Forgées dans l’urgence, souvent en réponse à des catastrophes naturelles ou dues à l’activité humaine, les normes du droit international de l’environnement sont le fruit de compromis entre des intérêts largement divergents : ONG contre Etats ou sociétés multinationales polluantes, pays du Nord contre pays du Sud. L’industrie des hydrocarbures a un impact considérable sur l’environnement et la mission a constaté que la manière dont sont appliquées, voire négociées, les conventions internationales varie. Les normes environnementales ne sont pas suivies avec la même rigueur en Mer du Nord et dans le Golfe de Guinée. Or, les atteintes à l’environnement provoquées par les hydrocarbures ont parmi les premières, révélé que la sauvegarde de l’environnement marin était une nécessité. Les accidents spectaculaires du Torrey-Canyon en 1967, de l’Amoco-Cadiz en 1978 ou de l’Exxon Valdez en 1979 ont clairement montré les dangers du recours à des pétroliers géants.
Pourtant, le droit international positif en la matière demeure incomplet en raison de la réticence de certaines puissances maritimes à renforcer de manière significative la structure des organisations internationales compétentes et les procédures d’édiction des normes anti-pollution. Par ailleurs, les compagnies pétrolières exercent un lobbying intense lors des négociations de ces conventions internationales pour obtenir de l’Etat où elles ont leur siège, une bienveillante indulgence et le moins de contrainte possible.
L’accident du Torrey-Canyon en 1967 fut l’occasion de poser au niveau international le problème de la lutte contre la pollution accidentelle. Ainsi la Convention de Bruxelles, du 29 novembre 1969, autorise l’Etat côtier à prendre des mesures de contrainte à l’égard de tout navire en haute mer, lorsque certaines conditions sont remplies et que la substitution à l’armateur s’impose. Cette convention n’est entrée en vigueur que tardivement, en 1975.
La préoccupation la plus ancienne en matière de protection des mers concerne la pollution par les rejets volontaires d’hydrocarbures (opération de déballastage et de nettoyage des soutes). La Convention de Londres du 12 mai 1954, plusieurs fois amendée, introduit le système des zones maritimes où ces rejets sont limités ou complètement interdits. Ces prescriptions ont été progressivement renforcées (éloignement des côtes, diminution des quantités de rejets autorisées) et complétées par des règles sur les techniques de conception des navires.
Toutefois, M. Bruno Rebelle, directeur de Greenpeace France, a vivement critiqué : "...l’OMI inefficace en raison de son mode d’organisation. Le montant des cotisations de chaque pays et la quantification des pouvoirs auxquels elles donnent droit, sont déterminés par le tonnage de leur flotte commerciale. Ce mode de "répartition" équivaut à une prime donnée aux pays possédant le plus grand nombre de super-tankers. Cependant, n’ayant guère de préoccupation directe pour la gestion de l’espace maritime, ceux-ci confient leur participation à des cabinets d’avocats - généralement américains - qui assurent la représentation dudit "pavillon" lors des séances officielles de l’organisation". Non sans ironie, il a observé que "Le déséquilibre que génère cette situation permet à n’importe lequel de ces "gros contributeurs" de lier le renouvellement de sa contribution au refus de telle ou telle règle qui pourrait contraindre les activités des entreprises qui naviguent sous son pavillon. L’intérêt général, qu’était censée représenter cette assemblée, est donc passé en retrait de l’intérêt particulier des sociétés qui, dans les faits, exploitent les pavillons de complaisance."
Il a proposé quelques solutions : "Il serait par exemple facile d’inclure dans les taxes portuaires, le coût du traitement des effluents de dégazage des navires. Cette opération ne ferait alors l’objet d’aucune facturation particulière et les compagnies n’auraient aucun intérêt à risquer une condamnation et une amende en procédant au dégazage sauvage en pleine mer. C’est l’inverse qui se passe aujourd’hui. Le coût de récupération et de traitement au port sont peu incitatifs et le montant des condamnations est peu dissuasif. Il est donc préférable, lorsqu’on recherche un bénéfice maximum, de risquer l’illégalité du dégazage sauvage".
Un ensemble de conventions, universelles ou régionales, prennent en considération les principales hypothèses de pollution maritime. Celle par immersion est réglementée par les Conventions d’Oslo du 15 février 1972 (Atlantique du Nord-Est) et de Londres du 29 décembre 1972 et par la Convention de Barcelone du 16 février 1976 (Méditerranée).
Mais M. Bruno Rebelle a regretté que :"La Convention de Londres ne contienne aucune disposition sur les rejets en mer des plates-formes pétrolières d’exploration ou d’exploitation. Dès son entrée en vigueur en 1972, les industries pétrolières avaient veillé à ce que soit maintenue une clause d’exemption contenue dans l’article III alinéa 1c formulée ainsi : "les rejets de déchets ou d’autres substances provenant directement, ou indirectement, de l’exploration, de l’exploitation ou du traitement en pleine mer des ressources minérales des fonds marins, ne sont pas concernés par les dispositions de cette convention ...". Cette exemption a été longtemps considérée comme un anachronisme fâcheux". Il a déploré que lors de la réactualisation de cette convention en 1996 "une nouvelle exemption ait été reconnue dans des termes similaires à ceux retenus par l’article III.1.c de la Convention. Si les industries pétrolières ont pu penser qu’elles avaient gagné cette partie, il est évident qu’elles sont apparues sous un jour peu glorieux."
