Présidence de M. Laurent FABIUS, Président
M. Philippe MAÎTRE est introduit.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Philippe Maître prête serment.
M. le Président : Monsieur, je vous souhaite la bienvenue.
M. Philippe MAITRE : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la démonstration a amplement été faite ces derniers temps de ce que le contrôle des établissements pénitentiaires était insuffisant. En tant que responsable, depuis un peu plus de cinq ans, du seul service de contrôle interne de l’administration pénitentiaire, vous comprendrez que j’aborde cette audition avec une certaine humilité. Je vais néanmoins essayer, au travers de la description de l’inspection des services pénitentiaires, de ses servitudes et de ses difficultés, de vous faire partager le sentiment que le fait que les contrôles soient insuffisants ne signifie pas qu’ils soient mal faits et que si les contrôles de l’administration pénitentiaire doivent être améliorés, cela passe par un effort général qui va au-delà du seul service de l’inspection.
Le ministère de la justice comporte, comme beaucoup de ministères, une inspection générale, compétente sur tous les services du ministère, à l’exception notable de la Cour de cassation, et trois petites inspections dites " techniques " qui sont la mission des greffes de la direction des services judiciaires, l’inspection de la protection judiciaire et de la jeunesse et l’inspection des services pénitentiaires qui dépend de la direction de l’administration pénitentiaire.
Cette inspection a pour première fonction de contrôler les services déconcentrés, alors que l’administration centrale échappe à son contrôle. Par services déconcentrés, il faut entendre 186 établissements pénitentiaires, dont neuf importants situés outre-mer - Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, 100 services pénitentiaires d’insertion et de probation qui sont de création récente et de façon théorique, neuf directions régionales des services pénitentiaires car elles n’ont jamais fait l’objet de contrôles.
A cette fonction de contrôle dévolue principalement à l’inspection des services pénitentiaires, s’ajoute celui de conseil technique du directeur de l’administration pénitentiaire, notamment en matière de sécurité pénitentiaire à la fois pour les structures et les dispositifs techniques et en matière aussi de gestion du personnel. Enfin, l’inspection des services pénitentiaires se voit confier un certain nombre de missions d’expertise.
Pour ces 295 cibles potentielles - je les qualifie ainsi car la priorité est absolument donnée aux établissements pénitentiaires - l’inspection est composée en théorie, de cinq inspecteurs des services pénitentiaires, recrutés parmi les directeurs des services pénitentiaires de haut niveau, c’est-à-dire les directeurs hors classe ou les directeurs régionaux. Je dis " en théorie " et ce mot doit être souligné, car il est rare que l’inspection fonctionne à plein effectif et ainsi, depuis 1997, l’inspection ne compte que quatre inspecteurs.
L’inspection est dirigée statutairement par un magistrat, membre de l’inspection générale des services judiciaires et mis à disposition de l’administration pénitentiaire pour remplir cette mission.
Enfin, un service d’audit technique du nom de " brigade de sécurité pénitentiaire " dépend également de l’inspection. Composé de quatre fonctionnaires, son rôle est d’assurer l’audit technique des établissements, c’est-à-dire des petits dispositifs de sécurité. Ce service assume également la mission spécifique et relativement importante en milieu pénitentiaire que sont les fouilles générales d’établissements lorsqu’un objet, une arme par exemple, y a été introduit et qu’il s’agit de le détecter. Une technicité particulière s’attache aux fouilles générales. Ces fonctionnaires la connaissent et accomplissent plusieurs fouilles générales par an.
Au quatre ou cinq inspecteurs s’ajoute donc en permanence, une équipe d’alerte pour les missions urgentes déclenchées en raison d’événements ponctuels.
Compte tenu de la nécessité de voir les inspections conduites par deux inspecteurs pour des raisons d’objectivité, d’impartialité et de neutralité, il s’avère qu’une seule équipe est disponible pour tourner en permanence en établissement pénitentiaire lorsque les autres charges du service le lui permettent.
L’inspection des services pénitentiaires effectue à peu près, à elle seule, sans compter les missions de la brigade de sécurité pénitentiaire, et tout confondu, une cinquantaine de missions par an. Elles sont de trois ordres. Nous les regroupons, car certaines ne peuvent être classées dans une seule catégorie.
Je distingue d’abord les contrôles de routine que nous effectuons à longueur d’année et qui consistent pour deux inspecteurs à visiter un établissement pénitentiaire en une ou deux journées au maximum, suivant la taille de l’établissement. Je parle de " routine " - le terme est un peu réducteur - parce qu’on ne voit pas nécessairement au cours de ces contrôles tout ce qui peut être détecté. - La deuxième catégorie - les missions de contrôle général consistent à " peigner " un établissement du sommet à la base. Ces contrôles nécessitant un investissement en temps et en hommes beaucoup plus important, c’est toute l’inspection - cinq personnes - qui se rend sur place pour quatre ou huit jours ou bien qui y revient à plusieurs reprises.
Le contrôle de routine comme le contrôle général s’opèrent à peu près selon les mêmes techniques : la visite de l’établissement, que tout un chacun peut conduire ; les constatations matérielles que l’on peut opérer grâce à la technicité des inspecteurs pénitentiaires ; ensuite et surtout, le contrôle des conditions de détention - celui qui est le plus difficile - qui est réalisé par des entretiens à la fois avec les membres du personnel, ce qui n’est pas aisé et qui ne va pas de soi lorsqu’une équipe d’inspection arrive dans un établissement pénitentiaire et avec les détenus. Ces contrôles se réalisent de jour comme de nuit, ils sont annoncés ou inopinés selon l’objectif recherché et selon les renseignements dont l’inspection dispose au préalable.
Les missions sur événements constituent la troisième catégorie. Les événements les plus graves pour nous sont l’évasion, la prise d’otage et la mutinerie. En ce qui concerne les évasions, nous avons à nous déplacer en urgence plusieurs fois par an. Les missions sur événements peuvent se décliner en missions de renseignement du directeur de l’administration pénitentiaire et du cabinet du ministre, en une enquête de responsabilité lorsqu’il y a faute, enfin, en une enquête en vue d’un retour d’expérience afin d’analyser les points positifs et ceux où nous avons été mis en échec.
Enfin, quatrième type de mission : les missions disciplinaires. L’inspection des services pénitentiaires reçoit un certain nombre de dénonciations adressées à la direction de l’administration pénitentiaire, qui font état de dysfonctionnements, qu’elles viennent de l’autorité administrative, de l’autorité judiciaire, de syndicats ou de détenus. Des enquêtes sont conduites selon des procédures qui peuvent éventuellement, sur décision du directeur, déboucher sur des procédures disciplinaires.
Enfin, les missions d’expertise peuvent être de tous ordres. Il serait trop long de les énumérer.
Les contrôles portent bien évidemment sur l’application de la réglementation des établissements pénitentiaires - l’inspection est destinataire de toutes les réglementations nouvelles et vérifie leur application - sur la sécurité, sur les relations sociales et - je l’ai évoqué en quatrième position, mais ce point est vérifié en premier - sur les conditions de détention et le traitement réservé aux détenus. C’est ce dernier contrôle, qui pour des raisons évidentes, est le plus difficile à effectuer. Il va de soi que si l’on ne modifie pas la taille des cellules ou la présence d’animaux indésirables, on peut très bien modifier, à l’occasion du passage de l’inspection, la façon dont une procédure est conduite, dont un détenu ou membre du personnel est traité car des problèmes peuvent également survenir dans les relations entre la direction et les membres du personnel.
