Général LEBOURG : Monsieur Sur est professeur de droit public à l’Université de Paris II et qui est directeur du Centre de recherches Thucydide spécialiste des relations internationales. Monsieur Sur a enseigné à Alger, notamment, il a enseigné à Caen et il a enseigné à Rennes. Monsieur Sur je vous passe la parole.
Professeur SUR : Merci monsieur le Président.
Je voudrais d’abord dire que je me sens un petit peu comme un intrus dans cette réunion où se retrouvent des intervenants et des auditeurs qui possèdent une très grande expérience de terrain. Pour ce qui me concerne, je n’en ai aucune, de sorte que mon propos risque d’apparaître général et abstrait. J’espère néanmoins que ce que je vais dire pourra être utile à votre débat. J’ai été heureux d’accepter cette invitation, mais j’aurai plus de questions à poser que de solutions à préconiser.
Une observation préliminaire sur l’évolution du rôle des Nations Unies. On a pu avoir pendant quelque temps le sentiment que les Nations Unies allaient se désengager complètement des opérations du maintien de la paix ou de gestion des crises, surtout dès lors qu’elles impliquaient de la coercition. Je me souviens d’avoir participé en 1995 à un colloque qui était tenu à Paris, dans le cadre duquel un haut fonctionnaire de l’Organisation a déclaré : "Nous assistons à l’agonie des opérations du maintien de la paix", ce qui laissait entendre que les Nations Unies ne voulaient plus s’impliquer.
Les choses ont aujourd’hui évolué. On assiste à un certain retour de l’ONU, dont le rapport Brahimi est un signe, mais ce retour est un retour si je puis dire par morceaux, puisqu’il reste que les Nations Unies répugnent visiblement à s’engager dans tout ce qui relève d’une action coercitive. C’est là une des dimensions de la distinction entre les tâches militaires et les tâches civiles. Mais plus profondément, cette répugnance de l’ONU est une répugnance culturelle. Au fond, l’ONU n’est pas faite pour employer la force, même si c’est la logique de la Charte. L’Organisation n’a pas de sympathie pour l’emploi de la force, et l’on constate même qu’elle a des difficultés à nommer "la force". Le mot "force" est très rarement employé par la résolution du Conseil de sécurité. On utilise des périphrases comme si ce terme, le concept même devait être évacué. Cette donnée est très caractéristique dans la résolution qui a suivi la fin de l’action militaire au Kosovo, la résolution 1244. On y trouve trois étages qui comportent une répartition implicite des tâches :
– Un étage politique, celui du G7 qui au fond a adopté les principes de règlement. La déclaration du G7 est au demeurant annexée à la résolution 1244 ;
– Un étage militaire qui est celui de la KFOR, avec la référence à une participa-tion de l’OTAN ;
– Un étage civil qui est celui de la MINUK. C’est là que les Nations unies sont plus directement impliquées. Il faut même le dire avec une certaine prudence. On peut parfois avoir le sentiment que l’ONU bénit plus qu’elle n’agit.
Cela me conduit à répartir les observations qui suivent en deux séries de remarques. La première tourne autour du problème des mandats. Quels sont les mandats qui sont attribués aux forces ? La deuxième série s’attachera au besoin du droit. ce que révèlent les différents problèmes des mandats, c’est un besoin de droit et un besoin de droit qui se déploie sur plusieurs plans, donc dans plusieurs dimensions.
I . Commençons par les mandats. Chacun conviendra car l’observation a été faite depuis au moins une dizaine d’années, qu’il est très important d’avoir des mandats qui soient clairs, qui ne laissent pas part au doute, qui limitent les possibilités d’interprétation et donc les difficultés d’interprétation. Il s’agit en particulier de déterminer qui fait quoi, au nom de qui, et comment. Mais on constate en pratique que cet objectif voire cet impératif de clarté n’est que très rarement respecté. A cela il y a, me semble-t-il quatre séries de raisons :
(a) La première raison réside l’incertitude des bases juridiques à partir desquelles on agit. La plupart des auteurs, en tout cas la plupart de ceux qui réfléchissent sur ces questions, considèrent que les Nations Unies devraient avoir un monopole pour décider ou au minimum autoriser les actions de type coercitif.
