Introduction
Le présent rapport sur les événements récents qui se sont produits à Djénine et dans d’autres villes palestiniennes dans le territoire palestinien occupé, établi par l’Autorité palestinienne, a pour but d’aider le Secrétaire général à établir le rapport qui lui est demandé au paragraphe 6 de la résolution ES-10/10 que l’Assemblée générale a adoptée le 7 mai 2002, à la reprise de sa dixième session extraordinaire d’urgence. Ce rapport, notamment la partie principale, examine également les actions israéliennes antérieures au 29 mars 2002 et certaines politiques et pratiques qu’Israël, puissance occupante, applique de longue date, pour permettre de mieux comprendre les événements qui se sont produits récemment dans de nombreux centres de population palestiniens, notamment les villes de Ramallah, Bethléem, Naplouse, Tulkarem, Qalqiliya, Djénine et Al-Khalil. Auparavant, le peuple palestinien avait espéré que l’équipe d’établissement des faits constituée par le Secrétaire général parviendrait, en application de la résolution 1405 (2002) du Conseil de sécurité, à présenter un rapport détaillé sur les événements qui se sont produits dans le camp de réfugiés de Djénine. Malheureusement cela n’a pas été possible, Israël ayant refusé de coopérer avec cette équipe et avec le Secrétaire général et ayant rejeté la résolution du Conseil.
L’Autorité palestinienne a cherché à mener sa propre enquête sur les événements de ces deux derniers mois, à réunir des informations à leur sujet, et à fournir les preuves complètes et fiables nécessaires pour évaluer les atrocités et violations graves du droit international humanitaire qui ont été commises par les forces d’occupation israéliennes. Toutefois, les attaques systématiques et continues lancées par Israël contre les ministères palestiniens et d’autres organes officiels et institutions de l’administration locale, associées à la poursuite du siège militaire, ont sérieusement fait obstacle à l’exercice des fonctions essentielles de l’administration et ont dans la pratique empêché l’Autorité palestinienne de mener à bien une enquête détaillée. En soumettant ce rapport, l’Autorité palestinienne souhaite également appeler l’attention du Secrétaire général de l’ONU sur les constatations présentées dans les documents d’appui ainsi que dans les annexes, y compris la cassette vidéo et les photographies.
L’Autorité palestinienne condamne le refus du Gouvernement israélien, qui est revenu sur sa position, d’appliquer la résolution 1405 (2002) du Conseil de sécurité et de coopérer avec l’équipe d’établissement des faits et avec le Secrétaire général. Ainsi, l’Autorité s’associe à tous les pays du monde qui ont condamné cette position israélienne qui a entravé les efforts visant à établir les faits rapidement et résolument. Ce refus s’inscrit dans la ligne du refus d’Israël d’appliquer les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de s’acquitter des obligations juridiques et responsabilités qui lui incombent aux termes de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949.
Israël, puissance occupante, a systématiquement rejeté l’applicabilité de jure de la quatrième Convention de Genève aux territoires arabes qu’elle occupe depuis 1967, en dépit du consensus international affirmant l’applicabilité de la Convention, y compris dans 26 résolutions du Conseil de sécurité. En outre, Israël a systématiquement ignoré les dispositions de la Convention et les principes du droit international humanitaire concernant la protection de la population civile sous occupation. Le refus d’Israël d’accepter l’applicabilité de la quatrième Convention de Genève au territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem, a empêché le mécanisme interne de la Convention de fonctionner. De plus, les Hautes Parties contractantes n’ont pas adopté les mesures voulues pour garantir le respect, par la puissance occupante, des dispositions de la Convention et de ce fait, elles n’ont pas garanti le respect de la Convention " en toutes circonstances ", conformément au premier article commun aux quatre Conventions de Genève.
En conséquence, au cours des 35 dernières années, la population palestinienne du territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem, s’est trouvée sans protection réelle contre les politiques et mesures d’oppression d’Israël, notamment son recours excessif à la force létale. L’absence de mesures visant à assurer le respect de la Convention a eu pour effet de créer un environnement dans lequel Israël agit avec impunité, au mépris du droit international humanitaire, du droit international et de la volonté de la communauté internationale.
