Présidence de M. Louis MERMAZ, Président
Mme Sylvie PERDRIOLLE est introduite.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, Mme Sylvie Perdriolle prête serment.
Mme Sylvie PERDRIOLLE : Je me propose de procéder à une rapide analyse des chiffres de l’incarcération des mineurs, des travaux que j’ai engagés avec la direction de l’administration pénitentiaire et, enfin, des moyens de prévenir l’incarcération ainsi que d’assurer le suivi des mineurs après une incarcération.
Je ne rappellerai pas les textes législatifs que chacun connaît.
La détention des mineurs est particulièrement encadrée par les textes de loi et l’ordonnance du 2 février 1945 rappelle que la peine d’emprisonnement est exceptionnelle et que toute décision en la matière doit être motivée.
Tout d’abord, les chiffres de l’incarcération et leur analyse.
Le nombre des mineurs incarcérés au 1er janvier de chaque année de 1982 à 1988 a oscillé entre 730 et près de 1 000 mineurs pour environ 6 000 entrées dans l’année. Les réformes législatives engagées en 1989 ont entraîné une baisse importante de la détention provisoire. En 1987, le Parlement a adopté à l’unanimité la suppression de la détention provisoire des moins de seize ans en matière correctionnelle, puis en 1989 la limitation de la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle.
Nous avons donc constaté une chute importante de la détention provisoire. On enregistre entre 400 et 520 mineurs détenus au 1er janvier des années 1989 à 1995 pour environ 2 300 à 3 000 entrées dans l’année, ce qui constitue une diminution forte par rapport aux années précédentes.
Depuis 1996, il est constaté une forte remontée du chiffre d’incarcération des mineurs : au 1er janvier 2000, 718 mineurs étaient incarcérés, 4 117 l’ont été en 1999, soit près de deux fois plus qu’au début des années 1990.
Deux explications peuvent notamment être retenues.
D’une part, l’augmentation forte des faits de délinquance commis par des mineurs constatés par les services de police et de gendarmerie depuis le début des années 1990. Le nombre des mineurs mis en cause est passé de 110 000 mineurs en 1994 à 170 000 en 1999.L’évolution est nette, même s’il faut noter une stabilité des mineurs mis en cause en 1999 par rapport à 1998.
Le développement de la politique conduite par les parquets de traitement en temps réel des infractions commises par les mineurs, ainsi que recommandé par la circulaire du 15 juillet 1998 de Mme Guigou, garde des sceaux, adressée aux parquets a pris une réelle importance. Le rapport annuel sur la politique pénale conduite en 1999 et remis par la direction des affaires criminelles et des grâces au garde des sceaux en avril 2000 constate la réussite de la mise en _uvre de "la troisième voie". Ainsi plus de 12 500 mineurs ont-ils été convoqués par les parquets pour un rappel à la loi ou une mesure de réparation en amont de la saisine des tribunaux.
Dans toutes les juridictions pour mineurs, ont été mises en place des permanences de tribunaux pour enfants pour convoquer les mineurs dans les dix jours qui suivent leur arrestation. Le plus grand nombre de présentations de mineurs entraîne nécessairement un plus grand nombre de décisions concernant les mineurs qui réitèrent de nombreux faits de délinquance.
Par ailleurs, il faut souligner la croissance des faits d’infraction contre les personnes et l’aggravation des infractions commises par les mineurs : vols avec violence ou viols. Selon une étude récente de l’administration pénitentiaire sur la population pénale, ces faits représentaient 13 % des mises en détention en 1985. Ils ont représenté près de 30 % de mises en détention en 1999.Cette évolution est certainement l’une des raisons de l’augmentation des mises en incarcération des mineurs.
S’agissant des travaux engagés sur les conditions d’incarcération des mineurs, dès 1998, Mme Guigou, a déclaré que l’amélioration des conditions d’incarcération des mineurs constituait sa priorité. Faisant suite aux décisions du conseil de sécurité intérieure du 7 janvier 1999, 128 emplois ont été créés par la loi de finances 2000 pour l’amélioration des quartiers des mineurs.
L’incarcération des mineurs doit demeurer exceptionnelle ; quand elle a lieu, elle ne doit pas exclure le souci de l’éducation. Or le comportement des adolescents est particulièrement problématique en détention : à cet âge, les mineurs n’ont pas encore une personnalité stabilisée et ils expriment d’une manière plus immédiate que les adultes leurs inquiétudes. En témoigne par ailleurs le taux d’accidents de la circulation ou de suicide dans la population générale. C’est pourquoi des dispositions particulières doivent être retenues.
Plusieurs axes de travail ont été arrêtés.
A la demande de Mme la ministre, une révision de la carte pénitentiaire est en cours d’examen. L’objectif vise à favoriser la création de petites unités de 20 places et d’éviter aussi un trop grand éloignement des mineurs de leur milieu afin de favoriser un suivi éducatif.
Déjà, des travaux de restructuration du centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis, des maisons d’arrêt de Saint-Étienne, de Reims, de Caen, de Nanterre, Nancy et Perpignan ont été entrepris.
