Le projet de construction d’un oléoduc long de 1 050 km devant rejoindre la région de Doba au Sud du Tchad à la côte Ouest africaine région de Kribi au Cameroun est lié à la découverte en 1991-1992 d’un gisement de pétrole dont les réserves prouvées sont d’environ 924 millions de barils, soit 120 millions de tonnes de pétrole situé au Sud du Tchad entre Doba et Moundou sur les champs de Komé, Bolobo et Miandoum. Ce projet nécessite le forage de 287 puits d’une dimension de 45 mètres sur 60. L’exploitation globale des réserves prouvées s’étalerait sur une période de 20 à 25 ans avec, dès six mois après la mise en exploitation, une production annuelle maximale d’environ 11 à 12 millions de tonnes de pétrole soit 225 000 barils/jours (ou encore 36 000 m3).
Le Tchad deviendrait ainsi le 4ème pays producteur de pétrole de l’Afrique sub-saharienne après le Nigeria (94 mt/an), l’Angola (31 mt/an) et le Gabon (18 mt/an). Afin d’exporter le pétrole, un oléoduc long de 1 050 kms dont 890 kms au Cameroun et quatre stations de pompage doivent être construits à travers le Tchad et le Cameroun. Des infrastructures maritimes telles que des stations de stockage et de chargement seront créées au large de la côte camerounaise, à Kribi.
Le projet est envisagé par un consortium comprenant Esso Exploration and Production Chad Inc. (Exxon 40 %), la Société Shell Tchadienne de Recherches et d’Exploitation (40 %), et Elf Hydrocarbures Tchad (20 %). Esso agira en tant qu’opérateur pour le développement des champs pétrolifères. Une société de transport pour l’oléoduc, la Cameroon Oil Transportation Company, S.A. (COTCO), a été constituée pour construire, gérer et entretenir le Système de Transport par oléoduc au Cameroun. Le consortium, le Cameroun et le Tchad auront des participations dans le capital de COTCO. Une société similaire, la Tchad oil Transportation Company S.A. (TOCTO), est établie au Tchad avec des participations du Consortium et du Tchad.
Au Tchad la production sera réalisée par "Esso Exploration-production au Tchad" filiale d’Exxon qui opérera pour le compte du consortium pétrolier. Le cadre légal est constitué par la Convention d’exploitation, de production et de transport des hydrocarbures établie en 1988 entre le Tchad et le Consortium, le ministère de tutelle étant le ministère des mines. La construction et l’exploitation de la partie tchadienne de l’oléoduc, soit 160 kms sera réalisée dans le cadre de la société TOTCO qui regroupera les membres du Consortium au prorata de leur part respective et l’Etat tchadien dont le taux de participation sera de 15 %, soit Exxon 34 %, Shell 34 %, Elf 17 % et Etat tchadien 15 %. Au Cameroun la société COTCO qui construira et exploitera l’oléoduc regroupe cinq partenaires, Exxon 34,6 %, Shell 34,6 %, Elf 17,3 %, Etat camerounais 8,5 %, Etat tchadien 5 % (ces pourcentages n’étant pas définitifs).
Le coût total du projet est estimé à 3,5 milliards de dollars (dont 2 milliards de dollars pour l’oléoduc). Le Consortium en financera 60 % sur ses fonds propres, 25 % par des prêts au taux du marché. La Banque mondiale financera 3 % en tant que telle, les 7 % restant seront financés par le secteur privé, la société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale. Les crédits de la Banque mondiale s’élèveront à 90 millions de dollars dont 35 pour le Tchad et 55 pour le Cameroun. La SFI devrait faire un prêt de secteur A de 100 millions de dollars, 85,5 à la COTCO et 14,5 à la TOTCO. Elle devrait par effet d’entraînement permettre de mobiliser sur le secteur B 300 millions de dollars, 256,6 millions pour la COTCO et 43,4 pour la TOTCO. Du point de vue du Consortium, la participation de la Banque mondiale est essentielle à la réalisation de ce projet. L’avenir de ce projet dépendra donc de la décision prochaine de la Banque mondiale qui devrait intervenir avant la fin de l’année.
Cependant l’accord de la Banque mondiale est soumis à des obligations de la part des emprunteurs au niveau environnemental et au niveau de l’utilisation des revenus pétroliers.
Saisie dès 1994 de la demande de financement du projet, la Banque mondiale a fait procéder à une étude d’impact environnemental en 1997-1998. Certains problèmes n’étant pas résolus, la Banque mondiale sensibilisée par les critiques sévères de nombreuses ONG opérant sur place, aux Etats-Unis et en Europe, a rejeté le dossier en octobre 1998. La banque avait relevé que l’étude d’impact réalisée par le consortium comptait 65 insuffisances et a exigé une nouvelle étude d’impact pour y remédier. Cette étude a été remise très récemment. Le projet est donc entré dans sa phase terminale et le Conseil d’administration de la Banque mondiale devrait se prononcer avant la fin de l’année, la direction de la Banque étant favorable au projet.