La réunion à Genève, le 15 juillet 1999, de la Conférence des Hautes Parties contractantes sur les mesures visant à garantir le respect de la Convention dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et la reprise de cette conférence, le 5 décembre 2001, a représenté une tentative importante pour redresser cette situation. Les Hautes Parties contractantes qui ont participé à la reprise de la Conférence, le 5 décembre, ont adopté une déclaration extrêmement importante dans laquelle elles affirmaient, entre autres, que " la quatrième Conférence de Genève doit être respectée en toutes circonstances ". La déclaration spécifiait les obligations juridiques des parties au conflit, de la puissance occupante et des États Parties. Un document aussi important devrait servir de base à toute action future visant à assurer le respect de la Convention dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem.
L’Autorité palestinienne soumet le présent rapport avec la conviction que le Secrétaire général de l’ONU établira un rapport qui sera à la fois exact et détaillé. Il est nécessaire que ce rapport contienne des conclusions et recommandations spécifiques à l’intention des États Membres et des organes compétents des Nations Unies. Il est indispensable que la communauté internationale ait connaissance des faits qui se sont produits pour pouvoir prendre les mesures nécessaires afin que les atrocités commises par les forces d’occupation israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem, ne se reproduisent pas. Ceci ouvrirait alors la voie à l’instauration d’une paix réelle dans la région, y compris un règlement final du conflit israélo-palestinien.
Nous espérons que le Secrétaire général aidera également à formuler les mesures nécessaires, y compris les efforts de coopération visant à faire respecter par Israël les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et les principes du droit international humanitaire ; l’établissement de mécanismes permettant d’assurer la protection de la population civile ; et l’appui aux efforts visant à mettre en place les mécanismes juridiquement nécessaires pour déterminer les responsabilités concernant les violations du droit international humanitaire, en particulier les crimes de guerre, y compris les graves violations de la quatrième Convention de Genève.
Les faits et le contexte juridique
" Les Palestiniens doivent être durement frappés, et cela devra leur faire très mal. Nous devons leur infliger des pertes, faire des victimes, de façon qu’ils comprennent le prix élevé qu’ils ont à payer. "
Le Premier Ministre israélien, Ariel Sharon, le 5 mars 2002
Bien comprendre les politiques et les pratiques suivies par Israël, et notamment la violation systématique et délibérée des droits fondamentaux de la population palestinienne tels qu’ils sont définis par le droit international humanitaire et par le droit relatif aux droits de l’homme, suppose que l’on comprenne bien les décisions prises par Israël au cours des deux derniers mois. La situation est celle d’une occupation étrangère.
L’occupation israélienne et les politiques et les pratiques suivies par la puissance occupante ont pour objectif ultime et permanent la colonisation active du territoire palestinien, y compris Jérusalem, par l’implantation d’une structure coloniale, vaste et en expansion constante, qui se manifeste sous la forme d’implantations israéliennes illégales. La puissance occupante, depuis le début de l’occupation en 1967, a ainsi transféré illégalement plus de 400 000 civils israéliens pour les installer dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem. Elle a confisqué les terres palestiniennes, exploité et saccagé les ressources naturelles et créé un cadre d’existence entièrement distinct, notamment par l’adoption d’un système juridique différent, pour mener à bien sa campagne d’implantations illégales ; c’est là le seul vestige du phénomène du colonialisme dans le monde, au début du XXIe siècle.
Cette campagne de création d’implantations israéliennes, qui dure depuis 35 ans, n’aurait pu être exécutée sans le dépouillement par la force, le confinement dans des limites étroites de la population palestinienne autochtone. De plus, pour obtenir la soumission complète de toute la population occupée aux desseins expansionnistes d’Israël dans le territoire palestinien, Israël a systématiquement employé les moyens répressifs les plus divers, notamment l’étranglement socioéconomique, la mise en détention, la déportation, la démolition des maisons, les sanctions collectives, l’utilisation d’une violence mortelle et, tout récemment, l’emploi d’armements lourds habituellement réservés à la guerre.
