M. Pierre Jacquard a analysé les zones d’influence et d’activités des compagnies pétrolières. Pour des raisons historiques celles-ci ont des adhérences dans certaines régions qui perdurent. Il est difficile d’en tirer des conclusions particulières sur leur influence dans la politique des pays où elles opèrent. Cependant des compagnies comme BP, présentes depuis plus de cinquante ans dans certains pays du Moyen-Orient, ont établi des relations étroites, qui ne sont pas forcément critiquables, avec ces Etats. Ces liens sont souvent culturels. Tous les ingénieurs irakiens étaient formés au Royaume-Uni avant la rupture des relations diplomatiques. Depuis plus de vingt ans, les Etats-Unis accueillent des Saoudiens dans leurs universités.

M. Roland Blum a demandé comment fonctionnait l’IFP, quelles étaient son organisation et ses sources de financement.

Il a souhaité savoir si l’IFP avait étudié le problème de l’utilisation de la rente pétrolière par les Etats.

M. Daniel Morel a expliqué que l’IFP était un établissement professionnel créé à la fin de la deuxième guerre mondiale. Personne morale de droit privé, l’Institut est doté de l’autonomie financière et juridique et soumis au contrôle de l’Etat (Cour des Comptes). Un commissaire du gouvernement qui est traditionnellement le Directeur des hydrocarbures (aujourd’hui le Directeur des matières premières et des hydrocarbures) et le chef de la mission de contrôle pétrole chimie du ministère des Finances assistent aux réunions du Conseil d’administration et possèdent un droit de veto sur les décisions de ce Conseil.

Le Conseil d’administration de l’Institut est très majoritairement composé de personnalités issues du secteur des hydrocarbures et de l’industrie automobile. Le budget de l’Institut est alimenté aux deux tiers par une taxe parafiscale sur le gasoil, l’essence et différents produits. Les actions de valorisation de l’Institut qui vend les résultats de ses recherches sous différentes formes, couvrent le tiers restant du budget. L’IFP dispose d’un portefeuille de brevets très étendu, 13 000 dans le monde entier, et concède des licences d’exploitation de ces brevets, notamment en procédés de raffinage et de pétrochimie dont il est le deuxième bailleur de licences au monde. L’Institut est vendeur de procédés ; il élabore le design des unités industrielles construites par des compagnies d’ingénieries comme Technip et garantit la qualité des produits obtenus. Les missions de l’IFP sont la recherche, le développement et l’utilisation des hydrocarbures ainsi que la formation effectuée par l’école nationale supérieure du pétrole et des moteurs, qui recrute des ingénieurs déjà diplômés ou des étudiants sortant de l’université au niveau de la maîtrise. Cette école forme 250 à 300 ingénieurs par an dont la moitié vient de pays étrangers. En outre l’Institut dispose du centre de documentation le plus important au niveau européen, dans le domaine des hydrocarbures. Pour valoriser ses recherches, l’IFP a créé de nombreuses entreprises comme Technip, Coflexip, Procatalyse, etc. et a pris une quinzaine de participations directes et indirectes via une holding, ISIS, cotée en bourse.

M. Roland Blum a demandé des précisions sur Technip. Il a voulu savoir si faire des études autres que techniques entrait dans les activités de l’IFP et si celui-ci servait de bras séculier de l’Etat dans ses missions de contrôle.

M. Pierre Brana s’est enquis de l’existence de brevet appartenant à l’IFP sur la protection de l’environnement. Il a voulu savoir si l’IFP avait mené des recherches sur les gazoducs et les oléoducs sur terre et en mer et si les exploitations offshore étaient maîtrisables notamment à grandes profondeurs.

Mme Marie-Hélène Aubert a souhaité une évaluation des progrès faits et à faire par l’industrie des hydrocarbures au niveau de l’environnement. Elle a demandé si l’Institut intervenait dans les négociations de conventions environnementales. Elle a souhaité savoir si en raison des pollutions dues aux métaux lourds, le démantèlement des plates-formes pétrolières à terre était une solution valable.

Elle s’est informée sur les moyens de remédier aux pollutions en mer provoquées par le transport d’hydrocarbures sous pavillon de complaisance. Y-a-t-il des réflexions en cours pour supprimer les pavillons de complaisance ?

M. Daniel Morel a apporté les réponses suivantes.

Technip est la première compagnie d’ingénierie européenne et l’IFP en détient 12 %.

