tout ce qui est dépenses de fournitures administratives, comme les papiers à en-tête qui servent à toute la mutuelle.
Le rapport de l’IGAS conclut, parce que les coûts de gestion sont élevés par rapport à nos marges mutualistes, que nous utilisons les remises de gestion pour financer les dépenses de communication. Nous ne pensons pas que cela suffise pour déduire que nous utilisons les remises de gestion pour financer nos dépenses de communication.
M. le Président : A la suite du rapport de l’IGAS, avez-vous pris des mesures ?
M. Vincent BÉGUIN : A quel sujet ?
M. le Président : Par exemple, le rapport de l’IGAS estime que trop d’activités sont périphériques, que trop d’argent est dépensé en matière de communication. Globalement. Des mesures ont-elles été prises par votre mutuelle ?
M. Vincent BÉGUIN : Non. Nous avons répondu sur le fond à ce rapport. Dès lors que nous ne nous considérons pas en faute et que nous pensons être en accord avec nos statuts et l’objet de notre mutuelle, nous n’avons pas jugé utile de modifier notre manière de faire.
Nous agissons en transparence. Nous n’avons jamais cherché à dissimuler ces dépenses. Elles peuvent servir aussi bien à subventionner des associations publiques ou parapubliques, pour réaliser des opérations que celles-ci ne pourraient réussir à financer seules. Nous pensons que la remarque est exagérée, en tout cas, pour notre compte.
M. le Rapporteur : Le choix qui a été fait a été celui de ne pas accorder de subventions directes mais de prendre en charge les publications d’associations, étudiantes, sportives, de syndicats étudiants...
M. Vincent BÉGUIN : Non, pas celles des syndicats étudiants.
M. le Rapporteur : Le type d’aide directe, comme celle que la MNEF versait, par exemple, à l’UNEF-ID, ou indirecte, à des structures syndicales existe-t-il à la MGEL ?
M. Vincent BÉGUIN : Pas du tout. De plus, notre politique est de ne jamais subventionner directement des syndicats étudiants. Quand nous subventionnons des associations, notre politique de communication est ciblée. Nous préférons faire un travail de terrain important auprès des associations, en partenariat. Les sommes engagées sont toujours peu importantes. Nous considérons que faire des opérations de communication très lourdes au moment de la rentrée, comme des publicités qui passent dans les cinémas, constitue une dilution de la communication. Faire une publicité qui touche toute la population, alors que seule une partie de cette population, les étudiants, est visée, c’est de l’argent perdu. Nous préférons cibler davantage nos opérations et faire un travail de terrain. Nous n’avons jamais subventionné de syndicat pour la bonne et simple raison que notre objet n’est pas politique. Nous ne pourrions pas représenter 85 % des étudiants en Lorraine si nous avions une couleur politique affichée. C’est impensable.
M. le Rapporteur : Je souhaiterais savoir si l’union économique et sociale à laquelle vous avez fait allusion gère directement la filiale qui s’occupe des voyages, et celle qui s’occupe du logement ou si l’UES a confié cette gestion à des sous-filiales, dont le statut ne serait plus un statut d’économie sociale mais, par exemple, un statut de SA ?
M. Vincent BÉGUIN : Non, il n’existe aucune sous-filiale à la MGEL.
M. le Rapporteur : Tout est au niveau des unions économiques ?
M. Vincent BÉGUIN : Il existe une union économique et sociale pour MGEL-Logement, pour MGEL-Voyage. En revanche, la société de courtage d’assurance est une SA, Vitale Assure. Mais il s’agit de filiales au premier niveau. Il n’existe pas de sous-filiale et toute la comptabilité de nos filiales est transparente. De plus, le conseil d’administration, aussi bien que l’assemblée générale, reçoivent des rapports d’activité et des rapports financiers réguliers de ces filiales à chaque réunion, de façon à ce qu’il y ait une totale transparence.
M. le Président : Donc, dans votre mutuelle, il n’existe aucune société anonyme ayant une activité propre dont vous n’avez pas le contrôle ?