Pour l’utilisation des revenus du pétrole, la Banque mondiale a obtenu du Cameroun la budgétisation des ressources pétrolières et a obligé le Tchad à répondre à ses rigoureux critères quant à la gestion de la rente pétrolière.
Le Tchad a dû adopter le 11 janvier dernier une loi portant gestion des revenus pétroliers provenant des champs de Komé, Miandoum et Bolobo. Cette loi, exigée par la Banque mondiale, opère une distinction entre les ressources directes, (dividendes et les redevances et qui constitueront l’essentiel des revenus jusque vers 2010) et les ressources indirectes (impôts, taxes et droits de douanes liés à l’exploitation pétrolière), dont le montant est destiné à s’accroître de manière significative à partir de cette date.
La loi concerne essentiellement la gestion des ressources directes du pétrole pour lesquels la Banque mondiale a imposé de rigoureux critères : 90 % des ressources directes devront être versés sur des comptes spéciaux du trésor, déposés dans une ou deux banques de la place et seront ainsi affectés : 80 % de ces 90 % seront destinés aux dépenses relatives aux secteurs prioritaires santé publique, affaires sociales, enseignement, infrastructures, développement rural, environnement et eau. 15 % seront destinés à couvrir les dépenses de fonctionnement et d’investissement courant de l’Etat, pour une période de 5 ans à compter de la date de production (2002 selon toute vraisemblance) et 5 % des redevances seront affectées aux collectivités décentralisées de la région productrice. Mais il est précisé que ce montant peut-être révisé par décret tous les cinq ans en fonction des ressources disponibles, des besoins et de la capacité d’absorption de la région. Le reliquat de 10 % des ressources directes sera déposé sur un compte d’épargne ouvert dans une institution financière internationale au profit des générations futures.
Le contrôle de la mobilisation et de l’utilisation des revenus pétroliers sera effectué par les autorités tchadiennes : ministère des finances, la chambre des comptes de la cour suprême, le parlement et un organisme à créer, baptisé collège de contrôle et de surveillance des ressources pétrolières (CCSRP), qui sera composé de neuf membres, dont une forte majorité de fonctionnaires.
La mission s’est intéressée à ce projet novateur dans son mécanisme mais critiqué quant au choix des pays où il risque de s’appliquer. Elle a effectué un déplacement au Cameroun et au Tchad du 7 au 13 février dernier. Les débats sur le devenir et l’utilité du projet porte sur la situation intérieure au Tchad et au Cameroun, l’information et l’indemnisation des populations, l’impact environnemental.
A) LA SITUATION INTERIEURE AU TCHAD ET AU CAMEROUN
– Une situation inquiétante dans le sud du Tchad
Selon M. Jean-François Bayart, "si le pétrole se met à couler au Tchad et à remplir les caisses de l’Etat, il deviendra un élément décisif de la guerre civile larvée dans le Sud. Tout indique que la bande au pouvoir du Président Idriss Deby capterait à son strict profit la rente pétrolière, les populations du Sud n’en connaissant que la répression, les armes. Des dissidences pourraient se développer dans le sud du Tchad si le pétrole venait à être exploité. Les compagnies pétrolières n’ont pas de responsabilités objectives et intentionnelles dans le développement de ces crises, mais elles doivent recourir à des sociétés privées de sécurité. Le contrôle du pipe-line virtuel entre Doba et Kribi intéresse des sociétés comme Executive Outcomes ou leurs concurrents. L’exploitation pétrolière est un facteur qui a poussé au développement de la privatisation de fonctions régaliennes de l’Etat, notamment en matière de défense. Le pétrole n’a pas le monopole de cette évolution que l’on retrouve pour le diamant, mais les enjeux financiers sont encore plus considérables".
M. François-Xavier Verschave a exprimé la même inquiétude : "Au Tchad, M. Idriss Déby est arrivé au pouvoir en 1990. C’est une créature de la France et d’Elf, mais sa légitimation est difficile car il s’appuie sur son ethnie, les Zagawa, qui ne représentent que 1 % ou 2 % de la population et sont proches du Soudan. La réaction des populations du Sud du Tchad aux dégradations que pourrait provoquer l’exploitation du pétrole a conduit à développer la répression et à emprisonner le député Yorongar, seul député d’opposition."
Mme Annick Jeantet, chargée de mission à " Agir ici" a expliqué que "le mémorandum sur l’historique du projet souligne la coïncidence entre les accords pétroliers et la rupture des accords de paix au Tchad. Dans ses réponses, Elf indique systématiquement qu’ils ne sont pas opérateurs, ce rôle revenant à Exxon. Le Premier ministre s’est déclaré "attentif" au projet et M. Charles Josselin a reçu les ONG avant son voyage au Tchad, en septembre 1998. Mais aucune suite réelle n’a été constatée."