Un deuxième programme de travail a été engagé par la direction de l’administration pénitentiaire concernant l’encadrement des mineurs en prison : l’objectif est de favoriser la stabilité des surveillants dans les quartiers mineurs, que nous appelons " surveillants postés " et leur formation spécialisée. Conjointement avec l’administration pénitentiaire, nous avons engagé une session de formation s’adressant à 38 surveillants en 1999 au centre national de formation et d’études des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse ; de la même manière, quarante surveillants seront formés en juin 2000.
En effet, il résulte de plusieurs expériences qu’un encadrement permanent, stable et formé permet d’élaborer un suivi plus individualisé des mineurs, le surveillant étant le premier référent en détention. Il permet aussi de réduire le nombre d’incidents et de violences.
Troisième piste de travail : un groupe de travail réunissant juge des enfants, juge d’instruction, juge de l’application des peines, direction de l’administration pénitentiaire, direction de la protection judiciaire de la jeunesse a été installé pour examiner le sens, le contenu et la portée de l’incarcération des mineurs. Ce groupe de travail s’est déplacé à plusieurs reprises en maisons d’arrêt, afin d’interroger l’ensemble des responsables. Deux premiers constats sont réalisés dont nous tirerons les leçons : le premier consiste à souligner l’importance des commissions de suivi de l’incarcération des mineurs. Elles rassemblent les magistrats concernés et nos directions, afin de permettre un traitement en temps utile de chaque situation d’incarcération des mineurs.
De même - second constat - est soulignée l’importance des activités en détention, en premier lieu des activités scolaires ; le temps inactif passé en cellule favorise le développement des incidents et de la violence. La scolarité est obligatoire pour les moins de seize ans. Nous tentons de la développer de manière plus incitative pour les 16 à 18 ans et d’obtenir des moyens auprès de l’Éducation nationale afin de favoriser la scolarité des mineurs en détention.
Enfin, un réexamen du régime juridique applicable aux mineurs détenus est en cours. La grande majorité des détentions des mineurs se réalise dans le cadre de la détention provisoire, dont le régime juridique diffère de celui de l’emprisonnement. L’aménagement des peines pour mineurs est donc très peu développé et nous réfléchissons à une nouvelle piste de travail permettant d’aménager le régime juridique en détention provisoire et de développer des possibilités d’aménagement des peines des mineurs.
Comment prévenir l’incarcération et assurer le suivi des mineurs pendant et après une incarcération ?
En référence aux principes généraux de l’ordonnance du 2 février 1945, la prévention de l’incarcération et le suivi des mineurs incarcérés constituent des missions de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Le principe retenu est qu’une mesure éducative ne s’arrête pas quand un mineur est détenu.
· L’organisation des services : au début des années 1980, en raison de l’augmentation importante du nombre de mineurs incarcérés, la direction de l’éducation surveillée a expérimenté la mise en place de permanences éducatives auprès des tribunaux : ces permanences avaient pour objet de recueillir des renseignements socio-éducatifs sur les mineurs présentés au tribunal et de faire une proposition éducative au magistrat saisi. Le législateur a consacré cette expérience en 1985, en rendant cet avis obligatoire avant toute réquisition de mise en détention. Enfin, cet avis a été étendu aux convocations des mineurs pour jugement. L’activité des services auprès des tribunaux est aujourd’hui très largement consacrée à la proposition de solutions éducatives lorsqu’un mineur est présenté à une juridiction.
Ces services assument par ailleurs une autre mission très précisément définie. Ils sont chargés de tenir un état des mineurs incarcérés, de s’assurer du suivi de chaque mineur et de contribuer à la préparation et à l’exécution des décisions mettant fin à la détention. Le principe d’organisation retenu est le suivant : quand un mineur est déjà suivi, le service saisi doit assurer la continuité et préparer la sortie du mineur ; quand il ne l’est pas, le service éducatif auprès du tribunal assure le suivi du mineur. Très souvent, les services éducatifs auprès des tribunaux assurent l’interface entre les maisons d’arrêt et l’ensemble des services éducatifs.
En province, ce suivi est assuré très régulièrement, chaque semaine, en maison d’arrêt. En région parisienne, l’éloignement des maisons d’arrêt et la multiplicité des services amenés à intervenir rendent parfois le suivi plus complexe. À ce titre, les commissions initiées en région parisienne, réunissant magistrats, direction de l’administration pénitentiaire, direction de la protection judiciaire de la jeunesse, prennent alors toute leur importance.
· Les mesures éducatives.
Les propositions éducatives qui peuvent être faites au magistrat saisi sont de plusieurs ordres selon la situation du mineur et la gravité des faits. J’insisterai plus particulièrement sur les orientations récentes retenues par le gouvernement.
En premier lieu, une mesure de réparation peut être ordonnée lorsque les faits n’apparaissent pas d’une gravité telle qu’ils méritent une autre mesure. Le nombre des mesures de réparation réalisées est passé de 5 000 en 1997 à 7 700 en 1999. C’est une des priorités d’actions retenues. Je souhaite souligner le caractère très positif de cette mesure quand une réparation même partielle a pu être réalisée par le mineur à l’égard de la victime ou quand ce dernier a réalisé une réparation au profit de la collectivité, qu’il s’agisse d’une école, d’une société de transports, d’une collectivité locale ou d’une société d’HLM.
En deuxième lieu, une mesure de liberté surveillée permet une prise en charge éducative avant jugement lorsque le mineur reste dans sa famille.