M. Vincent BÉGUIN : Aucune.
M. le Rapporteur : Dans le rapport de l’IGAS, il est fait allusion à l’informatique, en particulier au développement des logiciels de liquidation. Il semblerait que pour faire le même acte de liquidation, il n’ait pas été possible que les mutuelles s’entendent entre elles et que chacune ait développé son propre produit, avec - dit le rapport, qui fait allusion à un logiciel qui aurait été développé - des prestations onéreuses versé à un ancien salarié, concepteur du système. Qu’en pensez-vous ? Ne conviendrait-il pas de faire en sorte que l’ensemble de la mutualité étudiante puisse fonctionner sur le même système pour effectuer une même opération qui est celle de la liquidation de prestations ?
M. Vincent BÉGUIN : Cette remarque de l’IGAS permettrait certes de diminuer les coûts de l’informatique. Toutefois, ce n’est pas simple pour plusieurs mutuelles de s’associer autour d’un même système informatique. Il y a des problèmes de confidentialité et de possession des fichiers qui sont difficiles à résoudre.
Il me paraît en revanche exagéré lorsqu’on estime important le coût de notre système informatique, de parler d’un " petit système ". Quand on a en charge 100 000 affiliés sociaux, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un petit système informatique. Je pense que l’IGAS raisonne là en termes de sécurité sociale. L’ensemble des CPAM sont, en effet, uniformisées autour d’un même système, mais leur travail de liquidation est moins complexe parce qu’elles ont des activités très homogènes, alors que chaque mutuelle offre des garanties qui lui sont propres. Les systèmes sont donc différents.
A ce jour, les tentatives de rapprochement que nous avons faites avec certaines mutuelles en vue de travailler sur un même système n’ont pas abouti. C’est un aspect que nous ne perdons pas de vue et que nous essayons de mettre en place si c’est possible.
M. le Président : En ce qui concerne le secteurs d’activité de votre mutuelle, avez-vous vocation à vous installer partout, ou simplement dans un certain nombre de régions de l’Est de la France ?
M. Vincent BÉGUIN : Je ne sais pas si, statutairement, nous sommes tenus de respecter une zone géographique mais, dans les faits, nous nous en sommes toujours tenus aux régions Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne, et nous n’avons jamais cherché à nous développer au-delà. Nous avons toujours pensé qu’il était plus important de bien nous implanter dans notre zone, qui est déjà suffisamment vaste. Aller plus loin poserait le problème de la concurrence avec d’autres mutuelles régionales, ce que nous n’avons jamais souhaitée jusqu’à présent.
M. le Président : Avez-vous une politique d’absorption ? Est-ce que cela existe chez les mutuelles ?
M. Vincent BÉGUIN : Je ne peux pas dire que cela n’existe pas chez les autres mutuelles, je ne peux parler qu’en mon nom propre et affirmer qu’au sein de la MGEL, cela n’a jamais existé. Lorsque nous nous sommes étendus de la Lorraine à l’Alsace-Lorraine et à la Champagne-Ardenne, cela s’est fait par décision des pouvoirs publics. Cela n’a jamais été par absorption de mutuelles. Pour le moment, nous n’avons jamais eu cette volonté d’hégémonie.
M. le Rapporteur : Pouvez-vous nous expliquer les liens qui existent aujourd’hui entre la MGEL et la MVS - mutuelle vitalité santé ?
M. Vincent BÉGUIN : La MVS est une mutuelle qui s’adresse aux " post- étudiants ". Elle a été créée par décision de la MGEL, mais elle a une activité indépendante. Ce n’est pas une filiale, c’est une mutuelle totalement indépendante, soumise au même Code de la mutualité que les autres mutuelles.
M. le Président : Qu’en est-il de la situation des étudiants étrangers ? Avez-vous un fort pourcentage d’étudiants étrangers ? Tout étranger a-t-il les mêmes droits qu’un Français en ce qui concerne votre mutuelle ?