Au cours des 20 derniers mois, Israël, puissance occupante, a mené une campagne militaire meurtrière contre le peuple palestinien et s’est livré à l’escalade en multipliant les politiques et pratiques illégales, en violant systématiquement les dispositions du droit international humanitaire garantissant la protection de la population civile palestinienne et en violant les accords existant entre les deux parties. Depuis le début de l’Intifada d’Al-Aqsa, le 28 septembre 2000, qui a commencé en réponse à la fâcheuse visite que M. Ariel Sharon a faite à Haram al-Charif, Israël a élargi son utilisation des mesures de " représailles " et de " dissuasion " et a intensifié ses pratiques illégales, notamment en tuant délibérément des civils ; ou en utilisant la force de façon excessive, disproportionnée et aveugle ; en utilisant une violence mortelle contre les manifestants, parmi lesquels figuraient des enfants qui lançaient des pierres ; en imposant un blocus militaire empêchant la circulation des personnes et des marchandises ; en infligeant des punitions collectives ; en visant des ambulances et le personnel médical et en empêchant qu’ils portent secours aux blessés ; et en détruisant des terres arables et en arrachant des arbres. Les forces d’occupation israéliennes ont également bombardé et détruit des établissements publics de l’Autorité palestinienne, notamment des installations de sécurité et des commissariats de police, et même l’aéroport international de Gaza. Ces graves violations du droit international humanitaire ont gravement lésé la population civile palestinienne et causé de graves dégâts à l’infrastructure et aux établissements de l’Autorité palestinienne et de ses institutions.
Le 29 mars, puis pendant toute la période considérée, les forces d’occupation israéliennes ont mené à grande échelle une offensive militaire contre le peuple palestinien, sans précédent par son étendue et son intensité depuis le début de l’occupation israélienne. Les forces d’occupation israéliennes ont envahi et réoccupé la plupart des grosses agglomérations palestiniennes, notamment les villes, les villages et les camps de réfugiés, et pratiquement toutes les zones sous contrôle palestinien en Cisjordanie. Les forces d’occupation israéliennes ont brutalement intensifié leur utilisation aveugle de la force, employant à cet effet des armes lourdes, notamment des chars, des hélicoptères et avions de combat, pour attaquer, et dans certains cas bombarder, des zones palestiniennes densément peuplées. Un grand nombre de Palestiniens, y compris des civils, ont été tués, souvent délibérément. Les forces d’occupation ont également continué à procéder à des exécutions extrajudiciaires, utilisant à cet effet des tireurs d’élite, des hélicoptères de combat et parfois des chars, tuant des individus nommément visés mais aussi d’autres personnes. Dans certains cas, ces exécutions extrajudiciaires ont même été celles de combattants qui s’étaient déjà rendus ou de personnes déjà détenues par Israël.
Si le nombre exact de Palestiniens tués n’est pas encore définitivement établi, étant donné les circonstances et la situation sur le terrain, on dénombre actuellement 375 Palestiniens tués entre le 29 mars et le 7 mai 2002. Des centaines de Palestiniens ont également été blessés, certains subissant des handicaps permanents du fait de blessures graves, indépendamment des traumatismes psychologiques et des troubles mentaux, qui frappent tout particulièrement les enfants.
Les forces d’occupation israéliennes ont imposé des mesures rigoureuses de punition à des centaines de milliers de civils palestiniens, au moyen de couvre-feux prolongés ou par un blocus militaire, souvent pendant des jours entiers. De telles mesures ont entraîné une pénurie critique de denrées de première nécessité, notamment d’aliments et de médicaments, une situation qui a été dramatiquement aggravée par les restrictions et dans de nombreux cas par l’impossibilité complète pour les ambulanciers et les agents humanitaires de se rendre auprès des victimes. Dans plusieurs cas, cela a été jusqu’à l’interdiction de lever les corps et d’enterrer les morts. Les attaques ont également visé certains établissements médicaux, notamment des hôpitaux. De plus, certaines zones ont été déclarées zones militaires fermées et complètement interdites aux journalistes. Les Palestiniens ont également été soumis à de constantes humiliations, à un harcèlement incessant de la part des forces d’occupation israéliennes aux innombrables barrages routiers aménagés dans l’ensemble du territoire palestinien occupé. Souvent, des Palestiniens sont morts faute d’avoir pu atteindre les hôpitaux ou les cliniques et y recevoir des soins médicaux, après avoir été bloqués à ces barrages routiers par les forces d’occupation. Indépendamment de l’augmentation du nombre des barrages routiers, les forces d’occupation israéliennes ont également entravé la liberté de mouvement en creusant des tranchées, en défonçant des routes ou en érigeant des clôtures de barbelés dans de nombreuse localités.