La réparation des dommages causés par les hydrocarbures ("marées noires") fait également l’objet de conventions : Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile, et du 18 décembre 1971, qui portent sur la pollution par les navires (la seconde institue un Fonds d’indemnisation pour les pollutions marines, le FIPOL), la Convention de Londres du 1er mai 1977 concerne, toujours en matière de responsabilité civile, la pollution consécutive à la recherche et à l’exploitation des ressources minérales du sous-sol marin. L’exploitation et, surtout, le transport des hydrocarbures ne sont pas fortement réglementés et pris en charge par les pouvoirs publics. Aussi le régime de responsabilité qui pèse sur le propriétaire du navire (Convention de 1969) et de la cargaison (Convention de 1971), ou encore sur l’exploitant d’une installation off shore, reste-t-il exclusivement privé. Les Conventions FIPOL instaurent un système d’indemnisation complémentaire des victimes de pollutions dues aux marées noires au delà de l’obligation d’assurance.
Plus récemment en juillet 1998 à Sintra dans le cadre de la convention pour la protection de l’environnement dans l’Atlantique Nord dite OSPAR, qui s’applique depuis le Nord de l’Ecosse jusqu’au Portugal, le principe général du démantèlement des installations en mer dans toute cette zone a été décidé. Il oblige la compagnie pétrolière à démanteler toutes leurs installations off shore désaffectées et à les ramener à terre.
Selon M. Bruno Rebelle, "l’accord est passé avec des grincements de dents des compagnies pétrolières, qui craignent la généralisation à l’ensemble de la planète de l’interdiction de l’immersion des plates-formes, ce que veut obtenir Greenpeace. Dans le Golfe de Guinée, des plates-formes pétrolières non utilisées depuis des années ne sont même pas immergées. Sur toutes les étapes du cycle du pétrole, on constate l’existence d’un double standard. Des bureaux d’études ont montré qu’il était plus rentable de démanteler les plates-formes à terre. En Atlantique Nord, cette perspective est intéressante, mais dans le Golfe de Guinée, c’est plus délicat."
Les principes issus de la Déclaration de Stockholm de 1972 et du Sommet de la Terre de Rio de 1992, développement durable, satisfaction équitable des besoins des générations présentes et futures et responsabilités communes mais différenciées, devoir de prévention, principe de précaution, obligation de procéder à une étude d’impact sont-ils appliqués avec autant de célérité par les grands groupes pétroliers internationaux quels que soient les lieux où ils opèrent ? Il est permis d’en douter. Qui se soucie du démantèlement des plates-formes offshore ou de la pollution des plages en Angola ? En effet les territoires nationaux contrairement à l’espace maritime international, ne font pas l’objet de conventions internationales. Il en résulte que la réglementation de la sécurité des oléoducs et la pollution des eaux par les rejets d’hydrocarbures dépend des seuls Etats. Il en va de même des torchères dont les effets sur l’atmosphère sont néfastes. En Afrique, sur ces questions, le droit de l’environnement est inexistant.
Les standards environnementaux sont surtout appliqués dans les pays développés. Les pays producteurs de pétrole y sont hostiles, ce qui rend leur respect aléatoire. M. Michel Chatelus, professeur à l’Institut d’études politiques à Grenoble, a constaté que : "S’agissant des questions environnementales, dans les pays de la péninsule arabique et en Arabie Saoudite en particulier, la lutte contre le réchauffement global par la création éventuelle d’une taxe sur les rejets de gaz carbonique, est considérée comme une agression contre les Arabes. Selon eux, il faudrait faire preuve de plus de cohérence car ils reprochent à l’Occident de subventionner des mines de charbon et de taxer le pétrole sous prétexte qu’il serait polluant. Néanmoins, l’évolution en cours est très forte car les grandes entreprises multinationales sont très sensibles à leur image et au risque de boycott qu’entraîneraient des atteintes trop importantes à l’environnement. Les instituts américains ont constaté que les compagnies pétrolières qui prenaient soin de l’environnement avaient dans l’ensemble de meilleurs résultats . Le problème de Shell en mer du Nord a constitué un élément déclencheur."
En écho à ce constat, M. Jean de Gliniasty a souligné que "les dégâts provoqués sur l’environnement par les compagnies pétrolières sont souvent réels, mais ils ont été perpétrés avec la complicité des autorités locales, longtemps insensibles à ces enjeux, ce qui semble changer actuellement."
Ces évolutions ont été provoquées par une prise de conscience des populations locales qui, comme au Nigeria, ont vu leur environnement, leur cadre de vie, leurs moyens de subsistance ravagés par l’exploitation pétrolière sans tirer le moindre profit de la manne pétrolière. C’est parce que les grands groupes pétroliers comme Shell ou Exxon-Mobil ont mesuré l’impact commercial dévastateur d’initiatives malencontreuses ou d’accidents écologiques qu’ils ont été parmi les premiers à se doter de codes de conduite, mais la valeur juridique de ces codes est discutée.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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