La rencontre avec le Ministre de la justice M. Heinz Frommelt et le chef du service juridique du Gouvernement, M. Norbert Marxer a permis à la Mission l’occasion d’évoquer le sort réservé à plusieurs demandes d’informations des magistrats français concernant des affaires importantes en cours de jugement. Le Rapporteur a notamment exprimé son indignation de voir que dans des cas aussi graves, les autorités du Liechtenstein, sous la signature de M. Norbert Marxer, n’éprouvaient aucune gène à refuser l’entraide judiciaire en répondant par lettre stéréotypée reprenant exactement les mêmes motifs.
Poussé dans ses retranchements, au vu des différents cas concrets qui venaient de lui être communiqués, le Ministre de la justice a admis devant la Mission " Je peux vous dire que ce sont des cas connus. Nous savons, nous partageons votre avis, que ce sont des cas graves. (...) nous avons la volonté, je l’ai dit lorsque j’ai pris mes fonctions de ministre de la justice il y a deux ans, de modifier la législation. "
M. Norbert Marxer, quant à lui, s’est contenté de déclarer " en ce qui concerne ces lettres stéréotypées, je crois qu’il faut voir que cela offre la possibilité d’aller plus rapidement. C’est une manière d’accélérer les procédures et permettre moins de réclamations (...) ". Lorsqu’on connaît les délais dans lesquels les magistrats du Liechtenstein daignent apporter une réponse qui généralement se solde par un refus de coopération, l’argument de célérité ainsi avancé, était véritablement des plus inattendus.
Votre Rapporteur ne cédant pas à cette provocation a évoqué au contraire " le ton de la gentillesse et de l’amitié " qui s’était installé dans cet entretien et a profité de la circonstance pour transmettre à nouveau trois affaires traitées par les juges Joly, Wirz et Emery, l’une de corruption politique, l’autre de corruption économique et la troisième de blanchiment pur.
S’adressant à M. Norbert Marxer, votre Rapporteur lui a alors déclaré " je souhaiterais que nous puissions communiquer ensemble sur les raisons pour lesquelles ces trois dossiers ont échoué et sur les moyens que vous pouvez, dans le cadre de la législation actuelle, avant sa modification, accorder pour qu’ils aboutissent, comme vous l’avez fait avec M. Perraudin. ".
M. Norbert Marxer s’est dit prêt à accepter cette proposition.
Sur la foi de cet engagement, la Mission a repris contact avec les autorités du Liechtenstein pour s’entretenir des suites qu’elles entendent donner à ces trois demandes précises.
Par lettre du 21 janvier 2000, le Ministre de la justice rappelait au Président de la Mission " au cas où vous entendriez, dans le cadre de vos activités, des plaintes relatives à l’entraide judiciaire accordée par les autorités du Liechtenstein, je vous saurais gré de bien vouloir me communiquer des cas concrets pour que le Ministère de la justice puisse intervenir auprès des autorités concernées en vue d’une accélération du traitement des demandes. "
Les juges d’instruction français et les parquets compétents qui lisent ce rapport pourront donc utilement nous saisir pour faire avancer leurs commissions rogatoires.
Courrier adressé en date du 24 mars 2000 par M. Arnaud Montebourg, Rapporteur de la mission à M. Heinz Frommelt, Ministre de la justice au Liechtenstein.
" Monsieur le Ministre,
La Mission dont je suis le rapporteur, accuse volontiers réception de la lettre du 10 mars 2000, émanant de l’Office des Affaires Etrangères de la Principauté du Liechtenstein. Elle contient plusieurs intentions de modifications de votre législation concernant la suppression de la preuve de l’élément intentionnel dans l’infraction de blanchiment ainsi que diverses mesures relatives aux obligations de diligence pesant sur les intermédiaires financiers.
Ces projets ne paraissent pas contenir les réponses de nature à satisfaire les lourdes préoccupations exprimées par notre Mission lors de sa venue à Vaduz le 14 janvier dernier.
Il ne semble pas, en effet, que la réforme du droit des sociétés permettrait une meilleure identification des ayants droit économiques, bénéficiaires réels des fonds anonymement déposés dans des fondations, trusts ou anstalts, dont je déduis que le développement constant et exponentiel ces dernières années reste une priorité de votre gouvernement.
Je n’ai pas davantage perçu votre intention de supprimer toute possibilité de voie de recours ou de contrôle politique ou administratif à l’encontre des demandes d’entraide fondées sur la Convention européenne du 20 avril 1959.
Nous avions enfin, lors de notre voyage à Vaduz rappelé le vif intérêt que nous portions au traitement, que vous vous êtes personnellement par écrit ainsi que de vive voix engagé à accorder à trois commissions rogatoires demandées, dans des affaires judiciaires graves, par les juges d’instruction français Joly, Wirz et Emery.
Il faut malheureusement reconnaître que près de trois mois après l’expression de ces engagements, aucun changement n’est intervenu concernant ces demandes, dont vous avez pourtant reconnu la légitimité et la sensibilité.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de mes sentiments distingués. "
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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