La mission a rencontré à N’Djamena M. Ngarlejy Yorongar, député de la Fédération d’action pour la République, accompagné des représentants de 18 associations, peu après sa sortie de prison. Il fut emprisonné, au mépris des règles d’immunité parlementaire, pour s’être insurgé contre les conditions d’exploitation du pétrole dans le Sud du Tchad et l’opacité du projet d’oléoduc. Sa libération est intervenue grâce à l’action de l’Union interparlementaire, du Parlement européen, de députés français et de nombreuses ONG. Il a exprimé les craintes de la population du Sud : "dès l’origine, les populations n’ont pas été impliquées dans le projet ; la pression militaire déjà forte dans la région s’est considérablement accrue, engendrant la peur ("la présence militaire décourage les gens") ; de plus, les populations de la région, déjà très pauvres, craignent l’arrivée massive de personnes en quête de travail. Les déplacements de populations en raison des besoins de l’exploitation, inquiètent les gens."
Entendu par la mission à Paris, M. Ngarlejy Yorongar a dénoncé la répression féroce qui s’abat sur le Sud du Tchad. "Au Tchad, les violations graves des droits de l’Homme sont fréquentes (meurtres de femmes enceintes, bébés égorgés...). Pour économiser les armes, on tue à l’acide et par bastonnade. Dans le sud, la répression contre la rébellion passe par le génocide perpétré contre les populations civiles. La bonne gouvernance est le dernier souci de M. Déby comme le prouve la gestion catastrophique des maigres ressources du Tchad et des aides extérieures. A la veille de l’arrivée des experts de la Banque mondiale et du FMI à N’Djamena, les fonctionnaires du ministère de l’Economie et des Finances passent des nuits blanches pour monter de toutes pièces des dossiers financiers de justification. La Banque mondiale exige également du Tchad un régime démocratique. Mais, les fraudes aux dernières élections présidentielles et le hold up électoral aux législatives constituent des preuves suffisantes démontrant que le régime tchadien n’est pas démocratique. Les résultats de ces consultations ont été falsifiés. M. Déby n’a accepté un deuxième tour que sous la menace d’émeutes."
"Dans le sud du Tchad, les tueries continuent notamment dans les zones pétrolières. La situation des droits de l’Homme y est inchangée. Elle peut empirer d’un moment à l’autre. Dans le BET et le sud du Tchad la sécurité est menacée ce qui nuira au projet. Le pétrole est véritablement une affaire de chef d’Etat au Tchad, comme au Cameroun. Au Tchad, c’est la cellule présidentielle et non le ministère des mines qui s’occupe du projet. Elle est dirigée par un cousin germain du Président et composée, pour la plupart, par ses parents (son grand frère Daoussa Déby, ses oncles jumeaux Tom et Timan, Erdémi-Tom a été nommé représentant du Tchad à Houston), ses cousins Adoum Hassane Bakit Haggar, Bichara Chérif Daoussa Haggar, ceux du clan, Orozi Foudeibo, Dadi Abderhaman, etc.). Le pétrole est entièrement géré par ceux-ci. M. Déby a reconnu devant le Haut Conseil de la Communication (HCC) avoir envoyé ses parents se former à ses frais dans le domaine pétrolier dans plusieurs pays dont l’Algérie. M. Yorongar a d’ailleurs été condamné pour diffamation pour avoir affirmé cela, mais il en a la preuve."
"Avec son peu de ressources actuelles, l’Etat mercenaire du Tchad de M. Déby participe à tous les théâtres d’opérations militaires en Afrique (au Togo au Rwanda, au Zaïre de Mobutu contre M. Kabila, en RDC avec M. Kabila contre ses compagnons d’hier, au Congo-Brazzaville aux côtés de M. Sassou N’Guesso contre M. Lissouba, au Soudan de M. Al Béchir contre M. John Garang etc.), qu’adviendra-t-il lorsque le pétrole va générer des ressources ?"
Cette analyse est partagée par les représentants des ONG entendus en France. Ainsi, Mme Annick Jeantet rappelle que : "Au Tchad comme au Cameroun, l’un des soucis majeurs des associations locales et internationales concernant la mise en œuvre de ce projet, est de voir augmenter les tensions, les conflits inter-ethniques et les violations des droits de l’Homme. Le projet conduit et conduira à une augmentation des conflits dans le sud du Tchad, malgré un accord de paix signé entre les FARF (Forces armées pour la République fédérale) et le Gouvernement en avril 1997, le climat politique est encore très incertain. L’accord de paix a volé en éclat en octobre 1997, provoquant la mort d’une centaine de personnes dont 52 civils. En mars, plus de cent personnes ont été exécutées, dont une majorité de civils. Les FARF demandaient que 50 % des revenus pétroliers leur soient redistribués. Des rapports complets d’associations des droits de l’Homme sur place, ainsi que ceux d’Amnesty, sont disponibles sur la question."