Mais nous constatons que ce n’est pas en fait le cas. L’affaire du Kosovo est de ce point de vue tout à fait symbolique, même si l’on s’est efforcé par la suite de résorber la difficulté. J’estime pour ma part qu’il est pleinement compatible avec la Charte et le droit international dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de modifier le droit positif. J’ai développé ce point de vue dans d’autres contextes. En l’occurrence, on a voulu en faire de l’intervention au Kosovo une sorte d’exceptions, on lui a refusé tout caractère exemplaire.
Il n’en demeure pas moins qu’une brèche importante a été introduite dans le prétendu monopole des Nations Unies. Elle n’est pas refermée par la résolution 1244, puisque celle-ci est muette sur l’intervention qui l’a précédée. Au fond, les accords de Dayton avaient déjà commencé à ouvrir la brèche, et pour l’avenir on peut se demander sur quelles bases on pourra éventuellement intervenir en Macédoine, voire au Monténégro. Voilà un premier élément d’incertitude : On ne sait toujours pas très bien d’où provient le mandat, qui attribue le mandat aux forces qui interviennent, et sur quelles considérations juridiques ce mandat repose.
(b) Le deuxième élément de complexité résulte de la diversification des missions. Je voudrais essentiellement traiter à ce sujet ce qui concerne la paix publique.
Certaines missions relèvent de la coercition, c’est-à-dire de l’emploi éventuel de la force armée, en dehors même des hypothèses de légitime défense. On sait que la coercition est une des composantes aujourd’hui nécessaires de toute opération du maintien de la paix, et que la fameuse distinction entre action coercitive et action du maintien de la paix non coercitive n’a plus beaucoup de sens. Si l’on veut qu’elle atteigne ses objectifs, toute opération du maintien de la paix doit comporter cette composante, même de façon préventive ou de façon dissuasive. Cette activité est évidemment pour l’essentiel militaire. On peut y joindre, de façon plus large, la protection de la sécurité, c’est-à-dire la réaction qui se produit des atteintes au cessez le feu. Elle devrait rester préventive, mais peut impliquer aussi l’emploi de la force.
D’autres missions ont une dimension militaire, mais en relation avec les activités civiles. Ainsi, une mission de maintien de la paix publique, qui est plutôt une mission de police, et là se pose le problème, déjà évoqué, de l’articulation entre les forces de police, qui normalement sont civiles, et les forces armées. Il y a plus largement la substitution aux autorités publiques défaillantes. Plus largement encore, il y a la reconstruction des services publics et de l’Etat, toutes ces opérations pouvant impliquer à des degrés divers des forces militaires. N’oublions pas enfin cette dimension, qui n’existe pas dans tous les cas mais qui peut exister, et qui est la coopération avec des tribunaux pénaux internationaux établis par le Conseil de sécurité. La résolution 1244 est au demeurant un exemple d’appel de la KFOR à la coopération avec le TPI institué pour l’ex-Yougoslavie.
(c) Troisième élément de complexité, c’est la démultiplication des intervenants. On peut la décliner sur plusieurs registres.
– Elle implique d’abord la distinction entre militaires et civils. Un élément au moins relativement clair, comme on l’a déjà relevé, est que les Nations Unies souhaitent de moins en moins s’impliquer dans les activités militaires. L’ONU préfère en quelque sorte sous-traiter ces opérations, surtout lorsqu’il s’agit d’actions militaires coercitives. Mais cette distinction n’éclaire pas tout. On sait que les activités de police, notamment, sont à la marge et dans certaines circonstances peuvent être exercées par des forces qui relèvent des autorités militaires, qui ont un statut militaire. On sait en particulier que dans un pays comme la France, la gendarmerie relève du ministère de la défense, et participe ordinairement à des actions de police. Actions civiles et actions militaires peuvent ainsi avoir des frontières incertaines.
– Un autre aspect de cette démultiplication des intervenants se situe ensuite sur le plan proprement militaire. Il est que l’on a affaire à des contingents multinationaux, lesquels posent évidemment des problèmes d’articulation des différentes règles d’engagement. Je ne peux pas pénétrer dans une étude analytique. Elle serait trop longue pour ce cadre ; elle se heurte d’autre part à des difficultés de connaissance. La connaissance de ces règles d’engagement n’est pas toujours aisée, et une certaine confidentialité existe toujours sur ce plan. A tout le moins, ces règles ne font pas l’objet d’un discours public.