Durant la période considérée, les forces d’occupation israéliennes ont également encerclé des milliers de Palestiniens de sexe masculin et environ 7 000 hommes ont été détenus par Israël, de façon entièrement arbitraire et massive. Un grand nombre de détenus ont subi des sévices et, selon certaines indications, certains auraient été torturés. Les forces d’occupation ont saccagé ou fouillé d’innombrables domiciles palestiniens, humilié et harcelé leurs habitants et, dans de nombreux cas, pillé des habitations. Une pratique plus condamnable encore a consisté à utiliser des civils palestiniens comme boucliers humains en effectuant ces fouilles et en pénétrant militairement dans les villes, les villages et les camps de réfugiés palestiniens.
Les forces d’occupation israéliennes ont également envahi et soumis à un siège militaire rigoureux le quartier général du Président Yasser Arafat à Ramallah tout en menant en permanence une opération militaire qui a mis en danger la sécurité et le bien-être des personnes qui s’y trouvaient, en particulier le Président Arafat. Les forces d’occupation ont également livré un véritable siège militaire de la basilique de la Nativité, construite sur le lieu où est né Jésus-Christ, dans la ville de Bethléem, et ont cherché à capturer plusieurs Palestiniens qui avaient trouvé refuge dans l’église. Le siège a duré plus de cinq semaines ; les forces d’occupation israéliennes ont à plusieurs reprises mis en péril l’église elle-même et ont même causé certaines destructions, notamment dans certains bâtiments annexes de l’église, qui ont été endommagés par le feu. En outre, les forces d’occupation israéliennes ont attaqué plusieurs autres églises et mosquées de plusieurs villes palestiniennes, y faisant divers dégâts.
Durant la même période, les forces d’occupation israéliennes ont également dévasté l’infrastructure palestinienne dans toutes les grandes agglomérations et dans les camps de réfugiés, notamment en détruisant des réseaux d’approvisionnement en électricité et en eau ou en défonçant des routes. On signale ainsi que les forces d’occupation ont détruit ou endommagé environ 4 000 structures, parmi lesquelles des immeubles d’habitation et des établissements publics. Certains des immeubles détruits par les forces d’occupation se trouvaient dans des quartiers historiques, comme la vieille ville de Naplouse, qui a été gravement endommagée. Les forces d’occupation ont détruit des biens appartenant à plusieurs ministères, notamment le Ministère de l’éducation et celui de l’agriculture, en particulier des ordinateurs, du mobilier et des archives. Elles ont également détruit divers équipements, notamment 350 véhicules, dont plusieurs ambulances.
La Banque mondiale chiffre à 361 millions de dollars le montant total des dégâts durant la période considérée, ce chiffre venant s’ajouter aux 305 millions de dollars de destructions causées par les forces d’occupation au cours des 18 mois précédents. Ces estimations, bien entendu, ne comprennent pas la déperdition beaucoup plus substantielle résultant de la perte de revenus qu’a subie l’ensemble de la population et de la destruction de l’économie palestinienne naissante, que la partie palestinienne chiffre à 3 milliards de dollars pendant les 20 derniers mois.
Il faut parler aussi de l’attaque militaire israélienne contre le camp de réfugiés de Djénine, 1 kilomètre carré sur lequel vivent 13 000 réfugiés palestiniens, qui ont été arrachés à leurs foyers et dépouillés de leurs biens en 1948. L’attaque a commencé le 3 avril et s’est poursuivie pendant 10 jours. Les forces d’occupation israéliennes ont utilisé des hélicoptères de combat pour lancer des missiles TOW contre cette zone à forte densité de population. Les forces d’occupation ont également utilisé des canons antiaériens capables de tirer 3 000 balles à la minute. Elles ont déployé par dizaines des chars et des véhicules blindés équipés de mitrailleuses et ont posté des tireurs d’élite. Les forces d’occupation ont également utilisé des bouteurs pour raser des maisons et pour ouvrir de larges allées dans le camp, abattant brutalement des pâtés de maisons, alors même que, souvent, leurs habitants s’y trouvaient encore. Les forces d’occupation ont abondamment utilisé des civils, dans le camp, comme boucliers humains pour poursuivre leurs opérations militaires.
