A) CHANGEMENT CLIMATIQUE ET HYDROCARBURES
Greenpeace s’est montré a priori hostile à tout développement de combustible fossile.
Selon M. Bruno Rebelle, directeur de Greenpeace France : "Greenpeace en prenant en compte les données produites par les experts du groupe intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) considère que un degré était le maximum d’augmentation acceptable de la température mondiale à l’horizon 2100. Il faut réduire les émissions de gaz carbonique, contingenter la quantité de combustible fossile consommée et limiter à 225 milliards de tonnes d’équivalent pétrole, la consommation des combustibles fossiles d’ici la fin du siècle. Ce chiffre représente le quart des ressources actuelles trouvées, soit un dixième des ressources escomptées. Actuellement, il est préférable d’investir massivement dans de nouvelles politiques d’énergie fondées sur l’économie, l’efficacité énergétique et la promotion des énergies renouvelables plutôt que d’investir dans l’exploration pétrolière. Greenpeace combat le principe même des explorations pétrolières aujourd’hui, surtout dans les zones polaires où l’impact des changements climatiques est le plus visible. Actuellement, l’organisation travaille sur les explorations au nord de l’Alaska entreprises par les compagnies américaines et BP et demande aux compagnies pétrolières d’investir sur une redéfinition en profondeur des politiques énergétiques. Shell a d’ailleurs investi plus de 500 millions de dollars dans le solaire photo/voltaïque pour diminuer le coût unitaire des panneaux solaires et en faciliter l’accès, ce qui est plus porteur d’avenir que l’exploration au nord de l’Ecosse à laquelle se livre la Compagnie."
"Les Amis de la Terre" insistent davantage sur le principe de précaution pour prévenir les atteintes à l’environnement. D’après Mme Hélène Ballande, membre des "Amis de la Terre" : "Une procédure d’étude d’impact écologique participe à l’application du principe de précaution et de prévention puisqu’elle vise à prévenir la pollution et les atteintes à l’environnement en évaluant à l’avance les effets d’un projet. Pour ce faire, une des pistes envisageables serait la modification de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature afin d’en étendre l’application à tous les projets financés par un établissement public ou bénéficiant d’une garantie d’une collectivité, d’un établissement public ou de l’Etat français sans limitation territoriale."
Elle a déploré que "les entreprises aient réussi à réduire considérablement la portée de la loi du 10 juillet 1976 en invoquant notamment le coût des études d’impact écologique et leur incompatibilité avec les exigences et contraintes économiques. Cependant, est-il normal que le coût écologique (sur la santé publique et l’environnement par exemple) des installations polluantes soit payé par la collectivité alors que les entreprises retirent le plus grand profit de leur exploitation ? L’autre argument invoqué par les entreprises est relatif à la concurrence internationale. Cependant, les institutions publiques des autres pays industrialisés ont déjà adopté, sous la pression de leur Parlement, des réglementations exigeant des études d’impact écologiques pour les projets réalisés à l’étranger."
Les compagnies pétrolières semblent plus réfractaires à la multiplication des études d’impact dont les coûts sont élevés, qu’au développement d’énergies alternatives et renouvelables.
B) LES COMPAGNIES PETROLIERES, LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET LES ENERGIES ALTERNATIVES ET RENOUVELABLES.
– le respect de l’environnement
Elf est l’une des compagnies qui, à en croire ses dirigeants a, dès 1971, compris l’importance des questions environnementales
Selon M. Philippe Jaffré, président directeur général d’Elf Aquitaine, "dès les années soixante, Elf Aquitaine avait compris que le développement industriel et la protection de l’environnement avaient des destins liés. Elle a dès 1971 mis en place une direction groupe chargée de l’environnement et développé des technologies, des produits et des comportements qui associent efficacité et respect de l’environnement. Elle a anticipé sur le concept de développement durable qui est, aujourd’hui, à la base de toutes les politiques des grands pays. Pendant de nombreuses années, Elf a privilégié les faits, les réalisations plutôt que les professions de foi. Ses efforts ont porté sur l’incorporation de l’environnement dans tous les métiers, dans toutes ses activités."
"La stratégie d’Elf en matière d’environnement se décline suivant cinq axes principaux : le groupe développe des technologies et des produits "propres" comme "l’aquazole". Il gère les produits et les déchets sur toute leur durée de vie. Le groupe tente de promouvoir les économies d’énergie, en améliorant la qualité de carburants, et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Elf est l’un des seuls pétroliers mondiaux à avoir pris, peu avant la conférence de Kyoto, l’engagement public de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 15 % par rapport à 1990 et ceci pour 2010. Le groupe s’efforce de prévenir les risques et de répondre de façon efficace et rapide si, malgré tout, un accident se produisait. C’est ainsi qu’au cours des 25 dernières années, Elf n’a été impliqué dans aucun accident industriel majeur, n’a connu qu’un seul sinistre maritime avec l’accident du pétrolier norvégien. Par exemple Elf applique, dans le golfe de Guinée, les normes de rejets de mer du Nord, bien qu’il n’existe dans cette région du monde aucune réglementation particulière."