– A côté de ces contingents multinationaux armés, il faut tenir compte aussi d’un ensemble d’acteurs civils : Des fonctionnaires internationaux qui émanent d’institutions internationales diverses, les Nations Unies et leurs agences spécialisées mais aussi les organisations régionales, telles que l’OSCE ou l’Union européenne, sans oublier les diverses ONG. Pour les ONG, il est un peu superficiel de les considérer comme un bloc, et elles mériteraient une analyse plus fine. Il conviendrait notamment de distinguer entre celles qui ont l’habitude de travailler avec les organisations internationales, qui en sont les partenaires habituels, qui ont déjà en quelque sorte une culture d’institution internationale, et celles qui sont plus spontanées, qui naissent et se développent sur le terrain.
Démultiplication des intervenants et diversification des missions se rejoignent. L’un des résultats de cette interaction est que leurs relations impliquent un mélange de hiérarchique et de contractuel. Nous y reviendrons tout à l’heure, mais ce double type de relations constitue une des grandes difficultés de la régulation des opérations. La dimension hiérarchique est en principe la plus simple. Mais avec la dimension contractuelle on est en quelque sorte confronté à une négociation permanente. Ces opérations sont un petit peu des créations continues.
(c) C’est la dernière raison sur laquelle je voudrais dire un mot. Ces opérations ont très souvent un caractère existentiel, en ce sens qu’il est très difficile de les limiter dans un cadre strict qui aurait été établi au départ. Elles tendent fréquemment à déborder de ce cadre elles comportent toujours une part de dynamique. C’est vrai pour la Bosnie, c’est vrai pour le Kosovo. Telles qu’elles sont conçues au départ, il devrait s’agir d’opérations transitoires, destinées à durer quelques années et ensuite à prendre fin. Mais on se rend compte sur le terrain que les choses tendent à s’éterniser
Cela ne tient pas, je crois, à la mission elle-même, mais au contexte dans lequel elle se produit. Il ne faut jamais oublier que ces missions se déroulent toujours dans un contexte d’échec. Lorsqu’on intervient, c’est qu’il est déjà trop tard. La véritable action et la plus efficace aurait été préventive. Mais au fond, l’opération apparaît comme une espèce de prothèse qui vient se greffer sur une situation qui est malsaine par définition. Cette prothèse, au surplus, beaucoup sont prêts à s’en accommoder de façon durable. Elle est en elle-même sinon un élément de la guérison, du moins un élément de la stabilité.
On peut au demeurant s’en accommoder pour de bonnes ou de mauvaises raisons, qui sont variables suivant les intéressés. Les politiques, parce que le problème en cause n’est plus une priorité ; dès lors que la tension est retombée ; ils ne sont plus confrontés à une demande d’action immédiate, ils ont d’autres priorités et on n’y pense plus. Et puis après tout, vouloir à toute force régler les choses sur fond pourrait être une manière de réveiller les démons endormis donc quieta non movere ! Les factions sur place peuvent trouver une certaine satisfaction dans un équilibre qui le cas échéant leur est profitable et qu’elles ne souhaitent pas voir détruit. Pour les intervenants les plus directs, pour les militaires par exemple, et je le dis évidemment ici avec un esprit de provocation, le grand problème a toujours été de savoir que faire des militaires en temps de paix : avec ces opérations, on a des terrains d’exercice, des champs de manoeuvre, des champs d’expérience et donc finalement tout le monde y trouve une certaine satisfaction.
Il en est de même pour les organisations internationales qui disposent là de missions pour leurs agents, et encore plus pour les ONG, qui veulent des éléments de légitimité, et comme on le disait tout à l’heure, qui obtiennent ainsi des crédits et une manière d’employer leurs énergies.
II. Dresser même sommairement ce tableau d’ensemble était utile pour essayer de préciser quels étaient les besoins de droit qu’appelaient ces opérations. On peut d’abord en relever quelques caractéristiques générales, puis s’attacher à la double contrainte juridique qui pèse sur les opérations. Elles doivent d’un côté reposer sur le respect de principes universels, et de l’autre s’adapter à des situations par définition particulières.