En troisième lieu, une mesure de placement peut être ordonnée s’il apparaît nécessaire pour le mineur ou, au regard de la gravité des faits commis, de l’éloigner de son milieu de vie. Une telle mesure peut être accompagnée d’une mesure de contrôle judiciaire qui fixe des obligations au mineur.
Le gouvernement a décidé, lors des conseils de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et du 7 janvier 1999, dans le cadre du plan de lutte contre la délinquance juvénile, de développer très fortement les capacités de prise en charge des mineurs délinquants. Des objectifs ont été fixés, notamment développer les mesures de réparation, créer cinquante centres de placement immédiat et cent centres éducatifs renforcés d’ici à la fin 2001.
Une augmentation sans précédent des moyens a été décidée en faveur de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse : la création de 1 000 emplois d’éducateurs sur trois ans. Cette direction, il faut le rappeler, connaissait le même nombre d’éducateurs en 1997 qu’en 1983, soit 3 000 éducateurs alors que je soulignais précédemment la hausse forte des faits de délinquance.
Dès le budget 2000, 380 emplois ont été créés, 300 surnombres autorisés, des moyens ont également été attribués au fonctionnement du secteur associatif habilité. Un concours exceptionnel permettant de recruter des personnes ayant déjà travaillé trois années dans le domaine social ou scolaire a pu se mettre en place dès l’automne 1999 pour une arrivée en service de 167 éducateurs au 1er mars 2000. Ils bénéficient d’une formation en alternance durant la première année de fonctions. Il s’agit de répondre à l’augmentation importante du nombre de mesures pénales ordonnées, hausse qui correspond à l’augmentation de la délinquance des mineurs. Au début des années 1990, les services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse exerçaient 12 000 mesures à l’égard des mineurs délinquants par an ; ils ont exercé 25 500 mesures en 1999.
En 1999, à moyens constants pour le secteur public, 14 foyers ont été transformés ou créés en centres de placement immédiat, afin de répondre aux demandes des magistrats de placement en urgence. Neuf centres seront créés en 2001, dix autres transformés. Trente-sept centres éducatifs renforcés ont ouvert ou reçu une autorisation d’ouverture ; dix-huit projets sont en cours d’examen pour l’année 2000.
La création de ces centres répond à trois objectifs.
Tout d’abord, l’organisation de l’accueil immédiat. Cette question demeure une source de tensions entre juridictions et services. Son organisation est complexe, parce qu’elle nécessite une forte coordination entre secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, secteur associatif habilité et service de l’aide sociale à l’enfance. Certains départements ont su organiser une permanence d’accueil chaque semaine. Je citerai l’exemple de l’Essonne. J’ai pour objectif que tous les grands départements parviennent à une telle organisation.
Ensuite, la spécialisation d’un nombre important de foyers du secteur public dans l’accueil immédiat doit, à terme, favoriser le développement de réponses utiles. Il faut aussi noter qu’une telle spécialisation conduit à un nouveau travail sur les pratiques professionnelles : l’urgence est un métier particulier. Des formations seront engagées sur ce thème à l’automne.
Deuxième fonction, l’organisation de séjours de rupture. Pour certains mineurs, il apparaît indispensable de créer une rupture avec leur environnement quotidien, notamment quand celui-ci entraîne une participation régulière à de nombreux actes de délinquance communs à nombre de jeunes sur un même quartier.
Nous avons donc fortement mis l’accent sur les centres éducatifs renforcés.
En janvier 2000, deux journées de travail ouvertes par Mme Élisabeth Guigou ont rassemblé l’ensemble de ces structures. Le bilan paraît aujourd’hui intéressant. Les rapports d’inspection ont souligné que si la mise en place fut complexe, sans doute parce que rapide, ce secteur est à ce jour stabilisé, si je puis dire. Ces centres ont accueilli près de 800 mineurs, dont un tiers était préalablement incarcéré. A la fin de l’année 2000, plus de 350 mineurs pourront être accueillis dans ces centres. L’encadrement constant de 5 à 6 jeunes par 5 à 6 professionnels sur une durée de trois à six mois favorise réellement la réinsertion des jeunes. Grâce à un cadre d’activités très élaboré, ces jeunes arrivent à construire une autre relation avec les adultes. Il est vrai que le premier mois de séjour est souvent difficile et parsemé de situations de violence ; cela s’améliore au bout de trois mois. Le retour constitue un passage délicat, mais plus des deux tiers de ces mineurs ont su retrouver une situation stabilisée et ont accédé à des dispositifs d’insertion.
Le troisième objectif, à travers l’ensemble des structures développées aujourd’hui, est de reconstruire un encadrement plus fort des mineurs placés. Les années 1970/1980 ont été marquées par un travail éducatif qui privilégiait l’adhésion du mineur à la mesure. De manière générale, l’internat a été largement remis en cause. Aujourd’hui, la direction de la PJJ a engagé une réflexion professionnelle pour construire des modalités de travail éducatif auprès des mineurs qui prennent en compte la notion de contrainte - la décision de justice est la première décision d’autorité - et leur permettent d’élaborer, avec un encadrement d’adultes suffisamment cohérent et construit, un autre rapport avec le monde adulte, en tout cas des rapports qui ne soient pas fondés sur la seule violence.
En conclusion, je voudrais souligner deux questions.
Les professionnels de l’éducation spécialisée sont aujourd’hui " bousculés " par les fortes évolutions sociales et culturelles auxquelles nous sommes confrontés. Il nous appartient donc de construire des références pédagogiques et de travailler sur les savoir-faire.
La direction de la PJJ ne peut travailler seule sur cette question. Il convient d’_uvrer dans un partenariat étroit avec l’ensemble des acteurs et des institutions appelées à intervenir, qu’il s’agisse des services de police et de gendarmerie, des conseils généraux ou de l’Education nationale de même qu’avec la direction des hôpitaux avec laquelle j’ai entrepris très récemment un travail sur les adolescents dits "border line".
M. le Président : Vous avez défini une politique qui se met en place, des intentions, des pistes très intéressantes. Nous ne pouvons que partager ces objectifs.
De quels moyens disposez-vous pour vous assurer que cela se passe vraiment comme vous le souhaitez dans le système pénitentiaire ? Lorsque je me suis rendu en établissement, j’ai rencontré des surveillants totalement désemparés, estimant que la délinquance des jeunes constituait une bizarrerie. Vous dites que vous allez les former, mais on a le sentiment de personnes totalement débordées par le sujet dans une incompréhension totale. De quels moyens disposez-vous donc pour contrôler que les actions que vous décidez sont effectives ?
Quelles relations entretenez-vous avec les magistrats, car l’on constate une grande absence des magistrats dans les prisons, en dehors du juge de l’application des peines dont c’est le métier ? Comment coopèrent les magistrats à cette politique que vous souhaitez mettre en place, notamment en milieu pénitentiaire ?
Enfin - vous avez commencé de l’évoquer avec les structures de placement - quelles alternatives à l’enfermement ? Les jeunes détenus sont souvent très frustres, issus de milieux extrêmement pauvres, et généralement ne comprennent pas pourquoi ils sont là. Ils attendent que cela se passe et on n’a pas le sentiment que beaucoup d’entre eux sortiront de prison très changés.
Mme Sylvie PERDRIOLLE : Je ne pourrai parler des moyens de contrôle à la place de Mme Viallet, directrice de l’administration pénitentiaire. Je soulignerai simplement que l’un des objectifs premiers consiste à travailler à la formation des surveillants postés. Nous allons spécialiser l’encadrement des mineurs, avec pour objectif d’avoir en permanence les mêmes surveillants dans les quartiers des mineurs, afin d’éviter le tour de rôle qui existe à l’heure actuelle dans les autres unités pénitentiaires. Sans spécialisation et sans permanence, il est très difficile de travailler sur ce sujet.
Sur les relations avec les magistrats, nous avons demandé à plusieurs reprises - cela existe, non dans toutes les juridictions, mais dans une grande majorité - que des commissions de travail rassemblent le juge des enfants, le juge de l’application des peines et les services déconcentrés de nos directions pour assurer un suivi des mineurs incarcérés. En Région parisienne, elles se réunissent très régulièrement dans tous les départements parisiens pour examiner la situation des mineurs incarcérés chaque mois. C’est plus inégal en province, mais, à l’inverse, en province, nous avons des relations de proximité plus grandes. Nous constatons aussi que le juge des enfants ne visite pas souvent les mineurs - loin de là - ni les parquets des mineurs. C’est l’une de nos préoccupations.
Sur les alternatives à la prison, c’est tout le travail engagé par ma direction pour construire une capacité de prise en charge suffisamment structurée à l’égard des mineurs. Aujourd’hui, l’accent est mis sur le développement de l’hébergement, sur le placement à travers l’accueil d’urgence et les centres de placement immédiat et, seconde structure, les centres éducatifs renforcés, lesquels permettent des séjours courts et de couper réellement une relation avec un quartier et de créer une autre relation éducative avec les jeunes.
De quels moyens disposons-nous ? J’ai indiqué qu’en matière de centres éducatifs renforcés, le programme fixé par le gouvernement consiste à atteindre cent structures d’ici à la fin 2001. À l’heure actuelle, trente-sept centres ont ouvert ou vont ouvrir avant l’été. Nous pensons aboutir à soixante créations à la fin de l’année, chacune de ces structures n’accueillant que cinq à six mineurs. C’est la raison pour laquelle je disais que nous aboutirons à une capacité de prise en charge à un jour j de 350 mineurs à la fin de l’année.
Les centres de placement immédiat sont des structures accueillant une dizaine de mineurs, que nous allons spécialiser dans l’urgence. C’est un sujet difficile qui ne recueille pas toujours l’assentiment de l’ensemble des professionnels, mais il me semble déterminant, car, en l’absence de solution, le jour de la présentation du mineur, ce dernier peut faire l’objet d’une incarcération, faute d’alternative. Il est donc impératif que nous parvenions à construire mieux l’accueil d’urgence dans chacun des départements ; c’est un sujet complexe, non encore résolu dans tous les départements. C’est un objectif important pour les deux ou trois années à venir.
M. Jacky DARNE : Je vous prie d’excuser par avance le flou de ma question.
Je reviens sur la conclusion de votre intervention. Vous avez indiqué que l’on ne pouvait rien faire seul, d’où la nécessité d’un partenariat. C’est là une idée un peu "tarte à la crème" que l’on retrouve en permanence.