On ne peut donc se contenter pour ce type de contrôle d’une simple visite, fût-elle d’une journée. La seule technique efficace en ce domaine est, si je puis dire, l’immersion dans l’établissement plusieurs jours, afin que les personnes qui y vivent s’habituent à la présence des inspecteurs, qu’on ne les considère plus comme des ennemis ou comme des personnes qu’il faut obligatoirement redouter, et que l’on obtienne des renseignements, par des discussions ou des entretiens. L’apport de mes collègues pénitentiaires est irremplaçable, car, connaissant beaucoup mieux le milieu pénitentiaire que quiconque qui y est extérieur, ils parviennent à obtenir des renseignements, des confidences de tel ou tel membre du personnel, et, petit à petit - c’est très long et parfois très difficile - la vérité sur ce qui se passe en l’absence du service d’inspection. Vous avez tous à l’esprit l’affaire de Beauvais dont je tiens quand même à dire, car je ne voudrais pas qu’on l’oublie, qu’elle a été détectée par l’administration pénitentiaire et mise à jour par l’inspection. Une visite d’une journée de la maison d’arrêt de Beauvais, n’aurait probablement pas permis de détecter ce qui s’y passait même après cinq ans d’expérience - mes collègues comptabilisent pour chacun vingt, vingt-deux et vingt-cinq ans d’administration pénitentiaire -. Il va de soi que la plupart des faits qui s’y sont déroulés, ne se seraient pas produits au passage de l’inspection et que la réserve naturelle des fonctionnaires, la crainte peut-être des détenus, ne leur aurait pas permis de révéler immédiatement tout ou partie de ceux-ci.
On ne peut donc, quelle que soit l’autorité qui visitera les prisons, se contenter de simples visites rapides. Au début de mes fonctions à l’inspection, j’ai visité une maison d’arrêt de taille modeste de l’Ouest. Le membre de l’inspection pénitentiaire qui m’accompagnait et moi-même avons détecté un certain nombre de dysfonctionnements relativement graves. Nous sommes revenus une seconde fois et nous avons détecté des infractions comptables qui ont justifié l’éviction du chef d’établissement et d’un certain nombre de cadres. Mon collègue m’a montré dans le registre des visites des autorités une mention qui y avait été apposée quelques mois auparavant : " Visite au nom du Procureur général de la Cour d’appel de Caen : établissement très bien tenu ". C’était signé : " Philippe Maître ". J’avais en effet visité l’établissement quelques mois auparavant. Je portais déjà un intérêt à l’institution pénitentiaire ! C’était une visite annoncée, l’établissement m’était apparu très bien tenu, tout y était propre. Je n’avais pas la technicité nécessaire pour détecter les infractions réglementaires un peu plus fines ; pendant les deux ou trois heures de ma visite il ne s’était rien passé de répréhensible et je n’ai pu relever les détournements qui se produisaient quotidiennement dans cette maison d’arrêt.
M. le Président : Votre conclusion est un encouragement à nos propres visites ! En tout cas, je vous remercie de la description du travail que vous effectuez, de ses difficultés et de ses limites.
Quel est le suivi des rapports que vous élaborez ?
M. Philippe MAITRE : Tout dépend de la suggestion du rapport. S’il s’agit d’une question de personnel, je peux le dire sans flagornerie aucune pour mes directeurs successifs, elle est toujours suivie d’effets : soit par une mesure disciplinaire pour les dysfonctionnements fautifs, soit par le jeu de mutations dans l’intérêt du service, façon de régler le problème de manière un peu moins voyante. Si, en revanche, il s’agit de problèmes de structures, qui engagent des investissements financiers lourds, l’inspection procède nécessairement, avec plus de modestie. Il est assez rare, à l’issue d’une visite, d’indiquer qu’il est nécessaire de construire quatre miradors supplémentaires, car, participant à la gestion de la direction de l’administration pénitentiaire, nous savons que ce type d’investissement ne peut être réalisé dans des délais brefs et qu’il convient de garder un certain sens des réalités.
Sur les problèmes de personnel et les dysfonctionnements graves, je puis affirmer que ces rapports sont toujours suivis d’effets.
M. le Président : Et concernant les détenus ?
M. Philippe MAITRE : En cas de mauvais de traitements des détenus également.
M. le Président : Vous avez suivi de très près les travaux de la commission présidée par M. Canivet, que nous avons auditionné. Que pensez-vous de ses propositions ?
M. Philippe MAITRE : Je suis un fervent partisan du contrôle externe, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faille supprimer le contrôle interne. Je suis partisan de la coexistence de ces deux contrôles, l’un ne s’opposant pas à l’autre. Précisément parce qu’il est difficile de détecter un certain nombre de dysfonctionnements, il convient que plusieurs personnes s’y attachent. Le comité de prévention de la torture et des traitements inhumains, en quelques heures de visite, parvient à des résultats que d’autres entités mettront plusieurs jours, du moins plusieurs heures, à détecter, car ce comité n’est pas identifié comme un organe administratif. Aux yeux des détenus et du personnel, il n’y a pas de risques de contrecoups ou de représailles. C’est pourquoi je crois nécessaire d’introduire un contrôle externe de bonne qualité dans les établissements pénitentiaires. La commission présidée par M. Canivet souhaite que les magistrats continuent à exercer un rôle en prison. En ma qualité de magistrat, j’ajoute que je souhaite qu’ils effectuent réellement les contrôles qui leur incombent. Parce qu’ils sont proches d’un établissement pénitentiaire où ils doivent se rendre relativement fréquemment, du moins au regard des textes, pour vérifier un certain nombre de points, ils sont des interlocuteurs privilégiés qui pourraient détecter plus facilement des dysfonctionnements.
Cependant, je considère, un peu comme tout le monde, du moins dans mon entourage, que le système proposé par la commission Canivet est un peu trop compliqué par rapport à ce qu’il serait possible de réaliser et que l’on passe un peu d’un extrême à un autre. Un choix doit être exercé entre le contrôle général et la médiation. L’accumulation de trop de contrôles risque d’aller à l’encontre du but recherché.
M. le Rapporteur : Ne pensez-vous pas qu’un rapport d’inspection ou les futurs rapports de la mission qui pourrait être mise en place à la suite des propositions de M. Canivet auraient un rôle beaucoup plus important s’ils étaient rendus publics ou du moins accessibles à un certain nombre d’autorités ? En effet, si nous avions connaissance de leur contenu, nous chercherions ensemble les réponses à ces questions. L’opacité qui entoure les rapports et les inspections - je ne sais si elle est voulue, recommandée ou si elle résulte des textes réglementaires - ne nous autorise pas à avoir une vision normale de l’administration pénitentiaire et de la vie en prison.