Faire des études entre dans les activités de l’IFP, voire de ses filiales, qui travaillent dans ce cadre pour des compagnies privées ou également nationales. Les filiales de l’Institut interviennent comme consultants indépendants pour les pays producteurs ou les compagnies nationales et internationales.

L’IFP intervient parfois comme expert indépendant pour examiner les aspects techniques ; il avait ainsi fait le rapport d’enquête sur une explosion à Feyzin. Il lui arrive aussi d’analyser des carburants et de faire des certifications pour des appareils à gaz, mais il ne cherche pas à développer cette activité. Des compagnies peuvent demander à l’IFP de tester leurs carburants contre rémunération, mais l’Institut n’est pas le bras séculier de l’Etat.

Les consultations et études de l’IFP portent sur des sujets techniques, elles intègrent depuis des années les contraintes environnementales qui sont présentes dans toutes les activités de l’IFP. L’Institut travaille à l’élaboration de produits propres biodégradables, à la protection de l’environnement lors du raffinage et du transport des hydrocarbures. Les procédés qu’il vend évitent les pollutions de l’atmosphère. Il dispose en outre d’équipes de recherche parmi les meilleures sur l’adéquation moteur/carburant.

S’agissant des gazoducs et des oléoducs, l’IFP a développé des conduites flexibles sous-marines extrêmement novatrices et est à l’origine de la création de la société Coflexip qui détient 80 % du marché et met en œuvre des programmes de recherche sur les transports offshore.

M. Pierre Jacquard a ajouté que l’IFP développait des programmes sur l’offshore profond (1 000 et 3 000 mètres de profondeur) utiles dans le Golfe de Guinée et le Golfe du Mexique.

L’IFP lors de négociations de conventions est en principe associé comme expert. Il donne un avis mais n’intervient pas dans la négociation et la fixation des normes. Selon lui, le démantèlement des plates-formes par immersion à grande profondeur a un impact limité sur l’environnement si on le compare à tous les bateaux coulés pendant la deuxième guerre mondiale. Les émissions de CO2 liées au démantèlement à terre montrent que l’immersion de plate forme est la voie la plus intéressante dans la chaîne environnementale. Cependant, par de faibles profondeurs d’eau, il est préférable de démanteler les plates-formes à terre. De plus en plus l’exploitation du pétrole en mer s’effectue maintenant avec des bateaux et des supports flottants, formule rentable devenue universelle.

Les pavillons de complaisance peuvent difficilement disparaître en raison des avantages fiscaux qu’ils procurent. Dans le secteur des hydrocarbures, les majors prennent des précautions car elles sont soucieuses de leur image mais de nombreuses petites compagnies, voire certains Etats n’en prennent pas et utilisent les pavillons de complaisance. Il est difficile de contrôler 150 pays.

M. Pierre Brana a demandé si l’IFP procédait à des expertises de raffineries et pour qui. Il a voulu connaître le statut du personnel de l’IFP et s’est interrogé sur le rôle de l’école nationale supérieure du pétrole.

M. Daniel Morel a donné les indications suivantes.

L’IFP effectue des expertises de raffineries pour leur propriétaire, souvent des compagnies d’Etat producteur. L’Institut est moins sollicité par les majors qui savent effectuer leur audit.

Le personnel de l’IFP relève du droit privé et de la convention collective du pétrole. L’Institut emploie 2 000 personnes, principalement à Rueil-Malmaison et à Solaize, et des expatriés dans des bureaux ou établissements permanents (Moscou, Tokyo, Singapour, Bahrein, Caracas, New York). Ces bureaux représentent l’IFP et ont un rôle important dans son activité industrielle. Ils commercialisent les procédés de raffinage et sont des points d’entrée locaux des interlocuteurs étrangers de l’IFP dans le domaine de l’expertise, de la recherche et de la formation.

M. Pierre Jacquard a précisé que l’Institut avait une activité de formation importante à l’étranger. Il a mis en place des programmes spécifiques pluriannuels pour certains pays (Russie, Cuba, Gabon, Arabie Saoudite). L’école nationale supérieure du pétrole et des moteurs est considérée comme la première école pétrolière mondiale, et est fort utile pour l’industrie française car elle a d’anciens élèves souvent constitués en associations presque partout dans le monde. Quarante pays sont représentés chaque année à l’école. Certains cycles sont entièrement anglophones, ce qui est un avantage car le monde pétrolier est anglophone ; généralement ces étudiants repartent francophones. L’école est une vitrine au niveau de la langue et de la technologie française.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr