La vision du prisonnier, généralement oisif, en tout cas logé, nourri et blanchi aux frais de l’administration pénitentiaire, est à mille lieues de la réalité de la pauvreté en prison - pauvreté souvent présente et généralement humiliante, car en prison le plus pauvre est le plus vulnérable et sa situation ne fait qu’aggraver la dureté de sa détention.
Elle résulte inévitablement de la très grande précarité des personnes incarcérées : rappelons qu’en 1997 (30), 65 % des entrants étaient sans activité à l’extérieur, parmi lesquels, seuls 28 % se trouvaient en situation de chômage indemnisé. Un sur cinq était illettré.
Est pauvre en prison, d’une pauvreté relative, spécifique au monde carcéral (31), celui qui doit se contenter du minimum fourni par l’administration, sans possibilité véritable d’autonomie, exposé à la dépendance à l’égard de ses codétenus, voire à l’exploitation par les plus " forts " d’entre eux.(Remplir un bon de cantine quand on ne sait ni lire, ni écrire suppose de faire appel à un codétenu qui se rémunérera, au besoin, sur les produits achetés...).
En effet, au-delà de son aspect financier la pauvreté est culturelle, faite d’absence de formation, d’isolement social, parfois d’une santé précaire et donne, notamment à l’étranger ou au toxicomane des conditions de vie en prison qui peuvent mettre en jeu sa dignité.
A) LE REPERAGE ET LE SUIVI DES SITUATIONS D’INDIGENCE :
L’administration pénitentiaire ne connaît que les " indigents ". La définition de l’indigence est elle-même laissée à l’appréciation de l’établissement, ce qui, en l’absence de critères fixés nationalement, est source d’inégalités.
Selon le rapport du groupe de travail sur l’aide aux détenus indigents créé par l’administration pénitentiaire (32), la prise en compte d’un seuil de moins de 300 francs sur la part disponible du compte nominatif du détenu se généralise (sachant que le montant moyen d’achats en cantine varie de 15 à 30 francs par jour, ce seuil revient à estimer à 10 francs par jour le minimum nécessaire pour couvrir les besoins du détenu !). Les réponses au questionnaire adressé par la commission d’enquête aux directeurs d’établissements montrent, sans qu’une analyse exhaustive soit possible car ce montant n’est pas toujours indiqué, que des seuils de 200 francs, de 100 francs, voire de 50 francs, sont encore pratiqués.
Le repérage des indigents est dans la quasi-totalité des cas effectué lors de l’audience arrivant. Pour le suivi, en cours de détention, toutes les situations sont possibles : suivi systématique par l’examen mensuel des comptes des détenus, réunion ou non d’une commission d’indigence, signalement par les personnels, les travailleurs sociaux et les intervenants extérieurs qui opèrent un suivi ponctuel (surtout dans les petits établissements) ou encore interventions à la demande du détenu.
Dans certains établissements, en particulier ceux de la direction régionale de Paris, des commissions d’indigence ont été créées. Ces commissions permettent, sur la base d’un listing émis par les services comptables, de mettre en rapport les informations recueillies sur le détenu. Elles assurent une plus grande transparence des choix de l’administration pénitentiaire ainsi qu’un meilleur partenariat avec les associations qui participent à la lutte contre l’indigence.
Il est important que les propositions de ce groupe de travail relatives à la fixation d’un seuil uniforme comme critère financier de l’indigence et à la généralisation des commissions d’indigence ne restent pas lettre morte.
B) LES AIDES FOURNIES AUX INDIGENTS :
La distribution d’un certain nombre de produits d’hygiène aux entrants, de sous-vêtements aux arrivants en maison d’arrêt, et leur renouvellement pour les indigents, bien que prévus par des prescriptions réglementaires, ne sont toujours pas assurés systématiquement et complètement.
En 1998, environ 85 % des établissements ont distribué les trousses d’hygiène aux arrivants et les renouvellent aux détenus indigents conformément à l’obligation posée par l’article D.357 du code de procédure pénale. Ceci a conduit l’administration pénitentiaire à réitérer par directive ces obligations ainsi que celle relative au renouvellement systématique, donc à la gratuité, du savon et du papier hygiénique pour tous les détenus. Selon le secours catholique, depuis deux ans, des améliorations sont intervenues dans ce domaine.
Au-delà de ces dispositions obligatoires, on relève l’octroi, de façon variable, d’aides matérielles. Il s’agit, le plus souvent, de matériel de correspondance et de vêtements. La télévision ou le lavage du linge peut être gratuit pour les indigents. Parfois des produits alimentaires de base leur sont remis, ainsi que du tabac.
Ces actions sont conduites avec l’aide des associations socioculturelles et des organismes tels que le Secours catholique, la Croix rouge, l’association française des visiteurs de prison...
Il s’y ajoute des aides financières qui posent plus spécifiquement la question du rôle de ces associations partenaires. Les arrivants démunis, puis en cours de détention, les indigents peuvent bénéficier d’aides financières ponctuelles. Dans certains établissements, des aides mensuelles sont également versées. Financées par les associations, elles sont de l’ordre d’environ 100 francs par mois.
Le groupe d’étude précité a souligné : que " Sans remettre en cause le bien-fondé des actions qui peuvent être engagées par les associations, en liaison avec les établissements, on peut néanmoins observer parfois certaines dérives conduisant des associations à se substituer à l’administration, éventuellement défaillante, en particulier dans le domaine des aides matérielles. Une classification des rôles est donc nécessaire ".
Cette question doit conduire à poser celle de la perception des minima sociaux en prison. La réglementation actuelle suspend le versement du RMI aux détenus qui en bénéficiaient avant leur incarcération, le premier jour du mois suivant la fin d’un délai de soixante jours.
Les partenaires associatifs sont partagés sur cette question tant sur le principe que sur le montant de l’allocation. Le ministère de la Justice, quant à lui, a toujours privilégié, comme réponse à l’indigence, l’exercice d’un travail. Or ceci n’est pas sans soulever de difficultés, le dilemme " emploi ou formation " se posant en des termes particulièrement aigus pour les détenus dépourvus de toute aide extérieure qui sont confrontés à un besoin financier immédiat. Ils vont chercher, en premier lieu, à être " classés " pour pouvoir travailler ; parfois cela leur sera proposé, l’indigence étant souvent un critère prioritaire pour l’accès au travail.
Dans le cadre des règles actuelles, l’accès prioritaire des indigents au travail devrait être généralisé à la condition que son organisation soit adaptée pour permettre l’accès à d’autres activités (Cf. supra : actions socio-éducatives), ce qui suppose une réorganisation de la journée de détention. A défaut, il conviendrait d’attribuer au détenu sans ressources une rémunération en liaison avec une formation.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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