M. Philippe MAITRE : Monsieur le Rapporteur, j’en conviens tout à fait. À vrai dire, je m’interroge sur les motifs pour lesquels ces rapports ne pourraient pas connaître une plus grande diffusion. Je crois d’ailleurs que le motif principal ne porte pas sur le contenu et, si je puis dire, j’ouvre mon armoire à qui veut les lire. Il n’y a rien de secret, rien de scandaleux, en dehors de ce que nous avons pu constater et qui peut constituer en soi un scandale, mais il n’y a pas de mystères ou de choses que l’administration pénitentiaire voudrait cacher. Il n’en reste pas moins que la situation est ainsi ; même si nous avons l’impression, nous, membres de l’administration pénitentiaire, d’être transparents, nous ne le sommes point. Selon moi, ce qui s’oppose le plus à la transparence c’est le souci, légitime, de la direction de l’administration pénitentiaire de maintenir avec les personnels ou avec leurs représentants des relations de bonne qualité. Il n’est jamais agréable pour des personnes qui font bien leur travail - certes, le corporatisme, le sentiment de solidarité entrent en ligne de compte - de voir stigmatiser l’un des leurs et donner à penser, surtout au travers de la relation qui peut en être faite dans certains organes de presse, que le dysfonctionnement que l’on souligne est d’ordre général. Cela contribue à ajouter une couche supplémentaire d’opprobre sur des agents, qui, pour l’essentiel, exercent parfaitement bien leur métier et ont des sentiments très éloignés de ceux qu’on leur prête à tort. En disant cela, je suis d’une parfaite sincérité.
M. Louis MERMAZ : Monsieur Maitre, votre mission est de vérifier que le système fonctionne à peu près normalement. Pourriez-vous nous donner votre sentiment sur le système pénitentiaire ? Quelle est sa philosophie générale ? Comment voyez-vous son évolution ? Avant d’avoir visité beaucoup de prisons, je crois que l’on a déjà tout compris. Bien entendu, cela reste à vérifier.
Au cours de vos inspections, avez-vous l’occasion de rencontrer des enfants détenus ? Des déments ? Des détenus très âgés qui ne savent même plus pourquoi ils sont en prison et auxquels d’ailleurs les grâces médicales sont accordées au compte-gouttes ?
Enfin, lors de vos rencontres avec le personnel, comment ressentez-vous le vécu et le travail de ces hommes et femmes qui passent trente ou trente-cinq ans de leur vie dans la prison ? Quel est leur moral ? Ce sont en général des personnes très compétentes. Nous avons entendu dire que si elles n’avaient pas une grande pratique de leur métier, compte tenu de l’état des prisons, le nombre des suicides serait encore plus élevé.
M. Philippe MAITRE : Répondre à la question de l’évolution du système pénitentiaire est une tâche difficile.
Au cours de ces derniers mois, se dégage l’idée qu’il faut redonner un sens à la peine et surtout un sens à l’emprisonnement : qu’est-ce que la société veut que l’on fasse avec les détenus confiés à l’administration pénitentiaire ? Que l’on tranche l’ambiguïté qui existe entre les deux missions assignées à l’administration pénitentiaire, la garde et la réinsertion, dont certains disent - je ne me prononce pas sur ce point - qu’elles sont nécessairement antithétiques, et en tout cas, que bien réaliser l’une peut compromettre l’autre. Faut-il exercer un choix ? Privilégier l’une par rapport à l’autre ? Dans quelle mesure d’ailleurs a-t-on la liberté de procéder à ce choix au regard d’une certaine partie de l’opinion publique et des sentiments qui se révèlent à l’occasion de tel ou tel événement pénitentiaire ? Beaucoup de chefs d’établissement et beaucoup de membres de l’administration pénitentiaire, quel que soit le grade auquel ils appartiennent, formulent la question : " A quoi sert-on ? Que l’on nous dise ce que nous devons faire plutôt que de nous critiquer. Que la société explique ce qu’elle veut que l’on fasse des personnes qu’elle soustrait un moment à la liberté et confie à une administration. "
Les cas d’enfants en détention sont rares. Je parlerai des mineurs. Un gros effort a été fait récemment en faveur des quartiers de mineurs, à la suite, d’ailleurs, d’incidents car souvent les choses changent par réaction. Je vous rejoins, Monsieur le député, pour saluer le dévouement des personnels affectés aux quartiers de mineurs. Il a fallu inventer des solutions tout à fait différentes et faire appel à l’intérêt personnel d’un certain nombre d’agents hautement méritants pour s’occuper de cette population, plus difficile, encore plus violente et, beaucoup plus indisciplinée que ne le sont les adultes.
Je n’ai pas conduit personnellement de missions portant particulièrement sur les quartiers de mineurs. Je me souviens néanmoins d’une inspection à visée disciplinaire dans un établissement où s’étaient produits des faits graves au quartier des mineurs. J’y ai rencontré un agent qui m’a marqué par le dévouement dont il faisait preuve et l’intérêt qu’il portait aux mineurs auprès desquels il jouait le rôle d’une autorité paternelle souriante, mais ferme et qui réussissait très bien dans la fonction qui lui était dévolue.
Les déments deviennent un problème grandissant, angoissant pour l’administration pénitentiaire et une source de craintes légitimes pour les personnels pénitentiaires. Pour des raisons sur lesquelles je n’ai officiellement pas d’avis et que votre commission connaît sans doute, de moins en moins de personnes sont déclarées démentes devant les tribunaux, alors qu’elles justifieraient d’un placement d’office ou d’un internement. Déclarées responsables des faits qui leur sont reprochés, elles sont condamnées et incarcérées et c’est le personnel pénitentiaire, dépourvu de toute qualification spécifique en la matière, qui y est confronté dans des conditions dramatiques et inquiétantes.
J’ai rencontré beaucoup de personnes en détention qui relevaient, apparemment, de la catégorie des déments. C’est l’un des problèmes graves pour le personnel pénitentiaire et pour la direction.
Les personnes âgées sont dans l’état que vous avez décrit. Au point de ne plus comprendre le sens de leur peine ? Je ne le sais pas. Je n’en ai pas rencontré personnellement, mais j’ai vu en détention des personnes de plus de quatre-vingts ans. Il faut, à chaque fois, remettre en perspective la gravité des faits qui leur ont été reprochés pour comprendre et admettre qu’elles soient toujours incarcérées. Sur la légitimité de la sanction, je n’ai pas d’autres commentaires à formuler.
Le moral des fonctionnaires pénitentiaires est très bas. J’ai été étonné de voir la façon dont ils réagissent aux investigations actuelles et aux campagnes de presse. Ils les considèrent comme une injustice grave à l’égard de l’immense majorité d’entre eux qui fait bien son travail et ils ont l’impression qu’on ne les crédite pas des efforts extraordinaires qu’ils ont consentis depuis une vingtaine d’années. Celles et ceux qui connaissaient les détentions il y a une vingtaine d’années me comprennent. Il suffit de visiter une prison, ne serait-ce que quelques heures, même les pires, pour s’apercevoir que l’on a rattrapé des dizaines d’années de retard accumulé. Je n’appartiens pas à cette administration et, je vais prochainement la quitter ; cela me permet de dire que peu d’administrations se sont autant réformées avec autant d’efforts demandés au personnel que l’administration pénitentiaire. Les personnels qui ont participé à cet effort et qui ne sont pas ceux responsables de dysfonctionnements souffrent profondément de cet opprobre jeté sur l’ensemble du corps, qui les blesse et les décourage. Un profond sentiment de découragement se fait jour contre lequel nous sommes pour l’heure quelque peu démunis, hésitant entre deux points de vue : rassurer en leur disant que ce n’est pas si grave, ce qui est priver l’institution d’un moyen de se ressaisir sur les points posant difficulté et de franchir une étape supplémentaire vers le bon fonctionnement, et l’accablement : " Nous avons commis des fautes ; il est inutile de casser le miroir, ressaisissons-nous. " Il n’en reste pas moins que j’ai été étonné de voir des personnels qui, habituellement, ont une vision très mesurée des choses, arbitrant bien entre le reproche fondé et l’injustice, basculer dans le camp des découragés et dire qu’ils sont des parias.
M. Bruno LE ROUX : M. Maitre, vous avez détaillé les difficultés qu’il y a à entrer, à voir et à décrypter ce qui se passe en détention.
M. Philippe MAITRE : Non pas à entrer, je n’ai jamais été interdit d’établissement !
M. Bruno LE ROUX : J’avais l’impression que, disant cela, vous nous montriez la difficulté de la tâche qui nous attendait. Il en découle deux questions. Je poserai la première au chef de l’inspection. Pouvez-vous, concrètement, établir un tableau hiérarchisé des principaux dysfonctionnements que vous relevez aujourd’hui et auxquels nous devrions être attentifs ?
Ma seconde question s’adresse à l’homme, habitué à entrer dans les prisons. Qu’est-ce qui vous choque dans le fonctionnement des prisons ?
Tout cela pourrait s’articuler autour du fait que nous allons passer quelques heures en prison, et non procéder à une immersion totale. Auriez-vous quelques conseils à nous donner, outre les conseils d’usage dont nous allons faire profit par l’expérience tirée de nos rencontres avec la direction de la prison, les différents syndicats et les personnels ?
M. Philippe MAITRE : Il est très difficile de hiérarchiser les dysfonctionnements, car ils sont très variés et parce que statistiquement j’ai peu de recul. Je privilégie souvent, à tort, les dysfonctionnements les plus graves qui ont conduit à des procédures disciplinaires alors qu’ils ne sont pas obligatoirement représentatifs. On peut identifier des faits absolument énormes dans une petite maison d’arrêt qui ne sont pas du tout représentatifs d’un type de dysfonctionnement répandu.
Ce qui caractérise la masse des dysfonctionnements légers rencontrés lors des contrôles de routine naît du souci des personnels pénitentiaires d’adapter la règle à leur niveau, " dans leur coin ", à la structure de l’établissement, aux effectifs, à la présence plus ou moins nombreuse des surveillants. Sans doute parce que je suis magistrat, je suis attaché au respect des textes. Je suis surpris que le règlement soit substitutif, autrement dit qu’il ne soit appliqué que si rien ne s’y oppose. Je ne voudrais pas pour autant que les membres de votre commission en concluent que l’on fait n’importe quoi et que c’est obligatoirement en défaveur des détenus et du personnel. Parfois - et je tire dans le camp de la direction de l’administration pénitentiaire - la règle, en raison de la diversité des établissements, n’est pas applicable partout.
Par exemple, les quartiers d’isolement et les quartiers disciplinaires ont été réglementés de façon très stricte. Il faut savoir que dans plus de la moitié des établissements français, l’établissement est si petit qu’il n’existe pas de quartier d’isolement. Or, sur demande des magistrats instructeurs ou par souci de sécurité, des détenus doivent être mis à l’isolement. Le réflexe administratif consisterait à adresser un rapport indiquant qu’il n’existe pas de quartier d’isolement et soulignant l’impossibilité d’appliquer les règles. Or, la pratique est différente : on fait en sorte qu’il y ait une cellule isolée. Elle ne l’est pas complètement et, dans la mesure où elle n’est pas souvent utilisée, elle sert également de cellule ordinaire. Cela donne lieu non à des procédures disciplinaires, mais à des remises en ordre, et souvent la raison en est que l’on ne peut tout remettre à neuf en quelques heures.
Je vous parle du mauvais traitement des détenus, parce que ce sont là des choses qui nous choquent et auxquelles nous prêtons la plus grande attention. Je crains cependant que vous ne croyiez que ce sont là des faits qui se renouvellent quotidiennement alors qu’ils sont rares. C’est vrai que cela est choquant et nourrit les rapports, mais je ne voudrais pas donner l’impression que les personnels pénitentiaires sont animés par une vision négative du détenu. Certains, effectivement, sont dans un état d’esprit tel que la relation avec le détenu est rendue un peu plus difficile. Pour le reste, la grande difficulté est de tirer l’administration pénitentiaire vers les exigences actuelles et peut-être vers celles que l’on pose à une échelle de dix ans. Il n’est facile pour personne de s’adapter.
Le plus choquant, à mes yeux - je ne sais si je dois donner ce genre de détail, mais nous sommes à huis clos et vous êtes prêts à tout entendre - ce sont les conditions de détention à plusieurs dans une cellule et le non-cloisonnement des toilettes. Cela, avant ce que dit la presse ou le comité de prévention de la torture, continue à me choquer. Ce sont des conditions de vie inadmissibles pour un pays démocratique bientôt au vingt et unième siècle. Je ne crois pas que ce soit une réaction personnelle, simplement - c’est un point important - elle est un peu émoussée chez des personnels qui ont passé plus de vingt ans en prison et qui disent avoir connu il y a une vingtaine d’années le système des seaux hygiéniques que l’on sortait des cellules tous les matins. Pour eux, le système actuel, pour scandaleux qu’il soit encore, est déjà un progrès par rapport à ce qu’ils ont connu à une époque où, plus jeunes, ils avaient peut-être une aptitude à être choqués encore plus grande. Cela étant, les personnels sont complètement démunis face à cette situation, parce qu’il ne dépend pas d’un directeur d’établissement de faire changer la structure de centaines de cellules avec les moyens que lui allouent la direction de l’administration pénitentiaire et la direction régionale, d’autant qu’il existe des besoins de tous ordres, notamment en matière de sécurité.
Au cours de ces cinq années, j’ai visité les prisons en me demandant si je supporterais les conditions de détention. Et la réponse est non, pas partout. Les établissements pour peines avec l’encellulement individuel offrent parfois de bonnes conditions. C’est d’ailleurs ce qui a nourri un certain nombre de critiques, car les cellules étaient à ce point " belles " et " accueillantes " disait-on - il ne faut pas oublier la privation de liberté - que certains les comparaient à certaines catégories d’hôtel. Mais, dans la plupart des maisons d’arrêt, les conditions de détention sont scandaleuses.
M. le Président : Quels seraient, pour se forger une idée juste de ce qui se passe, les conseils que vous nous donneriez, à nous qui passerons peu de temps à effectuer les visites ?
M. Philippe MAITRE : Je ne sais si votre commission annoncera ou non ses visites. Si vous les annoncez, l’établissement sera obligatoirement nettoyé la veille. En revanche, je crois qu’il faut visiter beaucoup d’établissements : neufs, anciens, petits, grands et parler au personnel et aux détenus avec la réserve nécessaire - je ne les mets pas du tout sur le même plan - s’agissant notamment de la qualité des confidences qui peuvent ressortir, car des règlements de comptes se produisent à cette occasion. Peut-être convient-il de faire des visites inopinées, y compris la nuit. Elles sont parfois instructives.
Il n’y a pas de secrets d’inspection, Monsieur le Président. Je vous ai dit précédemment que " Beauvais nous aurait échappé ", on ne peut être plus sincère, même s’il est catastrophique que le chef de l’inspection pénitentiaire vous dise qu’il n’aurait rien vu en une journée. Pour autant, je ne dis pas que je n’aurais rien vu en huit jours et j’y insiste. Mais Beauvais est un petit établissement comme il en existe des dizaines. Rien n’aurait conduit l’inspection à passer quatre jours avec quatre inspecteurs dans cet établissement. Je ne pense pas que votre commission soit en mesure non plus de produire un travail de cette nature. C’est pourquoi le contrôle externe est important. Ce sont les personnes proches de la détention ou celles qui ont des capacités d’alerte qui peuvent remplir efficacement cette fonction. C’est pourquoi il faut absolument un contrôle extérieur, qui d’ailleurs n’aura qu’une mission de détection. L’enquête, l’appréciation du dysfonctionnement reviendra au contrôle interne, parce qu’il faut des spécialistes et que la procédure disciplinaire revêt une certaine technicité.