Chacun parle de partenariat mais recherche en réalité quelque chose qui est de l’ordre de la coordination d’actions, chacun restant chez soi. Or en matière d’action en direction des mineurs, les intervenants au titre des administrations ou des collectivités sont divers. Il est utile d’aller au-delà de la coordination et d’un partenariat un peu formel. L’efficacité appelle une vraie coopération entre les intervenants et un chef de file, une personne capable d’individualiser la relation avec le mineur, de savoir qui peut répondre de lui, le suivre, assumer finalement la responsabilité du suivi. Estimez-vous que l’organisation administrative de notre pays, qu’il s’agisse des collectivités locales ou de l’administration elle-même, permet une vraie réponse ? Créer des institutions, établir des budgets, c’est bien. Moi, je constate, en tant que maire, que si les intervenants sont nombreux autour de la table dans la journée, quand il s’agit d’être présent pour un mineur à dix ou onze heures du soir, on ne les trouve plus.
Lorsque nous voulons définir pour un individu un suivi cohérent englobant tout à la fois le problème de la famille, de l’école, de la formation, du logement, les intervenants sont nombreux entre l’ANPE, les acteurs médico-sociaux, la PJJ et autres, mais il existe peu de structures capables de réponse. Ne conviendrait-il pas de décloisonner les administrations et les métiers, organiser une mobilité, afin que chacun ne se referme pas sur son métier ? Vous disiez que vous formiez les surveillants. Où sont les compétences, jusqu’où chacun peut-il aller ? Les éducateurs de la PJJ ne doivent-ils pas être des surveillants et les surveillants des éducateurs de la PJJ ? C’est un exemple, on pourrait pousser plus avant.
Comment percevez-vous l’évolution des métiers, des compétences et la réponse à apporter aux mineurs ? Comment, par exemple, un centre de placement immédiat peut-il fonctionner, avec quel type de réponse à chaque enfant ? Vous expliquez que vous intervenez auprès des mineurs. Très souvent, les jeunes savent très bien quand ils sont pénalement responsables et quand ils ne le sont pas. Le nombre de bêtises qu’ils commettent avant et après leur majorité est différent. Comment se passe la transition entre le moment où un jeune est mineur et le moment où il ne l’est plus ? Vos services continuent-ils à s’en occuper jusqu’à leurs vingt-deux ans ou cessent-ils de s’en occuper à leur majorité ?
Mme Sylvie PERDRIOLLE : En ce qui concerne le partenariat, je rejoins votre analyse. Je tente pour ma part d’engager une coopération active. Je m’appuierai sur deux exemples. Le premier concerne la santé mentale des adolescents. Au regard de ces adolescents qui posent d’extrêmes difficultés en raison de comportements parfois très violents, chaque administration est compétente, mais dans son champ. Nous avons engagé une action avec le directeur des hôpitaux pour élaborer un travail commun et non pas simplement conjoint. Concrètement, dans les Hauts-de-Seine, nous avons construit un service d’hébergement individualisé, composé d’une équipe éducative de trois ou quatre éducateurs qui suivent quinze adolescents très en difficulté. Les hôpitaux ont dégagé un médecin psychiatre qui intervient très régulièrement dans ce service et nous avons noué une collaboration très étroite entre les services hospitaliers des Hauts-de-Seine et notre service, qui permet d’accueillir les mineurs en situation de crise dans des lits d’hôpitaux et d’engager dans le même temps un suivi pluridisciplinaire.
Le second exemple est celui du travail que nous avons engagé avec l’Education nationale sur les classes-relais, puisque, à l’origine, les classes-relais, programme très fortement repris, consistent en un éducateur-un enseignant qui prennent en charge une dizaine de jeunes pour les rescolariser. Nous menons une coopération très active autour des mineurs et non uniquement dans le cadre de réunions de travail. Le programme des classes-relais se révèle aujourd’hui extrêmement positif. La direction de la PJJ ne peut suivre à la hauteur du monde de l’enseignement, puisque nous comptons 3 000 éducateurs et plus d’un million d’enseignants. Nous évaluons la situation de chaque mineur pris en charge, de l’arrivée à la sortie. Ces mineurs déscolarisés se retrouvent pour 70 % d’entre eux dans un dispositif d’insertion. Ce type d’action me semble positif, car nous assurons la prise en charge immédiate des jeunes.
L’organisation administrative de notre pays est une question complexe. Dans le champ de l’enfance, les intervenants sont très nombreux. En tout cas, le ministère de la Justice travaille conjointement avec les conseils généraux, car nous partageons des compétences dans le même secteur. A ce titre, le travail est engagé de manière plus précise.
Cela dit, je ne crois pas qu’il faille s’acheminer vers une confusion des métiers. Il est plus important, selon moi, de travailler sur la pluriprofessionnalité dans des cadres cohérents, construits, de travail précis à l’égard des mineurs. Au début des années 80, cette question avait été envisagée pour la police. Je ne suis pas certaine que ce soit aujourd’hui l’axe de travail retenu. Nous avons davantage le souci de mieux connaître chacune des institutions et de parvenir à un travail pluriprofessionnel, plus précis, plus construit et plus encadré.