(a) S’agissant des caractéristiques générales, quelques mots sur deux couples : la légitimité et l’efficacité d’une part, la verticalité et l’horizontalité d’autre part.
– La question de la légitimité se situe essentiellement sur le plan interne, car sur le plan international cette question ne se distingue pas à mon sens de celle de la légalité. Une action extérieure est légitime quand elle est légale. Mais, sur le plan interne, comment et par qui est autorisé le recours à ce type de mission, spécialement lorsqu’elle comporte l’emploi de la force ? Il semble que le rôle des parlements mériterait d’être examiné, et sans doute d’être renforcé. La tendance dans certains pays pourtant démocratiques est de considérer que cette responsabilité relève des autorités exécutives, ce qui conduit à laisser de côté les parlements. La conséquence que je ne puis ici développer, est de substituer au dialogue gouvernement/parlement, dialogue public, régulier et légitime, un dialogue entre administration/ONG, dialogue improvisé, discret et d’une légitimité contestable, puisque les ONG ne sont que des groupes de pression. Il n’est pas certain que ce soit absolument sain du point de vue démocratique. Une autre dimension, à vrai dire associée, est celle de l’efficacité. Il est clair que le rôle du droit est appelé à se développer sur ce plan, ne serait-ce que parce que le contexte des opérations multinationales implique que les règles soient précisément posées et de façon écrite, après avoir été réfléchies. Il faut souligner, sur le plan français, le rôle positif que joue la Direction des affaires juridique du ministère de la défense, rôle fortement accru au cours de ces dernières années et qui répond à de nouveaux besoins.
– Dans le besoin de droit on rencontre à la fois ce besoin de verticalité, c’est-à-dire d’organisation d’une hiérarchie, mais aussi d’horizontalité, c’est-à-dire d’un droit transversal, d’un droit qui tienne compte des différents partenaires et qui permette de les associer dans des missions communes. Ces données générales se retrou-vent dans la mise en oeuvre des principes juridiques autant que dans l’adaptation de la régulation aux situations particulières.
(b) Les opérations doivent être régies par un droit de principes, parce qu’il y a des règles générales qui sont des règles internationales qui doivent s’appliquer dans tous les cas. J’en prendrai quelques exemples.
– Le premier exemple conduit à revenir sur la nécessité de disposer d’un instrument de légalisation internationale de la mission, instrument de légalisation qui est un, comme on l’a dit, un facteur de légitimité. Il ne peut pas y avoir de véritable distinction entre légalité et légitimité. Si la légalité internationale fait défaut, la légitimité est toujours douteuse. De ce point de vue il me semble que les Européens sont d’accord sur le rôle irremplaçable du Conseil de sécurité et qu’ils adhéreront à l’idée que les mandats doivent provenir du Conseil de sécurité. Une autre logique, je l’ai déjà souligné, serait de se fonder sur l’intervention d’humanité. On peut parfaitement soutenir la doctrine sur la base du droit international en vigueur, sans du tout procéder à des réformes, à des changements révolutionnaires de ce droit. L’affaire du Kosovo offrait la possibilité de proclamer, d’affirmer cette doctrine. Je crois que l’occasion n’a pas été saisie et qu’à partir de là on revient à la conception dominante qui est celle du monopole du Conseil de sécurité, mais il me semble que les Européens sont là dessus d’accord.
– Le deuxième exemple, c’est l’obligation de respecter une série de principes qui s’appliquent à tous les conflits armés : l’obligation pour les forces qui interviennent de respecter le droit humanitaire et les droits de l’homme fondamentaux dans la conduite des missions. C’est un principe dont personne ne discutera la pertinence et le caractère impératif mais on peut rencontrer quelques difficultés dans sa mise en oeuvre. L’affaire du Kosovo l’a bien montré, tout au moins dans l’opération de force qui a précédé l’adoption de la résolution 1244.
– Le troisième exemple concerne l’utilité des accords type. Il pourrait être souhaitable d’avoir des accords types entre pays européens, notamment entre ceux qui sont prêts à participer de façon commune à ce genre de missions, accords sur les conditions de constitution, sur les conditions d’emploi et sur les règles d’engagement des contingents des forces multinationales. Ces accords types pourraient s’étendre et devraient même normalement s’étendre aux statuts des forces sur place. Donc, d’un côté des accords concernent les pays européens eux-mêmes, et de l’autre côté, des accords qui concernent les pays européens et les pays d’accueil ou les territoires concernés.