M. Robert PANDRAUD : Comme nous sommes à huis clos, je pense que mes questions ne seront pas qualifiées de provocatrices !
Monsieur Maitre, vous avez déclaré que le personnel de l’administration pénitentiaire avait tendance à être démotivé, à la suite des événements récents. Que faudrait-il faire pour le remotiver ? Dans d’autres administrations aussi, il est des abus, des dysfonctionnements, mis en exergue par la presse, par les médias, ce qui décourage l’immense majorité des fonctionnaires qui travaillent bien et qui aiment leur métier.
M. Canivet a déclaré que l’administration pénitentiaire allait se trouver dans l’obligation de recruter un nombre très élevé de fonctionnaires pour remplacer les actuels titulaires sur le point de partir à la retraite. Or, si l’on donne une trop mauvaise image de marque à la profession, les candidats seront difficiles à trouver et ce ne seront certainement pas les meilleurs des candidats à la fonction publique. Un important travail de motivation est à engager. La presse ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure, elle ne parle que de ceux qui déraillent, mais, vis-à-vis de la fonction publique - et ce n’est pas vrai seulement de l’administration pénitentiaire, - on est en train de déraper quelque peu. C’est pourquoi, contrairement à notre rapporteur, je suis tout à fait hostile à ce que toutes les enquêtes des inspections soient publiques. Je veux bien que les rapporteurs des assemblées en aient communication, mais les trouver dans un journal, cela me paraît dangereux.
Ne serait-il pas souhaitable que votre mission d’inspection et que les fonctionnaires qui sont auprès de vous aient la qualité d’officiers de police judiciaire ? Cela permettrait une meilleure coordination et sans doute d’engager des procédures plus rapidement. Aujourd’hui, on élargit la qualité d’officier de police judiciaire notamment aux agents des douanes. Je crois que ce serait là une bonne mesure pour le personnel en faveur de la transparence et de l’accélération des procédures.
M. Philippe MAITRE : A titre personnel, je suis surpris de la qualité des personnels de surveillance que nous recrutons. Au cours d’une enquête, j’ai rencontré un surveillant stagiaire, qui décrivait avec minutie, en des termes choisis et dans un langage académique le processus d’évasion. Je me suis permis de lui demander son niveau d’études. Il m’a répondu : " Bac +4 ".
A l’égal de ce qui se passe dans la police, nous comptons désormais des gens de haut niveau auxquels l’École nationale de l’administration pénitentiaire, en pleine réforme, présente un métier et des pratiques relativement attrayantes. Je crois savoir que la désillusion est forte dès lors que ces personnes sont confrontées à la réalité. Un préfet de police me disait récemment que le problème était le même pour un certain nombre de gardiens de la paix. Ils s’aperçoivent qu’entre la fiche de recrutement et la réalité, il y a un monde qu’ils ne soupçonnaient pas. De là, naît le désinvestissement, l’intérêt porté aux repos de garde, aux repos hebdomadaires et aux congés en général plutôt qu’au service.
Les remèdes passent, me semble-t-il, par la définition évoquée tout à l’heure : il faut leur dire à quoi ils servent et quelles missions ils remplissent. C’est du reste leur revendication. Ils ne veulent plus être considérés comme des porte-clefs ou comme assumant une mission simplement formelle. Il convient de leur redonner un rôle, y compris un rôle de réinsertion ou de participation à la réinsertion des détenus. Bien que ce ne soit pas le lieu pour l’évoquer, c’est le sens du projet d’exécution des peines, qui consiste à demander aux surveillants de faire des fiches d’observation sur la façon dont se comportent quotidiennement les détenus, fiches exploitées par le juge de l’application des peines, par la direction de la prison et par les éducateurs, pour envisager la réorientation du détenu, la possibilité d’un transfert dans un établissement à régime un peu plus progressif ou sélectif afin d’assurer sa réinsertion.
Je serais représentant syndical de personnel de surveillance, je formulerais des revendications indemnitaires, mais je ne crois pas que ce soit là une revendication première. La préoccupation de ces personnels est plus profonde, encore que les intérêts financiers ne soient pas obligatoirement détestables ! Il faut leur dire à quoi ils servent, ce qu’ils peuvent faire et valoriser leur mission. On ne peut demander à une personne ayant une formation supérieure de simplement ouvrir des portes. C’est du gâchis et une perte de temps car sa démotivation est assurée.
Sur la question des officiers de police judiciaire, je vous rejoins. J’aurais même souhaité vous précéder, parce que l’un des grands problèmes que rencontre l’inspection réside dans l’articulation de ses missions avec celles des autorités judiciaires, même si ce fait n’est pas spécifique à l’administration pénitentiaire. Un dysfonctionnement qui se produit dans une prison peut être purement pénitentiaire : on a laissé une porte ouverte ou oublié une mesure de sécurité. D’autres dysfonctionnements sont des faits de droit commun qui se sont produits dans une prison : par exemple, un surveillant reçoit un coup de couteau et réplique par un autre coup de couteau. Une instruction est alors ouverte. L’inspection pénitentiaire envoyée sur place est confrontée à une affaire extrêmement compliquée : il y a quatre témoins du personnel de surveillance, il y a du sang de provenance différente dans la cellule et des détenus, depuis la coursive, ont aperçu une partie de la scène. Une information est ouverte. Les inspections administratives se trouvent dans une situation très difficile. D’abord, en raison de l’interférence entre les officiers de police judiciaire présents, missionnés par les magistrats, et l’inspection administrative. J’ai toujours laissé la priorité à la justice pour savoir qui entendra le premier, ce qui revêt d’ailleurs une certaine importance, puisqu’une audition ne se fait qu’une fois. Cela a conduit à un certain nombre de déconvenues. Deux ou trois fois, l’inspection administrative étant passée avant les officiers de police judiciaire, certains magistrats en ont conçu une forte mauvaise humeur au motif que nous aurions déstabilisé l’enquête judiciaire, ce qui, bien évidemment, n’était pas notre intention.
Dans la mesure où elle n’a pas compétence pour ordonner une analyse de sang, pour organiser des confrontations ni pour entendre des personnes à l’extérieur des prisons, alors qu’il arrive que des faits graves aient eu un témoin extérieur et ne peut non plus se déplacer pour l’entendre, très rapidement, l’inspection administrative est bloquée.
Reste enfin - c’est un sujet qui dépasse de très loin notre sujet d’aujourd’hui - la question de l’accès des inspections administratives aux dossiers. On est là dans une situation qui est véritablement difficile à comprendre. Dans certains cas, on me donne la copie de la procédure de police à titre officiel, d’autres fois à titre officieux, avec le droit de m’en servir ou bien sans ce droit. Parfois on me la refuse ou on me la transmet par l’intermédiaire du garde des sceaux. A chaque fois la décision prise s’appuie sur une interprétation de la règle selon laquelle les enquêtes et les instructions sont secrètes. Cette règle n’a pas été respectée très longtemps mais la pratique emporte un risque important pour le magistrat et pour les inspecteurs qui peuvent se voir accuser de recel, de violation du secret de l’enquête ou de l’instruction, pour avoir voulu faire correctement leur métier et tenter de s’inspirer des procédures judiciaires qui sont, dans bon nombre de cas, bien mieux nourries et plus efficaces que celles dont dispose une inspection administrative pour conduire une enquête.