"Le consortium, dans ses études d’évaluation du projet, n’a fait aucune évaluation du contexte politique et sociologique de la région, n’a pas mentionné les possibles conflits inter-ethniques liés à l’exploitation du projet pétrolier et à la répartition des revenus."
"L’impunité des compagnies pétrolières en cas de violation des droits de l’Homme, est patente. Au Tchad, en novembre 1994, un paysan qui amenait ses deux enfants voir l’atterrissage d’un avion a été tué par les gardes de sécurité d’Exxon. Les villageois ont témoigné que le paysan était l’un d’entre eux et qu’il voulait juste voir l’avion. Le chef militaire a préparé un rapport disant que l’homme était un rebelle et a clos l’affaire. Exxon s’est retranché derrière les militaires et aucune indemnisation n’a été versée à la famille, ni aucune enquête menée à ce sujet."
"Dans des pays où l’instabilité politique est constante et où la démocratie est faible, ce type de projet ne fait que renforcer les inégalités, augmenter les tensions inter-ethniques et la violation de droits de l’Homme."
Mme Emmanuelle Robineau-Duverger, chargée de programme à la FIDH, a développé la même argumentation. "La FIDH s’est également intéressée aux projets pétroliers concernant le Tchad et le Cameroun. Les autorités ont procédé à une répression sévère dans le Sud afin de rassurer les investisseurs sur leur détermination à assurer la sécurité dans la région. De nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires en ont résulté. Dans ces deux pays, on rencontre les mêmes problèmes qu’ailleurs concernant la faiblesse des compensations dont bénéficient les populations locales, l’absence de concertation avec la société civile, le développement de la corruption, le manque de transparence sur la répartition des bénéfices induits par les investissements pétroliers, etc.".
Au Tchad les nombreux représentants d’ONG que la mission a rencontrés, notamment la Ligue tchadienne des droits de l’Homme, l’association Tchad non-violence, l’association tchadienne pour la promotion des droits de l’Homme, la fondation pour le respect des lois ont corroboré ces analyses. Elles ne s’opposaient pas au projet, mais doutaient de la capacité de leurs dirigeants à respecter leurs engagements. Ces ONG ont insisté sur la gravité des conflits interethniques dans le Sud qui risqueraient d’être aggravés par des déplacements de populations attirées par "l’or noir". Plusieurs ONG ont fait valoir que "parler du pétrole" était une prise de risque au Tchad. "Les gens ont peur", le souvenir de la répression dans le Sud est vif. La police et les militaires sont présents quand le Consortium se déplace.
De fait, la mission s’est rendue à Moundou et sur le site de Komé, elle a visité les villages proches du site où le Consortium avait déjà procédé selon ses dires, à des campagnes d’information. Elle a constaté que les villageois étaient apeurés, ils n’osaient guère s’exprimer. Les craintes finalement formulées visaient l’installation de nouveaux venus notamment des éleveurs dans le village ce qui créait des difficultés avec les agriculteurs. La mission n’a pas pu savoir si cet afflux de personnes dans une région très pauvre était lié au mirage du pétrole. La mission a interrogé le Consortium et les autorités tchadiennes à ce sujet. Le Consortium a expliqué qu’il ne procéderait pas à de nouvelles embauches pour l’instant et qu’il cherchait de la main d’œuvre qualifiée espérant pouvoir embaucher sur place. S’agissant de la peur des villageois, le Consortium a précisé qu’en raison de l’insécurité des routes (coupeurs de route, banditisme, etc.) ses équipes se déplaçaient parfois avec des représentants de la force publique. Selon le Consortium cette présence évitait que les villageois ne se fassent dépouiller de leurs indemnités.
Les autorités tchadiennes et camerounaises ont été également interrogées sur l’insécurité dans la zone de passage du gazoduc et l’utilisation de la rente.
Au Tchad, les réponses ont été contrastées. Selon le Premier Ministre, M. Nassour Ouaidou, , "la sécurité est revenue dans le sud, la rente pétrolière stabilisera la zone d’autant que le gouvernement s’est engagé à utiliser 5 % de la rente pour développer la région".
M. Lol Mahamat Choua, président de la Commission des Affaires étrangères s’est montré plus nuancé en convenant que "de nombreux députés pensaient tout bas ce que disait tout haut M. Ngarlejy Yorongar". Il a ajouté qu’une nouvelle politique de réconciliation nationale serait nécessaire pour calmer le mécontentement des populations du sud.
