La plupart des armements modernes nécessitent un remplacement aux alentours de trente ans de service. Or, une grande partie des équipements des armées a dépassé la moitié de sa vie opérationnelle. Avec de vieux appareils, la maintenance obéit à la loi des rendements décroissants : l’entretien réclame davantage de crédits, car les réparations sont plus lourdes, sans pour autant que l’amélioration de la disponibilité soit plus sensible, car le risque de panne est plus élevé. Par conséquent, faute de renouvellement, les dépenses d’entretien croissent, jusqu’au moment, de plus en plus fréquent, où il devient plus rationnel d’un strict point de vue budgétaire de désarmer certains équipements anciens, afin de les employer comme réserves de rechanges qui ne sont plus produites. La situation de la marine et de l’armée de terre est sensiblement plus dégradée que celle de l’armée de l’air, même si ponctuellement cette dernière connaît de réelles difficultés.
· Pour ce qui concerne les bâtiments de la flotte de combat, à l’exception d’un nombre restreint d’unités (le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle et les cinq frégates de classe La Fayette), la grande majorité des bâtiments devra être renouvelée dans les quinze ans qui viennent. Certaines unités de la flotte de surface (porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, frégate lance-missiles Duquesne, transports de chalands de débarquement Orage et Ouragan, sans oublier les bâtiments de soutien mobile) ont dépassé les trente années de service. La flotte de sous-marins est plus récente.
L’âge avancé des bâtiments de surface n’est pas sans incidence sur le coût global de leur MCO : le désarmement anticipé, en 2001, de la frégate lance-missiles Suffren en offre une bonne illustration, puisqu’il a été décidé afin de maintenir en activité à moindre frais son sister-ship, le Duquesne. Cet exemple résume à lui seul l’alternative devant laquelle se trouvent désormais les armées : consacrer une part de plus en plus importante de leurs crédits d’investissement à l’entretien de matériels en fin de vie ou sacrifier certaines capacités à court terme, afin de poursuivre les programmes en cours.
· Le cas de l’armée de terre n’est pas différent. L’âge du parc de ses hélicoptères, notamment les hélicoptères de man_uvre Puma, conjugué à une utilisation très intensive des exemplaires opérationnels, qui contribue à accélérer le phénomène de vieillissement, est l’une des causes de leur insuffisante disponibilité. Dans le domaine des matériels roulants, la moyenne d’âge des parcs les plus anciens, c’est-à-dire notamment les véhicules légers blindés AMX 10 P, les blindés à roues AMX 10 RC, et même les moyens de transports de troupe (VAB) se situe entre 16 et 23 ans. Ce vieillissement des matériels a évidemment des effets importants puisque les pannes sont souvent imprévisibles et désorganisent une chaîne de maintenance prévue pour fonctionner en flux tendus.
Au demeurant, le maintien d’une chaîne de maintenance industrielle sur le long terme va parfois à l’encontre des intérêts et de la rentabilité des constructeurs. Au-delà d’un certain seuil de vieillissement, il existe donc un réel risque de disparition des capacités d’entretien, sauf à concéder à celui-ci un niveau de crédits sans rapport avec les possibilités de l’armée de terre.
· Ce sont finalement les appareils de l’armée de l’air qui, globalement, apparaissent les moins anciens. La moyenne d’âge des avions de combat est de quatorze ans en 2002. Même si certains appareils plus anciens (Mirage F1, Jaguar) sont toujours en service, dans l’ensemble, les avions de chasse, d’attaque au sol et de défense aérienne sont assez récents. Néanmoins, le vieillissement moyen de l’ensemble de la flotte s’accroît, au rythme actuel, à raison d’une année tous les quatre ans. En revanche, la situation de la flotte de transport est plus contrastée : la moyenne d’âge de plus de la moitié des appareils (les C 160 Transall de la première série) a dépassé les trente années de service. Une grande partie des C 160 Transall, dont les 46 premiers exemplaires sont entrés en service entre 1967 et 1973, ne pourra même pas permettre d’attendre les livraisons d’A 400 M, qui devraient commencer à partir de 2009, soit au mieux quatre ans après le retrait des C 160 usés (ceux de la première génération).
De fait, pour l’armée de l’air aussi, le vieillissement des équipements implique souvent l’augmentation des dépenses de maintenance. A titre de comparaison, la société Air France Industries, qui assure l’entretien des deux DC 8 et des trois A 310 de l’armée de l’air, facture ses prestations à respectivement 33 millions d’euros par an en faveur des premiers et 14,4 millions d’euros par an pour les autres, soit une enveloppe par appareil ancien quatre fois supérieure à celle de chaque appareil récent.
En définitive, il apparaît très clairement que le lissage de la charge de l’entretien va de pair avec la modernisation des armements.
Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr
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