Mme Nicole FEIDT : Nous avons dit que le personnel pénitentiaire allait mal, ce que l’on constate quand on s’entretient avec les syndicats notamment. Avez-vous la possibilité de procéder à une évaluation des méthodes de travail au sein des établissements ?
Qu’en est-il du suivi médical et psychologique des détenus et du contrôle du respect de leurs droits ? Si la proposition de la commission Canivet sur la création d’un corps de contrôleurs des prisons était suivie d’effets quelles en seraient les conséquences pour les services de l’inspection pénitentiaire ?
M. Philippe MAITRE : L’évaluation des méthodes de travail n’est pas confiée à l’inspection des services pénitentiaires. Depuis la réorganisation de la direction de l’administration pénitentiaire, celle-ci relève de la sous-direction des services déconcentrés et du bureau des ressources humaines.
Le suivi médical des détenus n’incombe plus à l’administration pénitentiaire depuis que le service médical n’est plus de sa responsabilité mais incombe entièrement au ministère de la Santé. Cela pose le problème de l’articulation des inspections, quand des dysfonctionnements se produisent à la limite du service médical et du service pénitentiaire. Un détenu a-t-il été secouru assez rapidement ? À quel moment a-t-il appelé ?
Nous avons compétence pour enquêter sur la partie pénitentiaire, l’IGASS sur la partie médicale. L’articulation des deux inspections, qui, pour l’heure, s’entendent très bien, mériterait peut-être d’être mieux définie ou du moins d’être officiellement prévue.
Garantir le respect des droits des détenus est l’une des missions de l’inspection des services pénitentiaires comme des chefs d’établissement et des directeurs régionaux. Il n’existe pas de structure qui, en tant que telle, s’occuperait uniquement du respect des droits des détenus. Les plaintes sont prises au sérieux par les magistrats des parquets qui en sont plus souvent destinataires que nous ne le sommes nous-mêmes et sont, en tout état de cause, assez rapidement suivies d’effets, même si, je ne puis vous fournir de statistiques ou d’assurance sur ce point.
Dans les jours suivant la parution du rapport Canivet, certains en me croisant dans les couloirs m’adressaient des sourires de commisération. Je ne pense pas que l’inspection pénitentiaire soit menacée par les propositions de ce rapport dans la mesure où il est, à mon sens, complètement impossible de supprimer le service de contrôle interne. Encore une fois, le contrôle externe aura pour principal intérêt de détecter les dysfonctionnements. Mais il faudra un service pour les évaluer et engager, le cas échéant, une procédure disciplinaire, procédure qui est devenue - avec la judiciarisation tout à fait souhaitable des conseils de discipline - d’une grande lourdeur et très consommatrice de temps. Dans le cadre des procédures disciplinaires, les auditions sont toutes réalisées par au moins deux inspecteurs. Contrairement à ce qui se passe dans les inspections administratives, on dresse toujours un procès-verbal non seulement de l’audition des mis en cause, mais également de celle des témoins. L’intégralité des documents, en la forme judiciaire, avec temps de pause, relectures, signatures - exactement comme il en va devant un juge d’instruction - est transmise au conseil de discipline. La procédure est protectrice, objective et très lourde.
M. Jean-Yves CAULLET : J’ai été frappé par les moyens de vos services au regard de l’immensité de la tâche. Ce service exerce deux fonctions : d’une part, l’inspection, au sens de la détection et de l’analyse des points à revoir ; d’autre part, l’observation régulière et l’aide au conseil pour l’amélioration des situations.
Dans ces deux domaines, les moyens dont vous disposez apparaissent très faibles. Pensez-vous que vous pourriez obtenir que des hauts fonctionnaires soient détachés pour aider à remplir un certain nombre de tâches dans ces deux domaines ?
Vous avez insisté sur le moral relativement bas des personnels pénitentiaires. Pour avoir eu quelque expérience de ce type de service, il me semble que l’une des causes en est que les contradictions entre la réalité et la règle ne sont pas assumées, hormis par ceux qui y sont directement confrontés. Est-il possible de parvenir à ce que les contradictions entre ce qui devrait être fait et ce qui est fait sous la pression de la réalité ne pèsent pas uniquement sur les épaules de ceux qui agissent ?
Il est extrêmement difficile de concevoir que l’on puisse exercer de manière continue des métiers aussi difficiles dans des conditions aussi délicates psychologiquement. Ne serait-il pas envisageable, dans la carrière d’un agent de l’administration pénitentiaire, de prévoir des " respirations " pour régénérer sa confiance en lui et dans le système ?
Vous avez souligné que les jeunes surveillants, qui étaient d’un bon niveau et avaient reçu une formation théorique, tombaient souvent de haut une fois confrontés à la réalité du métier. Ils sont souvent en butte à des us et coutumes qui les choquent au début, mais qu’ils admettent ensuite faute de pouvoir faire autrement. Ne pourrait-on développer un système d’écoute qui, sans confiner à la dénonciation, permettrait de recueillir les impressions de ces jeunes surveillants avant que cette évolution ne se produise ? N’y aurait-il pas là une ressource exploitable pour l’inspection, qui mieux renseignée, gagnerait du temps ?
J’ai tenté de mettre en place des procédures de ce type, notamment à l’aide de psychologues, qui apaisent grandement les craintes des personnes qui souffrent de l’écart qui sépare la réalité de la théorie. Cela permet d’apporter une information sans dénonciation personnelle et débouche, de temps en temps, sur des inspections et des réajustements.
M. Hervé MORIN : Si je comprends bien, vous n’êtes en tout et pour tout que cinq personnes ?
M. Philippe MAITRE : Cinq personnels de l’administration pénitentiaire et moi-même.
M. Hervé MORIN : Combien d’années un établissement peut-il rester sans recevoir de visites ?
Combien de procédures disciplinaires sont-elles engagées chaque année, éventuellement combien de procédures judiciaires ?
Arrive-t-il souvent à l’État d’être condamné pour faute lourde, car je crois me souvenir que l’État n’est condamné pour faute en prison que dans ce cas ?
Une des réformes possibles pour améliorer le fonctionnement des établissements pénitentiaires, nous a-t-on suggéré, serait d’arrêter un seul et unique règlement pour l’ensemble des établissements. S’agit-il d’une bonne idée ?
Il semble qu’il y ait une forme de laisser-aller dans un certain nombre de prisons qui se traduit par une absence de structuration de la vie : les détenus regardent la télévision jusqu’à l’aube, restent le matin dans leur cellule, puis vaquent le restant de la journée. Le constatez-vous ?
Comment avez-vous ressenti le livre de Mme Vasseur et comment est-il perçu par l’administration pénitentiaire ?