– Le quatrième exemple relève de la même logique. Il serait utile et même souhaitable que la mission dispose disposer d’un code administratif et pénal provisoire, qui pourrait être immédiatement mis en oeuvre pour régler en quelque sorte les problèmes de terrain auxquels les intervenants vont se trouver confrontés, avant de définir avec un peu plus de temps quelles sont les règles de fond qui doivent s’appliquer. Il convient qu’il y ait une sorte de droit provisoire qu’on puisse mettre en oeuvre immédiatement, et qui contribue donc à maintenir l’ordre public.
(c) Les opérations doivent également être gouvernées par un droit de situation, c’est-à-dire un droit qui sache s’adapter au cadre au contexte particulier et à la singularité de chacun des terrains. Au fond, chaque opération est une exception et on doit avoir à faire dans chaque cas un peu à un droit d "exception. Il doit y avoir en quelque sorte un mélange de droit commun et de droit d’exception.
– Je crois que la première exigence, c’est de tenir compte du droit local. On parlait tout à l’heure de néo-colonialisme. Précisément, une des attitudes qui permet d’éviter ce reproche, c’est de ne pas arriver comme une force d’occupation, comme une force conquérante, mais de s’enquérir, de savoir quelles sont les habitudes, quelles sont les coutumes et quels sont les systèmes juridiques des pays en cause, parce que c’est un élément du retour à la paix : ne pas trop heurter les populations. Cela pourrait paraître a priori contradictoire avec l’idée d’un code administratif et pénal provisoire qui, lui, vient de l’extérieur - mais ce code administratif et pénal doit être provisoire. Dès lors que l’on se préoccupe du rétablissement à plus long terme de la paix, il faut faire la place la plus large possible au droit local.
– Il faut tenir compte également, dans le même esprit, des conditions locales du retour à la paix. De ce point de vue, je crois qu’il n’y a pas de règle ou il n’y a pas de formule type. Dans certains cas, il sera important de désarmer les factions, dans d’autre cas il n’y aura pas trop d’inconvénient à les laisser armées, et que les factions conservent un certain niveau d’armement pourra même être un élément de contribution à la paix publique.Dans certains cas encore, il faudra coopérer avec la justice pénale internationale mais cela n’est pas toujours nécessaire. Il y a des situations dans lesquelles il est peut-être préférable de coopérer avec une justice pénale locale, où il n’y a pas de demande de la part de la population d’intervention d’une juridiction pénale internationale. Je pense par exemple à la situation qui est celle du Cambodge : au fond, les Cambodgiens ne sont pas tellement désireux d’aboutir à l’interférence d’une juridiction pénale internationale. Il s’agit bien sûr d’une situation particulière mais, justement, toute situation est particulière. Dans d’autres cas encore, il peut être même plus pertinent d’établir des commissions de réconciliation plutôt que de vouloir utiliser la voie pénale. Donc je crois qu’en la matière, il faut avoir une assez grande flexibilité.
– Troisième et dernier élément de ce droit de situation, c’est qu’il faut pouvoir tenir compte de l’évolution des missions, de la dimension en quelque sorte existentiel-le des missions. Cela peut impliquer de recomposer des services publics, et la coopération des participants aux missions en cause, dans leur dimension civile autant que militaire, peut y contribuer : service de police, service de justice mais aussi à la reconstitution d’un état civil, d’un cadastre, des immatriculations de véhicules, établissement de listes électorales, organisation et contrôle des élec-tions. Et là encore, lorsqu’on accomplit ce genre de tâche, il faut toujours tenir le plus grand compte du droit local et ne pas paraître vouloir imposer aux populations une régulation qui viendrait de l’extérieur, même si les intervenants trouvent qu’elle est techniquement et démocratiquement supérieure. Je crois qu’il faut pouvoir s’adapter au terrain. Voilà, monsieur le Président, quelques observations très générales que je suis en mesure de faire sur le sujet qui m’était proposé.
Source : Forum de doctrine militaire 2001 : Vers une vision européenne d’emploi des forces terrestres, CDES, Ministère de la Défense http://www.cdes.terre.defense.gouv.fr
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