La plus grande partie du camp de réfugiés a ainsi été détruite et la plupart de ses habitants ont été déplacés pour la deuxième fois de leur existence. Un grand nombre de combattants palestiniens ont résisté à l’assaut israélien alors qu’ils n’étaient armés que de fusils, et, selon certaines indications, d’explosifs de fabrication artisanale. Les forces d’occupation israéliennes avaient une connaissance complète et détaillée de ce qui se passait dans le camp en utilisant des drones et des caméras fixées sur des ballons, qui permettaient au commandement de surveiller et de maîtriser intégralement la situation, de sorte qu’aucune des atrocités commises ne peut être qualifiée de non délibérée.
Même après la fin des opérations militaires israéliennes dans le camp de Djénine, les forces d’occupation ont pendant plus de 11 jours continué d’empêcher les organisations humanitaires internationales, dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l’UNRWA, d’entrer dans le camp pour soigner les blessés et apporter des secours d’urgence, sous forme de médicaments et de denrées alimentaires, aux enfants, aux femmes et aux personnes âgées. Tous ces facteurs ont causé la mort de nombreux Palestiniens, y compris de gens qui se sont trouvés ensevelis sous les décombres de maisons rasées. Certains sont encore portés disparus, beaucoup ont été blessés et sont traumatisés. Le moins qu’on puisse dire est que l’ensemble de la population du camp de réfugiés de Djénine a horriblement souffert pendant et après cette attaque militaire israélienne.
De nombreuses sources crédibles ont fait état d’atrocités commises dans le camp et de l’existence d’éléments semblant prouver que des crimes de guerre ont été commis. En outre, il est probable qu’un massacre et des crimes contre l’humanité aient été commis dans le camp de réfugiés de Djénine, probabilité que viennent renforcer les déclarations faites à un certain moment par les forces d’occupation à propos de centaines de Palestiniens en train d’être tués dans le camp, et les tentatives qu’elles auraient faites pour déplacer des corps qui se trouvaient dans le camp vers ce qu’elles ont appelé les cimetières de l’ennemi.
La vaste offensive militaire israélienne s’est poursuivie au mépris de la résolution 1402 (2002) du Conseil de sécurité, en date du 30 mars 2002, et même de la résolution 1403 (2002) du Conseil, en date du 4 avril 2002, qui exigeait l’application sans délai de la résolution 1402 (2002). Les forces d’occupation israéliennes ne se sont retirées de la dernière ville palestinienne que six semaines après le début de l’attaque et, même alors, les villes sont restées sous blocus absolu et la réoccupation de grandes parties des zones environnantes s’est poursuivie, sous la forme d’une importante présence militaire. Depuis lors, les forces d’occupation israéliennes ont à plusieurs reprises lancé des offensives contre ces villes, dont elles ont réoccupé certaines parties, parfois pendant plusieurs jours, tuant, enlevant, détruisant et agissant de manière à effacer les lignes de démarcation des zones se trouvant, en vertu d’accords en vigueur, sous contrôle palestinien.
Il est clair que ces atrocités commises par les Israéliens pendant la période considérée avaient pour but d’entraîner l’effondrement socioéconomique de la société palestinienne. Elles visaient à détruire non seulement le présent, mais aussi l’avenir du peuple palestinien, et notamment à venir à bout de l’Autorité palestinienne. Les tentatives que fait actuellement Israël pour perpétuer la situation résultant de l’offensive militaire en créant plusieurs zones isolées et en réinstaurant l’administration civile du Gouvernement militaire israélien sont autant de preuves supplémentaires. En fait, l’objectif politique d’Israël est, de toute évidence, d’en revenir à la situation d’avant Oslo, à la différence près que les conditions de vie des Palestiniens se sont considérablement détériorées.
En résumé, il ne fait aucun doute que les forces d’occupation israéliennes ont commis de graves violations du droit humanitaire international. Il ne fait aucun doute non plus qu’Israël, la puissance occupante, s’est rendue coupable de crimes de guerre, et notamment de graves violations de la quatrième Convention de Genève, dans plusieurs villes palestiniennes, notamment dans le camp de réfugiés de Djénine. Parmi ces crimes de guerre figurent des " homicides volontaires ", des " traitements inhumains ", la " détention illégale de personnes protégées " et la " destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire " ; s’y ajoutent d’innombrables autres violations graves, telles que définies dans le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève. Les faits sont clairs et attestés. Il reste à présent à évaluer précisément l’étendue des atrocités.
