43. La disposition principale de la CAB est son article I (sur un total de 15), qui stipule que :
" Chaque Etat partie à la présente Convention s’engage à ne jamais, et en aucune circonstance, mettre au point, fabriquer, stocker, ni acquérir d’une manière ou d’une autre ni conserver :
– (1) Des agents microbiologiques ou autres agents biologiques, ainsi que des toxines quels qu’en soient l’origine ou le mode de production, de types et en quantités qui ne sont pas destinés à des fins prophylactiques, de protection ou à d’autres fins pacifiques ;
– (2) Des armes, de l’équipement ou des vecteurs destinés à l’emploi de tels agents ou toxines à des fins hostiles ou dans des conflits armés. "
La portée générale de cette clause est en soi l’élément central de la Convention car cet article couvre non seulement les agents existants à l’époque de la signature mais s’applique aussi à toute découverte postérieure, qui surviendrait dans le domaine des armes biologiques. L’actualité de la CAB, dans l’état actuel de la recherche en biologie et biotechnologie, est ainsi préservée, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une révision en profondeur du texte.
44. D’autres dispositions demeurent pertinentes, qui ont été aussi reprises plus tard lors de l’élaboration de la Convention sur les armes chimiques. Il s’agit des articles III, IV, VII et X.
45. L’article III demande aux Etats parties de "ne transférer à qui que ce soit, ni directement ni indirectement, l’un quelconque des agents, toxines, armes, équipements ou vecteurs dont il est question dans l’article 1er de la Convention et à ne pas aider, encourager ou inciter de quelque manière que ce soit un Etat, un groupe d’Etats ou une organisation internationale à fabriquer ou à acquérir de toute autre façon l’un quelconque desdits agents, toxines, armes, équipements ou vecteurs".
46. Cette disposition, dont l’application n’a pas toujours été suivie jusqu’à la dernière décennie du XXe siècle, constitue aujourd’hui un recours important pour combattre la prolifération des armes ou des technologies biologiques qui sont du ressort de la CAB. A l’époque de la signature de la Convention, les armes biologiques étaient presque le monopole des Etats développés, appartenant au monde occidental ou au camp socialiste, avec des exceptions dans certains pays du tiers monde, comme la République populaire de Chine et l’Inde. Dans les années 1980, cette situation a changé, comme l’a prouvé le cas de l’Irak. Les armes biologiques, dont la recherche et la fabrication sont plus faciles à camoufler sous le couvert de la recherche médicale et pharmaceutique, sont une alternative attrayante comparée aux problèmes rencontrés pour l’obtention d’armes nucléaires.
47. L’article IV dispose que " chaque Etat partie à la présente Convention s’engage à prendre, selon les procédures prévues par sa constitution, les mesures nécessaires pour interdire et empêcher la mise au point, la fabrication, le stockage, l’acquisition ou la conservation des agents, des toxines, des armes, de l’équipement et des vecteurs dont il est question dans l’article 1er de la Convention, sur le territoire d’un tel Etat, sous sa juridiction ou sous son contrôle en quelque lieu que ce soit."
48. L’application de cette disposition, qui revient à transcrire dans le droit interne les obligations découlant de la Convention, est un signe politique clair de la volonté d’un Etat de contribuer activement à l’interdiction définitive des armes biologiques. C’est un paramètre permettant de mesurer le respect de la CAB et, en l’absence de régime de vérification et d’inspection extérieures, cette démarche ouvre la voie à la mise en place d’organes de surveillance et de contrôle - gouvernementaux ou indépendants - comportant des pénalités en cas de violation, comme, par exemple, au Royaume-Uni où les personnes reconnues coupables d’avoir enfreint la législation sur les armes biologiques peuvent être condamnées à des peines de prison allant jusqu’à la perpétuité24.
49. L’article VII établit une clause d’assistance par laquelle "chaque Etat partie à la présente Convention s’engage à fournir une assistance, conformément à la Charte des Nations unies, à toute partie à la Convention qui en fait la demande, si le Conseil de sécurité décide que cette partie a été exposée à un danger par suite d’une violation de la Convention, ou à faciliter l’assistance fournie à ladite partie."
50. Heureusement, cette disposition n’a jamais connu d’application concrète, à ce jour, mais son actualité est pertinente car un accident est toujours possible, comme celui qui a eu lieu dans la région de Sverdlovsk25, au mois d’avril 1979, et a causé la mort de 64 personnes et tué du bétail. C’est seulement entre 1992 et 1993 que la cause réelle de ces décès a été révélée par les autorités russes, et confirmée par une commission d’enquête internationale : il s’agissait de la libération accidentelle d’anthrax à l’extérieur d’une installation de recherche et de développement d’armes biologiques. Cet accident avait alors donné lieu à des demandes de consultation bilatérales au titre de l’article V " pour résoudre tout problème qui pourrait éventuellement surgir quant à l’objectif de la Convention ou quant à l’application de ses dispositions. "
51. L’article X, dont une disposition similaire se retrouve dans la Convention sur les armes chimiques, porte sur la nécessité de préserver la coopération et les échanges dans le domaine de la biologie et des biotechnologies à des fins pacifiques et de ne pas entraver le développement économique et technologique des Etats parties.
52. En 1972, très peu d’Etats disposaient d’une réelle capacité de recherche, développement et production effective d’armes biologiques. A partir des années 1980, on a assisté à une croissance de la prolifération de technologies à usage civil et militaire dans tous les domaines, alimentée par les efforts d’armement de certains Etats, au Proche et Moyen-Orient (Irak, Iran, Egypte), en Asie (Corée du Nord et Corée du Sud, Inde, Pakistan, Taiwan) et en Amérique latine (Argentine, Brésil, Chili). L’Afrique du Sud et Israël visent à disposer de capacités nucléaires, biologiques et chimiques effectives.
53. Pour contrer cette tendance, les Etats-Unis et leurs alliés européens et asiatiques mettent en place des structures informelles de contrôle de transfert de technologies : le Groupe des fournisseurs nucléaires (NSG), le Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR), le Groupe d’Australie et l’Accord de Wassenaar26. Ces structures s’occupent des technologies militaires, mais aussi civiles ayant des applications militaires, ce qui est perçu par un certain nombre d’Etats influents parmi les pays en développement27 comme un moyen pour les Etats développés de préserver leur domination technologique et d’empêcher l’émergence d’une concurrence extérieure. Dans le contexte technologique et économique actuel, l’article X peut contribuer à atténuer ces craintes, en favorisant l’échange d’informations et de technologies à des fins pacifiques (et contrôlables), ce qui a un avantage, celui d’accroître la transparence en ce qui concerne l’état de la recherche et les développements au sein de chaque Etat partie dans le domaine de la biologie et des biotechnologies.
NOTES
24 Biological Weapons Act, 8 février 1974.
25 Aujourd’hui, Yekaterinburg, dans l’Oural.
26 L’Accord Wassenaar est le premier accord multilatéral de portée mondiale qui soit consacré au contrôle des exportations d’armes conventionnelles et de biens et technologies " sensibles " et à double usage. Il est entré en vigueur en septembre 1996 ; www.wassenaar.org .
27 Notamment, le Groupe des 21 Etats non alignés de la Conférence du désarment des Nations unies.
Source : Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) http://www.assemblee-ueo.org/
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