M. Philippe Jaffré a abordé la lutte contre l’effet de serre : "L’objectif de réduire de 15 % les émissions susceptibles d’accroître l’effet de serre sera poursuivi essentiellement par des investissements destinés à supprimer le torchage du gaz dans le golfe de Guinée. Le pompage du pétrole dans un gisement libère du gaz. Ce dernier n’a aucune valeur économique s’il est extrait dans une zone éloignée des lieux de consommation. En effet, la construction d’un gazoduc est coûteuse, tout comme les autres techniques de transformation permettant son transport (refroidissement ou transformation chimique) ; dans le golfe de Guinée, le gaz est soit acheminé à une usine de liquéfaction au Nigeria, soit, pour la plus grande part, brûlé. La solution alternative est de réinjecter le gaz dans les gisements, ce qui permettrait qu’il soit exploité par les générations futures. Cette opération est coûteuse, car la réinjection doit être faite à une pression élevée. Elf a pris la décision de ne plus "torcher" le gaz mais de le réinjecter."
Mais il a nuancé ses propos en expliquant qu’ "au niveau mondial, il conviendrait de globaliser les objectifs de réduction des émissions des entreprises dans l’atmosphère et non leur imposer un objectif uniforme de réduction applicable à chaque site d’exploitation. En effet, certains sites sont des émetteurs beaucoup plus importants que d’autres ; l’on peut donc parvenir à des réductions beaucoup plus fortes sur ces sites pour un même investissement. Dans le même esprit, il faudrait encourager le développement des échanges de permis négociés d’émission. Les Etats-Unis ont compris qu’au lieu de réglementer uniformément, il était préférable d’intégrer les contraintes de protection de l’environnement dans le mécanisme du marché. La Commission européenne évolue vers cette conception avec difficulté." Elf a été classé premier par l’Institut allemand Ökom pour ses performances en matière environnementale.
M. Thierry Desmarest, président directeur général de TotalFina s’est aussi déclaré préoccupé par les questions environnementales : "Dans le cadre de la recherche d’une exploitation respectueuse de l’environnement, le Groupe Total contribue à la réduction de l’effet de serre sur les sites où il opère : division par six du ratio quantité de gaz torché sur quantité de gaz produit sur la période 1990-1997 (ratio inférieur à 2 % en 1997). Il contrôle les rejets sur les installations par réinjection ou déshuilage avant rejet des eaux de formation et tente d’obtenir que la teneur en huile des eaux rejetées soit deux fois plus faible que la norme en vigueur. Il traite les déblais de forage par inertage, traitement thermique ou biologique. Total réhabilite les sites par reforestation en zone tropicale, notamment en Birmanie et en Bolivie, par fermeture des bourbiers, par décontamination des nappes phréatiques en utilisant des procédés mécaniques ou biologiques."
Malgré les efforts faits actuellement par certains groupes pétroliers pour protéger l’environnement, la question de son respect se pose toujours avec acuité dans les pays sous-développés. Shell au Nigeria, BP en Colombie, Texaco en Equateur ont porté atteinte à l’environnement dans ces pays sans pour autant y développer l’accès des populations à l’énergie.
La mission s’est demandé si le recours aux énergies alternatives et renouvelables ne constituait pas une solution d’avenir pour les pays sous-développés.
– le recours à des énergies alternatives et à des énergies renouvelables
Déjà, en 1988, un rapport de mission sur la maîtrise de l’énergie, confié par M. Michel Rocard, Premier Ministre à M. Pierre Brana, député de la Gironde, préconisait le recours aux énergies alternatives dans les pays en développement.
"Les études les plus récentes montrent que les énergies renouvelables seront amenées à jouer un très grand rôle au 21ème siècle. Ce qui ressort le plus évidemment des études réalisées, c’est que les formes les plus décentralisées de ces énergies renouvelables (bois, photovoltaïque, microhydraulique, éolien) doivent être prises très sérieusement en considération pour la satisfaction des besoins des zones rurales des pays en développement : parce que cela concerne une énorme masse de population (2,5 à 3 milliards d’habitants en 2020) ; et parce que les solutions centralisées imposent des investissements unitaires et des coûts de fonctionnement (production et réseau) souvent incompatibles avec les conditions locales (faible densité de population, faible consommation annuelle par habitant) et entraînent, la plupart du temps, des gaspillages énergétiques et par conséquent des pollutions atmosphériques inutiles quand les sources sont des combustibles fossiles. Enfin, parce que la recherche systématique de procédés économes en énergie est une des conditions d’émergence des énergies renouvelables au service du développement local.