Au Cameroun, M. Amidou Yaya Marafa, secrétaire général de la Présidence a convenu que "dans le Golfe de Guinée la rente pétrolière avait été mal utilisée et qu’elle aiguisait des appétits. Mais le système de cogestion de la rente mis en place par la Banque mondiale lui paraissait excessif" Quant à la corruption, elle était selon lui, le fruit de la crise économique qui depuis 1980 a généré une crise morale.
Une étude récente du Fonds de défense de l’environnement (EDF, ONG américaine) a fait état d’une répression dans la zone sud du tracé de l’oléoduc au Cameroun où des agriculteurs ont été intimidés et menacés par les autorités locales.
M. Philippe Benoît, expert en développement du secteur privé à la Banque mondiale, rencontré au Tchad et aux Etats-Unis par la mission, a admis que le Tchad connaissait des problèmes de sécurité, des violations des droits de l’Homme et des situations de rébellions dans le nord. La Banque mondiale a mis en œuvre un plan de gestion contractuel que le Tchad doit respecter sinon la Banque peut exiger des remboursements anticipés. D’après lui "en luttant contre la pauvreté, on peut stabiliser le pays." Le Tchad étant un pays très pauvre, si la Banque mondiale n’agissait pas elle serait accusée d’immobilisme. Il a cependant souligné "qu’en cas de dérapage il y aurait une rupture tout en reconnaissant que la Banque mondiale aurait plus de moyens de pression au début de l’exploitation pétrolière." Mme Mary Barton Dock, représentante résidente de la Banque mondiale au Tchad a observé "qu’au Tchad, il n’y avait pas d’Etat et un réel problème d’absorption de l’aide matérielle. Celle qui était envoyée était inutilisée faute de décision sur sa gestion." Les besoins de la population étaient immenses, le projet pouvait aider au développement.
B) L’INFORMATION ET L’INDEMNISATION DES POPULATIONS
La question de l’indemnisation des populations a fait également l’objet de critiques acerbes. Le gouvernement et l’administration tchadienne étant incapables d’assurer le bon déroulement de ces procédures. En France comme au Tchad, la mission a entendu les doléances. Selon Mme Emmanuelle Robineau Duverger, les conditions d’indemnisation sont opaques. "S’agissant de la compensation, des accords ont été trouvés et l’on sait, aujourd’hui même, que le consortium pétrolier a déjà versé les indemnités alors que les décrets d’expropriation n’ont pas encore été pris. On peut s’interroger sur une telle précipitation et avoir des doutes sur la composition du collège chargé de garantir la gestion rationnelle et transparente des revenus issus du pétrole. En sont membres le contrôleur financier qui est un haut fonctionnaire de l’Etat entièrement placé sous la responsabilité du Chef de l’Etat, certains membres de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême nommés par le Chef de l’Etat après avis de l’Assemblée nationale dominée aux trois cinquièmes par les militants du parti au pouvoir, le directeur de la banque centrale, celui du trésor, celui de la planification et celui du pétrole qui sont des hommes de confiance du Président de la République. Seuls les représentants des ONG et des syndicats peuvent, dans une certaine mesure, si l’on exclut les jeux des influences et des manœuvres de division, prétendre échapper à la mainmise du pouvoir."
M. Mongo Beti, écrivain, a manifesté la même inquiétude concernant les conditions d’indemnisation. "Ceux qui s’opposent au projet d’oléoduc Tchad-Cameroun souhaitent des garanties sur le respect de l’environnement, car la pratique des dictatures africaines consiste à démolir habitations et plantations sans indemniser les populations. Le consortium doit préciser le montant des indemnisations, face à l’arbitraire prévisible de la police. En outre, les opposants demandent une distribution équitable des revenus, et veulent obtenir des informations précises sur les ressources qui seront générées par les 800 kilomètres du pipeline passant sur le territoire camerounais. Ils font valoir que cette construction nécessitera une surveillance constante car elle pourrait être exposée à des actes de sabotage."
"Le Tchad risque," selon M. Ngarlejy Yorongar, "de connaître un drame plus grave que celui du peuple Ogoni au Nigeria. En outre, l’indemnisation des populations frise la provocation. Or, cette indemnisation doit s’effectuer à juste prix, mais les victimes d’un projet de lutte contre la pauvreté sont l’objet d’exploitation éhontée et d’escroquerie de la part du gouvernement et du consortium. Cette vaste escroquerie, organisée contre ces populations est traduite par la grille des tarifs d’indemnisation. Ainsi par exemple, un manguier est découpé et jeté moyennant 30 F. M. Yorongar a refusé cette indemnisation en tant qu’élu de la circonscription où sont situés les puits de pétrole."