Il est impératif de souligner la responsabilité individuelle des auteurs des crimes de guerre susmentionnés, tant au niveau politique, à savoir de ceux qui ont éventuellement donné des ordres, qu’au niveau militaire, c’est-à-dire des commandants et des soldats des unités militaires qui ont commis les atrocités. À cet égard, la responsabilité individuelle du général Shaul Mofaz, chef d’état-major de l’armée israélienne, est très claire. La responsabilité de chacune des Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève, encourue par elle-même ou par une autre, en raison d’infractions graves à la Convention conformément à l’article 148, doit elle aussi être soulignée.
En outre, bien des actes susmentionnés relèvent du terrorisme d’État, dans la mesure où ils visent à faire du tort à une population et à la terroriser en vue d’atteindre des objectifs politiques et, en l’occurrence, à contraindre l’ensemble de la population à se soumettre. Il convient également de mentionner les actes de terrorisme commis à l’encontre de civils palestiniens par les nombreux colons illégalement installés, extrémistes et armés.
Au cours des deux derniers mois, et des 18 mois précédents, Israël, la puissance occupante, a tenté de justifier ses actes en invoquant une lutte contre des " terroristes " visant à détruire " l’infrastructure terroriste ". Il est à souligner qu’aucun argument et aucun raisonnement ne peuvent justifier des violations graves du droit humanitaire international. En outre, la nature des mesures prises, l’ampleur du préjudice causé à la population et les résultats concrets indiquent clairement des buts politiques tout à fait différents, tels qu’ils ont été décrits plus haut. À cet égard, les forces d’occupation israéliennes s’en prennent systématiquement à la police et aux forces de sécurité palestiniennes, plutôt qu’à des " terroristes ", et s’efforcent continuellement de détruire l’Autorité palestinienne, qu’elles ont désignée comme " l’ennemi " au lieu des groupes hostiles au processus de paix au Moyen-Orient.
Il ne faut en aucun cas permettre à Israël, la puissance occupante, de dissimuler ou de transformer le fait qu’elle se trouve sur le territoire palestinien, y compris Jérusalem, en tant que puissance d’occupation et que c’est cette occupation qui est à l’origine de tous les problèmes, et notamment de la frustration, du désespoir et de la désolation auxquels les attentats-suicide sont en grande partie attribuables.
À cet égard, l’Autorité palestinienne a pris très clairement position contre les attentats-suicide dirigés contre les civils des villes israéliennes, et les a condamnés à de nombreuses reprises. Toutefois, la présence des forces d’occupation israéliennes sur le territoire palestinien occupé et les réactions des Palestiniens à leur présence et à leur conduite est une tout autre affaire. Le peuple palestinien a le droit de résister à l’occupation et même le devoir de se défendre et de résister aux attaques militaires israéliennes, le droit humanitaire international demeurant pleinement applicable. La politique de l’Autorité palestinienne reste de rechercher un règlement pacifique pour mettre fin à l’occupation israélienne, établir un État palestinien et faire régner la paix dans la région. Mais cela ne change pas la nature juridique de l’occupation ou des actions palestiniennes sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem. En fin de compte, c’est l’espoir qui permettra de surmonter la frustration actuelle et ce sont les progrès politiques, non les interventions militaires, qui donneront naissance à une culture de la paix fondée sur un règlement passant par l’existence de deux États.
À l’heure de la soumission du présent rapport, Israël, puissance occupante, persiste dans la poursuite de ses objectifs politiques illégaux ainsi que des politiques et pratiques illégales concomitantes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem. Ainsi, le peuple palestinien sous occupation continue de subir de la part d’Israël violations des droits de l’homme, crimes de guerre, terrorisme d’État et terrorisme des colons. La puissance occupante poursuit ses agissements avec intransigeance et dans l’impunité, se moquant du droit international humanitaire et du droit international, au mépris des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de la volonté de la communauté internationale.