M. Philippe MAITRE : A la question de savoir s’il faut accroître les effectifs de l’inspection des services pénitentiaires, la réponse est oui, dans une proportion raisonnable, d’autant que les personnes pouvant être recrutées sont en nombre limité. Il n’existe qu’une soixantaine de directeurs hors classes. Dans la mesure où les inspections doivent se faire à deux personnes de niveau égal, le chef de l’inspection ne peut recruter que des personnes de haut niveau. En outre, sur les 66 directeurs hors classe, tous ne présentent pas le profil pour venir à l’inspection, car cette fonction suppose certaines qualités. Les meilleurs d’entre eux qui pourraient venir à l’inspection sont évidemment hautement souhaités à la direction des grands établissements ou des établissements sensibles. Quand il s’agit d’obtenir un bon candidat, la " lutte d’influence " s’est passée jusqu’à maintenant dans de bonnes conditions, par renoncement mutuel, entre le directeur des ressources humaines et le chef de l’inspection.
L’idéal vers lequel il faut tendre, mais qui nécessitera plusieurs années, serait de disposer d’une dizaine d’inspecteurs pénitentiaires afin d’instaurer trois ou quatre équipes qui tourneraient en permanence, ce qui ne serait pas extraordinaire. Beaucoup de choses restent à améliorer en termes de fréquence des inspections. Je pense qu’il faudrait également un magistrat supplémentaire, parce que les pénitentiaires ont une spécificité en matière de recherche des faits. La conduite des procédures, surtout si elles doivent déboucher sur des procédures disciplinaires est en principe, du ressort des magistrats. Il conviendra donc de renforcer la capacité en magistrats et en fonctionnaires pénitentiaires. On peut songer - Mme Viallet m’en a parlé - à s’adjoindre des hauts fonctionnaires d’autres corps comme, par exemple, de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes, afin d’accroître ou de développer une capacité d’inspection dans un domaine qui nous est totalement étranger, celui-ci de la comptabilité, alors que se font jour des dérives hautement condamnables et critiquables.
La réalité des règles est une des questions importantes. Certaines règles ne sont en réalité pas applicables ou alors dans des conditions extrêmement difficiles. Cela pose un problème quotidien aux personnels pénitentiaires : soit, ils s’appliquent la règle et il y a des incidents ; soit, ils ne l’appliquent pas, et ils ont ou auraient affaire à l’inspection. Le type même de cette règle est la fouille intégrale. Telle qu’elle est enseignée et pratiquée, elle est sur un plan strictement moral, évidemment dégradante. Elle consiste à être nu, à s’agenouiller, à tousser, à subir des inspections extrêmement minutieuses, ce qui, vous l’imaginez, n’est absolument pas agréable. Les détenus protestent, créent des incidents et les surveillants, plus ou moins démunis, reculent progressivement. Je ne suis pas sûr - disant cela, vous me comprendrez à demi-mot - que ces fouilles soient systématiquement réalisées comme elles le devraient. Faut-il un jour prendre le risque de les supprimer au prix de la sécurité des surveillants ou faut-il les valider, les encadrer très strictement et les faire subir aux détenus ? C’est un point de vue qui dépasse très largement le personnel pénitentiaire, c’est presque un point de vue de société : continue-t-on à tolérer de telles pratiques ou y oblige-t-on ? Il en va de cette règle comme d’un grand nombre de règles de sécurité. C’est si vrai que quand Mme Viallet m’a demandé ce que je souhaitais inscrire à l’ordre du jour de la prochaine réunion des directeurs régionaux, j’ai demandé que les règles existantes qui ne sont pas appliquées soient recensées. C’est un chantier important de l’administration pénitentiaire.
La troisième question portait sur la psychologie des personnels. Il est difficile de mesurer les sujétions psychologiques liées à l’exercice d’une fonction. Je pense qu’être gardien toute sa vie est très difficile. La réaction des personnels et l’évolution de leur mentalité montrent que de moins en moins de nos concitoyens sont en mesure d’assumer ces fonctions pendant de longues années, ce qui n’était pas vrai dans le passé.
Cela apparaît au travers des réactions aux violences dont sont victimes les surveillants. D’aucuns " s’amusent " de voir qu’un surveillant qui reçoit une gifle prend un arrêt maladie et est traumatisé psychologiquement, peut-être pas tant d’ailleurs d’une gifle que d’un crachat. Dernièrement, dans une émission sur les policiers en difficulté, on évoquait l’impact psychologique de se faire cracher dessus. Il y a vingt ou vingt-cinq ans, les surveillants résistaient psychologiquement mieux, peut-être parce que la façon de réprimer ce type d’agissements était plus directe. Aujourd’hui, en raison de l’idée qu’ils se font de leur mission, ils ne supportent plus ce genre de contraintes et ont beaucoup de mal à être confrontés au risque. L’évolution du nombre des déments en détention augmente très sensiblement le niveau de risque. Il n’y a plus de règles en prison, du moins, celles que les détenus et le personnel de surveillance respectaient de façon générale il y a quelques années.
La possibilité de ménager des périodes de respiration, possible pour du personnel de direction qui peut faire un peu " d’état-major ", passer d’une direction régionale à une maison centrale où tout est beaucoup plus éloigné, non de la réalité, mais de la dureté des choses, est beaucoup plus compliquée pour le personnel de surveillance. Une solution consisterait à diviser le métier de surveillant, ce qui se fait à l’étranger, entre personnel confronté à la détention et personnel périmétrique : les personnes affectées aux miradors et jamais confrontées à la détention. Mais, pour l’heure, les syndicats de personnels de surveillance y sont radicalement hostiles pour des raisons que je ne développerai pas ici.
L’idée d’une écoute et la possibilité de " débriffer " sont une proposition intéressante à laquelle je n’avais pas songé. Sans doute, cela repose sur une vision un peu idyllique de la façon dont cette possibilité sera perçue et de l’immunité, toute théorique, dont bénéficieraient les surveillants qui auraient été très diserts avec l’administration centrale. Cela dit, c’est une idée intéressante.
Je me suis fait communiquer la liste des établissements et la date à laquelle ils avaient reçu, non la dernière inspection, mais la visite d’un membre de l’administration centrale. En effet, à la suite d’une visite dans une grande maison d’arrêt du Nord, j’avais été surpris des remerciements empressés que m’avait adressés le directeur. La raison en était que cela faisait onze ans qu’il n’avait vu personne de l’administration centrale ! Mon exemple est un peu caricatural, n’en doutez point, mais des établissements - de moins en moins parce que nous nous y sommes attachés au cours des dernières années - ont été peu visités. Il s’agit généralement de petits établissements dont on ne parle pas. Si j’étais méchant, je dirais que ceux dont on ne parle pas sont ceux qui sont mal desservis par l’avion ou le train. Quand on procède à une évaluation, le temps étant compté et les horaires de travail limités, on va au plus significatif, au plus connu et on néglige parfois une petite maison d’arrêt qui mériterait tout autant l’attention car il peut s’y produire des faits critiquables. Cela s’inscrit dans la droite ligne de ma demande de renforcement des effectifs.
S’agissant des procédures disciplinaires, je dispose de chiffres concernant le personnel de direction. Entre 1990 et 1995, 3 fonctionnaires ont comparu devant le conseil de discipline. Entre 1995 et 2000, 15 fonctionnaires ont été sanctionnés. Entre 1990 et 1995, 9 membres du personnel de direction ont été mutés dans l’intérêt du service, 16 entre 1995 et 2000. J’ai dit précédemment ce qu’il fallait penser parfois de ce type de mutation. L’évolution de ces chiffres provient de ce que les directeurs successifs de l’administration pénitentiaire ont souhaité ne plus traiter différemment les dysfonctionnements de la hiérarchie de ceux provenant du personnel de surveillance. On a essayé que les mêmes fautes donnent lieu aux mêmes procédures et éventuellement à des sanctions analogues.