Au Cameroun, la corruption, la mauvaise gestion des ressources forestières, l’absence d’Etat de droit ont été dénoncées (voir infra les analyses de M. Pius Njawe, directeur du Messager et de M. Mongo Beti). Selon eux le pétrole reste un secret, il est dangereux d’évoquer ce sujet tabou, il semblerait d’ailleurs que M. Samuel N’Guiffo, directeur du centre pour l’environnement et le développement au Cameroun en ait fait récemment les frais.
Mme Korrina Horta, consultant en économie de l’environnement du Fonds de défense de l’environnement (EDF), rencontrée par la mission à Washington a confirmé ces propos et dénoncé le niveau de corruption du Cameroun.
L’association d’appui aux initiatives locales de développement et le Centre d’information et de liaison des ONG (CILONG) au Tchad, l’Union mondiale pour la nature (UICN) au Cameroun et un groupement de 27 associations camerounaises ont dénoncé le déficit d’information et le fait qu’elles aient été associées très tardivement au projet. La procédure d’indemnisation et les faibles estimations de certains arbres (manguiers, palmiers, rafia) et de certaines parcelles agricoles ont été dénoncées. Selon ces ONG, le plan d’indemnisation, les travaux d’inventaire ont été bâclés et les forces de sécurité présentes lors des entretiens intimidaient les villageois.
Au Cameroun les produits forestiers utiles aux habitants n’ont pas été comptés. D’après ces ONG, les villageois lassés et apeurés ont accepté de signer n’importe quel document dès lors que les chefs du village les y incitaient. La peur, la pauvreté mais surtout le manque d’information peuvent expliquer cette attitude. Il était difficile de déterminer si ces indemnisations concernaient toutes les parcelles impliquées dans le projet ou seulement la partie utile aux études préalables.
La COTCO et la TOTCO ont été interrogées par la mission sur place. Elles ont expliqué qu’elles n’avaient versé d’indemnité que pour les parcelles concernées par les études préalables. M. Jean-Pierre Petit, directeur général d’Esso exploration production au Tchad a expliqué que les populations qui risquaient d’être touchées par la production de pétrole avaient été informées, lors de campagnes de sensibilisation. Selon lui le Consortium avait procédé à un recensement des personnes qui seraient déplacées. Toutefois, il a expliqué que l’absence de structures administratives fiables au Tchad rendait plus délicates ces opérations menées de bout en bout par le Consortium. Il a reconnu qu’une migration d’éleveurs avait lieu dans la région sans en connaître l’explication car le consortium n’embauchait pas pour l’instant.
C) L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL
La mission a constaté que sur l’impact environnemental du projet les avis étaient partagés, et que la question du choix du débouché de l’oléoduc vers Kribi plutôt que Limbé posait question (cf. infra).
M. Ngarlejy Yorongar a critiqué le tracé retenu avec virulence en expliquant que : "son premier affrontement avec le gouvernement de M. Déby et le Consortium provenait successivement d’une série d’aberrations notamment les exonérations exorbitantes accordées par le gouvernement au consortium pour payer cette déviation ; il a dénoncé ces faits lors de l’investiture, en mai 1997, du Premier ministre tchadien actuel, au cours également du séminaire sur le pétrole organisé en juin 1997 par la cellule pétrolière de la présidence de la République à l’attention des députés à l’Assemblée nationale et enfin au moment du débat à l’Assemblée nationale lors de l’examen de l’avenant n° 2 qui constitue une véritable braderie."
"Cet affrontement avec le gouvernement et le consortium a aussi été provoqué par l’étude d’impact environnemental réalisé par Dames et Moore pour le compte du consortium. M. Yorongar a jugé que cette étude était une catastrophe écologique et humaine ne prenant pas en compte les recommandations de la conférence de Rio de Janeiro et les conditionnalités de la Banque mondiale. Pire, a-t-il affirmé, la copie dite revue et corrigée sur instruction de la Banque mondiale rendue publique en octobre 1997 est une pâle copie de la première. Pour lui, il est inadmissible pour le Tchad de se priver de ses ressources afin de faire plaisir à Elf et au consortium, d’autant plus que le projet a pour but la lutte contre la pauvreté. Or, lutter contre la pauvreté selon lui, c’est trouver des ressources financières pour les injecter dans les circuits de développement. Le tracé initial, moins onéreux, est en outre le meilleur sur le plan écologique."
"Elf obtint la déviation de l’oléoduc qui initialement devait aboutir dans le port pétrolier de Limbé dans la zone anglophone du Cameroun, vers Kribi en territoire francophone. Cette déviation vers Kribi, plage touristique connue comme étant l’une des plus belles au monde, entraîne un surcoût que le Tchad devra supporter. Il faut rappeler que Kribi qui se trouve au sud du Cameroun est en pleine forêt, zone d’habitation des Pygmées alors que Limbé est au nord de Kribi."