Le développement des énergies renouvelables (biomasse, solaire, hydraulique, éolien) représentait un enjeu pour les pays du tiers monde. Les réserves d’énergies renouvelables aujourd’hui mobilisables économiquement sont considérables et concernent une part très importante des populations de ces pays (plus de 2 milliards d’habitants).
Le rapport précité relevait que la contrainte énergétique des pays du tiers monde était l’un des freins majeurs au développement. "Faute d’une politique hardie dans ces domaines, les pays en développement construiront leur système à l’exemple des occidentaux, en privilégiant l’offre d’énergie plutôt que la rationalisation de la demande. Incapables à court terme d’accueillir les technologies les plus lourdes de production, ils ne pourront pas bénéficier des outils de production d’énergie les plus avancés dont les pays industrialisés s’équipent et seront alors pénalisés sur les deux tableaux (production et consommation). La France se doit de participer à cet effort d’équipement économe en énergie du tiers monde, lieu d’activités économiques majeures au vingt et unième siècle."
Cette analyse s’est vérifiée et, pour l’instant, les pays en développement ne bénéficient guère de l’apport des énergies renouvelables. Les compagnies pétrolières ont investi dans ces techniques nouvelles, mais restent assez prudentes.
Selon M. Philippe Jaffré, "Elf maintient une veille technologique sur les énergies renouvelables. La difficulté est d’atteindre une masse critique permettant de franchir le seuil de rentabilité. Certaines techniques ont un avenir comme les piles à combustibles. Les recherches sur les énergies solaire et éolienne n’ont pas donné de résultats probants".
D’après M. Thierry Desmarest, "la part des énergies renouvelables 1,8 % (8,1 % si l’on prend en compte l’hydro-électricité), augmentera alors que celle du charbon, 25,8 % et du nucléaire, 5,7 %, diminueront". Il a précisé que les efforts de Total se portaient sur le biocarburant : "le Groupe a lancé d’une part, des productions d’ETBE à partir d’alcool de betteraves, destinées à être incorporé dans les essences et, d’autre part, des productions de diester incorporées dans les gazoles. Ce développement est rendu possible grâce à l’aide de l’Etat à la production de biocarburants par défiscalisation, dans le cadre d’ "opérations pilotes" agréées par l’Union européenne".
M. Michel de Fabiani, président directeur général de BP France, a expliqué que : "BP s’intéresse réellement au solaire, et la baisse du prix du brut, même si elle pose problème, n’a pas ralenti le développement de la compagnie. Le solaire a sa place dans les zones ensoleillées faiblement dotées en infrastructures, ou pour de l’énergie d’appoint. Il pourrait atteindre un jour 10% des ressources énergétiques. En revanche, BP ne souhaite pas investir dans le nucléaire".
Quant à M. Hugues du Rouret, président-directeur général du groupe Shell en France, il a souligné que "Shell s’était engagée dans un programme de recherche important en faveur des énergies renouvelables ; on ne peut que regretter la frilosité de la France qui, à cet égard, contrairement à ce qui se passe en Allemagne ou aux Pays-Bas, refuse de subventionner certaines activités expérimentales."
La mission estime que les compagnies pétrolières ont intérêt à investir dans les énergies alternatives et/ou renouvelables, car elles permettent de lutter contre l’effet de serre. Pour les pays sous-développés, ces énergies constituent un réel espoir. Pour les pays développés aussi, qui doivent et devront mener des politiques énergétiques à la fois plus économes et plus diversifiées.
Au Tchad, Shell a lancé un vaste projet photovoltaïque qui devrait permettre à trois millions de Tchadiens d’avoir accès à l’électricité. 125 villages situés à proximité du bassin pétrolier de Doba et le long du tracé du futur oléoduc pourraient en bénéficier. Ce genre d’initiative doit être encouragé dans les pays en développement ou la pénurie d’énergie frappe les populations. Dans les zones d’habitats dispersés où l’électrification est très coûteuse, quelles que soient les ressources énergétiques du pays, les micro-projets utilisant les énergies alternatives (éolienne, solaire, biomasse) devraient être favorisés.
Si les compagnies pétrolières souhaitent, comme elles le proclament, œuvrer pour le développement durable et lutter efficacement contre l’effet de serre il convient de les inciter à soutenir ce type de projets, quel que soit le cours du pétrole. Elles éviteraient ainsi de faire figure d’accusés dans certains pays producteurs de pétrole, tel le Nigeria, où le manque d’énergie participe au sous-développement et à l’instabilité des régions productrices de pétrole.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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