M. Jacky DARNE : Les intervenants professionnels ont des compétences. Chacun ne peut être tout à la fois psychologue, orienteur professionnel, conseiller, chacun a sa compétence et il ne s’agit pas de la nier. En même temps, si un individu mineur est entouré de dix personnes, comment voulez-vous que l’on s’y retrouve entre celui qui s’occupe de la tête, l’autre du physique, le troisième de la formation, le quatrième du cadre parental... ? Dès lors que l’on arrive à réunir dix personnes, il s’agit de savoir qui est capable de faire travailler le jeune ? Si on décide qu’un jeune est apte à faire du foot, c’est l’entraîneur qui devait être chargé par les autres d’être le psychologue, l’orienteur, le père, la mère, le copain. Celui qui concentre cet ensemble de fonctions est le vrai médiateur, le déclencheur de la socialisation : pour l’un sortir de la drogue, pour l’autre se marier, en tout cas se situer normalement et trouver un repère. Cela passe par quelque chose auquel nos intervenants ne parviennent pas, car précisément, ils sont éclatés. Je comprends cette envie de fonder son action sur des savoirs professionnels, mais, tant pis !, moins de compétences est préférable ou alors des compétences en arrière-plan. Le médiateur doit cependant rester au c_ur d’une équipe qui peut servir à analyser la situation pour éviter les erreurs, car personne n’en est à l’abri.
J’ai le sentiment qu’aujourd’hui ce qui manque aux mineurs c’est le repère, paternel d’une certaine façon, la référence. Notre organisation administrative est compliquée. Vous disiez travailler avec le conseil général. Or il ne sait comment gérer ce type de problème ; il essaye alors de contracter avec les communes en leur expliquant qu’il faut créer des comités. Le conseil général est une structure lointaine ; or la connaissance des problèmes passe par l’immeuble, le quartier : elle est d’une dimension plus immédiate. Sans contester la mobilisation de moyens d’autres collectivités, j’estime que le lieu principal de la coordination est la commune et, si on le pouvait, le quartier. Je trouve que notre administration souffre d’un manque de souplesse et d’organisation.
M. le Président : Il est intéressant que Mme la directrice réagisse aux propos d’un praticien. M. Darne est député-maire de Rillieux-la-Pape dans la banlieue lyonnaise. C’est un homme de terrain et de tête !
Mme Sylvie PERDRIOLLE : Je rejoins tout à fait M. Darne. Au regard de la multiplicité des interventions sociales auprès des familles et des jeunes, comment construire un chef de projet ou un chef de file plutôt que de morceler les interventions ? Je crois que nombre de recommandations s’inscrivent à l’heure actuelle en ce sens, sans même modifier l’organisation administrative que nous connaissons. Sur ce point, je me rallierai à une proposition qui permettrait de dégager un intervenant référent. Je soulignerai cependant un autre point : ma direction a affaire aux mineurs, au noyau des jeunes les plus confrontés à la violence ou à ceux qui commettent les infractions les plus répétées et les plus graves. Nous avons besoin d’une palette d’interventions, car il n’y a pas de réponse ni magique ni unique à offrir à ces jeunes. Nous constatons que c’est après deux, trois ou quatre tentatives, qu’un accrochage est enfin engagé avec un adulte et que sa réinsertion s’amorce. Dans ce secteur, nous avons besoin de professionnels suffisamment construits et stables.
Qui plus est, en détention, on ne peut omettre le métier de la garde. Le surveillant est le premier référent, car c’est lui qui est quotidiennement présent. La mission de la DPJJ est de conserver le fil conducteur avec l’extérieur et de pouvoir à tout moment assurer une continuité du travail social au moment de la sortie, le suivi du mineur, la caractéristique de l’incarcération des mineurs étant sa brièveté. Il est donc extrêmement important de ne pas perdre le fil et d’assurer aussitôt une prise en charge après la sortie.
M. Jacky DARNE : Vous avez indiqué que vous aviez formé les surveillants. Cela va dans le sens que j’indiquais : le surveillant est présent, il est un interlocuteur et peut avoir une dimension multiple.
Combien de temps dure cette formation ? Combien d’heures ? Quels programmes ?
Mme Sylvie PERDRIOLLE : Les surveillants ont reçu deux semaines de formation avec une prise de connaissance du travail réalisé dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse pour permettre une meilleure collaboration ou coordination et une meilleure connaissance des mineurs placés, puisque, comme le disait M. le Président, les surveillants s’interrogent sur les mineurs. Par conséquent, pendant quelques jours, ils sont confrontés à ces jeunes en d’autres lieux afin de leur faire comprendre qu’une action éducative est possible et que l’on peut construire quelque chose avec eux. Parallèlement, il existe une formation au droit des mineurs, et aux façons d’appréhender les situations de violence et d’intervenir. Tel est le programme. Je ne dis pas qu’il est complet. Nous commençons.
M. Jacky DARNE : Au cours des visites de prison, les surveillants m’ont dit qu’ils n’avaient souvent pas le temps de suivre les formations, par insuffisance d’effectifs.
Mme Sylvie PERDRIOLLE : Celle à l’instant évoquée est obligatoire.
M. Jacky DARNE : Par ailleurs, ils expriment le souhait d’élargir le champ de leurs compétences. Ils ont conscience de leurs difficultés à répondre à la demande et sont les premiers à dire qu’ils pourraient faire davantage, qu’ils ne veulent pas se contenter d’ouvrir et de fermer les portes. Ils nous l’ont précisé ici, ils l’ont exprimé sur place. Ils souhaiteraient faire davantage notamment avec les mineurs, mais ils n’ont pas le savoir-faire.