Avant la sortie de la dernière étude d’impact de la Banque mondiale, Mme Hélène Ballande, membre des Amis de la Terre, expliquait que : "Les études complémentaires nécessaires devront respecter l’exigence de consultation et d’information publiques sans intimidation armée comme cela a pu être le cas auparavant. Les foyers devant être déplacés doivent être identifiés précisément ainsi que leurs revenus dont le niveau ne devra pas baisser du fait du projet. La population doit être informée des éléments qui ont conduit au choix du tracé de l’oléoduc et à repousser les alternatives possibles ainsi que sur le choix de la construction des installations offshore pour le terminal."
"Des rectifications doivent être apportées à ce projet qui doit éviter toutes les zones écologiquement sensibles et les habitats naturels notamment le Rift du Mbere et la forêt de Deng Deng au Cameroun. Le terminal de l’oléoduc doit être déplacé dans une zone où existent déjà des infrastructures afin d’éviter les zones de forêt près de la côte atlantique camerounaise."
"Des améliorations sont par ailleurs nécessaires. Un plan de développement des populations affectées par le projet doit être défini en concertation avec ces populations (pygmées, bantous, paysans du sud du Tchad). Le renforcement des capacités institutionnelles locales est nécessaire en cas d’accident et pour mettre en œuvre les plans d’atténuation. Il faut mettre en place un mécanisme indépendant de surveillance et d’évaluation des impacts du projet sur les populations et l’environnement local par un groupe d’experts indépendants comprenant des Tchadiens et des Camerounais. Les études et les résultats des enquêtes présentées par ce groupe devront être publics et non la propriété du gouvernement ou du consortium. Des mesures d’atténuation des conséquences de la pression démographique doivent être prises. Les mesures d’atténuation des dommages présentées par le consortium et les gouvernements doivent être précisées. Des infrastructures doivent être construites dans la zone du projet afin de profiter à toute la population (routes, ponts, etc.)."
En février, lors de son déplacement, la mission s’est interrogée sur le choix de Kribi où elle s’est rendue. Il lui a été répondu que le passage par la zone de Limbé impliquait des déplacements de population. Elle a relevé que la COTCO s’efforçait d’associer les pygmées au projet. Les Pygmées rencontrés dans la zone semblaient assez bien informés.
Les ONG tchadiennes, notamment le Centre d’information et de liaison des ONG (CILONG), et camerounaises, se sont étonnées d’avoir été tardivement informées et impliquées dans les études d’impact, leur contact avec le Consortium a été limité. Les craintes étaient vives au Cameroun quant à l’impact des saignées sur la forêt. L’UICN a expliqué que les saignées dans la forêt primaire provoquaient des migrations et une utilisation parfois frauduleuse des bois tropicaux, la multiplication des routes liées au chantier pouvant avoir le même effet.
En revanche, l’ONG "WWF" s’est montrée assez confiante quant au tracé et au projet d’oléoduc avec quelque réserve sur la zone habitée par les Pygmées. Selon WWF les dangers sociaux étaient plus élevés que les dangers écologiques.
Aux Etats-Unis, la mission a appris que plusieurs membres du Congrès des Etats-Unis s’étaient opposés au projet en raison de la situation au Tchad et au Cameroun. MM. Bernard Sanders, Tom Lantos et John Edward Porter ont en effet envoyé une lettre en mai dernier (signée de 24 membres du Congrès) au président de la Banque mondiale pour lui demander de reconsidérer le projet.
Pour la TOTCO et la COTCO, ces critiques étaient mal fondées. Elles ont affirmé agir selon des critères environnementaux européens. Selon les deux Consortiums et les autorités locales, ce projet contribuera à la croissance de l’économie locale par une activité économique accrue. Il encouragera d’autres investissements. Les Consortiums estiment que 4 600 emplois seront créés sur les chantiers et permettront la formation continue des employés. Grâce au chantier les infrastructures routières devraient être améliorées. Les autorités tchadiennes et camerounaises ont une position semblable. Les attentes étant plus fortes au Tchad, les autorités tchadiennes font valoir que le pays manque de ressources, qu’elles ont pris des précautions dans la gestion des revenus. Elles rejettent les critiques concernant l’instabilité chronique de la région et considèrent au contraire que l’apport économique du pétrole devrait stabiliser la zone qui bénéficiera de 5 % des revenus du pétrole.
La nouvelle étude d’impact publiée par la Banque mondiale n’a pas répondu aux attentes des ONG. Leurs principales critiques portent sur les points suivants : manque d’information et intimidations pendant le processus de consultation, régime juridique des "conventions d’établissement", entraves au travail du groupe d’experts en environnement, menaces sur la biodiversité, lacunes du plan pour les populations autochtones, absence de plan d’intervention en cas de pollution d’hydrocarbures, maigres bénéfices pour l’économie locale et l’emploi dans les régions pétrolières, lacunes majeures du plan de gestion des revenus pour le Tchad et absence totale de plan pour le Cameroun.