M. Vincent BÉGUIN : Je ne connais pas le pourcentage exact du nombre d’étudiants étrangers. Statutairement, à la MGEL, tous les étudiants ont les mêmes droits.
M. le Président : Tout étudiant étranger, quels que soient les rapports qui peuvent exister entre son pays et la France, a les mêmes droits ?
M. Vincent BÉGUIN : Cela dépend ensuite des obligations légales. Si l’étudiant a besoin de clarifier sa situation, son dossier sera examiné. Mais, pour autant, il n’y a aucune discrimination. Mais je ne suis pas assez technicien de ce dossier pour pouvoir vous répondre plus précisément.
M. le Président : Autre question souvent évoquée, celle de la maternité des étudiantes, et notamment le problème des crèches et de la manière dont les enfants sont accueillis et dont les étudiantes sont aidées pendant leur grossesse et après. Conduisez-vous des actions spécifiques en la matière ? Dans votre secteur, des crèches ont-elles fermé, comme cela nous a été indiqué ? Quelle est votre appréhension du problème des jeunes mères étudiantes et de celles qui attendent des enfants ?
M. Vincent BÉGUIN : Dans la plupart de nos garanties, nous offrons des primes de naissance qui contribuent à améliorer un peu le statut de la mère étudiante. Pour le reste, je n’ai pas connaissance d’actions spécifiques. Je ne suis pas très renseigné sur ce dossier.
M. le Président : Nous avons parlé du logement social étudiant. Y a-t-il un pourcentage de logements réservé pour les jeunes mères avec leurs enfants ?
M. Vincent BÉGUIN : Non, il n’y a pas de pourcentage réservé. Par contre, nous essayons de proposer des logements plus spacieux pour les mères étudiantes, de deux ou trois pièces où, éventuellement, plusieurs étudiants peuvent s’associer, et où des mères étudiantes peuvent s’installer avec leurs enfants.
M. le Président : Vous en avez ?
M. Vincent BÉGUIN : Oui, nous n’avons pas uniquement des studios.
M. le Président : Dans lesquels vous avez des mères avec leurs enfants ?
M. Vincent BÉGUIN : Je ne sais pas. Je pourrais poser la question et vous répondre ultérieurement.
M. le Président : Volontiers, j’aimerais avoir une réponse à ce sujet, car c’est une question qui m’intéresse. D’autant que Mme Demichel nous a indiqué que la tendance était plutôt à la suppression des crèches dans les universités, ce qui nous inquiète.
M. André ANGOT : Pour revenir sur un des points de votre gestion critiqués par l’IGAS, vous nous avez expliqué à propos des frais de communication, qu’il s’agissait plus d’une question de présentation comptable que d’imputation directe de frais de communication puisque vous mettez sous la même rubrique tous les frais de communications nécessaires à la publicité lors des rentrées scolaires mais aussi tous les frais nécessaires aux fournitures administratives de votre mutuelle. C’est, à mon avis, plus la globalisation qui fait peur que la réalité des dépenses de communication.
M. Vincent BÉGUIN : Il y a deux aspects. Il est vrai qu’il y a une globalisation de ce que l’on appelle " la communication ", placée sous la responsabilité d’un directeur de la communication, mais qui est tout de même détaillée par actions dans des lignes budgétaires spécifiques.
De toute manière, sur le fond, l’IGAS est surtout critique quant au fait que nous financions des associations, que ce soit par le biais de dépenses de communication ou autrement. Il nous semble que, pour l’IGAS, ces sommes dépensées pour les associations sont en dehors de l’objet d’une mutuelle.
M. le Président : Monsieur le président, je vous remercie et vous indique que vous pouvez à toutes fins utiles adresser à la commission tout élément susceptible de compléter ses informations.
M. Vincent BÉGUIN : Si cela vous intéresse, j’avais rédigé une petite note de synthèse que je peux vous laisser.
M. le Président : Très volontiers. Je la remettrai à tous les membres de la commission.
Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr
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