Conclusions et recommandations
La mentalité d’impunité existant aussi bien dans les milieux politiques que dans les milieux militaires israéliens préoccupe vivement l’Autorité palestinienne, à cause des incidences humanitaires qu’ont quotidiennement les pratiques israéliennes illégales incessantes frappant la population palestinienne dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem. Comme on l’a relevé, cette dangereuse mentalité d’impunité tient au fait que la communauté internationale n’a jamais su amener Israël à respecter le droit international. De surcroît, étant donné que les États n’ont rien fait pour assurer la protection de la population palestinienne occupée, la charge de la protection revient au peuple palestinien lui-même, ce qui va gravement à l’encontre du but même, voire de l’intégrité du droit international humanitaire.
Le fait de ne pas garantir le respect par Israël de la quatrième Convention de Genève a eu et continue d’avoir des conséquences et des répercussions profondes et dommageables. Les violations commises par Israël et les graves infractions à la Convention ont non seulement infligé de graves souffrances à la population civile palestinienne mais aussi ont eu pour effet de réduire la sécurité aussi bien des civils israéliens que des civils palestiniens. L’échec à assurer le respect de ses obligations par Israël a aussi fait directement obstacle à la capacité du Gouvernement israélien et de l’Organisation de libération de la Palestine de parvenir à une paix juste, globale et durable.
Compte tenu de tout ce qui précède, l’Autorité palestinienne souhaite formuler les recommandations suivantes :
o L’Autorité palestinienne demande aux Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, à la Suisse, dépositaire de la Convention, et au Comité international de la Croix-Rouge d’assurer l’application de la Convention conformément à l’article premier commun aux quatre Conventions. À ce propos, l’Autorité palestinienne les engage expressément, individuellement et collectivement :
– À redoubler d’efforts pour adopter sans réserve et appliquer la Déclaration du 5 décembre 2001 et à prendre des mesures supplémentaires sur la base de cette déclaration ;
– À examiner ensemble et utiliser leurs instruments et mécanismes de politique étrangère (exemples : appliquer l’article 2 de la clause relative aux droits de l’homme de l’Accord d’association Communauté européenne/Israël ; garantir l’application de l’accord commercial en ce qui concerne les règles d’origine ; veiller à ce que le matériel militaire vendu à Israël ne soit pas utilisé contre la population palestinienne) ;
– À envisager des mécanismes propres à permettre aux victimes palestiniennes des violations du droit humanitaire international par Israël d’être dédommagées au titre de l’allégement de leurs souffrances ;
– À coordonner leur action concertée de façon à contrecarrer les tentatives de certains États d’empêcher l’application du droit humanitaire international.
o L’Autorité palestinienne engage le Secrétaire général de l’ONU à encourager les Hautes Parties contractantes à prendre les mesures susmentionnées et à encourager des mesures visant à éviter que la protection de la population civile sous occupation de guerre fasse l’objet de négociations entre la puissance occupante et la population occupée.
o L’Autorité palestinienne demande au Conseil de sécurité de l’ONU de s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en vertu de la Charte des Nations Unies pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationale, et lui demande en conséquence de s’employer activement à assurer le respect de ses résolutions.
o L’Autorité palestinienne demande à l’Assemblée générale de poursuivre son action extrêmement utile en faisant prévaloir le droit international et en appuyant l’exercice des droits du peuple palestinien. Elle demande expressément à l’Assemblée de poursuivre, en cas d’inaction du Conseil de sécurité, l’oeuvre inestimable de la dixième session extraordinaire d’urgence, conformément à la résolution 377 (V) de 1950 " l’Union pour le maintien de la paix ".
o L’Autorité palestinienne demande à l’Organisation des Nations Unies et au Secrétaire général de mettre en place une présence internationale afin de suivre l’application du droit international humanitaire, de contribuer à assurer la protection des civils palestiniens et d’aider les parties à appliquer les accords conclus. À ce propos, l’Autorité palestinienne demande qu’il soit donné sérieusement suite à la proposition du Secrétaire général relative à la création d’une force multinationale efficace et crédible en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
o L’Autorité palestinienne demande que les États s’emploient, au niveau national, à instruire et poursuivre les graves violations de la quatrième Convention de Genève.
o L’Autorité palestinienne demande la création d’un tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées de crimes de guerre commis dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem. Il demande que ce tribunal soit créé par le Conseil de sécurité ou, à défaut, par l’Assemblée générale.
Source : Organisation des Nations Unies : http://www.un.org
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