M. Claude GOASGUEN : Le sujet déborde largement le problème pénitentiaire pour devenir un problème de société, dans la mesure où il touche à la violence et à la délinquance des jeunes. C’est là une préoccupation prioritaire des années que nous traversons et probablement des décennies à venir.
Ma remarque porte sur l’effroyable éclatement du traitement pénitentiaire et du traitement tout court des jeunes. Cet éclatement s’explique par l’affaiblissement quantitatif dans la période des années 80 du nombre d’incarcérations. Il se comprend d’autant moins que l’on enregistre une croissance exponentielle.
La question que je me pose est la suivante : s’il peut être contesté pour les adultes, l’aspect éducatif ne peut l’être pour les jeunes ; il est au c_ur de la réinsertion. Si, en effet, on peut se poser la question pour une personne incarcérée de cinquante ou de soixante ans, pour le mineur, la question éducative est liée à la question pénitentiaire. Ne pourrait-on, imaginer un système qui donne une spécificité administrative complète, unitaire, au système de traitement de la délinquance des jeunes ?
Par ailleurs, que pensez-vous des établissements spécialisés éducatifs et de cette idée qui a couru sous son aspect péjoratif il y a des décennies concernant ce que l’on appelait "les maisons de correction", qui revient aujourd’hui sous un aspect beaucoup plus conforme à l’humanité et à la réinsertion : l’établissement spécialisé ?
Je suis enseignant, professeur, inspecteur général de l’Education nationale. Ce que vous avez dit des classes-relais, je n’en partage pas un mot, pas un seul. Si vous le voulez, je vous enverrai les rapports de l’Inspection générale de l’Éducation nationale sur le sujet. Si les classes-relais sont un succès c’est un succès qui se camoufle et qui se camoufle au fond des écoles, car je vous invite à aller les visiter. Voilà une bonne idée, M. le Président : en même temps que les prisons, visitons les classes-relais ! Vous constaterez qu’elles sont souvent l’endroit où l’on ne pénètre pas. Je trouve méritoire que magistrats et professeurs continuent à essayer de gérer dans ce contexte. Souvent, la classe-relais est le lieu où l’on met le caïd. Etre dans une classe-relais ne participe pas à la réinsertion, c’est probablement une gratification dans un climat de violence où l’organisation sociale est totalement pervertie. Etre dans une classe-relais c’est la consécration du fait que l’on est hors normes et que, par conséquent, l’on détient un pouvoir par rapport à ses camarades qui, eux, n’ont pas "la compétence" d’y aller. Je ne crois donc pas que le système éducatif français soit pour le moment en mesure de contrôler la montée en force de la violence. Je trouve que, s’agissant des jeunes, nous avons une inaptitude profonde à traiter l’aspect éducatif.
Sur le principe, êtes-vous favorable à des établissements spécialisés, édulcorés ? Y réfléchissez-vous dans votre direction ? Avez-vous des contacts et avez-vous engagé des travaux avec d’autres ministères, notamment celui de l’Éducation nationale à ce sujet ? Avez-vous des réflexions personnelles à cet égard, quitte à sortir peut-être de votre strict rôle administratif ? Dans la mesure où vous êtes quotidiennement confrontée au problème, peut-être vous vient-il de temps à autre l’idée d’un aménagement administratif plus conforme aux besoins sociaux dont on voit bien, désormais, qu’il faut les traiter d’une façon plus conforme à nos traditions de respect de l’individu et des droits de l’homme.
M. Hervé MORIN : Quel a été votre cursus professionnel pour exercer votre actuelle fonction ?
Connaissez-vous le taux de récidive des adolescents ?
Vous avez déclaré que, par nature, les adolescents et les jeunes avaient des courtes peines. En les rencontrant, j’ai eu le sentiment de voir des jeunes, devenus vieux, mais qui avaient subi de longues peines. J’ai rencontré Patrick Henry dont on a parlé ; il a passé un long temps en prison.
M. le Président : C’est un cas exceptionnel.
M. Hervé MORIN : J’ai également rencontré celui qui a inspiré le film "L’appât".
M. le Président : Ils n’en restent pas moins des cas exceptionnels.
M. Hervé MORIN : Pas tant que cela !
M. Bruno LE ROUX : Je voudrais poser une question sur le travail d’intérêt général, notamment des mineurs, sur les enseignements que vous pouvez en tirer, notamment pour l’avoir mis en place depuis plus d’une dizaine d’années. Je partage assez l’opinion de M. Goasguen sur les classes-relais. En même temps, sur la foi des chiffres qui m’ont été transmis par les services de l’État sur le travail d’intérêt général des mineurs, je tire le constat que, sur les postes créés dans ma ville, la réussite dépasse 86 % de jeunes qui n’ont plus jamais été confrontés au système judiciaire après être passés par le travail d’intérêt général. Certes, il s’agit d’un investissement lourd en matière de formation au quotidien pour les services municipaux. Ne pensez-vous pas que le mouvement s’est rapidement essoufflé alors qu’il a enregistré de bons résultats ? Les chiffres ne sont pas très différents dans les autres villes ayant mené cette expérience. Or elle n’a pas été relayée par l’Etat, même si lui-même ne peut s’appuyer que sur la volonté des élus locaux pour mettre en place une telle politique. On ne perçoit guère de mobilisation de l’Etat alors que, pour autant, l’action existe et qu’elle semble obtenir de bons résultats. N’y a-t-il pas là une contradiction à dépasser ?