Je ne saurais vous répondre sur le nombre de procédures judiciaires. Très souvent, une procédure judiciaire est lancée en même temps que la procédure d’inspection administrative, mais je ne dispose pas de renseignements statistiques sur ce point. Si vous le souhaitez, je pourrais vous les communiquer.
La seule condamnation de l’Etat à laquelle je songe, car elle nous a fortement marqués, est celle rendue par le tribunal administratif de Rouen. L’administration pénitentiaire fut condamnée pour avoir mis dans une même cellule deux détenus, dont l’un a agressé sexuellement l’autre. Pris comme cela, c’est à la fois significatif et inquiétant. Certes, dans certains cas, il est possible de détecter un risque, mais on ne peut détecter le risque qu’un détenu, qui n’a pas un profil particulier, fera courir à un autre, avec lequel il sera mis en cellule.
M. Robert PANDRAUD : Cela ne peut se décréter qu’a posteriori.
M. Philippe MAITRE : Pas dans tous les cas, Monsieur le député. Le risque est avéré lorsque les détenus ont un passé de violeur par exemple. Mais condamner l’administration accroît la déstabilisation du personnel pénitentiaire. Que doit-on faire pour éviter le risque et comment le détecter ? On peut se référer à la fiche du juge d’instruction mais, dans bien des cas, il n’en sait pas plus sur le profil psychologique du détenu, sauf à ce que l’infraction commise en dise plus. Sur la fiche, il peut être indiqué : " Risque de suicide probable ou possible ", ce qui veut tout et rien dire. Ou encore, par précaution, il est indiqué : " Risque de suicide très élevé ". Quelles précautions doit-on prendre ? Pour les affaires de m_urs, le pronostic est encore plus difficile à établir.
Sur la possibilité d’un règlement unique pour l’ensemble des établissements pénitentiaires, il faut garder à l’esprit que la structure de l’établissement détermine une partie du contenu du règlement. Précédemment, vous m’aviez questionné sur ce qui me choquait. Le fait que l’on n’exécute pas sa peine partout de la même façon est choquante. Il très compréhensible que les régimes de détention soient différents si une finalité préside à ces différences. Ce n’est pas le cas pour celles liées au prix des téléviseurs ou à l’accès au téléphone. C’est pourquoi un effort d’unification et d’égalisation est engagé entre les établissements. Peut-être le règlement unique est une idée à développer, sous réserve qu’elle soit techniquement applicable en raison de ce que je viens d’indiquer.
Le constat de la déstructuration de la vie sociale est tout à fait réel. Les anciens pénitentiaires regrettent le temps où l’on obligeait les détenus à se lever à sept heures. On criait " fixe " quand un magistrat entrait dans une cellule, ce qui m’a toujours paru quelque peu dépassé, même il y a vingt ans. Le lit était fait au carré. Bref, l’encadrement était quelque peu militaire. L’évolution des idées a permis de l’éviter, à juste titre, sur un certain nombre de points. Cela dit, à l’heure actuelle, les visiteurs extérieurs ont parfois le sentiment inverse. On entre à neuf heures du matin dans des cellules doubles ou triples dans lesquelles deux ou trois détenus dorment et trouvent particulièrement indisposant cette intrusion à une heure aussi indue ! Les détenus peuvent refuser la promenade ou les activités. Cela participe de l’idée qui a été développée, à laquelle on peut ou non adhérer, selon laquelle la sanction réside uniquement dans la privation de liberté et que, pour le reste, le détenu doit avoir, dans une certaine mesure, les mêmes droits que ceux qu’il a à l’extérieur. Chez lui, il n’est pas obligé de se lever à sept heures le matin, ni de faire son lit, ni d’aller en promenade. En prison, il regarde la télévision vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est un choix, mais qui ne relève pas seulement de l’administration pénitentiaire.
Mme Vasseur a dit, sur la prison, des choses que beaucoup de personnes savaient ou devaient savoir. Elle a, a posteriori, eu le mérite de produire l’effet recherché, de susciter des investigations et de donner à ces questions tout l’intérêt que l’on doit y porter, justifiant que des solutions soient trouvées.
M. Robert PANDRAUD : D’autres techniques ne pourraient-elles être utilisées ou expérimentées ? Pour les fouilles à corps, par exemple, ne pourrait-on être mieux équipés en radiographie ? Pour détecter l’entrée de la drogue dans les prisons, pourquoi ne pas utiliser des chiens ? Pourquoi ne pas utiliser un système d’écoute et de vidéo pour des individus dangereux dans leurs cellules ? J’ai l’impression que l’on en est resté aux systèmes du passé, sans en expérimenter de nouveaux. Je sais bien qu’installer une caméra dans les cellules serait attentatoire à l’intimité mais cela est peut-être moins dangereux que la promiscuité. En tout cas, cela permettrait une surveillance renforcée.
M. Philippe MAITRE : La radiographie est un acte médical interdit à l’administration. C’est ainsi qu’elle est habituellement présentée. En tout cas, ce type de fouille devrait être fait par du personnel médical.
M. Robert PANDRAUD : Il serait moins dégradant.
M. Philippe MAITRE : L’amélioration des détections est doublement importante, tout d’abord pour la drogue. Mais quiconque a vu travailler un chien antidrogue connaît les limites du procédé : le chien travaille sur une période très brève et beaucoup de choses lui échappent. La qualité du chien est fortement en cause.
Pour les autres procédés techniques, nous sommes confrontés à un véritable problème avec les téléphones portables qui passent désormais au travers de toutes les détections, ou bien les fers de chaussures sonnent avant que l’appareil n’enregistre la présence d’un téléphone portable !
Il existe aujourd’hui des pistolets automatiques qui passent au travers des détecteurs, car la majorité des pièces sont faites de composants synthétiques. L’administration pénitentiaire n’est pas en pointe sur ce sujet et je crains que les procédés techniques que nous connaissons ne permettent pas encore d’améliorer beaucoup ces détections.
Il me semble que l’installation de caméras ou de systèmes de surveillance audiovisuelle en prison se heurte à la loi qui interdit ce type de procédés. On pourrait se poser la question du remplacement d’une surveillance parfois considérée comme dégradante, tel l’_illeton qui consiste à voir ce qui se passe dans une cellule à n’importe quel moment, ce que les détenus supportent déjà très mal - ils bouchent ou cassent les _illetons - par un système qui serait permanent et conduirait à un transport d’images vers un central permettant de voir vivre le détenu.
M. le Président : Hormis les prisons dont on nous a annoncé qu’elles allaient être démolies, de votre propre expérience, des prisons sont-elles dans un état plus mauvais que les autres ?
M. Philippe MAITRE : Je ne les connais pas toutes, indice du fait que je ne procède pas sans doute à un nombre suffisant de visites. On cite habituellement la prison de La Santé et les prisons de Lyon. Je parle de celles dont le remplacement n’est pas prévu dans un avenir proche, à la différence de la prison de la Réunion dont le projet est lancé. Peut-être, çà ou là, de petites maisons d’arrêt justifieraient-elles aussi leur remplacement ou des efforts de rénovation, mais je n’en ai pas la liste en tête. Cela dit, l’administration pénitentiaire pourra vous l’adresser si vous le souhaitez.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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