Selon les ONG, le projet tel qu’il est conçu actuellement a peu de chances de fournir des bénéfices pour le développement durable alors qu’il comporte des risques majeurs de dommages sociaux et écologiques irréversibles. Les ONG locales comme nombre d’ONG aux Etats-Unis et en Europe considèrent que la situation actuelle au Tchad et au Cameroun requiert que la Banque mondiale fixe un moratoire de deux ans avant toute décision définitive sur le projet. Ce délai supplémentaire serait nécessaire pour achever les préparatifs et pour créer un processus démocratique.
La direction de la Banque mondiale a récemment confirmé son soutien au projet de financement de l’oléoduc Tchad-Cameroun. Le Conseil d’administration pourrait être amené à se prononcer avant la fin de l’année. Le Président de la Banque mondiale, M. James Wolfensohn, s’est prononcé en faveur du projet d’oléoduc en qualifiant d’ "hystérique" l’opposition des ONG. Celles-ci s’étaient manifestées de manière virulente lors de l’Assemblée Générale de la Banque mondiale en septembre dernier.
Pour la Banque mondiale, ce projet doit générer des revenus substantiels d’environ 1,7 milliard de dollars par an pour le Tchad et 500 millions de dollars pour le Cameroun. Ces deux pays peuvent aussi espérer des améliorations notables de leurs infrastructures, des créations d’emplois grâce à la sous-traitance locale, de la formation professionnelle une incitation à de nouvelles recherches pétrolières et des investissements privés.
Utilisés à bon escient, les revenus pourraient largement bénéficier à la population tchadienne en augmentant les dépenses d’éducation, de santé et d’infrastructures. Des programmes de développement régional, au profit des habitants de la région de Doba et au profit des peuples indigènes de la côte atlantique au Cameroun devraient permettre d’accroître leur niveau de vie, d’éducation et santé. La construction d’infrastructures sanitaires et sociales est prévu. Le rôle des ONG locales devrait être renforcé ainsi que leur implication dans le projet par des consultations.
La Banque mondiale estime que les problèmes environnementaux devraient être résolus de façon satisfaisante car le tracé de l’oléoduc minimise les impacts environnementaux sur la population. Selon elle, le Cameroun depuis 1996 a mené avec succès un programme de restructuration économique. Le Tchad tend à se stabiliser, le gouvernement ayant poursuivi une politique de réconciliation nationale. Ses dépenses militaires auraient diminué passant de 12 % en 1993 à 5 % en 1998.
La mission s’est interrogée longuement sur le projet d’oléoduc Tchad-Cameroun. Elle n’ignore pas qu’en Europe du Nord les avis sont partagés et qu’en France, les ONG ne sont pas convaincues par la nouvelle étude et soutiennent une demande de moratoire. La mission ne pourrait être favorable à la réalisation de ce projet avec un financement de la Banque mondiale que si les règles que celle-ci a édictées quant à la gestion de la rente étaient respectées à la lettre par le Tchad et le Cameroun. En tout état de cause, le dialogue doit se poursuivre avec les ONG et les populations locales, dans de meilleures conditions.
Si des atteintes aux droits de l’Homme et à l’environnement en liaison avec l’exploitation pétrolière, voire des détournements des revenus pétroliers se produisaient, la mission juge qu’il appartiendrait alors aux institutions financières internationales, FMI et Banque mondiale, de réagir en bloquant crédits et aides, comme elles ont su le faire récemment pour contraindre l’Indonésie à accepter l’envoi d’une force internationale au Timor oriental.
La France est représentée au FMI et à la Banque mondiale et des instructions précises en ce sens devraient être données à ses administrateurs dans ces deux institutions afin que ce projet ambitieux de lutte contre la pauvreté serve réellement au développement du Tchad et des populations du Sud de ce pays. Pour l’instant celles-ci subissent toutes les contraintes (présence militaire, problèmes environnementaux) de la présence de pétrole sur leur territoire sans en tirer profit.
La mission considère que ce projet constitue un défi. Mais comme tous ses interlocuteurs, y compris ceux qui réclament un moratoire, elle estime que ce pays a besoin de ressources pour se développer et que le projet, grâce aux conditions rigoureuses mises par la Banque mondiale à son financement, est novateur. Par ailleurs le Consortium pétrolier composé d’Exxon-Mobil, de la Shell et d’Elf-Aquitaine manifeste la volonté d’effectuer un travail sérieux conforme aux standards européens. La visibilité de la Banque mondiale et du Consortium sur ce projet est telle que ni l’un ni l’autre ne peuvent se permettre un quelconque droit à l’erreur. Les discussions que la mission a eues avec leurs représentants l’ont montré. Ce projet ne pourra être mené à bien que si des conditions de bonne gouvernance, respect des droits de l’Homme, de normes sociales et environnementales, sont assurées.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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