Mme Sylvie PERDRIOLLE : Au sujet des classes relais, je ne voudrais pas que mon propos soit mal compris. Par cette action, nous répondons à la question de l’Éducation nationale et à la prise en charge de la violence. Nous répondons ponctuellement à la situation de quelques jeunes. J’ai mis l’accent sur la coopération positive entre les deux administrations.
Sur les établissements spécialisés, ma réponse serait la suivante : nous essayons de reconstruire de petits internats, permettant d’accueillir des mineurs dans le cadre de l’urgence ou de l’éloignement, ce qui répond à cette notion d’établissement spécialisé éducatif pour mineurs délinquants, l’encadrement n’étant qu’éducatif dans les deux cas de figure. J’ai indiqué que l’internat avait été quelque peu dévalorisé ou délaissé dans les années soixante-dix/quatre-vingt alors que nous sommes aujourd’hui sur un chantier visant à redonner des fondements, des références pédagogiques, à reconstruire de petits internats permettant un accueil mieux structuré que ce ne fut le cas jusqu’à présent.
M. Claude GOASGUEN : Comment choisissez-vous les mineurs ?
Mme Sylvie PERDRIOLLE : Les magistrats placent les mineurs. Par conséquent, nous ne les choisissons pas nous-mêmes ; simplement, nous proposons aux magistrats des fonctions d’accueil sur les centres de placement immédiat correspondant à ces jeunes. Les places d’accueil sont réservées à des mineurs délinquants, présentés pour des faits graves, éventuellement réitérants. Les analyses dont nous disposons, aussi bien sur les centres éducatifs renforcés que sur les centres de placement immédiat, indiquent qu’environ 25 % d’entre eux sortent de prison, tous ayant été placés après un parcours délinquant important.
M. le Président : Je vous remercie de répondre ainsi à M. Goasguen, car je m’aperçois que je vous avais posé une question sur vos relations avec les magistrats, à laquelle vous n’avez pas répondu - par distraction...
Mme Sylvie PERDRIOLLE : J’ai parlé des commissions de suivi composées de magistrats.
M. le Président : Vous dépendez beaucoup de la décision des magistrats. J’en connais qui emprisonnent facilement, d’autres qui ne veulent surtout pas emprisonner. Vous êtes réduits à lire et à relire les circulaires de la garde des sceaux...
Mme Sylvie PERDRIOLLE : Vous m’avez posé une question sur mon cursus professionnel : je suis magistrate. J’ai été juge d’instruction, juge des enfants, juge aux affaires familiales. J’ai exercé préalablement des responsabilités au ministère de la Justice, à la direction des affaires criminelles, puis à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. J’ai ensuite fait un court séjour à l’IGAS avant d’être appelée à mes fonctions actuelles.
En matière de récidive, nous ne disposons malheureusement pas d’études récentes sur les mineurs que nous suivons. C’est un manque auquel nous devons remédier. En revanche, nous disposons d’études constantes des services de police et de gendarmerie, lesquelles montrent que, sur une même année, 80 % des mineurs ne sont arrêtés que pour un seul fait ; 20 % d’entre eux répètent des faits de délinquance et 10 % répètent plus d’une dizaine de faits. C’est dire un petit noyau qui répète de très nombreuses infractions.
Sur les récidives après prise en charge, les évaluations les plus récentes portent sur la prise en charge dans les centres éducatifs renforcés ou bien sur la prise en charge après une mesure d’intérêt général ou une mesure de réparation. Une autre étude récente a été effectuée à partir des CPAL. Heureusement, nous ne retrouvons pas comme majeurs tous les mineurs qui ont été suivis et non plus tous les mineurs les plus réitérants. Mais je ne dispose pas de données plus précises par défaut d’études récentes, les dernières remontant aux années quatre-vingt.
Au sujet des courtes peines, je précise mes propos : la durée moyenne de détention provisoire des mineurs est d’un à deux mois. En revanche, lorsqu’il y a une peine d’emprisonnement, il s’agit d’affaires criminelles, de meurtres ou de viols, et alors de longues peines sont administrées qui peuvent aller jusqu’à quinze ou vingt ans d’emprisonnement. La très grande majorité des mineurs n’est incarcérée que pour une période d’un à deux mois ; un très petit nombre connaît de très longues peines d’incarcération.
Le travail d’intérêt général présente effectivement un intérêt réel pour les mineurs. D’une certaine manière, le développement récent de la mesure de réparation a pris le pas sur le développement du travail d’intérêt général. L’accent a moins porté sur le travail d’intérêt général auprès des juridictions, mais nous pourrions certainement mettre l’accent sur cette peine et développer nos efforts à ce titre, car, dans certains cas, qu’il s’agisse de mesures de réparation ou de travail d’intérêt général, les résultats sont intéressants.
M. le Président : Les élus ici présents en ont conscience. J’ai moi-même à connaître des exemples positifs de cette mesure dans la ville de Vienne et alentours dont je suis élu. De vraies réussites sont enregistrées.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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